SOMMAIRE
I – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS : VUE
GÉNÉRALE
II – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS : VUES
SPÉCIALES
III – LOYAUTÉ EN DROIT DU PROCÈS ET LOYAUTÉ EN DROIT DE LA
CONCURRENCE
IV – VARIATION SUR LE MENSONGE ET LA DÉLOYAUTÉ : DE LA VIE
POLITIQUE A LA VIE JUDICIAIRE EN PASSANT PAR LA VIE ACADÉMIQUE
I – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS :
VUE GÉNÉRALE
Vers
de nouveaux principes directeurs communs à toutes les procédures :
les principes structurants d’une démocratie procédurale
janvier 2017
Un
triple mouvement vers une démocratie procédurale : loyauté, dialogue et
célérité
♢ a) Trois principes structurent le droit du
procès, l’ensemble des contentieux. Si, en partant des grandes évolutions
de notre société, des attentes nouvelles des justiciables, on recherche un
dénominateur commun à tous les contentieux, dans une perspective prospective,
quels sont les principes directeurs susceptibles de se dégager en ce début de
siècle ? Avec le risque de minimiser certaines évolutions, nous avons
avancé l’idée, dès 1999, que trois principes structurants se profilent derrière
les principes directeurs actuellement retenus dans chaque type de contentieux,
principes qui correspondent à des besoins nouveaux, telles que les expriment
les justiciables et les citoyens : un besoin de confiance dans
l’institution Justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant)
de loyauté, notamment dans la
recherche de la preuve ; un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des
parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre
celles-ci et le juge ; un besoin de proximité, mais pas forcément dans
l’espace, le temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité
géographique, d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité, de proximité temporelle (que l’on trouvait déjà dans les
principes énoncés, pour la procédure pénale, par la commission justice pénale
et droits de l’homme) [1]. Ce
sont les principes directeurs de demain qui ont vocation à irriguer tous les
contentieux, ainsi du procès constitutionnel [2]. Ils transcendent la procédure
civile pour confiner à l’élaboration d’un nouveau droit processuel, principes
qui forment l’ossature d’une justice de meilleure qualité [3]. Ce
sont des principes émergents [4], ce qui
signifie clairement qu’ils sont encore contestés par certains auteurs qui, au
mieux n’en voient pas l’utilité et, au pire, n’en décèlent pas l’existence
(dans l’un et l’autre cas, ce sont souvent les mêmes qui s’opposent à la
reconnaissance d’un principe de loyauté ; la jurisprudence les consacre
peu à peu. On retrouve ces trois principes en filigrane du protocole passé le
29 septembre 2003 entre le TGI de Paris et l’Ordre des avocats de Paris pour
améliorer le fonctionnement des chambres civiles quant à la mise en état :
dialogue entre le juge et les parties/avocats, loyauté dans les comportements
processuels, célérité dans le déroulement de la mise en état. Surtout, en
matière d’arbitrage, le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 qui
refond entièrement cette procédure, introduit dans l’article 1464, al. 3 C. pr.
civ., les principes que « les
parties et les arbitres agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de
la procédure ». Avec le principe du dialogue contenu dans le respect
de la contradiction (art. 1464, al. 2), on peut dire et souligner que les trois
principes directeurs du nouveau droit de l’arbitrage correspondent exactement à
ce que nous préconisons et écrivons en matière de principes structurant les
procès[5]. Même
réflexion pour l’ensemble de la procédure civile dans le rapport Delmas-Goyon remis en décembre 2013
sur Les juges du xixe siècle, qui propose d’inscrire le
principe de loyauté dans le code de procédure civile[6], insiste sur la promotion de
structures de dialogue (conciliation, médiation, etc.) et vise à favoriser la
célérité de jugement. Ces évolutions récentes rendent par là même anachroniques
et archéologiques les résistances doctrinales à cette émergence : une
vision à long terme du droit du procès clive la doctrine en deux camps, d’un
côté ceux qui, très attachés au légalisme procédural, se contentent de
commenter la technique procédurale existante (souvent fort bien), de l’autre,
ceux qui regardent au-delà de cet horizon et qui s’efforcent d’anticiper les
évolutions à venir pour les instiller dans les esprits et les pratiques ;
ce sont souvent les mêmes qui n’ayant pas vu venir ce que nous avons appelé dès
les premières éditions de ce précis « le
droit commun et le droit comparé du procès équitable », n’ayant pas
compris le sens des expressions « droit
processuel horizontal/droit processuel vertical », nient l’existence
de ces principes structurants.
b) Ces principes
structurants traduisent l’avènement d’une démocratie procédurale[7], ou, en
termes plus politiques, participative [8] et qu’il faut « inscrire
en lettres d’or aux frontons des palais de justice » [9]. Peu
étudiés en doctrine, ils s’infiltrent néanmoins dans l’esprit des praticiens,
que ce soit dans les discours de rentrée [10], ou dans les protocoles de
fonctionnement des juridictions [11], dans celui des rédacteurs
de rapports [12].
Ainsi, cette intuition de 1999 a été consacrée en juin 2004 par un rapport
remis au garde des Sceaux sur la célérité et la qualité de la justice, puisque
les auteurs de ce rapport préconisent la reconnaissance officielle du principe
de loyauté « qui devrait figurer explicitement au nombre des principes
directeurs du procès pour mieux asseoir sa nécessité et servir de référent pour
toutes les procédures et devant tous les juges. Il impose également des
réformes plus techniques qui visent toutes les phases de la procédure, notamment
celles de première instance » [13]. Éclatante illustration de
l’influence de la doctrine sur l’évolution des pratiques procédurales, au-delà
de la pure technique juridique[14]. Les
deux concepts de démocratie procédurale que nous défendons depuis 1999 et de
légitimité démocratique (laquelle se trouve développée dans un ouvrage de
Pierre Rosanvallon édité en 2008[15]), ne
sont pas absents des préoccupations de la Cour EDH qui aidé à construire le
concept de démocratie procédurale [16], puisque les exigences d’une
société démocratique font aussi partie du contexte pertinent de la Convention
EDH, au sens de l’article 31 de la Convention de Vienne, car il « la domine toute entière » [17] et
parce que, selon le Préambule de la Convention, le maintien des libertés fondamentales
« repose essentiellement sur un
régime politique véritablement démocratique » [18]. Il faut donc préserver et
promouvoir « un juste équilibre
entre la défense des institutions de la démocratie dans l’intérêt commun et la
sauvegarde des droits individuels » [19]. Appliquée au droit
processuel, cette exigence a conduit la Cour EDH a déclaré que « dans une
société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe
une place si éminente qu’on ne saurait le sacrifier à l’opportunité » [20] et que
l’exigence d’un procès équitable et public (art. 6, § 1) « compte parmi les principes
fondamentaux de toute société démocratique » [21].
c) La démocratie se
fonde ainsi sur la procéduralisation du droit [22] et la boucle est
bouclée : la démocratie est procédurale et sa légitimité au sens de
Rosanvallon s’enracine dans la procédure suivie plus que dans le résultat
obtenu. La finalité universelle de recherche de l’effectivité du droit à un
procès équitable dans toutes ses composantes, à la fois droit processuel par
l’affirmation du principe et droit procédural par ses modalités de mise en
œuvre au niveau national, c’est, au final, ce que nous appelons, depuis 1999,
l’avènement d’une démocratie procédurale) et, dans un autre domaine, ce que
Pierre Rosanvallon appelle la « légitimité démocratique ».
A. La confiance et le respect de
l’Autre
par le principe de loyauté
par le principe de loyauté
Un principe consacré en droit européen,
dans les règles transnationales de procédure et par la Cour de cassation belge
a) Le principe de « bonne foi »
est visé dans l’un des arrêts fondateurs du droit européen, l’arrêt Golder
du 21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation de la Cour EDH
d’un droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne foi »,
qui n’est qu’une forme de loyauté (§ 34). D’autres arrêts de la Cour EDH
consacrent le principe de loyauté : ainsi, celui du 26 septembre 1996 qui
rejette, en l’espèce, l’argument de déloyauté, mais le retient en son
principe [23]. Ou
encore, celui du 5 octobre 2000, qui relève « qu’il est inacceptable
qu’une partie remette des observations à l’autre, sans possibilité pour cette
dernière d’y répondre » [24]. La
cour EDH sanctionne de plus en plus souvent la déloyauté procédurale[25],
notamment en droit de la preuve.
b) Le Conseil de l’Europe a
expressément visé le principe de loyauté dans sa Recommandation no (95)
5 du 7 février 1995 : « il s’agit de conférer au principe de
loyauté et à celui de coopération entre les différents acteurs du procès une
place centrale au sein du processus judiciaire ».
c) Ce n’est sans doute pas un
hasard si le projet de règles transnationales de procédure civile prévoit que
la partie qui a agi de mauvaise foi pendant le procès (ce qui ne se confond pas
avec l’abus du droit d’agir), peut être condamnée au paiement d’une amende.
d) En droit belge, outre la doctrine
[26],
la Cour de cassation a jugé le 27 novembre 2014 « qu’en vertu du principe de loyauté qui s’impose aux parties dans
le déroulement d’une procédure civile, une partie qui change de domicile ou de
résidence au cours d’une procédure est tenue d’en informer les autres parties à
la cause » d’où le rejet de son pourvoi pour déloyauté)[27].
La droiture et la probité entrent ainsi au Panthéon de la justice civile, pour
écarter l’application de règles de procédure.
Un
principe essentiel à la qualité de la justice rendue, bien que contesté par une
partie de la doctrine
Notion
large sans doute (ce qui ne veut pas dire floue), protéiforme, mais dont on
ressent bien la nécessité à lire ceux qui pratiquent la justice au quotidien ou
qui réfléchissent à introduire davantage d’équilibre entre les parties en
sanctionnant les comportements procéduraux déloyaux [28].
a) Si ce principe n’apparaît pas en
tant que tel, pour l’instant du moins, dans les principes directeurs qui
figurent en tête du Code de procédure civile, il est parfois expressément
exprimé (EN droit de la preuve en
matière civile et article 763, al. 3 pour l’arbitrage) et il
sous-tend nombre de dispositions. Comme le soulignait J. Carbonnier, un
principe peut être « latent sous des
textes fragmentaires »[29]
et, selon Cornu et Foyer, « certains
principes non expressément énoncés sont nécessairement impliqués par l’ensemble
des dispositions : ainsi le
principe de loyauté, partout sous-jacent (dans la contradiction, les
devoirs de la défense, l’obligation de concourir à la manifestation de la
vérité) » [30].
Motulsky lui-même mettait à la charge des parties « une obligation d’observer un minimum de loyauté » [31]. Et,
surtout, le rapport Delmas-Goyon
sur Les juges du xxie siècle
propose de l’inscrire dans l’article 15 du code de procédure civile, comme
principe directeur du procès civil (proposition n° 28), suivant en cela le
vœu d’une certaine doctrine[32], même si cette dernière en dénonce parfois l’utilisation douteuse qui
peut en être faite[33].
b) Pour
autant, une autre partie de la doctrine en conteste :
- soit l’existence
en tant que principe directeur du procès [34], tout en faisant observer
que les exigences de loyauté sont distillées dans le Code, ce qui traduit, pour
le moins, une certaine contradiction ; en outre, est-il besoin de
proclamer solennellement un principe au fronton d’un code pour qu’il
existe ? Outre les opinions de Jean Carbonnier, de Cornu et Foyer et de
Motulsky déjà citées dans ce numéro, on ajoutera que nul ne conteste
l’existence de la cause du litige, bien que le mot même ne figure point dans le
code ; qu’à l’instar de la nature qui fait émerger une partie seulement
des icebergs, il est fréquent que le législateur soit sibyllin, ainsi de
l’énumération des actes de commerce dans l’article L. 110-1, C. com., dont
la doctrine la plus avisée écrit et enseigne depuis plus de cinquante ans
qu’elle n’est que la partie émergée d’une notion dont la clef doit être recherchée,
entre autres, chez Saint Thomas d’Aquin, Calvin et Karl Marx[35],
doctrine que tout juriste devrait avoir lue avant de ne voir que ce qui est
écrit dans les textes de lois. Et que deviendra la critique lorsque la
proposition n° 28 du rapport Delmas-Goyon,
précité, aura, un jour, force de loi dans l’article 15, CPC ? Enfin,
la loyauté n’est pas la seule légalité procédurale, « car elle recouvre
une autre réalité supposant un comportement actif des plaideurs au cours de
l’instance »[36].
Les applications jurisprudentielles développées ci-après apportent un démenti
cinglant à cette soi-disant inexistence du principe de loyauté
procédurale ;
-
soit ses conséquence imprévisibles[37] ou
perturbatrices du système juridique [38] :
ce à quoi on peut répondre que le droit substantiel, d’une part, connaît bien
d’autres concepts protéiformes, les « bonnes mœurs », le « bon
père de famille » (même si ces deux expressions ont disparu du code
civil), la « bonne foi », notions qui, néanmoins, n’ont jamais
perturbé notre système juridique et les procédures, mais ont, au contraire,
poussé les juristes à promouvoir une justice plus équitable, au sens de l’equus, de l’équilibre entre les parties.
D’autre part, pour rester sur le terrain de la loyauté, que dire de l’exigence
de loyauté de la concurrence qui est le pendant et le corollaire de la liberté
de celle-ci ? doit-on considérer, au-delà de toute évidence, que seul
devrait exister un principe de liberté (totale) de la concurrence et que Paul
Roubier a eu grand tort de construire une théorie de la concurrence déloyale[39] ?
On n’a jamais entendu les pourfendeurs de la loyauté procédurale, pourfendre la
loyauté de la concurrence ! Nous avons au contraire essayer de tisser des
liens entre les deux utilisations du concept, en droit de la concurrence et en
droit procédural, tellement il nous paraît évident que les deux droits
(substantiel et procédural) ne peuvent échapper à l’emprise de cette notion[40].
En quoi le droit du procès, véritable science, devrait-il être traité moins
bien que le droit substantiel ? Sans doute faut-il y voir une scorie du
mépris dans lequel le droit du procès a longtemps été tenu par certains auteurs
du droit substantiel ; la faiblesse du rejet de la loyauté procédurale est
révélée par la faiblesse de l’argumentation, qui se résume généralement à
l’affirmation péremptoire que « la morale n’a pas sa place en
procédure » ! C’est un peu court.
- soit qu’il
serait tout à la fois, et non sans contradiction avec les constats posés
dans l’introduction de la chronique, « introuvable »,
« inutile »,
« inopportun » et « incohérent »
[41].
c) Il nous semble que, même si la
confiance domine dans les relations des parties avec leurs avocats ou avec le
juge, il n’est pas inutile d’expliciter cet implicite par la consécration de la
loyauté comme principe directeur du procès. Rendre la justice est une œuvre
collective et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici
l’éthique [42] :
le procès n’est pas un combat comme les autres, tous les coups ne sont pas
permis. La qualité de la justice en dépend, dans tous les contentieux [43], de
même que dans les modes alternatifs de règlement des différends[44]
et, on le verra, en droit de l’arbitrage : par exemple, l’atteinte à la
réputation d’un juge, par ses préjugés, son comportement personnel, son manque
d’indépendance et son défaut de partialité, ruine la confiance en la Justice.
B. L’écoute de l’Autre par le
principe du dialogue
Les
trois aspects du principe du dialogue
Ce nouveau principe structurant [45] qui ne
se confond pas avec la coopération entre le juge et les parties à l’œuvre
commune de justice (car on peut dialoguer sans coopérer à une œuvre commune)
tend à concerner tous les aspects de la vie des juridictions, dans le cadre
d’un procès. Certaines applications sont classiques, d’autres émergent, mais
toutes se répartissent entre un dialogue entre les juridictions elles-mêmes,
entre les parties et le juge et, enfin, dans les relations des parties entre
elles [46].
Ce
principe apparaît aujourd’hui tellement fortifié, qu’un auteur a proposé l’idée
d’un nouveau modèle de procès, le « procès dialogique », dont le
principe d’égalité des armes serait le moteur [47].
C. La proximité (temporelle) par
le principe de célérité
Principe
essentiel de procédure
La
lenteur a pu être considérée autrefois comme une sagesse qui « donne le
temps de déjouer les calculs d’un adversaire trop habile et rassure la
conscience du juge » (Garsonnet et Cézar-Bru). Ce temps est révolu,
car la justice, service public, doit trancher les litiges dans les délais les
plus rapides afin de garantir l’effectivité de leurs droits et, accessoirement,
coûter moins cher aux contribuables (« time
is money ! ». La célérité participe à cette effectivité [48].
D’ailleurs, certaines législations étrangères n’hésitent pas à inscrire dans
leurs textes que « la solution juste et en même temps rapide des
litiges apparaît comme un but essentiel » [49]. Déjà Montesquieu
relevait : « il faut que la Justice soit prompte. Souvent
l’injustice n’est pas dans le jugement, elle est dans les délais » [50].
Progressivement, au niveau des concepts, la célérité remplace l’exigence de
proximité (des juridictions), laquelle, avec les moyens modernes de transport
et de communication électronique pose moins de problèmes à résoudre ; déjà
on prévoit, à Lyon, de tenir des audiences virtuelles de mise en état
(protocole avec le Barreau). C’est la célérité qui est aujourd’hui l’un des
nouveaux principes qui structurent les contentieux.
On
retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de
l’article 6, § 1 de la Convention EDH, notion commune à tous les
contentieux et, d’autre part, dans chacun des contentieux.
II – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS :
VUES SPÉCIALES
Quels principes directeurs pour les procès de
demain ?
(mélanges
offerts à Jacques Van Compernolle, 2004)
L’époque
est à la (re)découverte des principes directeurs des procès, tout au moins en
France[51].
Dès février 2001, avec la première édition de notre précis de droit processuel[52],
nous avions posé les premiers jalons de cette mutation de tous les contentieux,
en soulignant deux aspects caractéristiques de cette évolution : d’une
part, l’apparition de principes directeurs dans chaque branche du droit du
procès, d’autre part, l’émergence de nouveaux principes directeurs, communs à
tous les procès, qui transcendent la diversité des contentieux. C’est ce double
mouvement que nous voudrions reprendre et développer ici, en insistant sur la
philosophie qui se dégage de cette double évolution : d’un côté une vision
souverainiste, pour ne pas dire nationaliste (I), de l’autre une vision plus
moderne et que l’on pourrait qualifier d’universaliste (II). Dans les deux cas
– et ce trait mérite d’être relevé – tous les auteurs et tous les législateurs
accordent une grande importance aux principes directeurs, qu’ils soient
nationaux ou européens.
i)
une vision souverainiste
Apparue dans le contentieux civil, il y a plus de trente
ans (A), elle se prolonge aujourd’hui dans les contentieux répressif et
administratif (B), sans même parler des contentieux des autorités
administratives indépendantes, notamment des autorités de régulation, un jeune
auteur[53]
ayant même préconisé la création d’un code de procédure de ces nouveaux
contentieux qui mêlent étroitement justice civile, justice répressive et
justice administrative, codification qui aurait le mérite de mieux fixer les
principes directeurs de ces nouveaux contentieux.
a) l’harmonieux
équilibre des principes directeurs du procès civil
La procédure civile est, sur ce
point au moins, nettement en avance sur les autres contentieux, dans la mesure
où le code qui la régit comporte l’énoncé de principes directeurs dans un
chapitre qui porte cet intitulé (article 1 à 24), depuis les premiers
décrets de 1971, prélude à la grande codification réalisée en décembre 1975[54].
Ces vingt-quatre articles constituent la base réglementaire des principes
directeurs du procès civil. Suivis de cinq articles propres à la matière
gracieuse, ils sont l'image de marque du nouveau Code de procédure civile, la
trace permanente que leurs rédacteurs légueront à la postérité, au-delà des
nécessaires adaptations techniques des règles procédurales qui les suivent dans
les articles 30 à 1507. Ils sont l'esprit du code, sa philosophie, son âme.
a)
Quel esprit ?
Ces principes ne sont pas nouveaux et s'inspirent largement du passé
jurisprudentiel ; pourtant, la pars nova est considérable et leur consécration légale
leur donne une nouvelle force. Il serait dangereux de croire qu'ils ne
proclament que ce que les processualistes ont toujours su. Les développements
jurisprudentiels du droit procédural depuis 1976 prouvent que ces principes,
tout en balancement entre le rôle des parties et celui du juge (V. les articles
1 à 3, 7 et 12, etc.), ont été largement utilisés par la jurisprudence pour
affirmer progressivement le rôle prééminent du juge dans la conduite du procès
civil, servant même de visa aux arrêts de la Cour de cassation, alors que ce
n'était pas l'intention des rédacteurs du code. En effet, si ces principes
précèdent formellement toutes les autres dispositions du code,
chronologiquement dans l'élaboration du code, ils ne sont venus qu'après qu'a
été annulée l'intention originaire du dialogue du juge avec les conseils des
parties dans la mise en état de l'affaire. Ils ont donc une fonction, non pas
d'accroître le caractère inquisitorial de la procédure, mais de modérer les pouvoirs
reconnus au juge par le Nouveau code, spécialement au juge de la mise en état[55].
b)
Quelle philosophie ?
En deux mots, cohérence et équilibre :
-
Cohérence d'un tout, d'un ensemble, car les principes – directeurs doivent être lus en
coordination les uns des autres, en contemplation, ce qui ne rend guère la
tâche aisée aux commentateurs du code, article par article ! Cohérence encore,
parce que les principes directeurs se prolongent vers des applications
particulières dans le reste du code ; ils énoncent des principes et, par
conséquent, annoncent une suite ;
-
Équilibre, car la procédure, comme les symphonies de Robert
Schumann, est
harmonie ; toute la procédure doit être un droit d'harmonie ; nous l'avions
souligné à propos de la procédure d'appel et du principe du double degré de
juridiction[56],
mais la remarque vaut pour toute la procédure civile. N'est-ce pas, d'ailleurs,
le sens du mot «équitable» dont la racine étymologique est aequus, c'est-à-dire «équilibre» ? L'équilibre rejoint le procès
équitable et la Charte européenne de nos droits fondamentaux.
c)
Quelle âme ?
L'âme française bien sûr, car la procédure est territoriale par essence, même
si elle est maintenant largement mâtinée d'influence européenne. Cette âme,
c'est l'exigence d'une bonne justice, tant il est vrai que la technique,
surtout lorsqu'elle est procédurale, n'est que la traduction de principes
supérieurs qui la dépassent et la bordent. Si la procédure est une technique
d'organisation du procès, rien de plus[57],
il y a, au-dessus d'elle, plus fort, plus exigeant, un droit du procès qui se
fond dans les libertés et droits fondamentaux, dans notre tradition
républicaine enrichie de l'apport européen que la France contribue à élaborer.
Bref, l'âme du procès, c'est « le souffle républicain »[58]
qui passe sur la procédure civile, grâce à un droit du procès qui s'enracine
dans notre devise, liberté, égalité, fraternité[59].
d)
Quels principes ?
Aucun n'est qualifié par les rédacteurs du code, alors qu'ils n'ont pas hésité
à retenir l'expression de principes directeurs pour identifier le chapitre.
Sans doute faut-il y voir une volonté de ne pas donner prise à certaines
controverses (par exemple sur la cause) et, surtout, la traduction de l'idée que
les textes de procédure civile, les codes en général, n'ont pas pour objectif,
en France en tout cas, d'énoncer une théorie générale de la matière qu'ils
réglementent. C'est à la doctrine qu'il revient d'accomplir ce travail de
conceptualisation. On peut distinguer, en regroupant les articles de ce
chapitre premier : un principe accusatoire ou d'impulsion du procès, dans son
double volet d'introduction et d'extinction de l'instance (art. 1er),
et de la maîtrise de la conduite, du déroulement de celle-ci (art. 2 et 3) ; un
principe dispositif entendu comme la maîtrise de la matière – litigieuse, quant à l'objet du
litige (art. 4 et 5), aux faits (art. 6 à 8) et à la preuve (art. 9 à 11) ;
mais sans le droit qui reste l'apanage du juge (art. 12 et 13) ; un principe de
la contradiction (art. 14 à 17) ; un principe de liberté de se défendre par
soi-même (art. 18)
et de choisir son défenseur (art. 19), tout en pouvant être entendu par le juge
(art. 20) ; un principe (d'espoir) de la conciliation par le juge (art. – 21) ; un principe de publicité
des débats (art. 22), assorti de –
celui que les débats ont lieu en langue française (art. 23) ; enfin, un devoir,
plus qu'un principe, de réserve des parties à l'égard de la justice (art. 24).
Les autres contentieux n’étaient
pas, jusqu’en l’an 2000, régis, officiellement, de source législative, par des
principes directeurs. On les cherchait en vain dans le code de procédure pénale
ou dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel, codes de procéduriers, pas de processualistes. Les choses ont changé
en mai et juin 2000.
b) la difficile
ebauche de principes directeurs répressifs et administratifs
a) En procédure pénale, une tentative avait été faite,
hors code, avec l’énoncé de dix principes directeurs par la commission « justice pénale et droits de
l’homme », présidée par Madame Delmas-Marty. On y trouve le principe
de légalité, la garantie des libertés, le principe de proportionnalité, la
présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, l’égalité entre
les justiciables, le dignité de la personne humaine, l’égalité des armes, la
célérité de la procédure et l’accès des victimes à la justice pénale. On
remarquera que certains de ces principes sont directement repris du droit
européen (proportionnalité, égalité des armes, célérité, accès à la justice). En
doctrine, une présentation de trois principes directeurs a été faite en
ouverture d’un manuel de procédure pénale, pour en constituer la première
partie : l’unité de la justice civile et de la justice pénale, la
présomption d’innocence et la théorie des preuves [60] ;
on est donc assez loin des dix principes retenus par la commission précitée, le
respect des droits de la défense n’y figurant pas à titre autonome. Un autre
ouvrage érige ces principes en « encadrement » de tout le procès
pénal et lui consacre près de 200 pages[61].
Mais la loi
n° 2000- 516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la
présomption d’innocence et les droits des victimes, s’ouvre sur un
article 1er, qui introduit un article préliminaire dans le code
de procédure pénale. Et voilà placé au fronton de notre procédure pénale, des
principes directeurs, certes fortement inspirés de nos engagements
internationaux et de la jurisprudence constitutionnelle sur le procès
équitable, mais qui ont le mérite de « recadrer » l’action législative
et de nos tribunaux dans un ensemble de principes fondamentaux dont notre droit
avait bien besoin, à titre symbolique au moins, sans parler de l’ignorance dans
laquelle certains étaient de la jurisprudence européenne.
Ces
principes directeurs ont été indiqué, chemin faisant, chacun à sa place,
lorsque nous avons étudié les composantes du procès équitable. Rappelons
simplement ici, dans une brève présentation synthétique, que le nouvel article
préliminaire du code de procédure pénale s’articule en trois paragraphes, le
premier étant consacré à la procédure elle-même, le deuxième aux droits des
victimes et le troisième aux droits des suspects et poursuivis.
1) Dans
le paragraphe I en effet, trois alinéas définissent successivement les
caractères d’une « bonne » justice pénale, la garantie de la
séparation des autorités de poursuite et de jugement et le droit à un juge
naturel. Les caractères d’une bonne justice pénale tournent autour de l’idée
que la procédure pénale « doit être
équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des
parties ». Ainsi trouve-t-on exposé, sous forme d’une obligation pour
les législateurs à venir, la trilogie la plus caractéristique du procès
pénal : équité (au sens le plus large d’équilibre, d’égalité entre toutes
les parties), contradiction et, à nouveau, dans une répétition qui aurait pu
être évitée, l’équilibre des droits de parties. On remarquera que cette
dernière formule semble restrictive et ne viser que l’égalité des droits, pas
une égalité de fait ; sans doute y verra-t-on un esprit bien français qui
s’attache plus aux grandes déclarations de principe sur l’égalité en droit qu’à
l’effectivité de cette égalité ; mais la rédaction et la promulgation du
texte n’écartent pas l’application de la jurisprudence européenne, avec son
cortège de décisions sur l’absence d’obstacles juridiques ou financiers à
l’exercice des droits et notamment du droit à un juge. Bien que cela ne soit
pas écrit dans le code, la procédure pénale française devra assurer des
garanties effectives et concrètes et non pas illusoires, pour reprendre
quelques unes des formules utilisées par la Cour européenne des droits de
l’homme.
L’alinéa 2
sur la séparation des autorités de poursuite (le texte parle d’ailleurs
« d’action publique » et de jugement est plus curieux, puisqu’il
écarte les autorités d’instruction dont la séparation n’est ainsi élevée au
rand d’un principe législatif. Pourquoi ? Au-delà de la question du juge
pour enfants qui tout à la fois instruit et juge et dont il fallait préserver
l’existence (non condamnée à Strasbourg), il y a l’idée, sous-jacente, qu’il
n’est pas gravé dans les tables de l’éternité que l’instruction doive être
confiée à une autorité indépendante des deux autres. Ainsi se profile un
nouveau modèle de procès pénal dont le juge d’instruction, en tant qu’organe
autonome, serait exclu (v. infra, n°
581). On ne s’en plaindra pas, tant la situation actuelle montre qu’on est
arrivé au bout des raisons qui justifiaient son maintien.
Enfin, pour le droit à un juge
naturel, le législateur prend soin de préciser qu’il ne joue que pour les
personnes placées dans les mêmes conditions ; ainsi se trouve justifiée
l’existence des juridictions « politiques » pour le chef de l’Etat
(Haute Cour de justice) et pour les ministres (Cour de justice de la
République), sans parler des juridictions pour les mineurs ou, pour ce qu’il en
reste, pour les infractions militaires.
2) Le
deuxième paragraphe place l’information des victimes et la garantie de leurs
droits au cours d’une procédure pénale, sous la « veille » de
l’autorité judiciaire. Rappelons que l’article 66 de notre Constitution
fait de cette autorité la gardienne de la liberté individuelle. Cette
application aux victimes n’est donc que l’expression d’un principe pus général
qui dépasse le sort des victimes. Il faut y voir, en procédure pénale, l’idée
d’un devoir de protection juridictionnelle de l’Etat à l’égard de tous les
citoyens et pas seulement des victimes.
3) Enfin,
le troisième paragraphe, très long, se scinde en cinq alinéas où l’on trouve,
pêle-même : le droit à la présomption d’innocence qui a déjà valeur
internationale, européenne et constitutionnelle (al. 1) ; le droit à
l’information des charges contre une personne suspectée ou poursuivie et le
droit à l’assistance d’un défenseur (al. 2) ; le contrôle effectif
d’un juge ou d’un autre membre de l’autorité judiciaire dans toute mesure de
contrainte, la proportionnalité qui doit être respectée entre cette mesure et
la gravité de l’infraction reprochée et le respect de la dignité humaine
(al. 3) ; la garantie d’un délai raisonnable dans le jugement de
l’accusation portée contre une personne (al. 4) ; enfin, le droit à
un double degré de juridiction (al. 5).
A terme, compte tenu de
l’éclatement du pouvoir de répression pénale entre plusieurs organes, du juge
judiciaire pénal classique (tribunaux de police, correctionnels, cours
d’assises, chambre criminelle de la Cour de cassation) au juge civil (cour
d’appel de Paris et chambre commerciale de la Cour de cassation pour certains contentieux
de la régulation) en passant par le juge administratif (contraventions de
grandes voiries, recours dans d’autres contentieux de la régulation),
l’administration elle-même (par exemple pour les pénalités fiscales,
douanières) et les autorités administratives indépendantes, l’idée a été émise
d’un codes des procédures répressives qui permettrait d’imposer à tous ces
attributaires du pouvoir de répression, les mêmes principes et les mêmes
procédures[62].
b) En contentieux administratif, les choses ont aussi évolué en
mai 2000, plus modestement, il est vrai, qu’en procédure pénale. Le nouveau
code de justice administrative, porté par une ordonnance n° 2000-387 et
deux décrets n° 2000-388 et 389 du 4 mai 2000, contient un titre
préliminaire comprenant onze articles qui ressemblent fort, bien que cela ne
soit pas dit, à l’énoncé de principes directeurs de la justice administrative.
L’intérêt ratione materiae de ce
titre c’est qu’il a vocation à s’appliquer à tous les contentieux traités
devant le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et les tribunaux
administratifs (art. L. 1). Mis à part l’article L.2 qui
rappelle que la justice, même administrative, est rendue au nom du peuple
français, les autres dispositions ont trait au fonctionnement de la justice
administrative ou aux effets des requêtes et des jugements :
1)
Pour ce qui concerne le fonctionnement de la justice, on trouve : le
principe de collégialité, sauf exception dûment prévue par la loi (art.
L. 3) ; le principe de la publicité de la justice (art. L. 6
pour les débats et L. 10 pour les jugements qui sont rendus publiquement
et dont le nom des juges qui l’ont rendu est porté sur le jugement) ; le
principe du secret du délibéré (art. L. 8) et celui de la motivation des
jugements (art. L. 9) ; le principe de la contradiction, mais
curieusement limitée à l’instruction des affaires et sous réserve de l’urgence
qui peut justifier une adaptation de ce principe (art. L. 5), ce qui
constitue une double restriction difficilement admissible : pourquoi pas
un contradictoire pour l’audience de jugement ? Pourquoi une adaptation en
cas d’urgence, alors qu’au contraire l’urgence d’une situation devrait
renforcer la garantie du contradictoire ?
Quant au principe que le
commissaire du gouvernement est « membre de la juridiction » et
« expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les
questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles
appellent » (art. L. 7), il a manifestement été rédigé en écho à
la jurisprudence du Conseil d’Etat sur la place de ce commissaire dans le
fonctionnement de la justice administrative et plus particulièrement par
rapport au délibéré auquel il assiste sans délibérer (arrêt Esclatine), mais
aussi en réaction à la jurisprudence européenne sur la même question. Ce texte
ne convainc pas. En effet, si le commissaire du gouvernement est membre de la
juridiction il n’est pas membre de la formation de jugement (le texte se garde
bien de le dire) et alors la question est posée de savoir pourquoi il assiste
au délibéré. S’il n’est pas membre de la formation de jugement et qu’il n’est
pas une partie, sa neutralité doit être rigoureusement garantie par sa place
égale, à juste distance des parties et du juge ; or, avec cette rédaction,
il se rapproche, un peu trop du juge qu’il espère bien influencer par le
contenu des conclusions doublé d’une présence (taisante ? mais alors
pourquoi ?) au délibéré.
2)
Deux dernières dispositions sont relatives aux effets des requêtes qui n’ont
pas d’effet suspensif (art. L. 4) et des jugements qui sont
exécutoires (art. L. 11).
Au final, un texte qui manifeste
un léger progrès vers la prise en compte, en jurisprudence administrative, de
certaines des garanties d’une bonne justice, mais un texte peu ambitieux (où
est l’équité, l’égalité des armes ?) et bien terne (par exemple sur la
contradiction).
ii) une vision universaliste : vers de nouveaux
principes directeurs communs à toutes les procédures
Si, en partant des grandes
évolutions de notre société, des attentes nouvelles des justiciables, on
recherche un dénominateur commun à tous les contentieux, dans une perspective
prospective, quels sont les principes directeurs susceptibles de se dégager en
ce début de siècle ? Avec le risque d’en oublier ou, plus exactement de
minimiser certaines évolutions, nous avancerons l’idée que trois principes se
profilent derrière les principes actuellement retenus, qui correspondent à des
besoins nouveaux, telles que les expriment les justiciables et les
citoyens : un besoin de loyauté, notamment dans la recherche de la
preuve ; un besoin de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le
juge ; un besoin de célérité (que l’on trouvait déjà dans les principes
énoncés, pour la procédure pénale, par la commission justice pénale et droits
de l’homme). Ce sont les principes directeurs de demain [63].
Ainsi, pour la procédure civile, le Nouveau code a aujourd'hui trente ans, et
s'il constitue la charte des droits et obligations des parties et du juge, il
faut aller chercher ailleurs les droits fondamentaux du procès civil, ceux que
le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme
confortent ou découvrent au fil des lois ou des affaires qui leur sont
soumises, sans parler de la jurisprudence du Comité des droits de l'homme de
l'ONU, sur le fondement du Pacte international des droits civils et politiques
de 1966. Encore modeste dans le droit du procès civil, cette construction
s'affine et s'affirme comme l'événement majeur de ce troisième millénaire
naissant. Qui eût cru, par exemple, que les articles 979 et 1009-1 feraient un
jour l'objet d'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme
? Qui eût pensé que le droit à un juge, à un recours, et le droit à
l'exécution d'un jugement seraient consacrés comme des droits fondamentaux par
cette même Cour ? Qui aurait osé utiliser la notion de droit à un tribunal
impartial de l'art. 6, §1, de la Convention européenne, plutôt que la procédure
de récusation des juges du Code de procédure civile ? Qui eût envisagé que le Conseil
constitutionnel verrait dans la Cour de cassation un ordre de juridiction et
que les règles relatives à la création de nouveaux ordres de juridiction
s'entendraient comme les règles constitutives de tout nouveau type de
juridiction ? Qui eût prophétisé que, sur cette base ainsi élargie, la
jurisprudence du Conseil constitutionnel allait envahir la procédure civile,
bien au-delà de la répartition des compétences qu'opèrent les articles 34 et 37
de notre Constitution, le Conseil reconnaissant même que le législateur peut
déborder sur le domaine réglementaire, sans que cela constitue une cause
d'inconstitutionnalité de la loi ? Qui eût alors songé qu'un jour, le Conseil
nous dirait que le droit à un sursis d'exécution en cas de recours porté devant
une juridiction est l'un des éléments des droits de la défense ?
A. Le principe de loyauté
Notion
vague sans doute, protéiforme, mais dont on ressent bien la nécessité, même si
c’est de manière empirique[64].
Les comportements processuels des professionnels de la justice sont concernés
au premier chef, dans leurs relations entre eux et avec leurs clients[65].
Rendre la justice est œuvre collective et se passer de loyauté est
impossible ; on rejoint ici l’éthique : le procès n’est pas un combat
comme les autres, tous les coups ne sont pas permis. Le principe de
« bonne foi » est d’ailleurs visé dans l’un des arrêts fondateurs du
droit européen, l’arrêt Golder du
21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation de la Cour
européenne d’un droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne
foi », qui n’est qu’une forme de loyauté (§ 34). Ce n’est sans dote
pas un hasard si le projet de règles transnationales de procédure civile
prévoit en son article 30-5, que la partie qui a agi de mauvaise foi
pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut
être condamnée au paiement d’une amende. La qualité de la justice en dépend,
dans tous les contentieux.
a)
En procédure civile,
ce principe n’apparaît pas en tant que tel dans le nouveau code de procédure
civile.
1) Indirectement on le trouve exprimé dans le droit de
la preuve[66], aux article 9
(« conformément à la loi ») et 10 (« mesures légalement
admissibles ») du code civil, dispositions que l’on retrouve dans les
textes du nouveau code de procédure civile sur les mesures d’instruction (par
exemple dans l’article 143 pour la notion de mesure légalement
admissible). De même, en permettant la production forcée des pièces détenues
par une partie, l’article 142, NCPC, postule une obligation de loyauté
dans la production spontanée. Motulsky y voyait l’une des composantes des
droits de la défense, au même titre, pour les parties, que l’obligation de
donner connaissance de l’introduction de l’instance et de l’obligation de
permettre la comparution et aux côtés de l’obligation, pour le juge, de
sanctionner les violations des droits de la défense commises par les parties,
d’observer une stricte neutralité et de motiver ses jugements et, pour le
législateur, d’organiser un système rationnel de voies de recours [67].
2) Le principe de loyauté procédurale tend à
acquérir une importance autonome, au-delà du domaine de la preuve.
-
Cette évolution doit être rapprochée de l’interdiction de se contredire au
détriment d’autrui, (qui est une forme de l’obligation de loyauté) et de
l’introduction de l’estoppel en droit français. En effet, sont récemment
apparues en droit interne français des hypothèses où le juge a rejeté la
prétention d’un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une
situation qu’il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur
les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l’apparence ou de la
règle nemo auditur ; ainsi,
lorsqu’une « mère » adoptive sollicita la révocation de l’adoption du
jeune homme qu’elle n’avait adopté, en fait, que pour échapper, en tant que
bailleur, à la législation sur les baux ruraux [68] ;
ou encore, lorsque le cédant d’actions sociales n’ayant pas notifié cette
cession invoque l’absence d’agrément des cessionnaires [69] ;
ou enfin, lorsqu’il est décidé « qu’un
prévenu n’est pas recevable à invoquer l’inopposabilité en France d’une
décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa demande » [70]. Cette interdiction de se contredire au
détriment d’autrui, véritable principe général du droit[71],
notamment dans le domaine du commerce international [72]et
qui tend à être sanctionné par l’irrecevabilité en droit privé interne (donc
présenté par le moyen d’une fin de non-recevoir) pourrait, selon un auteur,
être systématisée, formalisée par l’institution anglaise de l’estoppel, « mécanisme purement défensif, enraciné dans l’équité et tendant à
la moralisation des comportements processuels » [73]. Ce mécanisme pourrait même, dans
l’ordre international, « prendre le
relais de la fraude au jugement » [74]. En tout cas, on voit poindre, en droit
français, une technique d’irrecevabilité fondée sur l’idée plus générale de
loyauté dans le pouvoir d’agir en justice. Il ne serait pas anormal alors, d’y
voir une nouvelle fin de non-recevoir, plutôt qu’une défense au fond ; on remarquera
à cet égard que dans le lexique anglo-français du Conseil de l’Europe (1993),
l’estoppel correspond à trois institutions françaises, dont la fin de
non-recevoir [75].
-
De même, dans le cas d’une femme marocaine divorcée selon la loi française et qui
n’a pas demandé l’application (obligatoire, en raison d’un traité
franco-marocain, lorsque les deux époux sont de la même nationalité marocaine
et du caractère indisponible des droits) de la loi marocaine, ni en première
instance, ni en appel ; elle le fait pour la première fois en Cour de
cassation, parce qu’elle a perdu dans son affaire de divorce. N’y a-t-il pas
violation d’une obligation de bonne foi processuelle ? N’est-ce pas une
déloyauté que d’attendre d’arriver en cassation pour invoquer un moyen qui
aurait pu l’être utilement dans les instances précédentes ? La Cour de
cassation n’aurait-elle pas pu sanctionner cette déloyauté par le rejet du
pourvoi ? [76]
-
Avec la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 sur la prestation
compensatoire, l’article 272, al. 2 du code civil s’enrichit d’une
obligation de loyauté : « dans
le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire par le juge ou par les
parties dans la Convention visée à l’article 278 ou à l’occasion d’une
demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant
sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et
conditions de vie ». C’est une obligation de transparence, de loyauté,
à rapprocher des article 10, 132 et s., 763, NCPC, dispositions qui
visent à assurer la loyauté des débats. La ruse est visée pour être mieux
déjouée, mais la surcharge de travail de certains juges aux affaires familiales
permettra-t-elle de sanctionner cette déloyauté ? [77]
3) Dans les procédures d’exécution, on peut découvrir une trace de
cette obligation de loyauté dans l’article 24 de la loi du 9 juillet
1991 qui fait obligation aux tiers d’apporter leur concours aux procédures
d’exécution, sauf motif légitime [78].
De même, dans l’article 60 du décret d’application du 31 juillet 1992,
à propos de l’obligation d’information qui pèse sur le tiers saisi dans le
cadre de la saisie-attribution.
4) Enfin, on voit poindre cette obligation dans
l’arbitrage. Ainsi
la cour de Paris a-t-elle jugé le 5 juillet 2001[79]
que « le comportement consistant à
invoquer un vice de la sentence seulement dans le cadre du recours en
annulation, alors que ledit vice aurait déjà pu être soulevé en cours de
procédure, constitue une violation du principe de la bonne foi que les pouvoirs
d’amiable composition conférés aux arbitres n’affranchissent pas les parties de
respecter ». On retrouve ce principe aussi dans les modes alternatifs
de règlement des conflits[80].
b) En procédure pénale, contrairement à ce que l’on
pourrait croire, compte tenu de l’importance de ce contentieux pour la
protection des libertés fondamentales, ses règles ne consacrent pas encore une
obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves. Il est
significatif de signaler, à cet égard, qu’en mars 1999, au cours du débat à
l’Assemblée nationale sur la réforme de la procédure pénale et de la
présomption d’innocence, un amendement tendant à ce qu’il soit statué sur
l’accusation « sur le fondement de
preuves loyalement obtenues » a été combattu par des députés et
notamment par un avocat ! On aurait cru la jeune génération de députés
venus du Barreau plus proche des libertés et droits fondamentaux qui fondent
notre procédure pénale [81].
1) Certes,
le policier dans l’enquête, comme le juge d’instruction dans l’instruction,
doivent administrer la preuve dans le respect du principe de légalité, ce qui
implique que cette administration soit loyale, sans stratagème ni artifice.
C’est la fameuse affaire Wilson de
1888 dans laquelle les Chambres réunies de la Cour de cassation avaient sanctionné
l’attitude d’un juge qui s’était fait passer pour un tiers, au téléphone, afin
de mieux obtenir, par la ruse, les confidences d’un complice de
l’infraction [82].
La chambre criminelle a confirmé cette jurisprudence par la suite [83] :
-
Même solution pour un policier qui avait enregistré les propos d’un suspect en
dissimulant un magnétophone [84].
-
C’est aussi tout le problème des écoutes téléphoniques, pour lequel
l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux internationaux est
forte, puisque la France a dû adapter sa législation par une loi du
10 juillet 1991, suite à sa condamnation par la Cour européenne des droits
de l’homme [85].
-
De même encore, l’administration des douanes qui met en œuvre une fausse
filière de trafic de stupéfiants effectue une livraison contrôlée dont la
finalité reste obscure ; dans ce cas, « la
provocation à l’infraction par un agent de l’autorité publique exonère le
prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu’elle procède de manœuvres de nature
à déterminer les agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de
loyauté des preuves » [86].
2) Pour
autant, l’obligation de loyauté n’est pas encore, en procédure pénale, un
impératif absolu, comme on va pouvoir en juger : beaucoup reste à faire
pour conforter le principe de loyauté :
-
Ainsi, est-il admis depuis l’arrêt Wilson
de 1888 (précitée), que si un juge ne peut procéder par ruse, la même
obligation ne pèse pas avec la même force sur le policier, « la dignité ayant des exigences variables suivant le rang qu’on
occupe dans la hiérarchie ». D’où l’admission de la preuve par un
cinémomètre associé à un appareil de photo et dissimulé, ce procédé ne portant
pas atteinte, selon la Chambre criminelle, à la vie privée (protégée par
l’article 8 de la Convention européenne) [87].
De même, le principe de loyauté oblige seulement les policiers ou gendarmes à
justifier de l’homologation de l’appareil qu’ils utilisent pour contrôler le
taux d’alcoolémie des conducteurs ; ils n’ont pas à joindre le ticket
imprimé par l’appareil, la preuve de l’alcoolémie résultant suffisamment du
taux indiqué sur le P.V par le policier [88].
-
Les provocations policières elles-mêmes sont admises, dès lors qu’elles visent
seulement à administrer la preuve de l’infraction, alors qu’elles entraînent la
nullité de la procédure si elles tendent à provoquer une infraction. « La chambre d’accusation a justifié sa
décision d’étendre la nullité des écoutes téléphoniques aux actes de la
procédure qui les ont suivies dès lors que l’interpellation de l’intéressé a
procédé d’une machination de nature à déterminer ses agissements délictueux et
que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l’établissement de la
vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves » [89].
-
De même, les parties peuvent produire en justice des preuves établies de
manière déloyale [90],
voire au prix d’une infraction [91],
par exemple en matière d’écoutes téléphoniques illégales. « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs
d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils
auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale » [92].
Le juge doit joindre ces éléments au dossier pénal, les victimes pouvant faire
ce que les policiers ne peuvent faire ! L’exigence de loyauté dans la
recherche et l’obtention des preuves ne s’applique qu’aux autorités policières
et judiciaires ; cette jurisprudence est tout à fait critiquable, la
déloyauté devant être sanctionnée d’où qu’elle provienne. On va pourtant la
retrouver dans le contentieux répressif économique.
c) En contentieux économique, devant les autorités
administratives indépendantes et spécialement devant le Conseil de la
concurrence, la jurisprudence, dans le silence des textes, a dégagé une
obligation de loyauté dans la recherche des preuves des infractions [93],
s’inspirant en cela de la procédure pénale, ce qui n’est guère étonnant dans
une procédure qui relève de la matière pénale au sens de la jurisprudence de la
Cour européenne.
Cette
jurisprudence, initiée par la Cour de Paris et à laquelle s’oppose, en partie,
celle de la Cour de cassation concerne essentiellement la délimitation de
l’objet de l’enquête pour déboucher sur une véritable déontologie de
celle-ci [94] :
1)
L’obligation, pour les enquêteurs, de faire connaître l’objet de leur enquête
aux personnes interrogées a été mise en évidence par la cour de Paris, juge
d’appel naturel des décisions du Conseil de la concurrence ; il est
piquant que l’on redécouvre une obligation qui fut l’une des conquêtes du droit
procédural moderne contre le droit de l’Ancien régime ; la jurisprudence
ne se contente pas d’une formule de style dans le procès-verbal d’enquête, du
genre « l’enquêteur à indiqué à M. X l’objet de l’enquête » ; il
faut que la mention permette de vérifier que les exigences légales et
réglementaires ont été respectées et elle doit donc mentionner d’une façon
concrète l’objet et l’étendue de l’enquête [95].
Par exemple, les enquêteurs ne doivent pas présenter l’objet de leur enquête
comme étant simplement le moyen de vérifier le prix des carburants, alors que
l’objet véritable de cette enquête est de rechercher des déclarations qui
seront ensuite utilisées pour faire la preuve, contre les personnes
interrogées, d’une pratique anticoncurrentielle.
Dans
une décision du 15 décembre 1999, le Conseil de la concurrence a visé
l’obligation de loyauté dans la recherche de la preuve ; il relève que,
lors de leurs auditions, dans une affaire mettant en cause des entreprises de
porcelaine, deux personnes « ont
largement débordé le champ de la résiliation d’un contrat de distribution et se
sont étendues à la totalité de leurs systèmes de distribution ; qu’ainsi,
il n’a pas été satisfait à l’obligation de loyauté dans la recherche des
preuves » [96].
Mais
une certaine souplesse apparaît dans certaines décisions. Ainsi, la cour de
Paris a admis que l’autorité qui a prescrit l’enquête peut la délimiter
préalablement si cela lui est possible et modifier ensuite son étendue [97].
La Cour de cassation est encore
plus généreuse quant aux réalités du terrain, en matière de délimitation du
champ des investigations des enquêteurs. Elle prend en compte le fait que
lorsque l’autorité prescrit l’enquête, elle ne connaît pas encore, avec
précision, le marché sur lequel porte les investigations et elle a considéré,
en conséquence, le 21 mars 2000, que l’article 47 de l’ordonnance du 1er décembre
1986 n’obligeait pas les enquêteurs à délimiter préalablement le marché sur
lequel pourront porter les investigations ; il appartient au Conseil de la
concurrence de la faire, a posteriori [98] ;
mais dans l’arrêt sur renvoi, la cour de Paris (qui avait écarté des débats un
procès-verbal d’audition au motif que la personne entendue avait pu se
méprendre sur l’objet de l’enquête et dont l’arrêt avait été cassé) réaffirme
que « l’enquête préalable à laquelle
se livrent les fonctionnaires habilités ne peut avoir pour affet de
compromettre irrémédiablement l’exercice des droits de la défense » ;
en conséquence, même si l’enquête n’est pas soumise au contradictoire, elle ne
doit « conduire les personnes
entendues à faire, dans l’ignorance de l’objet de l’enquête, des déclarations
sur la portée desquelles elles pourraient se méprendre et qui seraient ensuite
utilisées contre elles » ; et elle confirme qu’elle écarte des
débats le procès-verbal d’enquête « dans
la mesure où l’obligation de loyauté devant préciser à la recherche des preuves
a été méconnue »[99].
2)
Apparaît ainsi une l’obligation de respecter une véritable déontologie de
l’enquête. En revanche, le Conseil de la concurrence admet, comme en procédure
pénale, que les moyens de preuve obtenus d’une manière déloyale par les parties
peuvent être produits devant lui, notamment l’enregistrement et la
transcription des conversations téléphoniques obtenues à l’insu de
l’intéressé ; le Conseil se réfère expressément la décision précitée de la
Chambre criminelle du 15 juin 1993, reprenant sa motivation, ajoutant
qu’il est « chargé de la défense de
l’ordre public économique et non de se prononcer sur le bien-fondé des demandes
dirigées par une partie contre une ou plusieurs autres » [100].
B. Le principe de dialogue
Ce
nouveau principe directeur qui ne se confond pas avec la coopération entre le
juge et les parties à l’œuvre commune de justice (car on peut dialoguer sans
coopérer à une œuvre commune) tend à concerner tous les aspects de la vie des
juridictions, dans le cadre d’un procès. Certaines applications sont
classiques, d’autres émergent, mais toutes se répartissent entre un dialogue
entre les juridictions elles-mêmes (1°), entre les parties et le
juge (2°) et, enfin, dans les relations des parties entre
elles (3°) [101].
1°)
Le dialogue entre les juridictions
On ne peut reprendre ici tous les
exemples contemporains qui illustrent la percée de ce nouveau principe
directeur en procédure civile [102].
Pour l’essentiel, on notera qu’il se manifeste entre toutes les juridictions.
a) La forme la plus achevée de
dialogue entre juridictions est sans doute le mécanisme du renvoi préjudiciel,
mécanisme qui permet à une juridiction nationale d’un Etat membre de l’Union
européenne d’interroger la Cour de justice des Communautés européennes
(art. 223, traité CE, ex-art. 177). La Cour de justice qualifie
elle-même ce dialogue de « d’instrument
de coopération entre la Cour et les juges nationaux » [103]. Il faut y voir un exemple très probant
de « transparence dans les
procédures juridictionnelles » [104].
Ce
dialogue que ne connaît pas la Cour européenne des droits de l’homme prend une
importance considérable avec l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne. En disposant de cet outil de dialogue avec le juge
national, notamment sur l’aspect des droits fondamentaux du procès, la Cour de
Luxembourg apparaîtra rapidement comme une cour, à part entière, de protection
des droits et libertés fondamentaux.
Les
modifications apportées au règlement de procédure, le 16 mai 2000,
renforcent cette idée de dialogue entre les juridictions [105].
En effet, l’article 104, § 5, modifié de ce nouveau règlement de
procédure permet à la Cour de justice de demander, à la juridiction de renvoi,
des éclaircissements, ce qui devrait réduire les hypothèses de déclaration
d’irrecevabilité préjudicielle par simple ordonnance motivée et après avoir
entendu les intéressés (au sens de l’article 20 du statut de la Cour et
l’avocat général (art. 104, § 3, modifié, du règlement) [106].
b) Le dialogue est aussi organisé
en droit interne avec les procédures de saisine pour avis soit de la Cour de
cassation (art. L. 151 et s. et R. 151-1 du code de
l’organisation judiciaire ; art. 1031-1 à 1031-7, NCPC), soit du
Conseil d’Etat (art. L. 113-1 du nouveau code de justice
administrative) et pour lesquelles nous renvoyons aux ouvrages spécialisés.
c) Le
dialogue entre la juridiction chargée du recours et l’organe dont la décision
est attaquée. Il est encore rare que la juridiction (ou l’organe) dont la
décision est attaquée puisse intervenir à l’instance d’appel. Lorsque cette
technique existe elle pose la question de l’égalité des armes entre la partie
qui exerce le recours et l’organe qui a rendu la décision, ainsi que celle du
respect du principe du contradictoire.
1) Pourtant ce procédé existe en
droit suisse, dans la législation cantonale de certains cantons de la Suisse
romande, en matière de procédure civile. La Cour européenne des droits de l’homme
n’y a pas vu une atteinte à l’équité du procès pour la partie qui, ayant perdu
en première instance, trouve en face d’elle, en appel, non seulement son
adversaire, mais la juridiction de première instance, car « cette juridiction indépendante ne saurait passer pour
l’adversaire de l’une des parties ». Elle exige toutefois que
l’argumentation de la juridiction de première instance soit soumise à la
contradiction des parties [107].
En d’autres termes, il peut y avoir violation du contradictoire, sans violation
de l’égalité des armes, si la décision attaquée n’a pas été soumise à la
contradiction des parties[108].
2)
La Cour de cassation n’a pas sanctionné la pratique qui veut que le bâtonnier
est invité à présenter ses observations en appel d’une décisions disciplinaire
de son Conseil de l’ordre.
3)
Le Conseil de la Concurrence est autorisé, par l’article 9 du décret n° 87-849
du 19 octobre 1987, à présenter ses
propres observations, par écrit, lors de l’instance d’appel, à l’occasion du
recours formé contre sa décision, lorsqu’il a reçu communication de l’ensemble
des pièces de la procédure ; mais ses observations doivent être portées à
la connaissance des parties à l’instance, par le greffe. La Cour de cassation a
jugé que cette pratique était conforme au droit interne, sans la soumettre au
contrôle de conventionnalité [109].
De ce point de vue, mutadis mutandis
de la jurisprudence de la Cour européenne sur les cantons suisses, on peut
considérer que cette possibilité ouverte au Conseil de la concurrence est conforme
au principe de l’égalité des armes (v. supra,
n° 449) puisque ce Conseil n’est pas (ce que prend soin de préciser l’article
9) une partie à l’instance, mais que le principe du contradictoire doit être
respecté. Pour autant, une jurisprudence plus restrictive semble naître au sein
de la section spécialisée de la cour de Paris dans les affaires de concurrence.
Une décision du 9 avril 2002, déjà rencontrée (v. supra, n° 449) annule toute la procédure de recours contre une
décision du Conseil de la concurrence et la décision elle-même, au motif qu’en
intervenant à l’instance le Conseil rompait l’égalité des armes et que le
respect du contradictoire ne saurait purger ce vice ; en fait, à lire
attentivement la décision, il semble bien que le Conseil de la concurrence soit
allé trop loin dans le contenu de ses observations qui apportaient des éléments
nouveaux, qui modifiaient « en les
aggravant, les données qu’il avait retenues contre les parties dans sa
décision » ; la solution se comprend donc plus par le dépassement
du rôle de la technique ouverte par le décret de 1987, que par un refus du
dialogue. Cette interprétation est d’autant plus justifiée que la même chambre,
composée des mêmes magistrats avait, un mois auparavant, utilisé le dialogue
pour faire progresser l’œuvre de justice dans l’élaboration de sa décision,
dans une affaire concernant la COB.
4)
La même section spécialisée de la cour de Paris, mais cette fois pour un
recours dirigé contre une décision de la COB a été plus audacieuse en demandant
à celle-ci de « s’expliquer sur
l’éventuelle nullité de la décision déférée en ce qu’elle ne permettait pas de
contrôler qu’elle aurait été rendue dans le respect du principe d’ordre public
d’indépendance et d’impartialité institué par la Convention européenne »[110]
(v. supra, n° 372).
2°)
Le dialogue entre les parties et le juge
a) Le nouveau visage du procès
civil
1) Le
dialogue entre le juge et les parties dans l’assignation qualificative. Le
dialogue c’est aussi le dialogue entre le juge et les parties, dès
l’introduction de l’instance que consacre le décret n° 98-1231 du
28 décembre 1998, en imposant une assignation qualificative. Dès
l’introduction de l’instance par assignation, les parties ont, en effet,
l’obligation depuis le 1er mars 1999, de préciser « l’objet de la demande avec un exposé
des moyens en fait et en droit », ainsi que l’exige désormais le
nouvel article 56, al. 1er, 2°)[111].
La Cour européenne exige aussi que les parties « exposent leurs prétentions de manière claire, non ambiguë et
raisonnablement structurée » et ne se contentent pas, dans leurs
mémoires (en appel), à faire une simple allusion à une directive européenne
pour prétendre qu’elle n’a pas été respectée, au détour d’une phrase de cinq
lignes dans un mémoire de plusieurs pages ; dès lors, il était inévitable
que le moyen soit nouveau en cassation et la Cour de cassation n’a pas fait une
erreur d’appréciation (comp. supra,
n° 320, avec l’affaire Dulaurans)[112].
2) Le
dialogue dans la mise en état des affaires civiles et communautaires.
α) En droit national, les textes et la pratique de la
mise en état des affaires civiles confortent le principe de dialogue. Ainsi,
toute la réglementation de la mise en état devant le tribunal de grande
instance, dans le nouveau code tel qu’il était à l’origine, repose sur la
nécessité d’un dialogue entre le juge et les représentants des parties, dès la
conférence du président [113].
Le dialogue est intimement lié au principe de la contradiction, lequel ne se
conçoit pas sans échanges entre le juge et les parties ou entre les parties. Le
dialogue est aussi inscrit aux article 8 et 13 avec la possibilité reconnue au
juge de solliciter l’avis des parties sur les faits et sur le droit. Mais de la
théorie à la réalité il y a une marge, les choses ne se passant pas tout à fait
comme les rédacteurs du code l’avaient envisagé. Le code a prévu la tenue d’une
audience dite d’appel des causes, afin que le président puisse conférer avec
les avocats en vue de connaître l’état d’avancement de l’affaire et déterminer
avec eux la suite à lui réserver, selon l’état d’instruction du dossier. D’où
l’article 759, dont l’alinéa 2 dispose que le président
« confère de l’état de la cause avec les avocats présents ». En
pratique, malheureusement, en raison de la pratique contra legem, de la remise au greffe de la constitution de l’avocat
du défendeur, non pas par cet avocat, mais par celui du demandeur les choses ne
se passent pas ainsi. L’avocat du demandeur vient seul à l’audience (le plus
souvent, l’avocat du défendeur n’est même pas prévenu de la date de l’audience
d’appel des causes, n’étant pas encore connu du greffe, par hypothèse) ;
il remet, ce jour là, la constitution d’avocat de son adversaire, ce qui évite
à ce dernier un déplacement au Palais mais présente l’inconvénient de ne pas
permettre la conférence avec le président au cours de l’audience d’appel des
causes, à la date initialement fixée par le président. L’audience qui aurait dû
être un temps d’échanges, de premiers échanges, d’une véritable conférence à
trois (ou plus) se transforme en un dialogue entre le président et l’avocat du
demandeur et en une audience de renvoi !
Dans le souci de répondre aux
besoins des avocats et d’une saine concertation entre le juge civil et les
auxiliaires de justice, la pratique s’est instaurée d’établir un calendrier de
conférences successives entre le président et les avocats, au cours des
audiences d’appel des causes qui se succèdent au sein de la juridiction.
L’avantage est de permettre une bonne appréhension du dossier par le président,
de laisser aux parties un peu de temps, mais sous le contrôle du président et
dans les délais qu’il leur impartis, d’audiences en audiences. L’inconvénient,
outre de ne pas tenir compte du texte de l’article 761, qui ne semblait
pas avoir prévu la tenue de plusieurs conférences pour la même affaire (à
preuve la demande de renvoi de l’une des parties à titre de sanction, mais ici,
on suppose un accord entre les parties pour les renvois successifs), c’est que
cette pratique transforme le rôle du président et la nature de cette procédure.
Le président devient un juge de la mise en état et la procédure d’appel des
causes une procédure d’instruction de l’affaire, avec des phases de
concertation. Les avocats étant d’accord sur cette pratique, on ne peut que l’encourager
si elle doit favoriser une meilleure instruction des affaires et un délai de
jugement raisonnable. En tout cas, elle favorise le dialogue entre les parties
et le juge [114].
Une autre pratique consiste, au
Tribunal de grande instance de Paris, par un la passation d’un « contrat
de procédure » entre la juridiction et l’ordre des avocats, à revaloriser
le rôle du juge rapporteur de l’article 785[115].
Le décret précité du
28 décembre 1998 accentue cette obligation de dialogue en permettant au
président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge de la
mise en état de demander aux représentants des parties d’accomplir leurs
nouvelles obligations en matière de conclusions qualificatives et
récapitulatives, avant que la sanction ne tombe (nouvel article 765,
NCPC). Ce nouveau pouvoir d’injonction est aussi un élément du dialogue entre
le juge et les parties ; il doit être rapproché de l’actuel 13 du
nouveau code qui permet au juge d’inviter les parties à fournir les
explications de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige. Dans le
premier cas l’invitation du président lui permettra d’utiliser le circuit court
de la conférence avec les avocats pour mettre l’affaire en état ; dans le
second cas, le juge (ou le conseiller) de la mise en état pourra parvenir plus
rapidement à une clôture de l’instruction.
A terme, on devrait s’orienter
vers un dialogue interactif très fort entre le juge de la mise en état et les
parties, afin de permettre à celui-ci, aidé éventuellement par un assistant de
justice, de décanter le dossier, de le mettre en état en vue de préparer un
projet de décision, ce qui devrait être rendu obligatoire. Mais il ne faut pas
transformer la distinction nécessaire d’une phase d’instruction et d’une phase
de jugement en cloisonnement rigide qui ferait du juge de la mise en état une
juridiction autonome ; il faut que le JME participe à la formation de
jugement, tout en réglant les incidents de procédure [116].
Il doit être une aide pour ses collègues, pas un tribunal distinct. L’exemple
des procédures communautaires est, à cet égard, très probant.
β) En droit communautaire en effet, une pratique s’est
instaurée à la Cour de justice des Communautés européennes et au Tribunal de
première instance : la juridiction charge l’un des siens, juge-rapporteur,
de rédiger un rapport, dit rapport d’audience, sur les faits, le cadre
juridique, les prétentions et les moyens des parties à partir de leurs
écritures ; les parties sont invitées à faire connaître leurs observations
sur la conformité des faits rapportés et du droit en litige à leurs
écritures ; à cet effet, le rapport leur est communiqué 15 jours
avant l’audience ; cela permet de cristalliser le débat, sans contestation
sur ce point. Bien des erreurs sont ainsi évitées, donc des recours inutiles et
la formation de jugement connaît mieux le dossier.
A
ce rapport d’audience s’ajoute un rapport préalable, mais qui est destiné aux
seuls membres de la juridiction ; rédigé par le même juge qui a rédigé le
rapport d’audience, c’est l’équivalent de la « note » du
conseiller-rapporteur à la Cour de cassation. Devant le TPI, le rapport
d’audience est plus développé qu’à la Cour, le rapporteur devant esquisser la
solution qui lui semble la meilleure ; la raison en est qu’à la Cour il
existe un avocat général qui rédige des conclusions, alors que ce n’est pas le
cas devant le TPI.
3) Le
dialogue dans la recherche de la conciliation, d’une médiation et d’une
transaction. Le nouveau code de procédure civile, surtout après les
modifications intervenues avec le décret du 28 décembre 1998 contient
plusieurs dispositions, disséminées dans le corps du texte, qui tendent à
organiser et à favoriser les modes de résolution amiable des conflits. On
notera que les textes sur la conciliation limitent le dialogue entre le juge
d’instance et le conciliateur de justice, dans la mesure où ce dernier est tenu
à une obligation de secret (art. 8 du décret n° 78-381 du 20 mars 1978),
obligation qui lui interdit en principe de révéler au juge, dans son rapport,
le fond de l’affaire (il ne peut parler que de la forme : diligences
entreprises et résultat « brut » obtenu, sans détails du
contenu) ; l’interdiction n’est levée qu’en cas de médiation (et avec
l’accord des parties, art. 131-14, NCPC) ou de conciliation provoquée par une
demande expresse de tentative de conciliation par le demandeur à une action
devant le tribunal d’instance (toujours sous la condition de l’accord des
parties, art. 832-9, NCPC) ; ce dialogue est bloqué dans les autres cas de
conciliation, aucun texte ne permettant de déroger à l’obligation de
confidentialité des conciliateurs de justice, même avec l’accord des parties,
ainsi lorsque le conciliateur est saisi directement par les parties et
qu’ensuite elles vont devant le tribunal d’instance ; ou lorsque le juge
d’instance propose aux parties de rencontrer le conciliateur, avant de statuer
sur le litige dont elles l’ont saisi, par exemple par déclaration au greffe.
Dans ce dernier cas, le dialogue entre le juge et le conciliateur est inhérent
à la mission de ce dernier puisque l’article 5 du décret du 20 mars 1978 lui
fait obligation de rendre compte de sa mission au juge (art. 5), mais cela ne
concerne que ses diligences et le résultat de cette mission. Il serait donc
préférable de permettre aux parties de lever le secret dans tous les cas de
conciliation[117].
4) Le
dialogue à l’audience. Au-delà de la question des plaidoiries et de leur place
dans une procédure qui tend à devenir de plus en plus écrite [118],
on voudrait simplement signaler ici une pratique de droit communautaire qui
mériterait d’être transposée en France et une demande :
-
Dialogue à l’audience de jugement lorsque les juges interrogent les parties sur
le fait (rarement, en raison de la pratique qui a été décrite du rapport
d’audience), sur le droit et leur conscience que leur argumentation (si c’est
le cas) va à l’encontre d’une jurisprudence constante de la Cour ou du
TPI ; le TPI ou la Cour testent aussi à cette occasion la cohérence de
l’argumentation et, parfois, de nouvelles pistes de réflexion, de nouvelles
solutions, par une interrogation des parties invitées à faire connaître leur
sentiment sur ces réflexions et solutions. C’est « une sorte de prédélibéré contradictoire » [119]qui
s’instaure, introduisant les parties « dans
l’antichambre du conseil » [120].
Bien sûr, il ne faut pas se cacher que cette méthode bouleverse les habitudes
des conseils des parties, notamment des avocats de tradition continentale, qui
doivent apprendre à ne pas plaider sans interactivité ; c’est après
l’adhésion de la Grande-Bretagne et de l’Irlande que les audiences à Luxembourg
sont devenues moins ternes, plus animées, et que le débat oral est devenu une
partie utile de la procédure judiciaire [121].
Pour aider les avocats, la Cour a établi une « note destinée à servir de guide à Mmes et MM. les conseils des
parties lors de l’audience » et le TPI des « conseils aux avocats
et agents pour la procédure écrite » [122],
ainsi qu’une « note destinée à
servir de guide aux conseils des parties lors de l’audience des
plaidoiries ».
-
Au titre de l’émergence des idées nouvelles et dans le prolongement de ce qui
vient d’être dit sur la procédure communautaire, on signalera la volonté de « dialogue interactif »
demandé par le Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris, en faisant
allusion à la possibilité pour le tribunal de désigner un rapporteur qui serait
« l’interlocuteur naturel des
avocats des parties », qui fixerait, de concert avec les parties, le
calendrier de la procédure, auprès duquel serait déposé, à l’avance, le dossier
de plaidoirie, avec lequel il serait possible de mieux dialoguer, puisqu’il
ferait connaître les questions que le tribunal s’apprête à poser à
l’audience [123].
La proposition a rencontré un écho favorable : « le dépôt préalable par les avocats de leurs dossiers de
plaidoiries permettrait à ceux-ci, qui bénéficieraient d’un rendez-vous
judiciaire, de répondre par observations aux questions qui commandent la
solution du litige. Les débats ainsi conçus comme un dialogue interactif
gagneraient en temps, en efficacité, en clarté » [124].
Il est vraisemblable qu’un long délai s’écoulera entre ces déclarations
d’intention et leur mise en œuvre, si l’on veut bien se rappeler ce que nous
avons dit à propos des difficultés de dialoguer à la Cour de cassation entre
les parties et le conseiller-rapporteur (v. supra,
n° 466) ou entre les parties et l’avocat général (v. supra, n° 462). Il est certain, en tout cas, que ce dialogue
interactif constituera la base du nouveau modèle de procès.
5) Le
dialogue dans l’élaboration et la rédaction du jugement. Il semble bien que la
tendance contemporaine au dialogue entre les parties et le juge se retrouve
dans les nouvelles dispositions sur la rédaction des jugements issues du décret
du 28 décembre 1998. L’alinéa 1er
de l’article 455 du nouveau code est complété d’une phrase (art. 11
du décret) autorisant le juge à n’exposer les prétentions et moyens des parties
que par « un visa des conclusions
des parties avec l’indication de leur date ». Si cette nouvelle
disposition ne facilitera pas pour les tiers et autres commentateurs des
décisions de justice, la lecture et la compréhension des jugements, puisqu’ils
n’auront pas connaissance des écritures des parties, elle manifeste bien l’idée
que le jugement est une œuvre commune des parties et du juge ; peut-être
reviendra-t-on un jour au rétablissement des qualités ! A tout le moins,
on pourrait s’orienter vers un système, pour les Cours suprêmes, et lorsque la
procédure est avec représentation obligatoire, de soumission du projet d’arrêt aux
conseils des parties, ce qui permettrait d’éliminer les erreurs de fait comme
celle qui a conduit à la condamnation de la France par la cour européenne des
droits de l’homme dans l’affaire Fouquet [125].
Une
amorce de dialogue visant à parfaire la décision du juge et le jugement s’est
instaurée à la Cour de cassation, à compter du 1er janvier 2002,
avec la mise en œuvre des nouvelles dispositions sur le filtrage des pourvois
devant cette juridiction ; les parties menacées d’une décision
d’irrecevabilité sont interrogées sur le projet d’arrêt pour faire connaître
leurs observations.
b) Les
difficultés du dialogue en procédure pénale
1)
Médiation et transaction. L’initiative du procès pénal appartient au Parquet,
même si la victime, en se constituant partie civile, met en mouvement l’action
publique. De plus, dès qu’une poursuite est déclenchée, l’instance doit se
poursuivre, le ministère public ne disposant pas de l’instance. Pour autant, la
médiation et la transaction ne sont pas inconnues dans le procès pénal :[126]
-
Préalablement à toute décision de poursuite, lorsqu’il s’apprête à classer sans
suite un dossier, le procureur de la République peut décider de recourir à une
médiation, manifestation extérieure d’un dialogue ; la médiation a été
introduite dans le code de procédure pénale (article 41, al. 7) par
la loi n° 93- 2 du 4 janvier 1993 : « le procureur de la République peut enfin, préalablement à sa
décision sur l’action publique et avec l’accord des parties, décider de
recourir à une médiation s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible
d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble
résultant de l’infraction et de contribuer au reclassement de l’auteur de
l’infraction ». On le voit, la médiation ne heurte pas de plein front
le principe d’indisponibilité du procès pénal, puisque l’action publique n’est
pas encore déclenchée lorsqu’elle intervient [127].
En tout cas, elle est l’expression d’un dialogue (art. D. 15-1 à
D. 15-8) entre la victime et l’auteur de l’infraction. La loi
n° 98-1163 du 18 décembre 1998, relative à l’accès au droit et à la
résolution amiable des conflits, prévoit que la médiation pénale puisse
désormais être prise en charge par l’Etat au titre de l’aide juridique
(art. 13 qui modifie l’article 1er de la loi du
10 juillet 1991). D’autre part, il peut être créé dans le ressort de
chaque TGI une « Maison de justice et du droit » dont la mission est
notamment d’assurer « une présence
judiciaire de proximité » et de concourir « à la prévention de la délinquance et à l’aide aux
victimes », à côté de l’accès au droit (COJ,
art. L. 7-12-1-1, al. 3, réd. art. 21 de la loi de 1998).
-
Dialogue encore dans la possibilité de recourir à une transaction pour
certaines infractions, transaction qui va éteindre l’action publique [128].
Certaines administrations en effet, ont le pouvoir de transiger avec le
délinquant [129].
Celui-ci reconnaît l’infraction, verse une certaine somme d’argent ou exécute
certaines obligations et, en contrepartie, l’administration abandonne les
poursuites. Une telle pratique ne peut aboutir qu’à la suite d’un dialogue avec
le délinquant. Elle est admise par la Cour européenne des droits de l’homme si
elle est conclue sans contrainte [130].
-
Enfin, dialogue entre le Parquet et le délinquant en matière de stupéfiants,
puisque le Parquet peut ordonner une cure de désintoxication et que si le
toxicomane l’accepte (ou s’y soumet de sa propre initiative) l’action publique
est éteinte (C. santé publique, art. L. 628-1).
2)
L’échec de l’injonction pénale. La compensation pénale. Une loi votée par le
Parlement a été invalidée par le Conseil constitutionnel en février 1995. Elle
prévoyait que le Procureur de la République pouvait « proposer » à
l’auteur de certaines infractions (celles visées à l’article 48-2 du
projet), par la voie d’une injonction et en contrepartie de l’extinction de
l’action publique, l’exécution de certaines obligations (versement au Trésor
public d’une somme fixée par le Procureur dans les limites définies par la
loi ; participation à une activité non rémunérée au profit d’une personne
morale de droit public ou d’une association habilitée à cet effet, dans la
limite de quarante heures). La personne devait reconnaître les faits et
l’action publique ne devait pas avoir été mise en mouvement ; le procureur
devait justifier que cette procédure était susceptible de mettre fin au trouble
résultant de l’infraction, de prévenir le renouvellement de celle-ci et
d’assurer, s’il y a lieu, la réparation du dommage causé à la victime. L’accord
du délinquant résultait de l’exécution des obligations mises à sa charge,
dialogue a posteriori en quelque
sorte. Le Conseil constitutionnel a considéré que, dès lors que certaines
mesures étaient de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et
constituaient des sanctions pénales, leur prononcé et leur exécution ne
pouvaient, même avec l’accord de la personne susceptible d’être pénalement
poursuivie, intervenir à la seule diligence d’une autorité chargée de l’action
publique, mais requerraient la décision d’une autorité de jugement,
conformément au principe du respect des droits de la défense et à celui de la
séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de
jugement (considérant n° 5) [131].
Ce n’est donc pas l’amorce d’un dialogue (d’une négociation sur la poursuite)
qui est sanctionnée, mais la confusion sur la même tête de la décision de
poursuivre ou non et de prononcer une « peine », même déguisée en
obligation pécuniaire ou de faire.
En 1999, la loi n° 99-515 du
23 juin tend à « renforcer
l’efficacité de la procédure pénale » [132].
Il aurait mieux valu parler de la réaction sociale à une certaine forme de
délinquance, puisque l’essentiel de la loi est consacré (Chapitre I,
art. 1 à 6) « aux alternatives
aux poursuites et à la composition pénale ». Reprenant l’ensemble de
la question des mesures alternatives aux poursuites, la loi crée la composition
pénale qui s’insère dans un dispositif plus vaste d’évitement des poursuites,
la procureur de la République pouvant, « préalablement
à sa décision sur l’action publique, directement ou par délégation »,
prendre l’une des mesures énumérées au nouvel article 41-1,
C. pr. pén., « s’il lui
apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage
causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de
contribuer au reclassement de l’auteur des faits ». Parmi ces mesures,
outre celles énumérées à l’article 41-1, C. pr. pén.
(admonestation, suivi sanitaire ou socio-éducatif etc.), on trouve la nouvelle « composition pénale », dont
on dira simplement ici qu’elle constitue une alternative aux poursuites qui
revêt plusieurs formes (amende dite de composition, précisément, remise à
l’Etat de la chose qui a servi ou qui était destinée à commettre l’infraction ou
qui en est le produit, remise du permis de conduire ou de chasse, travail au
profit d’une collectivité) mais qui suppose toujours, d’une part, l’accord de
l’intéressé et,, d’autre part, la « validation »,
par le président du tribunal de grande instance, de la mesure proposée par le
procureur (C. pr. pén., art. 41-2, al. 10) ; cette
dernière exigence répond au souci du législateur de respecter la décision du
Conseil constitutionnel, du 2 février 1995, Injonction de payer, qu’un magistrat du siège, indépendant et
impartial, intervienne dans la procédure qui conduit à une mesure qui, au
final, apparaît comme une sanction pénale et suppose la reconnaissance, par
l’auteur des faits, qu’il les a commis [133].
Le projet de loi sur la
répression de la grande criminalité, qui sera vraisemblablement adopté en
décembre 2003, prévoit la possibilité pour certains délinquants de plaider
coupable, en contrepartie d’un dialogue sur leur peine avec le Parquet.
c) Le
dialogue dans la procédure administrative
1)
Instruction des procès. Le nouveau code de justice administrative pose en
principe préliminaire, applicable à toutes les juridictions administratives,
que l’instruction est menée contradictoirement, ce qui ne vaut pas que pour les
relations des parties entre elles mais concerne aussi les relations du juge
administratif avec les parties (art. L. 5). Même si la
« culture » judiciaire de ces juridictions est moins portée vers le
dialogue qu’en procédure civile, ce serait une erreur de croire qu’elle ne le
pratique pas. Il y a parfois plus de dialogue entre ce juge et les requérants
qu’il n’y en a dans certains procès civils[134].
2)
Conciliation et médiation. Les tribunaux administratifs ont été invités au
dialogue par la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 qui modifiait
l’article L. 3 du code des TA et CAA : « les tribunaux administratifs exercent également une mission de
conciliation ». Malgré quelques difficultés d’application et
d’adaptation des pratiques au nouveau texte [135],
en l’absence de décret d’application, le texte a été déclaré applicable
immédiatement par le Conseil d’Etat[136]
et la matière administrative connaît des modes de résolution nés du dialogue.
Le nouveau code de justice administrative reprend cette disposition (art. L.
211-4), toujours limitée aux seuls tribunaux administratifs, mais avec une
nuance : les tribunaux administratifs « peuvent exercer » et non
plus « exercent » cette mission ; sans doute faut-il y voir la
volonté du législateur de prendre acte que la conciliation devant les TA reste
très limitée (cinq cas d’action de conciliation en 1999)[137].
3) Le
dialogue des parties avec le Conseil d’Etat. Plusieurs dispositions du code de
justice administrative permettent au Conseil d’Etat de répondre à un besoin de
dialogue des parties :
-
Au profit des seules collectivités publiques, l’article R. 931-1 leur
permet, lorsqu’un de leurs actes administratifs a été annulé pour excès de
pouvoir ou lorsque la juridiction du fond a rejeté, dans un litige de pleine
juridiction, leurs conclusions en défense, de demander au Conseil d’Etat « d’éclairer l’administration sur les
modalités d’exécution de la décision de justice ».
-
Au profit cette fois de toutes les parties, l’article R. 931-2 prévoit
qu’elles peuvent signaler à la section du rapport et des études du Conseil
d’Etat « les difficultés qu’elles
rencontrent pour obtenir l’exécution d’une décision rendue par le Conseil
d’Etat ou par une juridiction administrative spéciale ». Ce sont de
véritables demandes d’aide à l’exécution.
-
Les parties peuvent aussi demander au Conseil d’Etat de prononcer une astreinte
« pour assurer l’exécution d’une décision rendue par le Conseil d’Etat ou
par une juridiction administrative spéciale » (art. R. 931-3).
3°) Le
dialogue entre les parties
a) Le respect du contradictoire.
La manifestation la plus importante du dialogue entre les parties est celle qui
leur est imposée dans le respect du contradictoire, qui a, en droit français,
valeur constitutionnelle.
b) La requête conjointe. Dans le
procès civil, c’est bien sûr la possibilité d’introduire l’instance par requête
conjointe (art. 54 et 57 et s., NCPC) qui retient l’attention ;
les rédacteurs du code avait mis quelque espoir dans l’esprit de conciliation,
en tout cas de dialogue, qui irait jusqu’à s’entendre sur l’existence de son
différend au point de saisir ensemble le juge. La lecture de l’exposé des
motifs du décret du 9 septembre 1971 révèle l’importance que revêtait,
pour ses rédacteurs, la faculté offerte aux plaideurs de s’entendre avant le
déclenchement des hostilités pour saisir conjointement le tribunal par une
requête. Espoir déçu sans doute, à en juger à l’utilisation quasiment
inexistante de ce mode d’introduction de l’instance en dehors du divorce [138].
c) En procédure pénale.
1)
L’émergence d’un dialogue malgré le droit de se taire et celui de ne pas
contribuer à sa propre incrimination. Consacré par la Cour européenne des
droits de l’homme le droit de se taire [139],
et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination [140]
sont des obstacles rédhibitoires au dialogue entre le mis en cause et la
justice, voire la victime. Les deux droits ne se confondent pas, la Cour
européenne considérant que le premier cité est plus large que le second [141].
La Cour européenne estime que ces deux droits sont au cœur de la notion de
procès équitable ; ils font partie du noyau dur de cette garantie. Mais
ces deux droits ne sont pas sans limites, limites qui sont autant d’incitations
au dialogue :
-
d’une part, si « le droit de se
taire implique qu’on ne puisse fonder une condamnation exclusivement ou
essentiellement sur le silence du prévenu ou sur son refus de répondre à des
questions ou de déposer, il est tout aussi évident que ces interdictions ne
peuvent et ne sauraient empêcher de prendre en compte le silence de
l’intéressé, dans des situations qui appellent assurément une explication de sa
part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge » [142].
Ce droit n’est donc pas absolu.
-
D’autre part, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination n’englobe
pas la possibilité de refuser de remettre des documents à charge, ni celle
d’empêcher l’utilisation de tels documents dans une procédure pénale,
lorsqu’ils ont été obtenues par la contrainte. La Cour européenne [143]rejoint
ici la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés [144].
Enfin,
dans une affaire mêlant les deux droits, la Cour européenne a considéré que « les condamnations du requérant à des
amendes en raison de son refus de prêter serment devant le juge d’instruction
qui l’avait convoqué comme témoin, ne s’analyse pas en une violation du droit
de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination ». La
Cour considère en effet que si le requérant pouvait redouter que par le biais
de certains des propos qu’il pouvait être amené à tenir devant le juge
d’instruction, il témoigne contre lui-même, ce qui l’autorisait à ne pas
répondre à celles des questions qui auraient été de nature à le pousser dans
cette direction, il ne pouvait pas d’emblée refuser de prêter serment [145].
2)
L’émergence d’un dialogue dans le cours de l’instruction, malgré la nature
inquisitoriale de celle-ci. La loi du 4 janvier 1993 a apporté un
incontestable progrès dans la reconnaissance des droits des mis en examen en
instaurant un début de dialogue entre les parties privées et le juge d’instruction,
même si cela reste nettement insuffisant et, parfois, très indirect. Le
maintien du principe d’une procédure d’instruction essentiellement écrite ne
favorise pas le dialogue ! C’est l’émergence de l’oralité qui change
progressivement les choses et accroît les possibilités de dialogue. Ainsi, du
débat préalable au placement en détention provisoire (art. 145,
al. 4, CPP), de la possibilité pour les parties de comparaître
personnellement devant la chambre de l’instruction (art. 199, al. 3
et 5), de prendre la parole en dernier devant cette juridiction [146].
Dans le même ordre d’idées, la possibilité de demander une contre-expertise ou
un complément d’expertise (art. 167), d’être présent lors des
perquisitions et saisies (art. 95 et 96) et, surtout, de réclamer au juge
d’instruction, à tout moment, certaines investigations (art. 81,
al. 9 et 82-1). Il reste que le refus d’accorder ces investigations n’est
soumis qu’à un appel restreint (art. 186-1). La volonté d’introduire un
peu de dialogue dans la procédure d’instruction ne va pas encore jusqu’à ouvrir
largement le respect des droits de la défense. La France est encore très en
retard sur le plan d’une participation équilibrée de toutes les parties à
l’instruction. Il reste beaucoup faire et le déficit démocratique est encore
fort.
C) Le
principe de célérité
La
lenteur a pu être considérée autrefois comme une sagesse qui « donne le temps de déjouer les calculs
d’un adversaire trop habile et rassure la conscience du juge » (Garsonnet
et Cézar-Bru). Ce temps est révolu, car la justice, service public, doit
trancher les litiges dans les délais les plus rapides afin de garantir
l’effectivité de leurs droits. La célérité participe à cette effectivité[147].
D’ailleurs, certaines législations étrangères n’hésitent pas à inscrire dans
leurs textes que « la solution juste
et en même temps rapide des litiges apparaît comme un but
essentiel » [148].On
retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de
l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme,
notion commune à tous les contentieux (1°) et, d’autre part, dans chacun des
contentieux (2° à 5°).
1°) La
célérité, exigence commune à toutes les procédures
La Cour
européenne veille scrupuleusement au respect d’un délai raisonnable entre le
début de l’instance et l’exécution du jugement. Selon les termes mêmes de la
Cour européenne, « le caractère
raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de
la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en
particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui
des autorités compétentes » [149].
La Cour européenne a eu l’occasion de fixer les deux moments qui doivent être
pris en compte pour déterminer le délai permettant d’apprécier le caractère non
raisonnable de la durée de la procédure. Le point de départ de la période à
considérer pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure
civile est la date de l’assignation des requérants devant le TGI [150].
Le terme du délai est la date du prononcé de l’arrêt de la Cour de
cassation [151].
Mais la procédure d’exécution du jugement constitue une phase de l’instance,
car la réalisation effective du droit inclue l’exécution du jugement au
fond [152].
En droit interne, un délai non raisonnable
peut constituer une faute lourde du service de la justice au sens de l’article
L. 781-1, COJ, pour les juridictions judiciaires [153]
et de la jurisprudence du Conseil d’Etat pour les juridictions administratives.
Le service public de la justice a un devoir de protection juridictionnelle de
l’individu [154].
2°) Le
traitement de la célérité en procédure civile : le nouveau visage du
procès civil
Le
principe de célérité n’est pas inconnu du nouveau code [155].
Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les articles relatifs aux principes
directeurs pour y voir poindre quelques exigences de rapidité (art. 2, sur
les délais requis ; art. 3, sur le pouvoir du juge d’impartir des
délais ; art. 15, sur le temps utile). Que l’on songe encore aux
procédures d’urgence, jour fixe, référé, ou aux textes sur la mise en état,
avec ses trois circuits (dont un court) et le pouvoir général du juge de la
mise en état tel que l’exprime l’article 763, al. 2 (il « a pour mission de veiller au
déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange
des conclusions et de la communication des pièces »). C’est bien sûr, au-delà du référé et
autres procédures d’urgence, les réformes introduites par le décret
n° 98-1231 du 28 décembre qui retiennent l’attention, comme
illustration de l’émergence d’un principe de célérité. L’essentiel du décret du
28 décembre est de permettre à la justice civile de traiter plus
rapidement des affaires enrôlées, désencombrer à terme les rôles des
juridictions civiles. Trois séries de dispositions peuvent être dégagées :
les unes tendent à faciliter le travail du juge et traduisent en partie le
renforcement du principe de dialogue, les autres à accélérer l’instruction des
affaires, les dernières à créer une véritable justice de l’urgence, non sans
complications d’ailleurs. Toutes ne sont pas sans dangers potentiels pour la
qualité de la justice qui sera rendue dans ces conditions nouvelles ; il
faudra veiller à ce que vitesse et précipitation ne se confondent pas. Mais la
pression de l’exigence d’un délai raisonnable, au sens de l’article 6
§ 1 de la Convention européenne, est forte.
a)
Faciliter le travail du juge
1)
Faciliter le travail du juge par des conclusions récapitulatives. L’innovation
la plus radicale, celle qui avait donné lieu à des réactions parfois très vives
des professionnels concernés, consiste dans l’obligation qui pèse désormais sur
les parties et leurs représentants de « reprendre
dans leurs dernières conclusions (art. 753, al. 2, pour le TGI),
ou « écritures »
(art. 954, al. 2, pour la cour d’appel,), « les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs
conclusions antérieures » (art. 753 pour le TGI) ou « précédemment présentés ou invoqués
dans leurs conclusions antérieures » (art. 954 pour la cour
d’appel). C’est tout le problème des conclusions dites récapitulatives, que le
nouveau code connaissait déjà mais uniquement en appel et à titre facultatif,
seulement si le juge sollicitait des avoués la récapitulation des moyens « successivement présentés »
(art. 954, al. 2 ancien) ; les prétentions elles-mêmes n’étaient
pas visées [156].
La faculté est étendue au tribunal de grande instance et, surtout, devient une
exigence légale, ce qui introduit un facteur d’autorité dans les relations du
juge avec les parties qui se substitue au dialogue, vertu contemporaine du
procès civil, vertu qu’il convient de restaurer et de promouvoir. L’obligation
est aussi étendue aux prétentions : dès lors que des prétentions n’auront
pas été reprises dans les dernières conclusions, elles devront être considérées
comme abandonnées ; l’absence de récapitulation constitue désormais un
signe d’abandon, pour les prétentions comme pour les moyens. Il sera prudent,
pour les parties, de reprendre les prétentions et les moyens dès le deuxième
jeu de conclusions, pour éviter toute contestation sur le sens de l’expression « dernières conclusions » (the last, but not the least). On renvoie
aux ouvrages spécialisés en procédure civile pour la mise en œuvre de cette
nouvelle obligation qui pèse sur les parties.
b)
Accélérer et améliorer l’instruction des affaires civiles
1)
L’article 5 du décret introduit, dans le nouveau code de procédure civile,
un article 155-1 qui permet au président d’une juridiction d’installer un
juge spécialisé dans le contrôle de l’exécution des mesures d’instruction
confiées à un technicien ; l’initiative en reviendra au président de
chaque juridiction qui jugera si l’intérêt d’une bonne administration de la
justice dans sa juridiction justifie la création de ce juge. Si cette décision
est prise, cela ne signifie pas que ce juge se verra confier le contrôle de
toutes les mesures d’instruction confiées à un technicien. En effet, le décret
du 28 décembre maintient en vigueur l’article 155, dont les deux
premiers alinéas prévoient que le contrôle de ces mesures est confié au juge
qui a ordonné la mesure (al. 1er) ou, en cas de mesure ordonnée
par un formation collégiale, au juge chargé de l’instruction et, à défaut au
président de cette formation s’il n’a pas été confié à un membre de celle-ci
(al. 2, dont la rédaction subit quelques retouches de rédaction purement
formelles). C’est seulement si le juge chargé de l’instruction ou la formation
collégiale le décident que le contrôle sera confié au juge spécialisé
(art. 155, al. 3 nouveau, issu de l’article 4 du décret). On
peut penser que le président qui aura instauré un juge spécialisé veillera à ce
qu’il soit abondamment pourvu en mesures d’instruction à contrôler !
2) Le
contrôle, par la Cour européenne des droits de l’homme, des diligences du juge
de la mise en état. Dans un arrêt du 9 novembre 1999 (Gozalvo), la Cour européenne sanctionne la France pour défaut de
délai raisonnable dans une procédure en indemnisation d’un hémophile contaminé
par le virus de l’hépatite C, ce qui, en soi, n’a rien d’étonnant. Mais la
motivation est intéressante : « l’enjeu
du litige devait conduire les autorités judiciaires à un comportement diligent,
ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le magistrat de la mise en état ne
semblant pas avoir fait plein usage des pouvoirs que lui donne le code de
procédure civile en matière de conduite de la procédure, notamment en donnant
aux parties injonction de conclure » [157].
3)
L’encadrement des délais de l’expertise. Plusieurs dispositions viennent
accroître les obligations qui incombent à l’expert ou aux parties dans le but
de rendre l’expertise plus rapide. Ainsi, l’expert devra dorénavant informer le
juge non seulement de l’avancement de ses opérations, mais aussi « des diligences par lui
accomplies » (art. 273 complété par l’article 6 du décret.
Quant aux parties elles seront sanctionnées par la juridiction de jugement en
cas de défaut de communication de documents à l’expert ; en effet, la
juridiction de jugement pourra « tirer
toute conséquence de droit » de ce défaut de communication
(art. 275, al. 2, complété par l’article 7 du décret).
c) Créer
une véritable justice civile de l’urgence
Plusieurs
dispositions dessinent, si on les rapproche, l’ébauche d’une véritable justice
civile de l’urgence.
1)
Simplification et accélération de la technique de la passerelle devant le TGI.
L’article 21 du décret rétablit un article 811 qui améliore
sensiblement la technique de la passerelle entre la procédure de référé et la
procédure au fond devant le TGI ; désormais, le juge des référés peut
directement fixer dans son ordonnance de non lieu à référer la date de
l’audience au fond, sans qu’une nouvelle assignation soit nécessaire, puisque « l’ordonnance emporte saisine du
tribunal ». La passerelle doit être demandée par l’une des parties et
être justifiée par l’urgence ; le juge doit veiller à ce que le défendeur
dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense. Pour la constitution
d’avocat par le défendeur et pour le déroulement de l’audience,
l’article 811 renvoie respectivement aux dispositions des article 790
et 792, al. 2 à 4. En conséquence de ce nouveau texte, l’article 788,
dernier alinéa est abrogé par l’article 20 du décret, ce qui a pour effet
de ne plus permettre une utilisation d’office de la passerelle ; la
technique doit obligatoirement être demandée par l’une des parties. La
technique n’a pas été étendue au tribunal d’instance, pas plus qu’au tribunal
de commerce ; sans doute une occasion manquée.
2)
L’accélération, en appel, du circuit court de l’article 910, al. 2.
Le décret du 28 décembre crée une audience à bref délai dans le cadre des
dispositions de l’article 910, al. 2 qui, pour l’essentiel, sont
maintenues sur les autres points. Lorsque l’affaire semble présenter un caractère
d’urgence ou être en état d’être jugée (le texte ne vise plus le critère de
pouvoir être jugée à bref délai), le président de la chambre saisie, d’office
ou à la demande de l’une des parties, « fixe
à bref délai l’audience à laquelle elle sera appelée ». Le texte ne se
contente donc plus d’une fixation aux « jour et heure auxquels l’affaire
sera appelée ». Il est clair que les rédacteurs du décret ont voulu
renforcer la possibilité offerte aux parties et au président d’accélérer en
appel le jugement des affaires urgentes (en apparence au moins) ou en état
d’être jugée (en apparence aussi). La seule difficulté consistera à trouver une
date d’audience à bref délai pour toutes les affaires qui répondront à l’une de
ces conditions ! A force de créer des procédures accélérées on s’apercevra
vite que tout est urgence et que les disponibilités des juridictions ne
permettront pas de répondre aux demandes. Pour le reste il est procédé selon
les dispositions des articles 760 à 762 (renvoi à l’audience).
3°) La
justice pénale de l’urgence
L’équilibre
est ici plus difficile à tenir entre l’exigence d’une justice pénale rapide,
qui participe à l’efficacité de la répression (cf. Beccaria, point n’est
besoin de peines trop sévères, dès lors que la certitude et la rapidité de la
peine, dans son prononcé et son exécution sont acquises) et le respect des
droits de la défense, qui constitue l’un des fondements d’un Etat de droit. La
procédure pénale contemporaine répond déjà à cette exigence, avec notamment
l’enquête flagrante qui donne à ceux qui en sont chargés des pouvoirs de
contrainte justifiés par l’urgence et avec la procédure de comparution
immédiate. Il semble difficile d’aller beaucoup plus loin, sauf à remettre en
cause les droits de la défense. La loi du 15 juin 2000, déjà évoquée, introduit
la notion de délai raisonnable pour le jugement d’une accusation en matière
pénale (article préliminaire du code de procédure pénale).
4°) Le
traitement de la célérité dans la justice administrative
Plusieurs
aspects doivent être envisagés, de la création (en 2000) d’une véritable
justice de l’urgence à la célérité dans les cas où l’urgence n’est pas
présente [158].
a) La
création d’une véritable justice de l’urgence
Le juge
administratif n’était pas habitué, jusqu’à une époque récente, à statuer dans
l’urgence ; cela ne faisait pas partie de sa culture. Certes, la loi du
22 juillet 1889 sur les Conseils de préfecture, faisait application de la
pratique du constat d’urgence, par laquelle le juge désigne un expert pour
constater des faits sans délai et cette procédure avait été reprise aux
articles R. 136 et R. 137 du code des tribunaux administratifs et des
cours administratives d’appel. Mais, il faut attendre la loi du
28 novembre 1955 pour constater l’introduction d’un juge des référés dans
le contentieux administratif, avec des pouvoirs d’ailleurs limités,
l’administration ne souhaitant pas voir son action gênée par un juge
administratif trop audacieux ! Aujourd’hui, pour le contentieux de droit
commun et sous réserve de quelques contentieux particuliers, le
référé-instruction, qui permet au juge d’ordonner toutes mesures utiles
d’expertise ou d’instruction, n’est pas lié à l’urgence mais à l’utilité de la
mesure réclamée. Le référé-provision n’existe que depuis le décret du
2 septembre 1988, rattrapant ainsi un retard considérable sur le
contentieux civil. Le référé conservatoire suppose l’urgence de la mise en
œuvre de la mesure demandée. Par ailleurs, quelques contentieux particuliers
connaissent d’un référé spécifique ; ainsi, du contentieux fiscal pour accorder
au contribuable qui conteste son imposition un sursis au paiement, sursis que
lui refuse l’administration. Ou encore, le référé pré-contractuel des articles
L. 22 et L. 23 qui ne date que de la loi du 4 janvier 1992
(revue par la loi du 29 janvier 1993) et qui permet de faire censurer des
infractions aux règles de passation des marchés publics (règles de publicité et
de mise en concurrence). Le juge des référés ne pouvait pas, jusqu’aux lois du
8 février 1995 et du 30 juin 2000, sauf rares exceptions (par exemple
dans la procédure de contrôle de légalité des arrêtés de reconduite à la
frontière), ordonner la suspension d’une décision administrative ; or, les
recours n’étant pas suspensifs et les délais de jugement devant la juridiction
administrative étant longs, l’exécution provisoire sans possibilité d’agir en
référé donne l’avantage à l’administration sur l’administré. Il a fallu
attendre la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (loi commune aux trois
grands contentieux) pour que soit reconnue la possibilité de demander au
président du tribunal administratif la suspension provisoire d’exécution d’une
décision dont le sursis à exécution est par ailleurs sollicité de la
juridiction administrative (art. L. 10, Code des TA/CAA). Mais c’est
une possibilité aux effets limités car les conditions du prononcé de cette
mesure provisoire sont les mêmes que celles qui doivent être remplies pour
obtenir le sursis à exécution, à savoir le risque de conséquences irréversibles
et l’existence d’un moyen sérieux d’annulation. La nécessité d’une réforme
était indispensable.
La loi du 30 juin 2000
clarifie le contentieux de l’urgence [159].
Pour l’essentiel, ne sont pas concernés par la réforme les référés non liés à
l’urgence, référé-provision, référé-expertise et référé-fiscal, ainsi que le
référé pré-contractuel ; en revanche sont supprimées les procédures de
sursis à exécution et de suspension provisoire, pour fusionner, en quelque
sorte, dans un nouveau référé-suspension. Décret d’application no 2000-1115,
22 novembre 2000[160].
1) Deux nouveaux référés
apparaissent en effet, dans le paysage administratif français :
α)
Le référé-suspension (art. L. 521-1, du code de justice administrative).
Ce texte prévoit que « quand une
décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en
annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce
sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de
certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état
d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à
la légalité de la décision ». Ainsi, pour la première fois en France,
est remise en cause, d’une manière large, la règle sacro-sainte que les recours
contentieux ne sont pas, en matière administrative, suspensif d’exécution de la
décision attaquée. Ce nouveau référé s’étend aux décisions administratives de
rejet, remettant ainsi en cause la jurisprudence Amoros [161].
Certes, il faut justifier de l’urgence et que le moyen invoqué à l’appui du recours
contentieux soit propre à fonder un doute sérieux sur la légalité de la
décision, mais c’est une avancée considérable dans la défense des citoyens
devant l’administration. La jurisprudence traditionnelle qui interdisait au
juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision est ainsi anéantie.
Celle qui autorisait le sursis à exécution, dans des conditions
particulièrement restrictives, se voit substituer de nouvelles
conditions : plus n’est besoin de faire état d’un « préjudice difficilement réparable », ou « de
conséquences irréparables » (ce qui excluait le sursis lorsque le
préjudice pouvait faire l’objet d’une réparation d’ordre exclusivement
pécuniaire [162]),
l’urgence suffit ; et le « doute
sérieux quant à la légalité de la décision » remplace le « moyen sérieux d’annulation »,
moyen que le juge examinait d’une manière approfondie, mais on remarquera – et
cela atténue la portée du changement – que le nouveau doute sérieux doit être
dans le moyen ! Saisi comme juge des référés, le Conseil d’Etat, a
précisé, très vite, qu’il y a urgence « lorsque
l’acte dont la suspension est demandée préjudicie de manière suffisamment grave
et immédiate à l’intérêt public, voire à la situation du requérant ou à ses
intérêts, quand bien même ledit préjudice ne serait que de nature
financière » [163]. A
l’inverse, le Conseil d’Etat a retenu l’urgence pour suspendre une sanction
pécuniaire disciplinaire prononcée, à l’encontre d’un cadre d’une société
prestataires de services financiers, par le Conseil des marchés financiers, au
motif « qu’elle préjudicie à la
situation de celui-ci d’une façon qui conduit à tenir la condition relative à
l’urgence comme satisfaite », alors que, dans la même affaire,
l’urgence n’était pas regardée comme remplie « en raison de la gravité des manquements reprochés à ce cadre et
des considérations, d’intérêt général, relatives à la loyauté du marché et à la
protection des épargnants et investisseurs », pour ce qui est de la
sanction du retrait de la carte professionnelle[164].
En tout cas, il ne s’agit que d’une faculté pour le juge des référés. L’article
L. 521-4 du code de justice administrative apporte des précisions
intéressantes : à tout moment, le juge des référés peut, au vu d’un
élément nouveau, modifier les mesures qu’il avait ordonnées ou y mettre fin.
β)
Le référé-liberté fondamentale, qui autorise le juge à donner des injonctions à
l’administration (article L. 521-2, code de justice administrative). C’est
l’apport essentiel de la réforme du 30 juin 2000. Dans le cadre de ce
référé-liberté, le juge peut ordonner des « toutes
mesures nécessaires » pour sauvegarder une liberté fondamentale
menacée par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé
chargé de la gestion d’un service public. Il s’agit, en réalité, de limiter
l’intervention du juge judiciaire aux seuls cas véritables de voie de fait,
lorsque l’autorité administrative a porté une atteinte « manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir
appartenant à l’autorité administrative ou à un texte législatif ou
réglementaire » ; la compétence du juge judiciaire est donc
désormais subsidiaire en matière d’atteinte à une liberté fondamentale par une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la
gestion d’un service public : elle ne peut jouer que dans le cas d’absence
manifeste de rattachement à un texte ou à un pouvoir. Le nouvel article
L. 521-2 donne ainsi au juge administratif des référés les moyens qui lui
manquaient pour répondre aux attentes du Tribunal des conflits qui avait affirmé
en 1997, à propos de consignation à bord d’étrangers non admis à séjourner sur
le territoire français, que « le
pouvoir d’adresser des injonctions à l’administration, qui permet de priver les
décisions de celle-ci de leur caractère exécutoire, est de même nature que
celui consistant à annuler ou à réformer les décisions prises par elle dans
l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, pouvoir dont l’exercice
relève de la seule compétence de la juridiction administrative, à l’exception
des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire » [165].
Quatre conditions cumulatives sont nécessaires à l’intervention du juge
des référés administratif : que l’on soit en présence d’une liberté
fondamentale[166],
que cette liberté soit l’objet d’une atteinte grave[167],
que cette atteinte soit manifestement illégale[168]
et qu’il y ait urgence.
2)
Le référé conservatoire de l’ancien article R. 130 du code des TA et CAA,
est toiletté, avec la suppression de l’interdiction de faire préjudice au
principal. En cas d’urgence et sur simple requête le juge des référés pourra
ordonner toutes mesures utiles, à la seule condition de ne pas faire obstacle à
l’exécution d’une décision administrative (art. L. 521-3, code de justice
administrative). Le juge des référés pourra ainsi prévenir l’aggravation d’une
situation dommageable ou la prolongation d’une situation illicite. On est
proche du référé judiciaire de l’article 809, al. 1er,
NCPC.
b) La
célérité dans les affaires non urgentes
Il faut
attendre le décret n° 97-563 du 29 mai 1997 pour que le contentieux
administratif connaisse du calendrier de procédure, dont l’objet et l’utilité
sont tout de même d’accélérer l’instruction des affaires. L’article R. 142
pour le tribunal administratif et l’article R. 147 pour la cour administrative
d’appel autorisent le président de la formation de jugement ou de la chambre à
fixer la date à laquelle l’instruction de l’affaire sera close, dès
l’enregistrement de la requête et si les circonstances de l’affaire le
justifient et, notamment, en cas de conclusions à fin de sursis à exécution de
la décision attaquée.
5°) En
droit processuel économique
Les
contentieux des autorités de marché [169]fournissent
un bon exemple de l’adaptation de la procédure à un impératif de rapidité, que
ce soit dans l’organisation réglementaire des recours contre les décisions de
ces autorités ou dans la pratique suivie par la Cour d’appel de Paris dans
l’application de cette réglementation : simplicité des formes de recours,
possibilité pour le juge saisi de suspendre l’exécution de la décision, tant au
fond que dans les mesures conservatoires prises par l’autorité de régulation,
calendrier de procédure fixé dès le dépôt de la requête, jugement en moins de
six mois etc.. [170].
Pour s’en tenir, par exemple, au contentieux de la concurrence, il connaît
depuis l’ordonnance du 1er décembre 1986, une véritable justice de
l’urgence, les mesures conservatoires pouvant être ordonnées soit par le
Conseil de la concurrence (art. 12, ord. 1er déc. 1986),
soit par le juge des référés, avec cette particularité que devant ce dernier
juge, l’urgence n’est pas expressément exigée comme condition de son
intervention (art. 36, dernier alinéa, ord. 1er déc.
1986). Dans le premier cas, l’urgence est la condition nécessaire à la mise en
œuvre des mesures conservatoires, dans le second elle est présumée [171].
Voilà donc un contentieux d’urgence particulièrement adapté aux nécessités de
notre temps.
On le
voit, à partir de ce panorama des nouveaux principes directeurs des procès,
c’est tout une vision universaliste du droit du procès qui se dégage ; les
anciens principes directeurs édictés par les législateurs nationaux conservent
certes un intérêt de guide des plaideurs dans la conduite, au quotidien, de
leurs procès, mais les principes nouveaux que nous avons dégagés et que trois
doctorants ont su développer avec dextérité sous la forme d’une thèse
(dialogue, loyauté et célérité) ont l’immense mérite et avantage de fixer un
cadre qui dépasse largement les intérêts privés des parties pour dessiner le
nouveau visage d’une justice rénovée, encadrée par des considérations d’intérêt
général. En outre, ces principes sont communs à plus de quarante Etats et les
législateurs nationaux ne peuvent pas les ignorer sous peine
d’inconventionnalité. Tous les Etats se reconnaissent aisément dans ces trois
principes, ce qui n’est pas nécessairement le cas des principes directeurs
nationaux et cela quelque soit la place respective des parties et du juge dans
la conduite du procès. Enfin, ces trois nouveaux principes peuvent être
aisément exportés vers ces contentieux nouveaux, ceux des autorités
administratives indépendantes qui ne disposent pas encore d’une tradition leur
permettant de dégager des principes directeurs
III – LOYAUTÉ EN DROIT DU PROCÈS
ET LOYAUTÉ EN DROIT DE LA CONCURRENCE
de la loyauté de
la concurrence à la loyauté de la procédure,
ou les dangers de la proclamation d’un
principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des
flux judiciaires
(publié
aux mélanges Yves Serra, 2006)
C’est au Conseil national des universités – lieu où la
loyauté doit s’exercer et être respectée avec beaucoup d’acuité – que j’ai
rencontré puis apprécié Yves Serra.
Bien sûr, je connaissais l’œuvre scientifique de celui qui, très tôt, contribua
à donner ses lettres de noblesse au droit de la concurrence. Et la loyauté
tenait une place importante dans l’étude du droit auquel il se consacrait. Mais
c’est de l’homme dont il faut dire ici (et écrire, pour garder trace du passé
au profit de ceux qui n’auront plus la chance de le rencontrer), qu’il fut non
seulement un honnête homme (au sens plein de cette expression au XVIIIème
siècle), mais aussi un collègue d’une grande loyauté ; lorsqu’il exerçait
ses responsabilités de rapporteur sur un candidat à la qualification aux
fonctions de maître de conférences ou à une promotion, il était très attentif
au respect de cette exigence : lorsqu’un dossier présentait des
faiblesses, il ne les sous-estimait jamais, même pour un candidat de sa région
ou de sa discipline, mais il les exposait avec mesure, sans chercher à blesser.
Sa loyauté s’exerçait aussi, à l’inverse, pour les candidats dont il souhaitait
ardemment la qualification ou la promotion ; sans excès, sans emphase, il
savait, mieux que d’autres, décliner les qualités qu’il avait décelées par la
lecture d’une thèse, d’une note d’arrêt, d’une chronique ; sa capacité
d’analyse et de synthèse était exceptionnelle. Et le regard noir et fougueux du
catalan qu’il revendiquait d’être, accompagnait par la force de l’expression
visuelle, la détermination de la parole et de l’écrit. Si une discussion
s’engageait, si des précisions lui étaient demandées, il répondait toujours
avec courtoisie, parfois avec passion, n’hésitait pas à convenir qu’il fallait
infléchir son jugement sur tel ou tel point ou, au contraire, rejetait avec
force et détermination toute contestation des conclusions de son rapport. Mais
chacun savait que son honnêteté intellectuelle se prolongeait dans une loyauté
totale. Bref, il était apprécié et respecté et je savais, en tant que Président
de la section de droit privé du Conseil national des universités entre 1992 et
1996, que je pouvais compter sur lui en toutes circonstances, sur une question
de procédure, la régularité d’un vote, comme sur la nécessité de débattre
librement et totalement avant de voter ou de s’assurer de la loyauté de
certains rapports. A cet égard, pour nous préserver de rapports partisans, il
lui est arrivé de me protéger de ses amis, comme je le protégeais des
miens ! C’est pourquoi – au-delà de la raison que ces Mélanges seront
offerts à un collègue disparu – je me suis permis de souligner, à grands
traits, l’une des qualités essentielles d’Yves Serra
en guise de propos préliminaires à une contribution qui concerne au premier
chef son œuvre doctrinale, mais aussi sa forte personnalité.
La
loyauté revient à la mode à travers le rapport présenté au Garde des sceaux par
le Président du Tribunal de grande instance de Paris, en juin 2004 et
disponible sur le site du ministère de la justice en septembre 2004, « Célérité
et qualité de la justice – La gestion du temps dans le procès ». Bien
avant la rédaction et le dépôt de ce rapport, dès 1999, une certaine doctrine
processualiste avait souligné l’importance de la loyauté dans le droit du procès[172] ;
et bien avant la doctrine processualiste, une autre doctrine, celle du droit
des activités économiques, s’est beaucoup intéressée, il y a plus d’un siècle,
à l’idée de loyauté : une saine et véritable concurrence ne doit pas
seulement être libre, elle doit aussi être loyale, nous apprennent la
jurisprudence dès la fin du XIXème siècle, Pouillet et, surtout, Roubier avec
son magnifique traité de l’action en concurrence déloyale[173],
pour ne citer que ces deux auteurs. Nous avons la chance d’avoir étudié
successivement ces deux branches du droit, celui de la concurrence déloyale,
dès 1970[174] et
celui du droit du procès à partir de 1979, sans discontinuité. Nous pensons
donc pouvoir livrer quelques réflexions tirées de cette double appartenance
doctrinale. Nous le ferons à partir des deux idées suivantes, dont la seconde
s’apparente à une mise en garde à ceux qui voudraient instrumentaliser le
principe de loyauté :
-
il faut être loyal dans le droit du procès comme dans celui de la
concurrence : certes et nul ne peut nier l’importance de ce
principe ; mais quel contenu faut-il lui donner et quelle sanction faut-il
envisager de lui apporter ? Le droit de la concurrence peut nous aider,
par sa longue pratique du principe de loyauté, à mieux appréhender ce contenu
et cette sanction dans le droit du procès.
- Surtout, quelle finalité reconnaître à cette
exigence ? En proclamant, dès 1999, la loyauté comme principe directeur du
procès, nous étions dans une démarche de conceptualisation du droit du procès
qui englobait deux autres principes, ceux du dialogue et de la célérité.
Reprendre cette idée d’une loyauté élevée à la hauteur d’un principe directeur
dans un rapport tout entier tendu vers la réalisation d’un seul objectif, celui
de la gestion quantitative des flux judiciaires, fait courir le soupçon de
vouloir faire de la loyauté la servante, l’instrument de la célérité, sans
souci du dialogue et des autres principes directeurs du procès. Si le rapport « Célérité
et qualité de la justice » magnifie la loyauté et sanctifie la
célérité, en occultant le troisième volet de notre conception du droit du
procès, celui sur le dialogue, on peut s’interroger sur les intentions de ses
auteurs. Nous savons, par nos travaux sur la concurrence déloyale, que la
loyauté de la concurrence doit s’accompagner de la liberté de celle-ci ;
de la même façon, un procès loyal doit s’accompagner d’un esprit de dialogue,
autre forme de la liberté, pour contrer ce que la loyauté proclamée en vertu
absolue porterait en elle d’instrumentalisation, pour ne pas dire de
manipulation, au détriment des justiciables qui feraient ainsi encore les frais
d’une nouvelle réforme de la Justice.
Bref, soyons loyaux (I), mais restons libres (II).
i
– une ardente obligation : soyons loyaux !
Que nous apprend le droit de la concurrence
déloyale en matière de loyauté ?
- Que son domaine est
très large et que son contenu est maintenant bien délimité par la
jurisprudence ; il sera intéressant de suivre cette évolution dans le
droit du procès.
- Que sa sanction reste
traditionnelle, celle des conditions de mise en œuvre de la responsabilité
civile : faute, préjudice et lien de causalité entre les deux sur le
fondement de l’article 1382 du code civil. Sur ce point, les deux branches du
droit ne peuvent pas se rejoindre : on imagine mal une action en
responsabilité pour déloyauté dans le procès, même si rien au niveau des
principes ne s’y oppose !
a)
convergence quant au domaine et au contenu du principe de loyauté
A priori, droit de la concurrence et droit du procès
n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est que, comme pour toute autre
branche du droit, le second vient organiser la sanction de la violation des
règles du premier. Et pourtant, on peut souligner à la fois l’extension du
domaine du principe de loyauté (a) et la précision de son contenu (b).
a) Extension du domaine
du principe de loyauté
1) Dans le droit de la concurrence, la loyauté est exigée
dans tous les secteurs de la concurrence, pas seulement celui du commerce, mais
aussi celui des activités économiques non commerciales, telles les professions
libérales. Parce qu’elle irrigue toutes les branches de la concurrence, la
loyauté conforte sa position comme principe ; loin de l’affadir, son
exportation vers les secteurs concurrentiels libéral, voire rural, la renforce.
Elle s’exporte même vers ce que les anglo-saxons dénomment « unfair
competition without competition », c'est-à-dire la concurrence
déloyale sans concurrence ; cela se produit par exemple, lorsqu’un
opérateur économique d’un secteur déterminé n’étend pas son activité au-delà de
ce secteur mais, par son action, notamment sa publicité, en vient à mettre en
cause l’activité des opérateurs d’un autre secteur, par exemple en reprenant
leurs slogans ou leurs marques ; de ce fait, il les concurrence de manière
déloyale.
2) Qu’en est-il en droit du procès ? L’émergence du
principe de loyauté se manifeste désormais dans tous les types de contentieux,
même si les degrés en sont variables selon la nature de celui-ci.
α) En procédure civile, ce principe n'apparaît pas en tant que tel dans le nouveau code
de procédure civile, mais il sous-tend nombre de dispositions. Indirectement, on le trouve exprimé dans
le droit de la preuve [175], aux article 9 (« conformément
à la loi ») et 10 (« mesures
légalement admissibles ») du code civil, dispositions que l'on
retrouve dans les textes du nouveau code de procédure civile sur les mesures
d'instruction (par exemple dans l'article 143 pour la notion de mesure
légalement admissible). De même, en permettant la production forcée des pièces
détenues par une partie, l'article 142, NCPC, postule une obligation de
loyauté dans la production spontanée. Organiser une filature pour contrôler et
surveiller un salarié « constitue un moyen de preuve illicite [parce
que déloyale], dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie
privée de ce dernier et est insusceptible d’être justifié, eu égard à son
caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur »[176]. Motulsky y voyait l'une des composantes des droits de la
défense, au même titre, pour les parties, que l'obligation de donner
connaissance de l'introduction de l'instance et de l'obligation de permettre la
comparution et aux côtés de l'obligation, pour le juge, de sanctionner les
violations des droits de
la défense commises par les parties, d'observer une stricte neutralité et de
motiver ses jugements et, pour le législateur, d'organiser un système rationnel
de voies de recours[177].
Le débat judiciaire doit être loyal et chacun doit apporter son
concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité[178].
Mais le principe de loyauté procédurale
tend à acquérir une importance autonome, au-delà du domaine de la preuve. Cette évolution doit être rapprochée de l'interdiction de se
contredire au détriment d'autrui, (qui est une forme de l'obligation de
loyauté) et de l'introduction de l'estoppel en droit français. En effet, sont
récemment apparues en droit interne français des hypothèses où le juge a rejeté
la prétention d'un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une
situation qu'il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur
les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l'apparence ou de la
règle nemo auditur ; ainsi,
lorsqu'une « mère » adoptive sollicita la révocation de l'adoption du
jeune homme qu'elle n'avait adopté, en fait, que pour échapper, en tant que
bailleur, à la législation sur les baux ruraux [179] ; ou encore,lorsque le cédant d'actions sociales n'ayant pas
notifié cette cession invoque l'absence d'agrément des cessionnaires [180] ; ou enfin, lorsqu'il est décidé« qu'un prévenu n'est pas recevable à invoquer l'inopposabilité en
France d'une décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa demande » [181]. Cette interdiction de se contredire au détriment d'autrui,
véritable principe général du droit [182], notamment dans le domaine du commerce international [183], pourrait, selon un auteur, être systématisée, formalisée par
l'institution anglaise de l'estoppel,
« mécanisme purement défensif,
enraciné dans l'équité et tendant à la moralisation des comportements
processuels » [184]. Ce mécanisme pourrait même, dans l'ordre international, « prendre le relais de la fraude au
jugement »[185]. De même,
dans le cas d'une femme marocaine divorcée selon la loi française et qui n'a
pas demandé l'application (obligatoire, en raison d'un traité franco-marocain,
lorsque les deux époux sont de la même nationalité marocaine et du caractère
indisponible des droits) de la loi marocaine, ni en première instance, ni en
appel ; elle le fait pour la première fois en Cour de cassation, parce
qu'elle a perdu dans son affaire de divorce. N'y a-t-il pas violation d'une
obligation de bonne foi processuelle ? N'est-ce pas une déloyauté que
d'attendre d'arriver en cassation pour invoquer un moyen qui aurait pu l'être
utilement dans les instances précédentes ? La Cour de cassation
n'aurait-elle pas pu sanctionner cette déloyauté par le rejet du
pourvoi ? [186]
Dans les procédures d'exécution, on peut découvrir une trace de cette obligation de loyauté dans
l'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 qui fait obligation aux tiers
d'apporter leur concours aux procédures d'exécution, sauf motif légitime [187]. De même, dans l'article 60 du décret d'application du31
juillet 1992, à propos de l'obligation d'information qui pèse sur le tiers
saisi dans le cadre de la saisie-attribution.
Par ailleurs, on
rencontre un phénomène d’extension du principe de loyauté au-delà du champ
judiciaire, un peu comme en matière de concurrence déloyale avec la pratique de
l’unfair competition without competition. Ainsi, on voit le poindre dans le
domaine de l'arbitrage et la cour de Paris
a-t-elle jugé le 5 juillet 2001 [188]que « le
comportement consistant à invoquer un vice de la sentence seulement dans le
cadre du recours en annulation, alors que ledit vice aurait déjà pu être
soulevé en cours de procédure, constitue une violation du principe de la bonne
foi que les pouvoirs d'amiable composition conférés aux arbitres
n'affranchissent pas les parties de respecter ».
L’inscription du principe de loyauté dans le nouveau code de
procédure civile ne ferait donc que consacrer cette évolution : « le
respect de la loyauté processuelle devrait figurer explicitement au nombre des
principes directeurs du procès pour mieux asseoir sa nécessité et servir de
référent pour toutes les procédures et devant tous les juges »[190].
β En procédure pénale, contrairement à ce que l'on pourrait croire, compte tenu de
l'importance de ce contentieux pour la protection des libertés fondamentales,
la procédure pénale ne consacre pas encore une obligation absolue de loyauté,
notamment dans la recherche des preuves. Il est significatif de signaler, à cet
égard, qu'en mars 1999, au cours du débat à l'Assemblée nationale sur la
réforme de la procédure pénale et de la présomption d'innocence, un amendement
tendant à ce qu'il soit statué sur l'accusation « sur le fondement de preuves loyalement obtenues » a été
combattu par des députés et notamment par un avocat ! On aurait cru la
jeune génération de députés venus du Barreau plus proche des libertés et droits
fondamentaux qui fondent notre procédure pénale[191]. De fait, le principe de loyauté ne figure pas dans les principes
directeurs du procès pénal énumérés à l’article préliminaire du CPP[192].
Certes, le policier dans l'enquête, comme le juge d'instruction dans l'instruction, doivent administrer la preuve
dans le respect du principe de légalité, ce qui implique que cette
administration soit loyale, sans stratagème ni artifice. C'est la fameuse affaire Wilson de 1888 dans laquelle les Chambres réunies de la Cour de
cassation avaient sanctionné l'attitude d'un juge qui s'était fait passer pour
un tiers, au téléphone, afin de mieux obtenir, par la ruse, les confidences
d'un complice de l'infraction [193]. La chambre criminelle a confirmé cette jurisprudence par la suite [194] : même
solution pour un policier qui avait enregistré les — propos d'un suspect en dissimulant un magnétophone [195]. C'est
aussi tout le problème des écoutes téléphoniques, — pour lequel l'attraction de la procédure par les droits
fondamentaux internationaux est forte, puisque la France a dû adapter sa
législation par une loi du 10 juillet1991, suite à sa condamnation par la Cour
européenne des droits de l'homme [196]. De même
encore, l'administration des douanes qui met en — œuvre une fausse filière de trafic de stupéfiants effectue une
livraison contrôlée dont la finalité reste obscure ; dans ce cas, « la
provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le
prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle procède de manœuvres de nature
à déterminer les agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de
loyauté des preuves »[197].
Pour autant, l'obligation de loyauté n'est pas encore, en procédure pénale, un impératif absolu, comme on va pouvoir en
juger : beaucoup reste à faire pour conforter le principe de
loyauté : ainsi, est-il admis depuis l'arrêt Wilson de 1888 (précitée), que si un juge ne peut procéder par
ruse, la même obligation ne pèse pas avec la même force sur le policier, « la dignité ayant des exigences
variables suivant le rang qu'on occupe dans la hiérarchie ». D'où
l'admission de la preuve par un cinémomètre associé à un appareil de photo et
dissimulé, ce procédé ne portant pas atteinte, selon la Chambre criminelle, à
la vie privée (protégée par l'article 8 de la Convention européenne) [198]. De même, le principe de loyauté oblige seulement les policiers
ou gendarmes à justifier de l'homologation de l'appareil qu'ils utilisent pour
contrôler le taux d'alcoolémie des conducteurs ; ils n'ont pas à joindre
le ticket imprimé par l'appareil, la preuve de l'alcoolémie résultant
suffisamment du taux indiqué sur le P.V parle policier[199]. Les
provocations policières elles-mêmes sont admises, dès lors qu'elles visent seulement à administrer la preuve de
l'infraction, alors qu'elles entraînent la nullité de la procédure si elles
tendent à provoquer une infraction. « La chambre
d'accusation a justifié sa décision d'étendre la nullité des écoutes
téléphoniques aux actes de la procédure qui les ont suivies dès lors que
l'interpellation de l'intéressé a procédé d'une machination de nature à
déterminer ses agissements délictueux et que, parce stratagème, qui a vicié la
recherche et l'établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe
de la loyauté des preuves »[200]. De même, les parties peuvent produire en
justice des preuves établies de manière déloyale[201], voire
au prix d'une infraction[202], par
exemple en matière d'écoutes téléphoniques illégales. « Aucune disposition légale ne permet
aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au
seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale »[203].
Le juge doit joindre ces éléments au dossier pénal, les victimes
pouvant faire ce que les policiers ne peuvent faire ! L'exigence de
loyauté dans la recherche et l'obtention des preuves ne s'applique qu'aux
autorités policières et judiciaires ; cette jurisprudence est tout à fait
critiquable, la déloyauté devant être sanctionnée d'où qu'elle provienne. On va
pourtant la retrouver dans le contentieux répressif économique.
γ En contentieux
économique ♢ Devant les
autorités administratives indépendantes et spécialement devant le Conseil de la
concurrence, la jurisprudence,
dans le silence des textes a dégagé une obligation de loyauté dans la recherche
des preuves des infractions[204],
s'inspirant en cela de la procédure pénale, ce qui n'est guère étonnant dans
une procédure qui relève de la matière pénale au sens de la jurisprudence de la
Cour européenne. Cette jurisprudence, initiée par la
Cour de Paris et à laquelle s'oppose, en partie, celle de la Cour de cassation
concerne essentiellement la délimitation de l'objet de l'enquête pour déboucher
sur une véritable déontologie de celle-ci [205] :
- L'obligation, pour les enquêteurs, de faire connaître l'objet de leur enquête aux personnes interrogées a été mise en
évidence par la cour de Paris, juge d'appel naturel des décisions du Conseil de
la concurrence ; il est piquant que l'on redécouvre une obligation qui fut
l'une des conquêtes du droit procédural moderne contre le droit de l'Ancien
régime ; la jurisprudence ne se contente pas d'une formule de style dans
le procès-verbal d'enquête, du genre « l'enquêteur
à indiqué à M. X l'objet de l'enquête » ; il faut que la mention
permette de vérifier que les exigences légales et réglementaires ont été
respectées et elle doit donc mentionner d'une façon concrète l'objet et
l'étendue de l'enquête [206]. Par exemple, les enquêteurs ne doivent pas présenter l'objet de
leur enquête comme étant simplement le moyen de vérifier le prix des
carburants, alors que l'objet véritable de cette enquête est de rechercher des
déclarations qui seront ensuite utilisées pour faire la preuve, contre les
personnes interrogées, d'une pratique anticoncurrentielle. Dans une décision du 15 décembre 1999, le
Conseil de la concurrence a visé l'obligation de loyauté dans la recherche de
la preuve ; il relève que, lors de leurs auditions, dans une affaire
mettant en cause des entreprises de porcelaine, deux personnes « ont largement débordé
le champ de la résiliation d'un contrat de distribution et se sont étendues à
la totalité de leurs systèmes de distribution ; qu'ainsi, il n'a pas été
satisfait à l'obligation de loyauté dans la recherche des preuves »[207]. Mais une certaine souplesse apparaît dans certaines décisions.
Ainsi, la cour de Paris a admis que l'autorité qui a prescrit l'enquête peut la
délimiter préalablement si cela lui est possible et modifier ensuite son étendue[208]. La Cour de cassation est encore plus généreuse quant aux — réalités du terrain, en matière de délimitation du champ des
investigations des enquêteurs. Elle prend en compte le fait que lorsque
l'autorité prescrit l'enquête,elle ne connaît pas encore, avec précision, le
marché sur lequel porte les investigations et elle a considéré, en conséquence,
le 21 mars 2000, que l'article 47
de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'obligeait pas les
enquêteurs à délimiter préalablement le marché sur lequel pourront porter les
investigations ; il appartient au Conseil de la concurrence de la faire, a posteriori [209] ;
mais dans l'arrêt sur renvoi, la cour de Paris (qui avait écarté des débats un
procès-verbal d'audition au motif que la personne entendue avait pu se méprendre
sur l'objet de l'enquête et dont l'arrêt avait été cassé)réaffirme que « l'enquête préalable à
laquelle se livrent les fonctionnaires habilités ne peut avoir pour effet de
compromettre irrémédiablement l'exercice des droits de la défense » ;
en conséquence, même si l'enquête n'est pas soumise au
contradictoire,elle ne doit « conduire les personnes entendues à faire, dans l'ignorance de
l'objet de l'enquête, des déclarations sur la portée desquelles elles
pourraient se méprendre et qui seraient ensuite utilisées contre
elles » ; et elle confirme qu'elle
écarte des débats le procès-verbal d'enquête « dans la mesure où l'obligation de loyauté devant préciser à la
recherche des preuves a été méconnue » [210].
- Apparaît ainsi une l'obligation de respecter une véritable déontologie de
l'enquête. En revanche, le Conseil de la concurrence admet, comme en procédure
pénale, que les moyens de preuve obtenus d'une manière déloyale par les parties
peuvent être produits devant lui, notamment l'enregistrement et la transcription
des conversations téléphoniques obtenues à l'insu de l'intéressé ; le
Conseil se réfère expressément la décision précitée de la Chambre criminelle du
15 juin 1993, reprenant sa motivation, ajoutant qu'il est « chargé de la défense de l'ordre public économique et non de se
prononcer sur le bien-fondé des demandes dirigées par une partie contre une ou
plusieurs autres »[211].
b) Précision du contenu du principe de loyauté
Les deux droits sont ici très décalés.
1) Le droit de la
concurrence connaît une jurisprudence ancienne, devenue classique, qui encadre
formellement l’exigence de loyauté. Les opérateurs économiques peuvent
aujourd’hui connaître aisément les directives, la norme juridique que leur
imposent les tribunaux ; les auteurs de comportements déloyaux peuvent
rarement arguer de l’ignorance des critères de la loyauté. Mieux, dès la
publication des premiers traités de droit de la concurrence déloyale (on pense
à Pouillet), on trouve l’énumération – un peu comme un catalogue – des
comportements déloyaux. C’est Paul Roubier qui, le premier, sort de cette pure
casuistique et élève la concurrence déloyale à la hauteur d’une véritable
théorie ; il faut lire en contemplation les deux ouvrages pour comprendre
ce que théoriser veut dire, ce qu’être Professeur d’université signifie ;
la synthèse a fait place à l’analyse, le brio de la démonstration à la
platitude de l’exposé, analytique toujours, chronologique souvent, des affaires
soumises à la sagacité des juges.
2) Le droit du procès
est encore loin de ce schéma. D’abord, parce que la doctrine ne s’est pas
pratiquement pas intéressée à l’émergence de ce principe de loyauté, ni
antérieurement à 1999, date à laquelle l’auteur de ces lignes l’a mis en
évidence (v. supra), ni postérieurement[212].
Ensuite, parce que la jurisprudence a rarement déclaré clairement que la
loyauté était une exigence à respecter, avant même d’être un principe à
proclamer. C’est pourquoi, la publication du rapport « Célérité et
qualité de la Justice » et l’insistance de ses auteurs à demander
qu’on grave dans le marbre du nouveau code de procédure civile ce principe
directeur du procès, auront au moins le mérite d’attirer l’attention des
processualistes et des praticiens sur le respect de cette exigence et de faire
réfléchir la doctrine et les juges à la détermination de son contenu. Que
doit-on y mettre en effet ? Bien sûr, la loyauté dans les comportements
processifs des parties et de leurs représentants dans leurs relations entre eux
et dans leurs rapports avec le juge. Ce qui, déjà, recouvre un champ très large
qui ne se réduit pas au dépôt des conclusions et à la production des pièces en
temps utile ; mais ne faut-il pas aussi exiger une loyauté du juge ?
Evidemment, chacun s’accorde à reconnaître que le juge doit être loyal, mais qu’est-ce
que cela signifie au-delà de cette proclamation, de son application immédiate
la plus lisible dans le domaine du droit de la preuve et de sa traduction dans
le champ de cette vertu que constitue l’impartialité ? Par exemple,
faut-il aller plus loin et sanctionner comme déloyal le comportement d’un
président de tribunal correctionnel qui, dépassant son rôle de tiers arbitre,
se comporte en accusateur, empiétant sur les fonctions du ministère
public ? Doit-on sanctionner le comportement du juge d’instruction qui, à
une demande verbale et informelle d’un avocat (« quand pensez vous
remettre en liberté mon client qui est en détention provisoire ?) répond
« pourquoi, il a des choses à me dire, des révélations à
faire ? ». Faut-il sanctionner le comportement de ces juges
d’instruction qui ne permettent pas aux avocats présents dans leurs cabinets,
aux côtés des mis en examen (ou de ceux qui vont l’être) de lire, à l’écran de
l’ordinateur du greffier, en même temps qu’eux, les réponses des intéressés,
réponses dont on sait qu’elles sont reformulées par le juge lui-même ?
Car, enfin, par la lecture immédiate des réponses, le juge d’instruction
acquiert un temps d’avance sur l’avocat qui n’a fait qu’écouter son client et
n’a pas eu le temps de visualiser à l’écran la transcription des réponses, ce
qui ne lui permet pas de vérifier la conformité de cette transcription à la
teneur des propos tenus, sans même parler de ce qu’il ne bénéficie pas de la
force, de la puissance de l’écrit.
En proclamant la loyauté comme principe directeur du
procès, on permettrait à nos tribunaux d’affiner notre connaissance de son
contenu, surtout si la sanction de sa violation est efficiente.
b)
évolutions divergentes quant aux sanctions du principe de loyauté
a) En droit de la concurrence, la sanction est
classique : prouvez la faute, le préjudice et le lien de causalité entre
les deux et vous serez indemnisé sur le terrain connu de la responsabilité
civile, au fondement de l’article 1382 du code civil. L’action en concurrence
déloyale, malgré certaines tentatives pour l’autonomiser, reste,
fondamentalement, une action en responsabilité civile ; elle peut donc
puiser dans tous les champs de mise en œuvre d’une responsabilité civile, la
richesse considérable des apports jurisprudentiels.
b) En revanche, le droit du procès
n’en est qu’à ses premiers balbutiements en matière de loyauté. La remarque ne
vaut pas que pour la délimitation de son domaine ; elle vaut aussi pour sa
sanction.
1) Dans les relations
des parties entre elles, on voit
poindre, en procédure civile française, une technique d'irrecevabilité fondée
sur l'idée plus générale de loyauté dans le pouvoir d'agir en justice. Il ne
serait pas anormal alors, d'y voir une nouvelle fin de non-recevoir, plutôt
qu'une défense au fond ; on remarquera à cet égard que dans le lexique
anglo-français du Conseil de l'Europe (1993), l'estoppel correspond à trois
institutions françaises, dont la fin de non-recevoir[213]. En droit anglais, « il a été
jugé que le juge a le pouvoir mais aussi le devoir de radier une affaire ou de
rejeter un moyen de défense (to strike out a claim or defence) – la
radiation constituant une sanction du manque de loyauté dans la phase de disclosure
des documents – en vertu de l’objectif prioritaire du traitement équitable
de l’affaire. En schématisant, le manque de loyauté entre adversaires
lors de la production forcée des pièces dans la phase de préparation de
l’audience peut être sanctionné par la radiation de l’affaire »[214].
Mais que faire lorsque le comportement déloyal de la
partie ne peut être ainsi sanctionné par une fin de non-recevoir ? Par
exemple, en cas de dépôt de conclusions à la veille de l’ordonnance de clôture
de la procédure de mise en état ou son jour même ? Littéralement,
l’article 783 NCPC, n’interdit pas un dépôt dans ces conditions, mais on voit
bien qu’il peut empêcher la partie adverse d’en prendre connaissance en temps
utile ; or, la contradiction doit être respectée dans de bonnes
conditions. La jurisprudence soit repousse ou révoque cette clôture, soit
écarte du débat les conclusions tardives, toute autre solution étant exclue[215].
Mais ne faudrait-il pas prévoir le prononcé d’une amende dans une telle
hypothèse ?
Dans le procès pénal, l’acte révélant une déloyauté
pourrait être annulé, mais quid lorsque la déloyauté ne résulte pas de
l’accomplissement d’un acte ? Ne doit-on pas envisager la possibilité pour
le juge de tirer toutes les conséquences de cette déloyauté quant à l’issue du
procès Mais la solution porte en elle-même ses limites ; le juge ne peut
tout de même pas faire dépendre son jugement sur l’issue de l’affaire
(condamnation ou relaxe en correctionnelle par exemple) de l’appréciation qu’il
porte sur le comportement d’une partie pendant le déroulement de la
procédure ! Là encore, la possibilité de prononcer une amende doit être
envisagée.
2) Lorsque la déloyauté est le fait du
juge, les choses sont encore plus complexes. On imagine mal en effet, la
possibilité laissée aux parties de se plaindre aisément de tel ou tel
comportement du juge, par exemple en mettant en cause la responsabilité de
l’Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice. Le
dessaisissement lorsqu’il est possible, l’exercice des voies de recours en
toute hypothèse devraient constituer les solutions à mettre en œuvre avant
d’envisager contre l’Etat une action sur le fondement de l’article L. 781-1 du
code de l’organisation judiciaire.
On constate ainsi que la proclamation de l’exigence de
loyauté dans le droit du procès comme principe directeur est loin d’être
inutile, même si sa sanction peut soulever quelques difficultés. Mais il ne
faudrait pas que cette proclamation occulte les autres composantes du droit du
procès, notamment la liberté de le conduire et de dialoguer.
ii
-
une impérieuse nécessité : restons libres
De la même façon qu’en droit de la concurrence la liberté
accompagne la loyauté (A), en droit du procès la loyauté ne doit pas être
instrumentalisée au service de la seule préoccupation de célérité ; elle
doit s’accompagner de la liberté d’agir et de conduire le procès et d’un
principe de dialogue (B).
a)
la loyauté de la concurrence dans la liberté des pratiques concurrentielles
Avant d’être loyale, la concurrence doit être libre.
Certes, les deux exigences ont leurs règles propres, mais on ne peut favoriser
l’une au détriment de l’autre. Que serait l’exigence d’une concurrence loyale,
si cette concurrence ne pouvait même pas exister parce qu’entravée par des
pratiques condamnables ? Et à l’inverse, quelle serait une concurrence si
libre quelle serait déloyale ? Les deux qualités de la concurrence sont
étroitement liées, de la même façon que désormais il est admis que la
protection des consommateurs vaut aussi comme protection des concurrents. Ce
que nous avions pressenti et présenté dès 1970[216],
à savoir que les consommateurs et les concurrents sont dans le même
« panier », dans le même rapport, est aujourd’hui confirmé par la
jurisprudence ; ainsi, lorsqu’un opérateur accomplit des actes de
publicité mensongère ou de nature à induire en erreur le consommateur, non
seulement il lèse les intérêts des consommateurs, mais de plus il se rend
coupable de concurrence déloyale puisqu’il attire vers lui des clients par un
procédé déloyal[217].
Le « délit » est ici économique[218]
et concerne tant les consommateurs que les concurrents ; l’unité de la
répression traduit l’unité du comportement ; la liberté de concurrencer
les autres opérateurs trouve sa limite dans la licéité des pratiques envers les
consommateurs et cette licéité est elle-même un aspect de la loyauté de la
concurrence. C’est dire que tout est lié et qu’on ne peut affirmer l’une des
exigences (la liberté par exemple) en occultant l’autre (ici la loyauté).
b)
la loyauté de la procédure dans la liberté d’agir et de conduire le procès
Inscrire le principe de loyauté en droit du procès dans
une logique exclusive de célérité de la justice, de gestion quantitative des
flux judiciaires, serait une grave erreur. C’est pourtant ce que laisse penser
la lecture du rapport « Célérité et qualité de la Justice ».
a) Sans d’ailleurs que la lettre de
mission du Garde des sceaux ne soit reproduite en-tête du rapport (bien
qu’annoncée), le principe de loyauté, affirmé et proclamé comme un principe
directeur du procès, est ici inséré dans une pure logique de célérité, puisque
telle est l’une des composantes de l’intitulé du rapport. Les comportements
déloyaux des parties (il n’est pas question de ceux du juge) sont mis en
perspective avec la durée des procédures ; en réalité, il est à craindre
qu’il ne s’agisse purement et simplement de museler les parties pour que leurs
initiatives procédurales soient sanctionnées plus aisément. Dans le cadre d’un
objectif de qualité, deux principes seulement sont affirmés, loyauté (dont il
est demandé qu’il soit reconnu comme un principe directeur du procès) et
célérité ; le lien entre les deux est évident et la qualité n’est qu’un
prétexte qui habille d’un vêtement de respectabilité (qui ne souscrirait à un
tel objectif ?) une entreprise de reprise en mains par le juge de la
conduite des procès pour aller vite (mais sans doute pas très bien) dans le but
(inavoué) d’évacuer les rôles. Au profit de quels intérêts ? Certainement
pas ceux des justiciables, malgré l’affirmation que c’est « l’intérêt
général » et « l’image d’une justice enfin digne du label
européen » qui sont ici visés.
La preuve la plus éclatante en est
donnée par la proposition littéralement ahurissante d’imposer l’exécution
provisoire de plein droit des décisions de première instance, alors que cette
malheureuse solution a été écartée six mois auparavant par celui-là même qui a
commandé le rapport, c'est-à-dire le Garde des sceaux (quel respect, quelle
loyauté envers l’exécutif ?)[219] ;
alors qu’un amendement du Sénat au projet qui devait devenir la loi du 11
février 2004 sur les professions judiciaires a été repoussé par l’Assemblée
nationale après qu’un rapport ait été établi par une mission parlementaire et
qu’une étude approfondie et contradictoire a montré que le système actuel de
l’exécution provisoire à la discrétion du juge était sans doute la meilleure
solution (quel respect pour la représentation nationale puisque le rapport
feint de ne pas s’apercevoir que les députés n’en ont pas voulu?). En guise de
loyauté, c’est par antinomie que le rapport l’illustre…
Ou encore, pourquoi vouloir chasser des
prétoires les parties et la procédure accusatoire au profit d’un juge
d’instruction civil et de la procédure inquisitoire, en limitant, par exemple,
la production des pièces nouvelles devant la cour d’appel, au mépris de la découverte
de la vérité, et la recevabilité de moyens nouveaux au détriment de l’évolution
du litige et de la liberté des parties de faire évoluer leur stratégie
procédurale ? La liberté des parties est totalement entravée dans la
préconisation que les pièces nouvelles et les conclusions complémentaires ne
pourraient être produites ou déposées que sur autorisation du juge, alors qu’il
arrive qu’une partie ne puisse se procurer une pièce au début de l’instance
pour des raisons indépendantes de sa volonté. Quelle conception de la justice
peut inspirer une telle préconisation, si ce n’est que les parties sont aux
ordres du juge, que la procédure est faite pour brider leurs initiatives et non
pas pour promouvoir leur liberté ?
Où est l’égalité des armes lorsque le
demandeur pourra préparer les siennes pendant des mois avant de lancer son
assignation, alors que le défendeur se voit imposer un délai de deux mois pour
signifier ses premières conclusions et pièces ?
Où est la liberté de se défendre lorsque
les avocats devraient subir une sorte d’examen oral au cours d’une audience de
plaidoiries dite « interactive » et dont le résultat le plus
spectaculaire sera de réduire le temps des plaidoiries au profit de questions
posées par le juge aux avocats sur des points limités ?
Pourquoi,
au pénal, interdire à la défense le libre choix de ses arguments en allant
jusqu’à proposer de retirer la parole aux avocats ? « Célérité et
qualité » ont pour seul objectif de laisser le plaideur seul face au juge
qui pourra le conseiller sur la procédure à suivre, sans s’embarrasser de la
présence d’un avocat. Ah, que le justice est belle sans ses auxiliaires !
b)
En contrepoint, on se permettra de rappeler que lorsque nous avons préconisé
que la loyauté devienne un principe directeur du procès, cette proposition
s’insérait dans un système cohérent et complet qui n’était au service que d’une
seule cause, la défense des intérêts du justiciable. Le procès est une équation
à trois dimensions indissociables : loyauté, dialogue et célérité. Abandonner
l’une c’est déséquilibrer le droit du procès ; amputer le triangle
existentiel du principe de dialogue, c’est tout ramener à une exigence d’aller
vite, mais pas nécessairement bien ; c’est confondre vitesse et
précipitation, c’est sacrifier la sérénité au seul profit de la seule célérité.
Insister sur les seules exigences de loyauté et de célérité, n’est-ce pas, même
inconsciemment, même par pulsion freudienne, tout ramener et tout réduire aux
seuls aspects quantitatifs du droit du procès, exigence d’une époque
d’évacuation des flux judiciaires qui encombre la justice (en tant
qu’institution) contre les valeurs éternelles que la Justice (en tant que vertu
cette fois) porte en elle ? Evacuer les rôles, soulager les juges du
fardeau des dossiers innombrables, sans dialogue, c’est nier la liberté du
justiciable, car s’il faut être loyal, encore faut-il pouvoir rester libre de
conduire sa procédure (civile) comme on l’entend.
Célérité et loyauté doivent s’articuler avec le dialogue
et la liberté. Les réformes allemandes le démontrent : la généralisation
du juge unique, le rôle plus directif du juge dans le renforcement de la
direction matérielle du procès par le juge, la réduction du champ de l’appel,
la restriction d’accès à la Cour fédérale de justice[220],
ont conduit à un auteur à se demander si toutes ces modifications ne
traduisaient pas la méfiance des politiques envers les avocats et les
magistrats, au lieu de renforcer la protection du justiciable[221].
IV – VARIATION SUR LE MENSONGE ET LA DÉLOYAUTÉ :
DE LA VIE POLITIQUE A LA VIE JUDICIAIRE
EN PASSANT PAR LA VIE ACADÉMIQUE
Mélanges Yves Mayaud, Dalloz, avril 2017
« Dire
la vérité, c’est faire renaître la liberté. »
Alexandre
Soljenitsyne, décembre 1975.
Bien des liens
m’unissent à Yves Mayaud, mais l’un d’eux s’enracine dans nos œuvres de
jeunesse et me tient à cœur : si Yves consacra sa thèse de doctorat au Mensonge en droit pénal, sous la
direction du doyen André Decocq[222],
je l’avais précédé, plus modestement, en 1970, sur le thème de La publicité mensongère en droit français et
en droit fédéral suisse. Étude comparative, au civil et au pénal, d’un délit
économique, qui fut, au départ, un simple mémoire de doctorat[223],
dans le cadre de la préparation de mon second diplôme d’études supérieures de
sciences criminelles (DES), alors exigé pour être autorisé à se présenter à
l’agrégation de droit. Cet hommage au Professeur est donc pour moi l’occasion
de revenir à l’un de mes premiers thèmes de recherche, celui que je devais
ensuite côtoyer tout au long de ma vie, pas seulement académique et dont je
trouve un prolongement antinomique dans la notion de loyauté dont je préconise
qu’on l’érige en principe structurant du procès, de tous les procès. Peut-être
que cette préconisation n’est-elle que la traduction doctrinale de l’expérience
de la vie politique, qui devient douloureuse lorsqu’elle glisse sur le terrain
judiciaire, à l’initiative d’une Justice qui dû et sut ensuite reconnaître ses
erreurs, successivement par l’affirmation que l’une des plus hautes autorités
judiciaires avait menti et diffamé, par la condamnation de l’État pour ce fait
qualifié de faute lourde de ce service public[224]
et par une relaxe pour absence totale d’infraction, qui constitua le désaveu
cinglant de l’instruction conduite exclusivement à charge par un juge,
persuadé, dès le début, de la culpabilité de ceux qu’il avait mis en examen[225] ?
Quoi qu’il en soit, sans me livrer ici à une analyse pseudo-psychologique de
mes intuitions doctrinales, le fil conducteur de cette contribution (ou, si
l’on préfère, l’axe vertical d’une leçon d’agrégation) est que le mensonge et
la déloyauté sont si fortement ancrés dans notre culture française (I),
qu’ils expliquent sans aucun doute la difficulté à faire admettre durablement
l’existence d’un principe de loyauté procédurale dans le droit du
procès (II).
I. - La
culture du mensonge
et de la déloyauté
et de la déloyauté
Sans excès et sans tomber dans le
populisme, on peut dire qu’il arrive à la classe politique de cultiver le
mensonge et/ou la déloyauté, sans doute encouragée par un sentiment
d’impunité (A) et par un système procédural qui a longtemps entretenu
l’idée qu’on pouvait mentir en justice sans encourir de
sanctions (B) ; même la vie littéraire ou académique par le silence,
sorte d’omerta fautive, n’échappe pas
à ce cancer de la démocratie (C). Certains des exemples cités ci-après
sont tirés d’expériences personnelles vécues dans trois de mes vies : académique,
judiciaire et politique. Le lecteur intéressé par cette question du mensonge et
de la duperie, moteur de nos sociétés, en trouvera un prolongement : dans
le monde de l’économie et l’ouvrage de G. Akerlof et R. Shiller[226],
qui estiment, selon les propos de J.-P. Pascal[227]
que « les pathologies de l’économie sont inhérentes à leur fonctionnement
normal » et que « dans tous les domaines (consommation, finance,
travail, santé, politique, etc.), les marchés engendrent toujours des
opportunités de manipulations et de duperies, lesquelles sont nécessairement
saisies par les agents, jusqu’à atteindre un équilibre, aux dépens des
dupés » ; et dans le monde de l’éthique biomédicale avec l’ouvrage
collectif Autour de l’intégrité
scientifique, la loyauté et la probité[228].
Les exemples qui suivent, non
exhaustifs, démontrent que si du songe au mensonge il n’y a qu’une différence
de trois lettres, alors on peut comprendre que certains, à l’instar de l’une
des héroïnes de Julien Green, « recherchent la vérité, à peu près comme
d’autres se jettent dans le rêve et ses paradis mensongers[229] ».
A. - Mensonge
et déloyauté dans la vie politique
La campagne présidentielle américaine de
2016 a été placée sous le signe du mensonge, plus exactement des accusations de
chaque candidat envers son concurrent d’être un menteur, de ne pas être
loyal : mensonge sur sa fortune et déloyauté par l’obscurité de sa
situation fiscale pour Donald Trump, mensonge dans l’affaire dite des courriels
sur un serveur privé pour Hillary Clinton ; il est vrai qu’aux USA, mentir
est grave (v. infra en matière
judiciaire) et que le manquement à la loyauté peut être durement sanctionné par
l’électeur ou par un candidat envers ses collaborateurs[230].
Chacun se souvient du sobriquet donné à Richard Nixon après l’affaire du Watergate : Dick le menteur. En
France, le mot loyauté a été prononcé et le concept invoqué des centaines de
fois dans les campagnes des primaires de la droite puis de la gauche, chacun
s’étonnant de la déloyauté de ses concurrents. Ces imprécations sont d’autant
plus surprenantes que la vie politique donne plutôt le sentiment d’être dominée
par le mensonge et la déloyauté, ainsi que l’illustrent les trois exemples qui
suivent, loin d’être exhaustifs[231].
1o « Les
yeux dans les yeux » !
Chacun se
souvient, bien sûr, de ce ministre délégué au budget qui, accusé de fraude
fiscale, osa déclarer, le
8 février 2013, face au journaliste Jean-Jacques Bourdin sur le plateau de
BFM-TV, en utilisant l’expression « les yeux dans les yeux »,
« Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. À aucun
moment » ; après avoir réitéré ses affirmations à l’Assemblée
nationale, il démissionna du gouvernement le 19 mars 2013 et avoua, enfin,
le 2 avril 2013, l’existence d’un compte non déclaré à l’étranger. Par la personnalité de l’intéressé, qui
avait gravi patiemment tous les échelons de l’accès au pouvoir, par les
fonctions exercées (le budget, qui le qualifiait particulièrement pour lutter
contre la fraude fiscale) il est et restera pour longtemps, quoi qu’il en soit
de l’issue du procès pénal qui l’attend, l’archétype d’une classe politique à
mille lieues des préoccupations des Français et de leur exigence de probité.
2o La main sur le
cœur !
Pour tenir la balance égale entre la
gauche et la droite, il convient de citer ici l’épisode suivant. Le mardi
28 mars 2006, à 22 h 58, en pleine crise du CPE (qui devait
conduire, au final, un président de la République à promulguer une loi et à
décider de ne pas l’appliquer, ce qui choqua profondément le professeur de
droit que je suis toujours resté), 30 recteurs ont reçu un courriel du
cabinet du ministre (et donc qui l’engageait) ainsi rédigé : « il convient de mettre fin aux
fermetures et aux blocages des lycées, pour assurer le libre accès aux élèves.
Pour cela : demander aux proviseurs de lycées touchés par des blocages de
prendre toute disposition utile pour que soit mis un terme à ces
blocages : ils doivent, en particulier, prendre contact directement avec
les autorités locales de police et de gendarmerie pour obtenir l’appui des
forces de l’ordre jeudi matin pour que l’entrée dans les établissements soit
possible à tous les élèves ». Surtout,
parallèlement et par téléphone (sur la ligne sécurisée des ministères), il fut
demandé à 14 recteurs seulement (sans doute ceux jugés les plus
« fiables ») de dresser une liste des établissements à évacuer par la
force publique le jeudi 30 mars ; demande confirmée par courriel du
même jour, à 22 h 59, adressé à ces seuls recteurs :
« quant à vous (les 14 que j’ai appelés particulièrement), il vous
suffira de m’adresser une liste des établissements concernés ». Libre au
ministère d’envisager l’évacuation de certains lycées par la force publique
(évacuation qui, toutefois, relève du ministre de l’Intérieur…), mais le plus
surprenant et indécent c’est que, la rectrice de Lille ayant diffusé ce dernier
courriel aux chefs d’établissement de son académie et la presse en ayant fait
état, le ministre, sans doute apeuré par l’ampleur prise par cette affaire, cru
bon, le vendredi 31 mars, de démentir avoir demandé l’intervention des
forces de l’ordre dans les établissements scolaires et déclara :
« les forces de l’ordre ne m’appartiennent pas » (propos rapportés
par le journal Le Monde des 3 et
4 avril 2006, page 16), évidence qui ne démentait en rien la teneur
du courriel et des propos ici rapportés. Le recteur de l’académie de Rennes que
j’étais alors exécuta, malicieusement, l’ordre donné de dresser une liste de
quatre établissements à évacuer, avec l’aide de son secrétaire général et en
prenant deux initiatives : prévenir la préfète (qui fut fort surprise
d’apprendre par mon canal une initiative qui relevait de la compétence de son
ministre de tutelle) ; choisir lesdits établissements, à égalité entre
deux circonscriptions de la majorité de l’époque (dont celle d’un ancien
ministre devenu président de la commission des finances de l’Assemblée
nationale et celle du ministre de la recherche en exercice…) et deux autres de
députés de l’opposition (à Lorient et dans le Finistère nord) ; la liste
fut transmise par fax au cabinet du ministre, le soir même du 28 mars mais
je pris soin d’indiquer que l’opération supposait l’aval du ministre de
l’Intérieur ! Et le jeudi 30 mars, par un communiqué que je rédigeais
moi-même, comprenant que l’ordre d’évacuation par la force était irréaliste et
stupide, que la crise provoquée par le CPE ne pouvait justifier cet excès
d’autoritarisme, j’écrivais, en relayant l’affirmation par une conférence de
presse, « qu’il m’est apparu qu’aucune situation locale ne justifiait de
faire appel aux forces de l’ordre », non sans avoir préalablement pris
soin de rappeler « qu’un recteur loyal à l’égard de son ministre et
pleinement responsable dans l’exercice de ses fonctions a toujours une marge
d’appréciation des directives nationales aux réalités locales ». Bref, je
m’appliquais à moi-même la théorie dite des « baïonnettes
intelligentes », mais face aux propos du ministre suite à l’initiative
prise par son cabinet, ma loyauté pesa de peu de poids : 3 mois après
je ne fus pas reconduit dans mes fonctions et en fus fort soulagé. Si, pour moi, un homme politique (et je
le fus pendant 20 ans, dont 12 en tant qu’élu) est d’abord un
visionnaire et un meneur d’hommes, ce que je connus à ce moment-là, me confirma
dans mon idée qu’être ministre n’adoube pas le titulaire d’un
« portefeuille » ministériel de cette double qualité.
3o L’esquive
déloyale dans la motivation et le cheminement du projet de loi sur la
modernisation de la justice du xxie siècle
Plus récemment, le processus parlementaire
du projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle révéla comment on peut être
successivement partial dans la présentation de ce projet, puis déloyal dans la
gestion des amendements gouvernementaux.
– Quant à
l’exposé des motifs de ce projet on peut y lire que la suppression des
tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux de l’incapacité,
réunis au sein d’un pôle social dans certains TGI (avec une partie du
contentieux confié aux commissions départementales d’aide sociale) a pour
objectif « de mieux
répondre aux besoins des justiciables les plus vulnérables : travailleurs
indépendants économiquement fragiles, personnes malades, bénéficiaires de
prestations sociales qui ont de faibles ressources, personnes handicapées pour
lesquelles les délais d’attente des décisions peuvent être particulièrement
préjudiciables. Ces derniers ont besoin
d’un accompagnement personnalisé impliquant une identification rapide de la
juridiction compétente et une proximité avec celle-ci. Actuellement, la
multiplicité des juridictions intervenantes en la matière est source de
complexité et génère une procédure coûteuse et longue ». Cet objectif est
louable et la création d’un pôle social au sein des TGI (que nous avions
préconisée en 2008 dans le rapport de la commission qui porte notre nom[232])
n’est pas en soi critiquable, mais la justifier par le souci de rapprocher le justiciable de son juge, ne
manque pas de sel, ni d’audace : d’une part, même avec l’échevinage créé
au sein des TGI, il n’est pas évident que le juge « naturel » de ces
affaires (surtout celles relevant de l’incapacité) soit le TGI ; d’autre
part, seuls certains TGI désignés par décret seront compétents[233], ce
qui signifie clairement que le justiciable aura plus de kilomètres à parcourir
pour voir son juge ! Là encore, libre au ministère de la Justice de
procéder à cette fusion, mais la justifier ainsi est une contre-vérité, qui, au
final, ne confortera pas la confiance du justiciable en ce ministère et des
citoyens en la parole politique.
– Quant à
la gestion des amendements présentés par le gouvernement, celui sur le divorce
par consentement mutuel est un exemple de pure déloyauté. Alors que
l’introduction de ce type de divorce sans juge ne figurait pas dans le texte
initial, déposé le 31 juillet 2015 sur le bureau du Sénat qui l’examina
donc en première lecture, à l’automne 2015, avant l’Assemblée nationale, le
nouveau ministre de la Justice introduisit nombre d’amendements au printemps
2016, en commission des lois de l’Assemblée nationale avant que celle-ci n’en
débatte publiquement. La méthode était habile car en glissant des amendements
dans une loi fourre-tout sur la justice plutôt que d’en faire une loi autonome,
le gouvernement a réussi à éluder tout débat sur la famille et à faire de cette
question sociétale une variable d’ajustement de la régulation des flux devant
les juridictions. Cette méthode donne l’impression d’un mauvais coup porté à la
famille et aux enfants mineurs ! En effet, supprimer l’intervention du
juge, y compris en présence d’enfants mineurs (sauf si ceux-ci le demandent…),
relève du débat de société et il aurait été utile d’en discuter
contradictoirement au Sénat et publiquement dans les médias, non seulement à
raison de la protection de ces mineurs (la loi n’exigeant pas qu’en cas de
présence d’enfants mineurs l’intervention du juge soit obligatoire)[234], mais aussi, parce que cette évolution
change la nature du mariage, qui tend à devenir un contrat entre époux, sans
souci des enfants nés du couple et non plus l’adhésion consentie et responsable
à une institution qui fonde la famille ; c’est d’ailleurs pour cette
raison que la commission qui porte mon nom, et qui fut chargée de réfléchir aux
hypothèses possibles de déjudiciarisation et de nouvelle répartition des flux
de contentieux entre les juridictions existantes ou à supprimer ou à créer,
refusa de se prononcer sur le fond (tout en optant pour un divorce allégé et
tarifé[235]),
estimant expressément que ce débat de société relevait de la représentation
nationale, de toute cette représentation, Sénat compris[236].
Avec la méthode suivie par le
gouvernement, à savoir le cumul d’amendements tardifs avec la procédure
accélérée, le Sénat fut privé de discussion en première lecture du texte, à tel
point que le grand débat que notre commission avait souhaité n’eut pas lieu et
que le président du Sénat organisa un débat public avec des experts et la
presse ! Débat d’autant plus nécessaire que dans ce type de divorce, la
loi du plus fort, économiquement parlant, est souvent la règle et qu’on peut
craindre une communautarisation de ce divorce (avec, selon la religion des
époux, les enfants masculins confiés au père et les filles à la mère), comme
cela a pu se produire au Canada où la déjudiciarisation s’est accompagnée de
cas de divorce sous le signe de la Charia[237] et
comme on a pu craindre au Royaume-Uni une instrumentalisation des modes
alternatifs de règlement des différends pour introduire une justice religieuse,
sous couvert d’une procédure participative ou d’une médiation familiale[238].
Ce risque nous avait été signalé par
certaines des personnalités auditionnées par « ma » commission en
2008 ; la question méritait d’être amplement débattue.
B. - Mensonge
et déloyauté dans la vie judiciaire
C’est la justice pénale qui retiendra
notre attention, mais d’autres exemples pourraient aisément être tirés des
procès civils (on pense aux affaires en matière de filiation et de recherche de
la vérité biologique ou non) ou du droit de l’arbitrage (sur lequel, v. infra, seconde partie).
1o La culture du
mensonge en droit procédural pénal français
– Jusqu’à l’entrée en vigueur du
nouveau Code pénal le 1er mars 1994, le faux témoignage n’était
pas répréhensible devant les juridictions d’instruction, ni devant les
officiers de police judiciaire (art. 361 et 362 ancien code qui ne
visaient que le faux témoignage devant les juridictions de jugement, puisqu’il
fallait que le mensonge soit porté contre ou en faveur d’un « accusé »,
pour les assises, ou d’un « prévenu » pour les tribunaux
correctionnels, ce qui supposait un renvoi devant l’une ou l’autre de ces
juridictions). Incroyable mais vrai, jusqu’au 1er mars 1994, on
pouvait mentir allègrement devant un juge d’instruction : en matière de
justice pénale, trompait qui voulait (v. comme un écho, en matière civile,
une nouvelle jurisprudence sur les constats d’huissier demandés et obtenus sur
requête, infra, II, A, 3o, 2). Il en reste des traces dans la
pratique française.
– Dans un arrêt du 4 juin
1997, la chambre criminelle juge encore, s’appuyant sur l’immunité accordée par
l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 aux discours prononcés et
aux écrits produits devant les tribunaux, qu’une personne entendue comme
témoin, sur commission rogatoire, pouvait mentir, déclarer qu’elle n’avait pas
eu connaissance d’un vote du conseil municipal auquel elle appartenait, alors
que le procès-verbal de séance indiquait qu’elle était présente ce jour-là et
avait pris part au vote en question, sans tomber sous le coup d’aucune
incrimination ! Au nom de la garantie de « la liberté de la défense
et de la sincérité des auditions », que l’article 41 est censé
assurer, la chambre criminelle étend l’immunité aux propos (mensongers) tenus
par un témoin devant un juge d’instruction ; la sincérité de l’audition
était loin d’être garantie et la chambre criminelle en tire la conséquence
inverse de celle voulu par le législateur de 1881, que le témoin a pu dire ce
qu’il voulait dans le cadre de son immunité, dès lors que les plaignants
avaient pu connaître son témoignage, le discuter et que le procès-verbal de
déposition avait été soumis à l’appréciation du juge d’instruction[239].
On croit rêver : l’immunité est pervertie au point de permettre à un
témoin de s’abriter derrière elle pour mieux mentir, dès lors que le juge et
les plaignants ont pu apprécier et discuter le témoignage. Mais où est la
recherche de la vérité dans tout cela ? Un abîme nous sépare du droit
américain.
2o Le
contre-exemple américain : la vérité à tout prix
Beaucoup des malentendus
transatlantiques trouvent une explication dans certains aspects de la procédure
pénale américaine comparée à la nôtre. L’affaire Clinton, après l’affaire Nixon
(qui conduisit ce dernier à la démission pour avoir menti dans l’affaire du Watergate) a révélé tout ce qui nous
sépare de la culture américaine quant au mensonge[240].
Le droit de la preuve et la recherche de
la vérité constitue un droit absolu en droit américain : véritable droit
subjectif, droit-garantie, on peut attraire tout le monde à ce droit, y compris
le président des États-Unis, qui n’obtiendra pas de sursis à la réunion d’un
jury d’accusation au motif de ses (lourdes) obligations professionnelles. La
décision United States contre Nixon
a posé le principe fondamental de l’obligation pour tous, y compris le
président des États-Unis, de concourir à la recherche de la vérité. Personne ne
peut s’opposer à la recherche de la vérité et les commentateurs français
n’ont pas été sensibles aux aspects procéduraux de l’arrêt, sans doute parce
que, s’agissant du droit de la preuve, notre culture juridique est différente[241].
Dans l’affaire Clinton, l’ancien président américain n’était pas poursuivi par le
procureur fédéral pour des agressions sexuelles, mais pour avoir menti dans ses
déclarations et dépositions, ce qui d’ailleurs, au final, ne fut pas retenu
contre lui car, après avoir reconnu, dans un accord passé avec le procureur
(particularisme de la procédure américaine), avoir eu une « attitude
inappropriée » envers l’une de ces stagiaires, il put aisément prouver
qu’il n’avait jamais dit quoi que ce soit de contraire à la vérité exprimée
dans ce document ; ainsi « blanchi » sur le terrain du mensonge,
il put continuer à exercer son mandat.
Au-delà du monde politique et toujours
en droit américain, puisque tout tend à la recherche de la vérité, mentir sous
serment est une insulte à la liberté, qui valut six mois de prison ferme à Marion Jones, cinq fois championne
olympique d’athlétisme : dopée, elle avait menti sur son dopage à des
agents fédéraux et fut condamnée à ce titre, parce que, selon le juge,
« il faut réfléchir à deux fois avant de mentir et que personne n’est
au-dessus de l’obligation de dire la vérité ; les criminels doivent avoir
conscience des conséquences de leurs actes[242] ».
Aux États-Unis seulement.
3o La déloyauté
en droit procédural pénal
Au sujet du parquet, la chambre
criminelle n’a pas craint d’affirmer qu’il n’y a aucune atteinte à
l’impartialité du tribunal dans le cas d’un avocat général qui serait parrain
du fils du principal prévenu[243].
Il est vrai que, littéralement, le parquet étant une partie, il ne compose pas
le « tribunal » au sens de l’article 6, § 1 de la
Convention EDH, mais il est évident que la position de la chambre
criminelle fait peu de cas de la jurisprudence européenne qui s’attache à
l’image que la justice donne d’elle-même. Quelle confiance le justiciable
peut-il avoir dans une justice où le parquet est représenté par un avocat
général parrain du fils du prévenu ? À une époque où les membres du
parquet revendiquent le statut de magistrats au même titre que les juges du
siège, il serait sain que la chambre criminelle leur applique les mêmes
obligations qu’aux juges du siège, lorsqu’ils ne se les sont pas imposées à
eux-mêmes (en se déportant).
Même position dans une affaire où était
invoquée l’attitude prétendument déloyale du parquet dans une première affaire
(il aurait dissimulé une pièce du dossier pour écarter le privilège de
juridiction dont bénéficiaient les élus jusqu’en 1993, pièce enregistrée au
secrétariat du parquet, mais dont le procureur niait l’existence jusqu’à la
délivrance du bordereau informatique en faisant état), pour obtenir la
délocalisation d’une seconde procédure sur le fondement de l’article 662 du
Code de procédure pénale (requête en suspicion légitime) ; pour la chambre
criminelle, la suspicion d’une attitude partiale du parquet ne peut être
retenue que si elle concerne le même procès, la même affaire, alors même que,
dans les deux cas, on retrouvait au moins l’un des deux protagonistes[244].
Dans cette affaire, la circonstance que la déloyauté avait eu lieu dans une
autre affaire n’ôte pas à l’acte déloyal son caractère partial. Là encore,
quelle image de la justice a-t-on donné aux justiciables ?
Le changement du représentant du parquet
dans le premier cas (celui du parrain), la délocalisation dans l’autre (celui
de la dissimulation d’une pièce) auraient été des solutions plus conformes à
nos engagements internationaux et, tout simplement, à l’équité d’un procès, à
l’impartialité attendue et exigée de tous les acteurs du procès pénal.
« Il ne suffit pas que justice soit rendue, il faut encore que l’on ait le
sentiment qu’elle l’a été. »
Le Conseil supérieur de la magistrature
ne s’y est pas trompé lorsqu’il a jugé le 21 décembre 1994, en formation
disciplinaire, « qu’en prenant des décisions de poursuite et de classement
dans des procédures mettant en cause des personnes avec lesquelles il était en
relation d’affaires, le membre du parquet a pu légitimement faire douter de
l’impartialité du parquet ».
C. - Le
mensonge et la déloyauté
dans la vie littéraire ou académique
dans la vie littéraire ou académique
Tout juriste se souvient de l’affaire Branly, qui vit l’auteur d’un article
sur l’histoire de la TSF[245],
condamné, civilement, pour avoir omis de citer Édouard Branly, parmi les
savants à l’origine de cette invention. La Cour de cassation estima que cette
abstention était une omission volontaire constitutive d’une faute au regard des
devoirs de l’historien[246].
Et elle eut raison, car si Jean Carbonnier a pu critiquer l’arrêt au motif que
le juge s’arroge le droit d’écrire l’histoire[247],
on peut aussi considérer que le juge condamne celui qui, écrivant sur une
invention, falsifie, par omission, le processus d’élaboration de cette
invention.
Dans la ligne de cette jurisprudence, au
carrefour de la liberté d’expression et de la diffamation, la chambre
criminelle a estimé, qu’un ancien juge d’instruction chargé d’affaires de
terrorisme avait manqué à son devoir de prudence et de mesure dans l’expression
en passant sous silence, dans un ouvrage où il évoquait des faits reprochés à
« Action directe », la décision, définitive, d’acquittement dont
avait bénéficié une personne nommément mise en cause dans ce livre pour avoir
perpétré les crimes évoqués ; sa relation des faits était strictement
personnelle et contraire à la décision de la cour d’assises[248].
La littérature académique n’est pas à
l’abri de cette dérive, ainsi que l’illustrent les exemples suivants qui
concernent tous le même auteur.
Le premier concerne l’annotation du Code
de procédure civile (et de ses annexes) que j’avais créé de toutes pièces en
novembre 1986 (édition datée 1986-1987), tant dans son plan que dans la forme
et le fond des annotations, et que je poursuivis pendant 12 ans et 11 éditions
(la dernière datée 1997-1998) ; lassé de poursuivre cette œuvre
intellectuellement peu gratifiante, je passais avec l’éditeur un protocole de
séparation amiable, dans lequel j’autorisais mon successeur, librement choisi
par l’éditeur, à utiliser la totalité de mon travail sans aucune contrepartie
financière ; bien évidemment, je pensais[249]
— naïvement — que le collègue qui reprendrait l’ouvrage dans ces
conditions, aurait à cœur, non pas de me tresser des couronnes de lauriers pour
le travail accompli mais, simplement, d’indiquer, objectivement, en guise
d’avertissement au lecteur, que « les précédentes éditions ont toutes été
rédigées par Serge Guinchard », ou une formule équivalente. Jamais je
n’aurais imaginé que l’on puisse, tranquillement, reprendre l’œuvre d’un
auteur, en occultant le nom de celui qui l’avait créée. Au-delà de l’éthique,
en tout cas de la courtoisie, que l’on se doit de respecter entre collègues[250],
j’ai trouvé et trouve encore aujourd’hui, bien que le temps ait passé, que ne
rien écrire de tel, c’est, en occultant l’auteur initial de l’ouvrage, d’une
part l’effacer des tablettes de l’histoire de la doctrine[251],
à la manière des dictatures communistes qui faisaient effacer des photos
officielles les personnages tombés en disgrâce ; c’est, d’autre part,
s’approprier un savoir, en laissant croire, implicitement, qu’on a créé l’œuvre
en question, car si j’avais eu l’élégance d’autoriser mon successeur à
reprendre mon travail au point exact où je l’avais laissé, il n’était pas
incongru, ni contraire aux usages, de tisser le fil intellectuel reliant celui
qui partait à celui qui arrivait en se glissant, sans état d’âme, dans ses
pantoufles. C’est un peu comme si, lors de la construction d’un ouvrage
d’intérêt général (opéra, parkings souterrains, périphérique d’une grande
ville, etc., pour ne prendre que des opérations auxquelles j’ai activement pris
part dans ma vie publique/politique) on occultait le nom de l’architecte sur la
plaque commémorative, généralement apposée lors de l’inauguration. Fort
heureusement, quelques années plus tard, les jeunes collègues qui ont repris
certaines de mes annotations en voies d’exécution et en arbitrage eurent la
délicatesse de me citer dans leurs propos introductifs, car leurs codes annotés
étaient encore un peu les miens, puisqu’on y retrouve maintes de mes
annotations[252]. Et
pour un autre code au moins, chez le même éditeur, le repreneur a tenu à rendre
hommage au cédant[253].
L’occultation se répéta dans la manière
de présenter la chronologie des Rencontres
de procédure civile entre la Cour de cassation et l’Université. Initiative
due à M. Guy Canivet, qui confia au regretté Jean Buffet pour la Cour et à
deux universitaires, l’un de Paris 1, l’autre de Paris 2, le soin de
mettre en œuvre son idée qui consistait à faire travailler ensemble, le temps
d’une journée, magistrats, avocats aux Conseils et universitaires, sur des
sujets préparés avant la rencontre par un collège constitué d’un représentant
de chacune de ces professions. La publication fut assurée par deux numéros
hors-série du Bulletin d’information de
la Cour de cassation[254].
Par l’effet de ma nomination comme recteur d’académie, en juillet 2003, je
m’éloignais, géographiquement (la Guadeloupe) et temporellement (un recteur n’a
que peu de temps disponible) de l’organisation de ces rencontres, qui ne
reprirent qu’en 2011, cette fois sans représentant de Paris 2 ! Le
« hold-up » au profit d’une seule université s’accompagna, pour la
publication, non plus au bulletin d’information de la Cour de cassation, mais
dans une collection de Paris 1, d’une omission totale de toute mention des
journées de 2002 et 2004, puisque la numérotation des Rencontres ainsi publiées
dans cette collection, commence au no 1 pour celles de 2011,
comme si rien n’avait existé avant cette date[255] !
Là encore, l’écrit publié efface la mémoire constitutive d’une histoire de la
doctrine.
Plus récemment encore, quelle ne fut pas
ma surprise de voir cité dans un rapport de synthèse sur la médiation publié en
juillet 2015 (le colloque ayant eu lieu en mai 2015), le Lexique de termes juridiques que je codirige[256],
dans sa 16e édition de 2007, alors qu’une 22e avait
déjà été publiée en juin 2014, au moment de la rédaction de ce rapport. L’ennui
de cette citation du texte de 2007, c’est qu’elle donne une vision de la
conciliation et de la médiation qui n’est plus celle du lexique en 2014 et
occulte la summa divisio entre
conciliation/médiation organisée par le juge à l’occasion d’une procédure
juridictionnelle en cours et celle à la seule initiative des parties à un
différend hors toute procédure juridictionnelle, division aujourd’hui reprise
par la loi de modernisation de la justice du xxie siècle
pour le contentieux administratif !
On l’aura compris, ces exemples
traduisent un état d’esprit et constituent un péché contre l’esprit, surtout
lorsque la science d’un universitaire est ainsi mise au service de
l’occultation d’autres œuvres de l’esprit que les siennes ; et la
répétition des « oublis » fait douter de l’oubli involontaire.
S’interrogeant sur le devenir de l’école, en août 2015, Alain Finkielkraut
écrit : « l’école des savoirs cède sa place à l’école de la thérapie
par le mensonge[257] ».
La phrase peut être transposée à la vie universitaire et littéraire, à la vie
judiciaire et à la vie politique (en ôtant le mot « thérapie »).
On comprend mieux que certains soient
réticents, en doctrine, à l’idée de consacrer un principe de loyauté
procédurale.
II. - La
difficile consécration
d’un principe de loyauté procédurale
d’un principe de loyauté procédurale
Chaque code de procédure français est
aujourd’hui fondé sur des principes
directeurs, qui laissent transparaître l’émergence de nouveaux principes,
plus affinés, qui les transcendent et qui, à ce titre, pourraient être appelés
« principes structurants ». Avec le risque de minimiser certaines
évolutions, nous avons avancé l’idée, dès 1999, que trois principes
structurants se profilent derrière les principes directeurs actuellement
retenus dans chaque type de contentieux, principes qui correspondent à des
besoins nouveaux, tels que les expriment les justiciables et les
citoyens : un besoin de confiance dans l’institution Justice et de respect
de l’Autre, d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin
d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers,
d’où un principe (structurant) de dialogue
entre les parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de proximité,
mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se
substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi
structurant, de célérité, de
proximité temporelle (que l’on trouvait déjà dans les principes énoncés, pour
la procédure pénale, par la commission justice pénale et droits de l’homme)[258].
Compte tenu du thème choisi pour cette contribution (Variations sur le mensonge et la déloyauté), on s’en tiendra ici à
une présentation du droit positif pour le seul principe de loyauté
procédurale (A), avant d’indiquer comment ces trois principes structurants
— et particulièrement celui de la loyauté — fondent la démocratie
procédurale en contemplation de la légitimité démocratique chère à Pierre
Rosanvallon (B).
A. - La
confiance et le respect de l’Autre
par le principe de loyauté procédurale
par le principe de loyauté procédurale
1o Un principe consacré
en droit européen, dans les règles transnationales de procédure, dans le Code
de procédure civile du Québec et par la Cour de cassation belge
Le principe de « bonne foi »
est visé dans l’un des arrêts fondateurs du droit européen, l’arrêt Golder
du 21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation par la
Cour EDH du droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne foi », qui n’est
qu’une forme de loyauté (§ 34). D’autres arrêts de la Cour EDH
consacrent le principe de loyauté : ainsi, celui du 26 septembre 1996
qui rejette, en l’espèce, l’argument de déloyauté, mais le retient en son
principe[259]. Ou
encore, celui du 5 octobre 2000, qui relève « qu’il est inacceptable qu’une partie remette des observations à
l’autre, sans possibilité pour cette dernière d’y répondre[260] ».
La Cour EDH sanctionne de plus en plus souvent la déloyauté procédurale[261],
notamment en droit de la preuve, v. infra.
Le Conseil de l’Europe a expressément visé le principe de loyauté dans sa
recommandation no (95) 5 du 7 février 1995 : « il s’agit de conférer au principe de
loyauté et à celui de coopération entre les différents acteurs du procès une
place centrale au sein du processus judiciaire ».
Ce n’est sans doute pas un hasard si le
projet de règles transnationales de procédure civile prévoit que la partie qui
a agi de mauvaise foi pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus
du droit d’agir), peut être condamnée au paiement d’une amende.
Le nouveau Code de procédure civile du
Québec, promulgué en décembre 2015[262]
pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2016, consacre de
nouveaux principes procéduraux, notamment l’obligation de bonne foi qui pèse
sur les parties au cours de l’instance (art. 19). Une application en a été
faite par la cour d’appel du Québec qui dénonce et condamne une stratégie, qui,
tout en se fondant sur la possibilité offerte par le code de suspendre une
instance au titre d’un incident prévu à l’article 32 de ce code, se
caractérise en réalité par la volonté de retarder l’issue du procès « en
rattachant l’examen d’un recours, fort simple, en garantie de qualité du
vendeur à une instance très complexe portant sur des fondements juridiques et
factuels différents, qui s’enlise et qui risque fort de perdurer pendant bien
des années » ; le comportement est jugé déloyal et contraire à
« une nouvelle culture judiciaire qui s’impose » avec le nouveau code[263].
En droit belge, outre la doctrine [264],
la Cour de cassation a jugé le 27 novembre 2014 « qu’en vertu du
principe de loyauté qui s’impose aux parties dans le déroulement d’une
procédure civile, une partie qui change de domicile ou de résidence au cours
d’une procédure est tenue d’en informer les autres parties à la cause »
d’où le rejet de son pourvoi pour déloyauté[265].
La droiture et la probité entrent ainsi au Panthéon de la justice civile, pour
écarter l’application de règles de procédure.
2o Un principe
essentiel à la qualité de la justice rendue, bien que contesté par une partie
de la doctrine
Notion large sans doute (ce qui ne veut pas
dire floue), protéiforme, mais dont on ressent bien la nécessité à lire ceux
qui pratiquent la justice au quotidien ou qui réfléchissent à introduire
davantage d’équilibre entre les parties en sanctionnant les comportements
procéduraux déloyaux[266].
Si ce principe n’apparaît pas
expressément, pour l’instant du moins, dans les principes directeurs qui
figurent en tête du Code de procédure civile, il est parfois expressément
exprimé (dans le droit de la preuve en
matière civile, par l’article 763, al. 2, C. pr. civ.
à propos du juge de la mise en état et en arbitrage) et il sous-tend nombre de
dispositions. Comme le soulignait Jean Carbonnier, un principe peut être
« latent sous des textes fragmentaires[267] »
et, selon Cornu et Foyer, « certains principes non expressément énoncés
sont nécessairement impliqués par l’ensemble des dispositions : ainsi le principe de loyauté, partout
sous-jacent (dans la contradiction, les devoirs de la défense, l’obligation
de concourir à la manifestation de la vérité)[268] ». Motulsky lui-même
mettait à la charge des parties « une obligation d’observer un minimum de
loyauté[269] ».
Et, surtout, le rapport Delmas-Goyon
sur Les juges du xxie siècle
propose de l’inscrire dans l’article 15 du Code de procédure civile,
comme principe directeur du procès civil (proposition no 28),
suivant en cela le vœu d’une certaine doctrine[270], même si la même doctrine est assez lucide pour en dénoncer
l’utilisation douteuse qui peut en être faite[271].
Pour autant,
une autre partie de la doctrine en conteste :
– soit l’existence en tant que principe directeur du procès[272], tout
en faisant observer que les exigences de loyauté sont distillées dans le code,
ce qui traduit, pour le moins, une certaine contradiction ; en outre,
est-il besoin de proclamer solennellement un principe au fronton d’un code pour
qu’il existe ? Outre les opinions de Jean Carbonnier, de Cornu et Foyer et
de Motulsky déjà citées, on ajoutera que nul ne conteste l’existence de la
cause du litige, bien que le mot même ne figure point dans le code ; qu’à
l’instar de la nature qui fait émerger une partie seulement des icebergs, il
est fréquent que le législateur soit sibyllin, ainsi de l’énumération des actes
de commerce dans l’article L. 110-1 du Code de commerce dont la doctrine
la plus avisée écrit et enseigne depuis plus de cinquante ans qu’elle n’est que
la partie émergée d’une notion dont la clef doit être recherchée, entre autres,
chez saint Thomas d’Aquin, Calvin et Karl Marx[273],
doctrine que tout juriste devrait avoir lue avant de ne voir que ce qui est
écrit dans les textes de lois. Et que deviendra la critique lorsque la
proposition no 28 du rapport Delmas-Goyon, précité, aura, un
jour, force de loi dans l’article 15 du Code de procédure civile ?
Enfin, la loyauté n’est pas la seule légalité procédurale, « car elle
recouvre une autre réalité supposant un comportement actif des plaideurs au
cours de l’instance[274] ».
Les applications jurisprudentielles développées ci-après apportent un démenti
cinglant à cette soi-disant inexistence du principe de loyauté
procédurale ;
– soit ses conséquences imprévisibles[275]
ou perturbatrices du système juridique[276] :
ce à quoi on peut répondre que le droit substantiel, d’une part, connaît bien
d’autres concepts protéiformes, les « bonnes mœurs », le « bon
père de famille » (même si ces deux expressions ont disparu du Code
civil), la « bonne foi », notions qui, néanmoins, n’ont jamais
perturbé notre système juridique et les procédures, mais ont, au contraire,
poussé les juristes à promouvoir une justice plus équitable, au sens de l’aequus, de l’équilibre entre les
parties. D’autre part, pour rester sur le terrain de la loyauté, que dire de
l’exigence de loyauté de la concurrence qui est le pendant et le corollaire de
la liberté de celle-ci ? Doit-on considérer, au-delà de toute évidence,
que seul devrait exister un principe de liberté (totale) de la concurrence et
que Paul Roubier a eu grand tort de construire une théorie de la concurrence
déloyale[277] ?
On n’a jamais entendu les pourfendeurs de la loyauté procédurale, pourfendre la
loyauté de la concurrence ! Nous avons au contraire essayé de tisser des
liens entre les deux utilisations du concept, en droit de la concurrence et en
droit procédural, tellement il nous paraît évident que les deux droits
(substantiel et procédural) ne peuvent échapper à l’emprise de cette notion[278].
En quoi le droit du procès, véritable science, devrait-il être traité moins
bien que le droit substantiel ? Sans doute faut-il y voir une scorie du
mépris dans lequel le droit du procès a longtemps été tenu par certains auteurs
du droit substantiel ; la faiblesse du rejet de la loyauté procédurale est
révélée par la faiblesse de l’argumentation, qui se résume généralement à
l’affirmation péremptoire que « la morale n’a pas sa place en procédure » !
C’est un peu court ;
– soit qu’il serait tout à la fois, et non sans contradiction avec
les constats posés dans l’introduction de la chronique,
« introuvable », « inutile », « inopportun » et
« incohérent »[279].
Il nous semble que, même si la confiance
domine dans les relations des parties avec leurs avocats ou avec le juge, il
n’est pas inutile d’expliciter cet implicite par la consécration de la loyauté
comme principe directeur du procès. Rendre la justice est une œuvre collective
et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici l’éthique[280] :
le procès n’est pas un combat comme les autres, tous les coups ne sont pas
permis. La qualité de la justice en dépend, dans tous les contentieux[281], de
même que dans les modes alternatifs de règlement des différends[282]
et, on le verra, en droit de l’arbitrage : par exemple, l’atteinte à la
réputation d’un juge, par ses préjugés, son comportement personnel, son manque
d’indépendance et son défaut de partialité, ruine la confiance en la justice.
3o Un principe
aux applications multiples
Le cadre de cette contribution ne nous
permet pas de développer ici toutes les applications du principe de la loyauté
procédurale. Nous l’illustrerons par les exemples les plus significatifs[283].
1) On le rencontre d’abord dans la
régulation des comportements
personnels des professionnels de la justice. Ils sont concernés au premier
chef par la loyauté, lors de l’admission dans la profession choisie[284],
puis dans leurs relations entre eux et avec leurs clients[285].
Pour les juges, l’obligation de loyauté régit leurs relations avec les parties,
tant pour les juridictions étatiques que pour l’arbitrage. Pour les premières,
n’est-ce pas une expression de la loyauté que d’obliger les magistrats (Ord. no 58-1270
du 22 décembre 1958, art. 7-1 à 7-3, réd. LO no 206-1547
du 18 novembre) : « à veiller à prévenir ou à faire cesser
immédiatement les situations de conflit d’intérêts », ainsi défini comme
« toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts
publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer
l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » ; à
remettre au chef de la juridiction à laquelle ils appartiennent « une
déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts » dans les
deux mois de l’installation dans leurs fonctions. Curieusement, un auteur y
voir « une forme de morale laïque qui s’immisce dans les institutions
juridictionnelles »[286] ;
on avoue ne pas bien voir ce que la morale a à voir avec cette situation des
conflits d’intérêts et l’exigence de loyauté ; cela prouve en tout cas que
ceux qui repoussent le principe de loyauté en procédure ou dans le monde de la
justice commettent une grave erreur d’analyse ; on peut être déloyal en
mentant, mais on peut aussi l’être sans mentir, comme l’illustre l’exemple
rapporté ci-dessus de l’arrêt de la cour d’appel du Québec du 1er novembre
2016. Pour l’arbitrage, le décret no 2011-48 du 13 janvier
2011 a introduit cette obligation dans l’article 1456 du Code de procédure
civile qui énonce, dans son alinéa 2, « qu’il appartient à l’arbitre,
avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible
d’affecter son indépendance ou son impartialité. Il lui est également fait
obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait
naître après l’acceptation de sa mission ». C’est cette obligation de
loyauté, support de l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de
l’arbitre, qui a été malheureusement et lamentablement oubliée par certains,
dont des universitaires connus au-delà du cercle de leurs étudiants[287], et
qui ont défrayé la chronique judiciaire en 2010-2011[288].
2) On le
rencontre aussi dans le droit de la preuve en matière civile : le principe de loyauté est exprimé aux articles 9 (« conformément à la loi »)
et 10 (« mesures légalement
admissibles ») du Code de procédure civile, dispositions que l’on
retrouve dans les textes sur les mesures d’instruction (par exemple dans
l’article 143 pour la notion de mesure légalement admissible) ; de
même, en permettant la production forcée des pièces détenues par une partie,
l’article 142 du Code de procédure civile postule une obligation de
loyauté dans la production spontanée. Une doctrine contemporaine y voit un
principe autonome, qui a son existence propre[289], à l’encontre d’une autre qui lui refuse un caractère propre en l’assimilant au principe de
la contradiction[290],
ou qui relève le paradoxe qu’il y aurait à vouloir faire appel à une notion
floue et subjective dans son appréhension pour l’ajouter aux règles d’un code rigoureusement
ordonnancé[291]. Tout en
déclarant que « la loyauté de la preuve est une notion qui n’a aucune
existence légale », un magistrat a pu poursuivre en indiquant qu’elle ne
pouvait se réduire à sa seule dimension morale, avant de conclure « qu’il
est nécessaire de dégager “un fil conducteur” entre ceux qui prônent la liberté
de la preuve et ceux qui invoquent la loyauté de la preuve[292] ».
En désaveu total de la doctrine précitée qui refuse au principe de loyauté
probatoire une existence propre, la Cour de cassation a progressivement dégagé,
de 2002 à 2010, par toute une série d’arrêts, un principe autonome de loyauté
dans l’administration de la preuve, pour aboutir à un arrêt du 7 janvier
2011 de son assemblée plénière qui, solennellement, reconnaît son autonomie par
rapport au principe de la contradiction, en affirmant « qu’il résulte des
articles 9, C. proc. civ., 6, § 1 Convention EDH et du
principe de loyauté dans l’administration de la preuve, que l’enregistrement
d’une conversation téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus
constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de
preuve[293] ».
En 2013, la chambre sociale sanctionne la déloyauté caractérisée dans la
captation et l’enregistrement d’une image ou d’un propos au moyen d’un procédé
mis en place à l’insu de la partie contre laquelle il est produit[294].
Nouvelle reprise de la formule de l’assemblée plénière, par la chambre sociale
en 2015, pour sanctionner le refus d’une cour d’appel de rouvrir les débats,
alors que l’une des parties n’avait pas eu le temps pour produire par une note
en délibéré les pièces sollicitées[295].
Mais certaines décisions sont
aujourd’hui en retrait de cette reconnaissance du principe de loyauté en
matière probatoire. Ainsi, pour les constats d’huissier de justice ordonnés sur
requête (donc pour surprendre la personne concernée) : après avoir exigé
en 2011 que « copie de la requête et de l’ordonnance soit remise à la
personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l’exécution des mesures d’instruction[296] »,
la deuxième chambre civile a estimé, par un revirement de 2014, que la loyauté
dans l’exposé des faits n’est pas exigée pour apprécier les mérites d’une
demande de rétractation d’une ordonnance sur requête rendue sur
l’article 145 du Code de procédure civile pas plus que l’information du
juge des requêtes sur l’existence d’une procédure au fond[297] : la violation du
principe de loyauté, fût-elle caractérisée, n’expose pas le requérant à un
risque de rétraction[298] ;
avec cette jurisprudence, on peut donc mentir sur les faits ou en omettre,
occulter des procédures existantes au fond entre les parties, etc. Bref, en
matière de justice trompe qui veut ! Cette nouvelle jurisprudence fait
écho aux dispositions de l’ancien Code pénal, sous l’empire duquel le faux
témoignage n’était pas répréhensible devant les juridictions d’instruction, ni
devant les officiers de police judiciaire (art. 361 et 362 ancien code,
v. supra, I, B). En outre,
elle présente deux défauts : d’abord, elle écorne le principe de loyauté
admis dans l’administration de la preuve et consacré, on vient de le voir, par
l’assemblée plénière le 7 janvier 2011 et vient en contradiction avec ce
principe : qu’adviendra-t-il si un plaideur produit au soutien de sa
requête des preuves obtenues de manière déloyale (par ex. par dol ou
fraude) ? le rejet d’une demande en rétractation dans une telle hypothèse
reviendra à délivrer un blanc-seing de loyauté à une preuve déloyalement
produite[299] ;
heureusement, des juges du fond ont bien vu le danger et ont écarté la requête
dans une espèce où les preuves produites à son soutien avaient été obtenues par
soustraction frauduleuse, au motif que « dans une procédure sur requête,
le requérant a un devoir de loyauté envers le juge encore plus impératif que
dans une procédure contradictoire[300] ».
Ensuite, cette solution n’est pas compatible avec l’applicabilité de
l’article 6 de la Convention EDH aux procédures provisoires, ce qui
explique, peut-être, ce qui suit. La même chambre, en septembre 2015, vise
l’article 6, § 1 de la Convention EDH, les articles 3, 14
et 16 du Code de procédure civile sans viser le principe de loyauté des
débats pour sanctionner un comportement déloyal, ce qui pourrait indiquer que
la loyauté a perdu son caractère autonome[301].
Ces évolutions jurisprudentielles récentes, qui illustrent notre propos que la
culture française a du mal à accepter toutes les conséquences de la loyauté
dans le débat judiciaire, ont conduit un auteur à poser la question de l’avenir
du principe de loyauté procédurale dans le contentieux de la concurrence[302].
Paul Roubier pour sa magistrale théorie générale du droit la concurrence
déloyale et Motulsky pour sa non moins magistrale théorie générale du droit du
procès doivent en frémir dans leurs tombes respectives à Lyon et à Genay (en
Côte-d’Or).
3) On le
rencontre encore dans le déroulement d’une instance civile, avec
l’article 763, alinéa 2 du Code de procédure civile qui énonce que le
juge de la mise en état « a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure » ; au
visa de ce texte et/ou de l’article 15, la Cour de cassation rappelle
régulièrement que, pour ne pas favoriser la déloyauté des débats, les juges du
fond doivent répondre aux conclusions qui sollicitent le rejet des écritures
tardives, que ces conclusions aient été déposées avant ou après le prononcé de
l’ordonnance de clôture[303].
Au-delà du droit de la preuve, le débat judiciaire doit être loyal et chacun
doit apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la
vérité, sans essayer de jouer sur les mécanismes procéduraux pour échapper à
son juge[304].
Plusieurs séries de comportements sont ainsi visées[305].
L’interdiction de se contredire au
détriment d’autrui est aussi une forme de l’obligation de loyauté qui
s’illustre dans l’interdiction, en cassation, de soutenir un moyen contraire à
ses précédentes écritures[306] et,
surtout, dans l’introduction de l’estoppel
en droit français[307].
Cette jurisprudence sur le moyen contraire au comportement procédural d’une
partie, a été critiquée en doctrine, notamment par Georges Bolard qui
écrit : « on n’imagine pas que l’erreur des parties libère le juge
des devoirs de sa charge. Pour s’être trompé, en outre avec le juge, le
plaideur n’est pas un coupable à punir. L’erreur dans l’appréciation du droit
n’engage pas la responsabilité civile du plaideur ni ne saurait, par une
compensation d’un nouveau genre, le priver de l’office du juge[308] ».
Et Louis Boré d’ajouter que « cette jurisprudence est contestable en ce
qu’elle s’applique aux moyens de pur droit ou d’ordre public qui sont
normalement recevables en cassation[309] » ;
et l’auteur d’ajouter qu’on ne peut justifier cette solution par le principe de
loyauté qui doit gouverner les débats, sauf lorsque le plaideur a
intentionnellement plaidé l’inverse de ce qu’il plaide désormais, dans le seul
but de gagner du temps ; de là à considérer que le plaideur serait le plus
souvent plus maladroit que déloyal, il y a un pas que nous ne saurions
accomplir, car il n’est pas seul en cassation, il est assisté et représenté par
un avocat ; sa « maladresse » est sujette à caution.
C’est en matière d’arbitrage que
l’obligation de loyauté a été expressément énoncée à l’article 1464 du
Code de procédure civile : « les parties agissent avec célérité et
loyauté[310] ».
La cour de Paris avait déjà jugé, dès le 5 juillet 2001[311], que
« le comportement consistant à invoquer un vice de la sentence seulement
dans le cadre du recours en annulation, alors que ledit vice aurait déjà pu
être soulevé en cours de procédure, constitue une violation du principe de la
bonne foi que les pouvoirs d’amiable composition conférés aux arbitres
n’affranchissent pas les parties de respecter ». Même solution lorsque la
partie à l’arbitrage a « violé son devoir procédural de loyauté et de
bonne foi », en alléguant la compétence arbitrale devant le juge
judiciaire, puis la compétence judiciaire devant le tribunal arbitral[312].
Cette notion de loyauté procédurale est reprise dans de nombreux arrêts de la
cour d’appel de Paris[313] et la
Cour de cassation a même consacré le principe de l’estoppel dans le procès arbitral à l’occasion d’une
affaire où l’une des parties avait participé à la procédure pendant neuf ans,
sans émettre aucune réserve sur la convention d’arbitrage, avant d’en contester
l’existence à l’occasion d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt confirmant
l’exequatur. Ou encore lorsqu’un président de société refuse d’intervenir dans
une procédure arbitrale dans laquelle sa société est demanderesse, puis
conteste la régularité des débats : il viole le principe de loyauté des
débats[314].
4) En
procédure pénale : contrairement à
ce que l’on pourrait croire, compte tenu de l’importance de ce contentieux pour
la protection des libertés fondamentales, la procédure pénale ne consacre pas
encore une obligation absolue de loyauté,
notamment dans la recherche des preuves, mais elle s’en rapproche depuis un
arrêt du 7 janvier 2014. Sans reprendre ici toute la théorie de la preuve
en matière pénale[315], on
indiquera seulement que si le principe de loyauté ne figure pas dans les principes
directeurs du procès pénal énumérés à l’article préliminaire du Code de
procédure pénale, la chambre criminelle, par un arrêt du 7 janvier 2014, a
opéré un revirement capital : elle juge en effet, au triple visa de
l’article 6 de la Convention EDH, de l’article préliminaire du même
code et « du principe de loyauté des
preuves », d’une part (mais la formule est classique), que
« porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté
des preuves, le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l’autorité
publique » et, d’autre part (la formule est innovante et laisse espérer
une évolution vers une reconnaissance plus absolue de ce principe, au-delà des
provocations policières), que « la conjugaison des mesures de garde à vue,
du placement des suspects en cellules contiguës et de la sonorisation des
locaux participe d’un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche
des preuves, lequel a conduit l’un des suspects à s’auto-incriminer lui-même au
cours de sa garde à vue[316] » ;
en l’espèce, après les auditions des suspects en garde à vue, les cellules de
repos dans lesquelles ils avaient été placés, conformément à la loi pour se
reposer, avaient été sonorisées à leur insu. Ainsi est opéré le lien entre le
droit de se taire aux fins de ne pas s’auto-incriminer et la déloyauté dans la
recherche des preuves[317].
Malgré l’errance d’un arrêt ultérieur de cette chambre, arrêt qui considère que
la déloyauté est tolérable si les éléments ainsi collectés sont corroborés par
d’autres obtenus légalement et semble opérer un clivage arbitraire entre les
délinquants qui méritent la protection du principe de loyauté (les braqueurs
par ex.) et ceux dont la nature de leurs crimes (les terroristes) ou leur
fonction (les préfets) autoriserait à les priver de cette protection[318],
la Cour de cassation a confirmé, en mars 2015[319],
la solution retenue en janvier 2014. La jurisprudence ultérieure est en dents
de scie : un arrêt du 14 avril 2015 juge que « l’exploitation
des conversations téléphoniques passées clandestinement depuis un lieu de
détention n’est pas contraire à la loyauté de la preuve », en l’absence
« d’actes positifs de l’autorité publique susceptibles de caractériser un
stratagème constituant un procédé déloyal »[320].
Un arrêt du 15 décembre 2015 reconnaît à un tiers le droit de demander
l’annulation d’un acte entaché de déloyauté (acte d’un juge d’instruction), dès
lors qu’il lui fait grief[321].
5) En contentieux administratif : le
principe de loyauté n’est pas absent du contentieux administratif, où il
connaît une application grandissante[322] notamment dans le droit de
la preuve : le Conseil d’État juge que les moyens de preuve obtenus en
méconnaissance de ce principe ne peuvent être retenus, sauf si un intérêt
public majeur le justifie[323]. Et
il sanctionne sévèrement les comportements de mauvaise foi, voire frauduleux
et, si l’administration, au cours d’une instance, substitue une autre décision
à celle qui est attaquée, elle a l’obligation de la notifier au requérant, à
peine d’inopposabilité[324]. De
même, il affirme le principe de loyauté dans les relations contractuelles[325]. En
revanche, le principe de l’estoppel n’est pas admis dans le contentieux
administratif général[326], pas
plus qu’en matière fiscale[327] ou
dans le contentieux de la légalité[328], alors qu’une partie de la
doctrine l’appelle de ses vœux[329] et
que, dans son avis précité du 1er avril 2010, le Conseil d’État
avait semblé réserver l’avenir en soulignant que ce contentieux fiscal est
objectif, qu’il ne soumet au juge fiscal que de pures questions de légalité,
dans lequel le comportement des parties n’a pas d’influence ; par
ailleurs, il fait l’effort de préciser ce que recouvre ce principe : il interdit à une partie, « après avoir adopté une position
claire ou un comportement non ambigu sur sa future conduite à l’égard de
l’autre partie, de modifier ultérieurement cette position ou ce comportement
d’une façon qui affecte les rapports de droit entre les parties et conduise
l’autre partie à modifier à son tour sa position ou son comportement ».
6) Devant les autorités administratives indépendantes, la Cour de cassation a progressivement remis en
cause une jurisprudence qui privilégiait les règles de procédure pénale sur
celles de procédure civile : d’abord, devant l’Autorité de la concurrence,
pour sanctionner,
par application des règles du Code de procédure civile, les enregistrements de
conversations téléphoniques à l’insu de leur auteur[330]. Ensuite, devant l’Autorité des marchés financiers,
pour juger « contraire au principe de loyauté dans l’administration
de la preuve, le fait, pour des enquêteurs de cette Autorité, de recueillir des
déclarations spontanées alors que l’intéressé n’a pas préalablement renoncé au
bénéfice des garanties applicables aux auditions seules réglementées par le
code des marchés financiers[331] ».
B. - L’avènement
d’une démocratie procédurale
et la notion de légitimité démocratique
et la notion de légitimité démocratique
1o Ce sont
ces principes directeurs de demain (loyauté, mais aussi dialogue et célérité[332])
qui ont vocation à irriguer tous les contentieux, ainsi du procès constitutionnel[333]. Ils
transcendent la procédure civile pour confiner à l’élaboration d’un nouveau
droit processuel, principes qui forment l’ossature d’une justice de meilleure
qualité. Ces évolutions récentes rendent par là même anachroniques et
archéologiques les résistances doctrinales à cette émergence : une vision
à long terme du droit du procès clive la doctrine en deux camps, d’un côté ceux
qui, très attachés au légalisme procédural, se contentent de commenter la
technique procédurale existante (souvent fort bien), de l’autre, ceux qui
regardent au-delà de cet horizon et qui s’efforcent d’anticiper les évolutions
à venir pour les instiller dans les esprits et les pratiques ; ce sont
souvent les mêmes qui, n’ayant pas vu venir ce que nous avons appelé dès les
premières éditions du précis de Droit
processuel (en janvier 2001) « le droit commun et le droit comparé du
procès équitable[334] »
et n’ayant pas compris le sens des expressions « droit processuel
horizontal/droit processuel vertical[335] »,
nient l’existence de ces principes structurants.
2o Ces principes
structurants traduisent, ce que nous avons appelé[336], avec d’autres[337],
l’avènement d’une démocratie procédurale, ou, en termes plus politiques,
participative[338] et
qu’il faut « inscrire en lettres
d’or aux frontons des palais de justice[339] ». Peu étudiés en doctrine, ils s’infiltrent néanmoins
dans l’esprit des praticiens, que ce soit dans les discours de rentrée[340], ou
dans les protocoles de fonctionnement des juridictions[341], dans celui des rédacteurs
de rapports[342].
Ainsi, cette intuition de 1999 a été consacrée en juin 2004 par un rapport
remis au garde des Sceaux sur la célérité et la qualité de la justice, puisque
les auteurs de ce rapport préconisent la reconnaissance officielle du principe
de loyauté « qui devrait figurer
explicitement au nombre des principes directeurs du procès pour mieux asseoir
sa nécessité et servir de référent pour toutes les procédures et devant tous
les juges. Il impose également des réformes plus techniques qui visent toutes
les phases de la procédure, notamment celles de première instance[343] ». Éclatante illustration de
l’influence de la doctrine sur l’évolution des pratiques procédurales, au-delà
de la pure technique juridique[344].
3o Il est très intéressant de rapprocher
ce qui précède de ce qu’écrit Pierre Rosanvallon à propos de ce qu’il appelle,
dans son ouvrage sur la légitimité démocratique, légitimité de proximité[345].
Ainsi, il montre que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents
publics est fonction des qualités de « justice procédurale »
attachées à leur comportement[346].
En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984 à Chicago
auprès d’individus ayant eu personnellement maille à partir avec la police et
la justice », il résulte que « ces individus ont un regard sur
l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature des sanctions qui
leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus dépendait
évidemment, au premier chef, du verdict prononcé, leur appréciation de la
légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre
critère : celui de la perception de l’équité du procès ».
Ces deux concepts de démocratie
procédurale que nous défendons depuis 1999 et de légitimité démocratique qui se
trouve développée dans l’ouvrage précité de Pierre Rosanvallon édité en 2008,
ne sont pas absents des préoccupations de la Cour EDH qui a aidé à
construire le concept de démocratie procédurale[347], puisque les exigences
d’une société démocratique font aussi partie du contexte pertinent de la
Convention EDH, au sens de l’article 31 de la convention de Vienne, car il
« la domine tout entière[348] »
et parce que, selon le Préambule de la Convention, le maintien des libertés
fondamentales « repose essentiellement sur un régime politique
véritablement démocratique[349] ».
Il faut donc préserver et promouvoir « un juste équilibre entre la défense
des institutions de la démocratie dans l’intérêt commun et la sauvegarde des
droits individuels[350] ».
Appliquée au droit processuel, cette exigence a conduit la Cour EDH à
déclarer que « dans une société démocratique, le droit à une bonne
administration de la justice occupe une place si éminente qu’on ne saurait le
sacrifier à l’opportunité[351] »
et que l’exigence d’un procès équitable et public (art. 6, § 1)
« compte parmi les principes fondamentaux de toute société démocratique[352] ».
**
*
*
La démocratie se fonde ainsi sur la
procéduralisation du droit[353] et la
boucle est bouclée : la démocratie est procédurale et sa légitimité au
sens de Pierre Rosanvallon s’enracine dans la procédure suivie plus que dans le
résultat obtenu. La finalité universelle de recherche de l’effectivité du droit
à un procès équitable dans toutes ses composantes, à la fois droit processuel
par l’affirmation du principe et droit procédural par ses modalités de mise en
œuvre au niveau national, c’est, au final, ce que nous appelons, depuis 1999,
l’avènement d’une démocratie procédurale et, dans un autre domaine, ce que
Pierre Rosanvallon appelle la « légitimité démocratique ».
Si le principe de loyauté procédurale a
parfois du mal à s’imposer, c’est sans doute parce que notre culture française
est encore trop empreinte de mensonge et de déloyauté. Mais cette loyauté est
aussi indispensable au monde politique qu’aux acteurs de la justice, car quelle
confiance le peuple peut-il avoir en sa démocratie et ceux qui l’incarnent, en
sa Justice et ceux qui la servent ou la subissent, s’il constate, amèrement,
qu’une poursuite, une instruction, se sont déroulées sur le fondement d’un
mensonge et qu’un jugement a finalement été rendu sur ce même fondement ou,
pour le moins, sur une déloyauté ? La loyauté participe de l’État de
droit, du rule of law, des
fondements d’une société démocratique. Relisons et écoutons François
de Callières, qui écrivait en 1717 : « contrairement à l’opinion
vulgaire, on ne doit jamais fonder le succès de ses négociations sur de fausses
promesses et sur des manquements de foi. Un négociateur doit considérer qu’il
aura plus d’une affaire à traiter dans le cours de sa vie, qu’il est de son
intérêt d’établir sa réputation et qu’il doit la regarder comme un bien réel,
puisqu’elle leur facilite dans la suite, le succès de ses autres
négociations ». Ce qui valait il y a plus de trois siècles pour la
diplomatie, vaut aussi, aujourd’hui, pour la politique, le judiciaire et le
monde des lettres et de l’université[354].
Paris, le 31 décembre 2016
[1]. Au titre des
principes généraux du droit de l’UE, la confiance légitime et la sécurité
juridique ne sont-elles pas une illustration de la loyauté qui doit exister
dans les relations des citoyens avec les pouvoirs publics ?
[2]. V. G. Drago, Contentieux constitutionnel français, op. cit., no 459, qui
applique ces trois principes à ce type de contentieux. V. aussi, G. Drago,
« Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? »,
Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010,
439.
[3]. Sur cette
exigence et ses exigences : J. Cl. Magendie « L’exigence de la
qualité de la justice dans le respect des principes directeurs de
l’euro-procès », Mélanges Buffet,
LPA/LGDJ éd., 2004 ; « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à
inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice » in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010,
329.
[4]. J. Fr. Van
Drooghenbroeck, « Le nouveau droit judiciaire en principes », in Le droit judiciaire en mutation, en
hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission
Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. no 24,
p. 232 : « aux principes dits classiques en raison de leur
désignation comme principes généraux du droit viennent désormais s’ajouter deux
postulats qui, quelle que soit leur actuelle identification normative, n’en
sont pas moins prégnants. La célérité et la loyauté dictent des exigences qui
ne peuvent plus être ignorées ».
[5] En ce sens aussi,
Y. Derains, « Les nouveaux principes en droit de l’arbitrage :
confidentialité, célérité, loyauté », in
Le nouveau droit français de l’arbitrage [dir. Th. Clay], Lextenso éd.
2011, p. 91.
[6] Proposition n°
28 : dans l’article 15, C. pr. civ.
[7]. Sur cette notion
à partir du droit du procès, V. l’ensemble des écrits de S.
Guinchard, à partir de 1999 [mais en germe dès 1991 dans la 22e
édition du Précis de procédure civile,
bâti sur les trois termes de la devise républicaine] : « Vers une
démocratie procédurale », Justices,
nouvelle série, 1999/1, p. 91, repris plus amplement in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire »,
in Clefs pour le siècle, Paris 2/Dalloz éd. 2000, p. 1135-1211. « Ô Kress,
où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de
démocratie procédurale », Mélanges
G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd., 2004,
vol. 2, p. 937. « Quels principes directeurs pour les procès de
demain ? » Mélanges J. Van
Compernolle, Bruylant éd., 2004. Rép. Proc. civ., Dalloz, Cahiers de l’actualité, janv. 2007/1,
« Les prémices d’une démocratie procédurale ». « La
doctrine, le juge et l’avènement d’une démocratie procédurale », Mélanges Shlomo Levin,vice président
honoraire de la Cour Suprême israélienne, A. Grunis, E. Rivlin et M. Karayanni
éd., Jérusalem et Tel-Aviv, 2013, p. 711. « Le fondamentalisme
religieux à l’aune de la distinction doctrinale droit processuel européen-droit
procédural national – Entre démocratie procédurale et légitimité démocratique », Mélanges J.-Fr.Flauss, Pédone éd.,
2014 p. 365. « Le changement en procédure civile », Rev. dr. Assas, 2015/10, p. 132, spéc.
p. 142-143 (rapprochement avec la « légitimité démocratique » de
Pierre Rosanvallon). Autres auteurs : avant,
Jürgens Habermas, Droit et démocratie.
Entre faits et normes, Gallimard, 1997, traduction R. Rochlitz et C.
Bouchindhomme ; analyse de sa pensée in
Dictionnaire des grandes œuvres juridiques [dir. O. Cayla et J.-L.
Halperin], Dalloz 2010, p. 230. Dans la foulée : P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité,
réflexivité proximité, Le Seuil éd., collec. Les livres du nouveau monde,
2008. G. Timsit, « L’invention de la légitimité procédurale », Mélanges Costa Dalloz, 2011, 635. J.-M.
Roy, « La Justice du XXIème siècle, la procédure et la démocratie », in I. Teyssié et C. Puigelier [dir.], Quarantième anniversaire du CPC, éd.
Panthéon-Assas, 2016, p. 111.
[8]. S. Guinchard,
Rép. Proc. civ., Dalloz, Cahiers de
l’actualité, janv. 2007/1, « Les prémices d’une démocratie
procédurale ».
[9]. Selon l’heureuse
formule de J. Cl. Magendie, in Mélanges
S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 : « Loyauté, dialogue, célérité,
trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de
justice ».
[10]. Pour deux de
ces principes au moins (dialogue et loyauté), l’idée semble faire son chemin
dans la conceptualisation de la pratique du procès, v. « Discours de
rentrée des avocats aux Conseils », 18 déc. 2001, par E. Baraduc, Annonces de la Seine, 27 déc. 2001.
[11]. Par ex.,
Protocole d’octobre 2003 du TGI de Paris « tendant à l’amélioration du
fonctionnement des chambres civiles » : on y retrouve le dialogue
entre les juges et les parties (via leurs avocats), la loyauté et, bien sûr, la
célérité, finalité première de ce protocole. V. J. Cl. Magendie,
« L’exigence de qualité de la justice civile dans le respect des principes
directeurs de l’euro-procès, L’expérience parisienne », Mélanges Buffet, LPA et LGDJ éd., 2004,
319.
[12]. V. rapport du
Conseil économique et social sur la judiciarisation de l’économie, JO 2004, spéc. p. I-14. Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une
justice apaisée, Doc. fr. 2008. Rapport Delmas-Goyon,
Les juges du XXIe siècle, déc. 2013.
[13]. Rapport dit
Magendie, sur le site internet du ministère de la Justice, spécialement
p. 35. Mais ce rapport ne visait que deux de nos principes directeurs
dégagés dès la première édition de ce précis (janv. 2001), la loyauté et la
célérité, évitant de parler du dialogue, ce qui laissait planer un doute sur la
finalité de la proposition ; en occultant le dialogue, est-ce que la
loyauté exigée des parties, mais pas du juge, n’était pas envisagée comme étant
au seul service de la célérité ? V. S. Guinchard, « De la loyauté de
la concurrence à la loyauté de la procédure – Ou les dangers de la proclamation
d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion
des flux judiciaires », Mélanges Y.
Serra, Dalloz, 2006, 229. Depuis, l’auteur du rapport a ajouté le dialogue
aux « principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de
justice », Mélanges S. Guinchard, Dalloz,
2010, 329.
[14] Sur cet aspect,
S. Guinchard, « La doctrine, le juge et l’avènement d’une
démocratie procédurale », Mélanges Shlomo
Levin, loc. et op. cit.
[15] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité,
réflexivité, proximité, op. cit.
[16]. Pour une
illustration dans l’arrêt Kress, 7 juin 2001, à propos de la place du
commissaire du gouvernement au Conseil d’État, S. Guinchard,
« Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France
d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd. 2004, vol. 2, p. 937.
[17]. CEDH 8 juill.
1986, Lingens, série A, no 103,
§ 42.
[18]. CEDH 2 mars
1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt,
série A ; no 113, § 47.
[19]. CEDH 29 nov.
1988, Brogan, série A, no 145-B,
§ 48. Déjà, CEDH 18 oct. 1982, Young,
James et Webster c/ Roy. Uni, série A, no 55,
§ 63.
[21]. Commission,
avis du 29 oct. 1991, Andersson,
série A, no 212-B, § 24.
[22]. P. Coppens
et J. Lenoble (dir.), Démocratie et
procéduralisation du droit, Biblio. Fac. Dr. Louvain, vol. XXX,
Bruylant, 2001.
[23]. CEDH 26 sept.
1996, Miailhe c/ France, Rec. 1996-IV, § 48-44 et chron.
Flauss, Rev. fr. fin. pub., 1999,
p. 81 ; JCP 1997, I,
4000, obs. Sudre.
[24]. CEDH 5 oct.
2000, Apeh Üldözötteinek Szvövetsège et
alii c/ Hongrie, Rec. 2000-X,
§ 42, qui confirme CEDH 22 févr. 1996, Bulut
c/ Autriche, § 49.
[25] V. les ex.
commentés par N. Fricero en 2012, Dr. et
proc. 2012/8, Cahier des proc.
intern. n°11 à 14, p. 13.
[26] V. J. Fr. Van
Drooghenbroeck, in Le droit judiciaire en
mutation, en hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges],
Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s.,
spéc. p. 234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté
au nombre des principes directeurs du procès civil ». Et, in Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, les
écrits de J. Van Compernolle p. 413 (« Quelques réflexions sur un principe
émergent : la loyauté procédurale ») et J. Van Drooghenbroeck, p. 425
(« La loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public – Irrecevabilité du
moyen renégat devant la Cour de cassation de Belgique »).
[27] Cass. belge,
27 nov. 2014, n° C. 13.04666. F/2, E.M.
c/ Ville d’Eupen.
[28]. Pour s’en tenir au droit procédural, par ordre chronologique : Mélanges Cerexhe, La loyauté,
Larcier éd., 1997, spéc., pour le droit procédural : Ph. Couvreur,
« La loyauté dans les rapports judiciaires internationaux »,
p. 67 ; Fr. Delpérée, « À
la loyale », p. 116 ; X. Dijon, « La loyauté
osmotique », p. 127 ; P. Martens, « Sur les loyautés
démocratiques du juge », p. 249. M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel, Dalloz,
Nouvelle biblio. de thèses, 2003, préface S. Guinchard). M.Th. Caupain et E. Leroy,
« La loyauté : un modèle pour une petit supplément
d’âme ? » Mélanges J. Van
Compernolle, Bruylant éd. 2004,
67. Y. Strickler, « La loyauté procédurale », Mélanges Burgelin, Dalloz, 2008, 355. M. Douchy-Oudot, « La
loyauté en matière civile », Gaz. Pal.
17 nov. 2009. Aux Mélanges S.
Guinchard, Dalloz, 2010, quatre articles : J. Cl. Magendie,
« Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or
aux frontons des palais de justice », p. 329. M. Cl. Rivier,
« Justice étatique, justice arbitrale – L’exigence de loyauté procédurale,
entre diligence, cohérence et compétence », p. 837. J. Van
Compernolle, loc. cit. , p. 413.
J. Van Drooghenbroeck, loc. cit.,
p. 425 et, du même auteur, in Le
droit judiciaire en mutation, op. et loc. cit., p. 213 s. N. Fricero,
« La loyauté dans le procès civil », rapport au colloque Loyauté et impartialité en droit des
affaires, Association Droit et commerce, Deauville, 31 mars-1er
avril 2012, Gaz. Pal. 24 mai 2012. Au-delà du droit du procès : J.
Carbonnier, Droit civil. Introduction,
2002, op. cit., no 188.
V. aussi, A. Leborgne, « L’impact de la loyauté sur la manifestation de la
vérité ou le double visage d’un grand principe », RTD civ. 1996. 535. Colloque sur L’obligation, Arch. philo. dr.,
9 et 10 avr. 1999, rapport L. Aynès, « L’obligation de loyauté ».
Dossier de la revue Justice et cassation,
Dalloz éd., 2014, « La loyauté », spéc. E. Alt, « La loyauté
dans la procédure en droit civil », p. 13.
[29] Droit civil. Introduction au droit, 2002,
PUF, collec. Thémis, no 188.
[30]. Cornu et
Foyer, Procédure civile, PUF, Thémis,
3e éd., no 100, p. 457.
[31]. H. Motulsky,
« Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect
des droits de la défense en procédure civile », Mélanges P. Roubier, 1961, no 16, p. 187.
[32]. H. Muir Watt, note ss. Civ. 1re, 21 nov. 2006, Rev. crit. DIP 2007/3, spéc. p. 580, note 1: « ce dernier [la loyauté des
comportements] étant désormais perçu, à travers le premier [le souci d’économie procédurale], comme
un principe directeur du procès, assurant la gouvernance de celui-ci en
conjuguant efficacité procédurale et procès équitable ». J. Van Compernolle,
« Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté
procédurale », in Mélanges
Guinchard, Dalloz, 2010, p. 413. J. Fr. Van Drooghenbroeck : in Le droit judiciaire en mutation, en
hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission
Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. p.
234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes
directeurs du procès civil » et aux Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, p. 425, « La loyauté
procédurale au-dessus de l’ordre public – Irrecevabilité du moyen renégat
devant la cour de cassation de Belgique ».
[33] S. Guinchard,
« De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure – Ou les
dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument
d’une politique de gestion des flux judiciaires », Mélanges Y. Serra, Dalloz, 2006, 229, pour critiquer le rapport dit
Magendie I, sur la la célérité et la
loyauté de la Justice qui instrumentalisait cette dernière pour en faire un
outil de régulation des flux ; ce qui c’est concrétisé dans l’arrêt Césaréo de l’assemblée plénière du
7 juillet 2006, arrêt qui impose aux parties de concentrer leurs moyens
dès la première instance sous la sanction de se voir opposée l’autorité de la
chose jugée.
[34]. L. Cadiet,
« La légalité procédurale en procédure civile », BICC 15 mars 2006.
[35] P. Didier, Droit commercial, 1re éd.,
1970, PUF, pages 184 à 203. Enseignement de doctorat, Lyon, Faculté de droit,
1968-1969.
[36] M.
Douchy-Oudot, loc.cit., Gaz. Pal. 17
nov. 2009.
[37] Perrot, RTD civ. 2006. 151, qui craint les
conséquences imprévisibles de la reconnaissance de ce nouveau principe, au
motif qu’il est empreint d’une forte connotation morale.
[38]. B. de Lamy,
« La loyauté, principe perturbateur des procédures ? », note ss.
Com. 24 mai 2011, n° 10-18267, JCP 2011,
doctr. 988, qui y voit « un principe
hasardeux », « un concept
indéfinissable » qui « devrait
simplement être utilisé comme modérateur pour remédier aux excès les plus
criants, aux abus les plus manifestes, ne pouvant être corrigés par les
principes directeurs. L’ériger en principe autonome, doté de critères
d’application incertains, revient à prendre le risque de déséquilibrer les
procédures au hasard des espèces ».
[39] P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle, t.
1, Sirey éd., 1952.
[40] S. Guinchard,
De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure ou les dangers de
la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une
politique de gestion des flux judiciaires, Mélanges
Yves Serra, Dalloz, 2006, p.
229.
[41]. L. Miniato,
« L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007, 1035. V., en réponse, S. Guinchard,
« L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve des nouveaux
principes directeurs du procès civil », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, spéc. p. 381-382,
« Qui cherche, trouve ».
[42]. V. par ex., à
propos de l’impartialité du juge, E. Baraduc, « L’avocat, garant de
l’impartialité du juge », Mélanges
A. Ponsard, Litec 2003, spéc. p. 44-45 : « la mosaïque d’un
procès loyal intègre la loyauté du professionnel qui en a la maîtrise » (no 19).
[43]. A. Couret,
« Devoir de loyauté et devoir de dénonciation », Gaz. Pal. 24 mars 2007, Doctr.
[44] J.B. Racine,
« Les garanties de loyauté dans les modes alternatifs de résolution des
conflits », in Pluralisme des MARC, pluralisme du droit
(dir. J.B. Racine), GIP Justice, L’Hermès éd., 2002. C. Arens et N.
Fricero, « Médiation et conciliation : modes premiers de règlement
des litiges ? à propos du décret n° 2015-282 du 11 mars, Gaz. Pal. 25 avr. 2015, n° 114-115, p.
13.
[45]. V. thèse
Patricia Aubijoux-Imard, Le dialogue dans
le procès, thèse (dacty.) Paris 2, 1999 (dir. S. Guinchard). Sous
l’angle philosophique, V. F. Kaplan, La
vérité – Le dogmatisme et le septicisme, A. Colin, 1998, p. 146.
[46]. Sur la
distinction du dialogue et du débat, V. Ch. Lièvremont, Le débat en droit processuel, PUAM, nov.
2001, préface H. Croze, spéc., p. 223 s.
[47]. Gaëlle Betrom, Le principe d’égalité des armes au sens de
la Convention EDH, thèse Montpellier 1, déc. 2006, dir. Sudre.
[48]. Sur le temps et
le droit : Ch. Gavalda, Mélanges
B. Mercadal, éd. Fr. Lefèbvre, 2002. Pour la procédure civile,
V. ss 566).
[49]. Pour le droit
américain, Federal Rules of civil
procédure, Rule 1 ; New
York Civil Pratice Lawand Rules, § 104, cités par Peter E.
Herzog : Justices, 1996-3,
p. 446.
[50]. Discours
prononcé à la rentrée du Parlement de Bordeaux, in Œuvres complètes, t. 1, Gallimard, Biblio. Pléiade, 1949,
p. 47.
[51] V. par
exemple, L. Cadiet, Mélanges Normand, Litec, 2003.
[52] Dalloz
éd., fév. 2001.
[53] Audrey
Guinchard, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale, Du modèle
judiciaire à l’attraction d’un système unitaire, LGDJ, 2002, collec.
Biblio. sc. crim., préface Y. Mayaud.
[54] Cornu :
Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes, fragment d'un état des
questions : Mélanges Bellet 1991. 83. –
L'élaboration du code de procédure civile : Rev.
hist. Fac. Dr. 1995-16, p. 241 et, ibid.
in La codification, collec. Thèmes et commentaires, Dalloz, 1996, p. 71. –
La codification de la procédure civile en France : Rev. jur. et politique, 1986. 689, repris in L'art du droit en quête de sagesse, PUF, 1998, p. 385 ; L'avènement
du NCPC, in Le NCPC, vingt ans après,
Doc. fr. 1998, p. 19, spéc. p. 21. – R. Martin, Un autre procès possible ou
est-il possible de rêver ?: RTD civ.
1994. 557. – L'art. 6, §1, CEDH, contre l'art. 12 ?: D. 1996. Chron. 20. – Une contre-évolution du procès civil : le
déclin du juge providence ou le retour de l'avocat : Rev. huiss. 1997. 345. – Et, en réponse, J. Normand, RTD civ. 1996. 694 à 700 et 1998. 466 à 469.
– R. Martin, A nouveau siècle,
nouveau procès civil : Edilex Club éd.,
Aix-en-Provence, mars 2000. –
Georges Rouhette, L'article 1er des lois, in Les mots de la loi : Economica,
1998, p. 37.
[55] V.
Cornu, L'avènement du Nouveau code, op.
cit., p. 19 s.).
[56] Serge
Guinchard, Rapport de synthèse au XXe anniversaire de la cour
d'appel de Versailles, Gaz. Pal. 1996.
2. 1004
[57] V.
Vincent et Guinchard, Procédure civile,
27ème éd., 2003, n° 48.
[58]
L’expression est du Doyen Carbonnier, dans une lettre qu’il nous avait adressée
en retour de l’envoi de l’édition du précis de procédure civile qui, pour la
première fois, exposait la procédure civile sous l’éclairage de notre devise
républicaine.
[59] Sur ces
exigences et leur traduction en termes procéduraux, V. Vincent et Guinchard, op.cit., n° 49.
[60]Conte et
Maistre du Chambon, Procédure pénale, A. Colin, 4e éd. 2002,
p. 15.
[61] S.
Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 2ème éd., Litec, sept.
2002.
[62] Audrey
Guinchard, Le pouvoir de répression en matière pénale – Du modèle judiciaire à
l’attraction d’un modèle unitaire, thèse préc.
[63]Pour
deux de ces principes au moins (dialogue et loyauté), l’idée semble faire son
chemin dans la conceptualisation de la pratique du procès, v. discours de
rentére, 18 déc. 2001, par E. Baraduc, Annonces de la Seine, 27 déc. 2001.
[64] Pour le
droit procédural : M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel, thèse,
Paris 2, Dalloz, 2003, préface Serge Guinchard. Mélanges Cerexhe, La loyauté,
Larcier éd., 1997, spéc., pour le droit procédural : Ph. Couvreur, La
loyauté dans les rapports judiciaires internationaux, p. 67,
Fr. Delpérée, A la loyale, p. 116 et P. Martens, Sur les
loyautés démocratiques du juge, p. 249.
Au-delà
du droit du procès : J. Carbonnier, Introduction, PUF, n° 188.
V. aussi, A. Leborgne, L'impact de la loyauté sur la manifestation de
la vérité ou le double visage d'un grand principe, RTD Civ. 1996, 535.
X. Dijon, La loyauté osmotique, in Mélanges Cerexhe, La loyauté, Larcier
éd., 1997, p. 127. Colloque sur l'obligation, ass. Philo. Dr., 9 et
10 avr. 1999, rapport L. Aynès, L'obligation de loyauté.
[65]
Colloque ENM/CNB/Ordre des avocats de Paris, Loyauté du procès et comportements
professionnels, Paris, 26 et 27 sept. 2001. Bulletin d'information du Bâtonnier
de Paris, 18 janv. 1994, p. 15 : « la loyauté dans les
relations entre les avocats constitue une impérieuse nécessité ».
[66] V.
Perrocheau, Les fluctuations du principe de loyauté dans la recherche des
preuves, Petites affiches, 17 mai 2002, p. 6. L. Raison-Rebuffat, Le principe
de loyauté en droit de la preuve, Gaz.
Pal. 27 juill. 2002, Doctrr.
[67]Motulsky,
Mélanges Roubier, n° 13 et s., note 27.
[68]Civ. 1re,
19 nov. 1991 : Bull. I, n° 316.
[69]Com.
27 mars 1990 : D. 1991, 503, note Bonnard.
[70]Crim.
11 juin 1996 : D. 1997, 576, note Agostini.
[71] V. les
réserves émises par O. Hillel et M.N. Jobard-Bachelier, Les applications du
principe [de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui] en droit du
contentieux interne et international, in actes
du colloque, Univ. Paris 5, 13 janv. 2000, Economica, p. 53.
[72]E. Gaillard,
Rev. arbitr. 1985, 241. – Ph. Pinsolle, Distinction entre le principe de
l'estoppel et le principe de bonne foi dans le commerce international :
JDI, 1998, 905.
[73]H. Muir
Watt, Pour l'accueil de l'estoppel en droit privé français : Mélanges
Loussouarn, Dalloz, 1994, 303. Sur l'estoppel, O. Moreteau, L'estoppel et
la protection de la confiance légitime, thèse (dacty.) Lyon III, 1990.
[74]H. Muir
Watt, préc.
[75]V. Méga
code de procédure civile, commenté par Serge Guinchard, ss. art. 126,
n° 012. – Vincent et Guinchard, Procédure civile, 27e éd.
2003, n° 145, c.
[76]Civ. 1re,
14 mai 1996, Bull. I, n° 202.
[77]Claude
Lienhard, D. recueil du 21 sept. 2000, Point de vue, p. V.
[78]Civ. 2e,
11 mars 1999, JCP 1999, II, 10095, note H. Croze.
[79] Paris,
1ère ch. C, 5 juill. 2001, Sociéte SFHT.
[80] J.B.
Racin, Les garanties de loyauté dans les MARC, in Les MARC : approche générale et spéciale, CREDECO (Nice),
étude pour le GIP Justice, mars 2001, p. 55-74.
[81]Débats
du mercredi 24 mars 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p. 10. Les
réserves ont notamment été émises par Maître Arnaud Montebourg...
[82]Ch.
réunies, 31 janv. 1888 : S. 1889, 1, 241.
[83]Crim.
9 oct. 1980, arrêt Tournet : JCP 1981, II, 18578, note Di Marino.
28 oct. 1991 : JCP 1992, II, 21952, note Pannier.
[84]Crim.
23 août 1994 : Bull., n° 291. – 16 déc. 1997 : D.
1998, 537, note Pradel.
[85]CEDH,
24 août 1990, arrêt Kruslin.
[86]Crim.
5 mai 1999, D. 1999, IR, 192.
[87]Crim.
7 mai 1996 : Procédures, sept. 1996, n° 270, obs. Buisson.
[88]Crim.
6 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 218, obs. Buisson.
[89]Crim.
27 févr. 1996, arrêt Schuller/Maréchal : D. 1996, 436, note
Guéry ; JCP 1996, II, 22629, note Rassat. – V. aussi, Crim. 17 oct.
1991 : Dr. pénal, 1992, n° 27.
[90]Crim. 18 févr. 1958, Bull. n° 163. –
16 mars 1961, Bull. n° 172 ; JCP 1961, II, 12157, note
J. Larguier. – 26 avr. 1987 : Bull. 173. – 11 févr.
1992 : Bull., n° 66 ; D. 1993, som. com. 206, obs. Pradel
(avec Crim. 23 juill. 1993).
[91]Crim.
6 avr. 1993 : JCP 1993, II, 22144, note Rassat (pour un
enregistrement obtenu en commettant une infraction pénale). – 15 juin
1993, Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note C. Mascala (lettre
produite en violation du secret des correspondances). Et déjà, Crim.
23 juill. 1992 : Bull., n° 274. – 6 avr. 1994 : Bull.
n° 136. – 30 mars 1999, D. 1999, IR, 131 ; RGDP 1999-4, 640,
obs. Didier Rebut (remise à un juge, par une partie, de documents et
d'enregistrements obtenus à l'insu de la personne qui les détenait ou qui avait
tenu les propos).
[92]Crim.
15 juin 1993 : Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note
C. Mascala.
[93]Paris,
8 avr. 1994 : BOCCRF, 18 mai 1994. – Paris, 17 mai
1994 : BOCCRF, 7 juin 1994.
[94]E. Putman,
Contentieux économique, PUF, 1998, n° 180, p. 175.
[95]Paris,
2 mars 1999, Soc. Seco-Desquenne.
[96]Cons.
conc., Déc. n° 99-D-78, 15 déc. 1999, Porcelaines de Limoges, BOCC,
7 mars 2000, p. 139, spéc. p. 141.
[97]Paris,
2 avr. 1996, BOCC, 15 mai 1996, p. 167 ;
Contrats-Concurr.Consom. 1996, n° 108, obs. L. Vogel.
[98]Com.
21 mars 2000, Contrats-Concurr. Consom. juin 2000, n° 98; RTDCom.
2000, 628, obs. E. Claudel, qui casse Paris, 13 janv. 1998. Et déjà, Paris,
16 déc. 1994, BOCC, 28 déc. 1994 ; D. 1995, IR, 22. –
14 avr. 1995, BOCC 1995, p. 160.
[99] Paris,
12 déc. 2000, BOCCRF 23 janv. 2001, p. 32 ; RTDCom. 2001, 419, obs. E.
Claudel. La référence à l’obligation de loyauté se trouve déjà dans Paris, 6
juin 2000, Petites affiches, 29 mars 2001, p. 13, obs. M. Malaurie-Vignal.
[100]Cons.
conc., Déc. n° 98-MC 08, 8 sept. 1998 :
Contrats-Concurrences-Consommation, févr. 1999, n° 25, obs. M. Malaurie-Vignal.
[101]Sur la
distinction du dialogue et du débat, v. Christophe Lièvremont, Le débat en
droit processuel, PUAM, nov. 2001, préface H. Croze, spéc., p. 223
et s.
[102]V. thèse
Patricia Aubijoux-Imard, Le dialogue dans le procès, thèse (dacty.) Paris 2,
1999 (dir. S. Guinchard).
[103]CJCE,
16 juill. 1992, Meilicke, aff. C-83/91, Rec., p. I-4871,
point 22. J. Pertek, La pratique du renvoi préjudiciel en droit
communautaire – Coopération entre CJCE et juges nationaux, Litec, 2001.
[104]Fabrice
Picod, La transparence dans les procédures juridictionnelles, in La transparence dans l'Union
européenne, mythe ou principe juridique ? colloque du CEDORE, Nice, LGDJ,
1999 (ss. la direction de Joël Rideau), p. 147.
[105]JOCE, n°
L 122, 24 mai 2000, p. 43 ; Rev. Europe, juill. 2000,
n° 188, obs. F. Berrod et D. Simon. Sur le document de réflexion
de la CJCE qui a inspiré cette modification, v. RTD Europ. 1999-3, 529 et
commentaires : Jean-Paul Jacqué, ibid.,
p. 443 ; Rev. Europe, juill. 1999, n° 242, F. Berrod,
A. Rigaux et D. Simon.
[106]V.
commentaire F. Berrod et D. Simon, préc.
[107]CEDH,
18 févr. 1997, Nideröst-Huber c/ Suisse, § 23 : AJDA, 1997, 987,
obs. J. Fr. Flauss.
[108] CEDH,
28 juin 2001, F.R. c/ Suisse, Journal des droits de l’homme, supplément au n°
56 des Annonces de la Seine, 9 août 2001. 21 fév. 2002, Ziegler c/ Suisse,
Journal des droits de l’homme, supplément au n° 21 des Annonces de la Seine, 28
mars 2002.
[109]Com. 27 janv. 1998, Bull. IV, n. 42; D. Affaires 1998, 836, obs. A.M.; RJDA, 1998-6,
p. 566 ; RGDP, 1998, 699, obs. L. Idot.
[110] Paris,
1ère ch., section H, 5 mars 2002, Olitec, RG 2001/ 19862.
[113]Motulsky,
La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 oct.
1965 : JCP 1966, I, 1996 et Ecrits, t. 1, p. 130, n° 68. –
Vincent et Guinchard, op. cit.,
n° 864.
[114]Fr.
Ruellan, L'office du juge dans le procès civil (à propos d'une expérience d'un
schéma directeur de mise en état au TGI d'Annecy) : Petites affiches
12 juill. 1995 p. 23. Sur la pratique du contrat de procédure,
Caratini : Gaz. Pal. 1985, doctr. 639 et 1er févr. 1986. –
du Rusquec : JCP 1994, I, 3774. – Estoup : D. 1985, chron. 195 et
Gaz. Pal. 1985, doctr. 680. – Gaudin : Gaz. Pal. 1er févr.
1986. – Gaz. Pal. 1986, doctr. 387. Sur les différentes pratiques de mise en
état, v. Foulon, in Le nouveau code
de procédure civile, vingt ans après, colloque Cour de cassation, 11 et
12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 161.
[115] Magendie,
Gaz. Pal. 5 avr. 2001, doctr.
[116]V. à cet
égard les débats très intéressants aux journées d'étude des avoués tenues à
Reims les 29 et 30 sept. 2000, notamment le rapport de Mme Henriette
Chaubon.
[117] V. Cl.
Ph. Barriere, Gaz. Pal. 22 août 2002,
doctr.
[118]V. Entretien
avec Mme Ezratty, JCP 1996, I, 3894.
[119]V. André
Potocki, L'organisation des juridictions communautaires est-elle porteuse
d'enseignements pour les juridictions nationales ? Mélanges Pierre Drai, Dalloz, 2000, p. 109.
[120]Ibid.
[121]I. Forrester, British courtroom battles are
arguably the most severe, in European
voice, 14 janv. 1999, cité par Potocki, op. et loc. cit.,
note 3, p. 114.
[122]JOCE, n°
C-120, 30 avr. 1994, p. 16.
[123]Francis
Teitgen, Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, Bulletin du Barreau de
Paris, 23 mai 2000, n° 16.
[124]Jean-Pierre
Magendie, Président du TGI de Paris, in Bulletin
du Barreau de Paris, 20 juin 2000, n° 19.
[125]V. notre
proposition en ce sens in Mélanges
Terré, Dalloz/Ed. Techniques/PUF, 1999.
[126] Fr.
Alt-Maes, La contractualisation du droit pénal, mythe ou réalité ? RSCrim.
2002-3, 501.
[127]V. Puechavy,
L'art. 6, CEDH et la médiation pénale, Archives de philosophie du droit,
1992-14, p. 31. – Rémi Berg, Médiation pénale, in Rép. Pén. Dalloz. – Antoine Garapon et Denis Salas, La République
pénalisée, spéc. p. 99. – Travail d'intérêt général et médiation pénale,
Socialisation du pénal ou pénalisation du social, Colloque de L'Ecole des
sciences criminologiques Léon Cornil, Bruylant 1997. Sandrine Voisin, La
médiation pénale est-elle juste? in La
médiation en débat, Petites affiches, 26 août 2002.
[128]Eric
Gherardi, Réflexions sur la nature juridique des transactions pénales, RFD
adm., 1999, 905.
[129]En
matière domaniale, administration des eaux et forêts, art. L. 153-2,
C. for. – En matière de voirie routière, au profit du ministre chargé de cette
voirie, art. L. 116-8, C. voirie routière – En matière fiscale et
d'infractions douanières et cambiaires, possibilité pour l'administration des
douanes (art. 350, C. douanes) et pour celle des contributions indirectes
(art. L. 248, Livre des procédures fiscales) de transiger.
[130]CEDH,
27 févr. 1980, Deweer c/ Belgique, série A, n° 35.
[131]Déc.
95-360 DC, 2 févr. 1995, Injonction pénale : RJ com. I, p. 632 ; D. 1995, chron. 171, Pradel et
201, Volff ; RFD const., 1995-22, 405, note Th. Renoux ;
D. 1997, som. com. 130, obs. Th. Renoux.
[132]Fr. Le
Gunehec, Présentation rapide de la loi : Semaine juridique des 14 et
21 juill. 1999, no 28 et 29, V° Actualité.
[133]Pour le
détail de la réglementation de la composition pénale, v. Serge Guinchard et
Jacques Buisson Procédure pénale, Litec, 2e éd. sept. 2002,
n° 900 à 912. – Jocelyne Leblois-Happe, JCP 1999, I, 198. – Jean Pradel,
D. 1999, chron. 379.
[134] Tanian
Einaudi, L’obligation d’informer dans le procès administratif, LGDJ, collec.
Biblio. dr. public, 2002.
[135]V. C.
Hugo et Diego Pollet, La médiation et le juge dans l'ordre administratif,
Petites affiches, 23 et 26 avr. 1999. – Etudes (quatre) de
R.Ch. Dupuy, J.M. Perret, R. Ch. Dupuy et R. Beyssac, sur
la pratique de la conciliation au TA de Nantes, RFD adm., 1999, respectivement
p. 611, 614, 616 et 620. – J.M. Le Gars, Conciliation et médiation en
matière administrative, AJDA, 20 juin 2000, p. 507. – Géraldine
Chavrier, Réflexions sur la transaction administrative, RFD adm., 2000, 548.
[136] CE, 23
juin 1989, Rec. p. 146, concl. D. Levis ; AJDA 1989, 424, chron. E.
Honorat et E. Baptiste.
[137] Pour un
ex., CAA Marseille, 28 déc. 2000, AJDA 2001, 302, note L. Benoît.
[138]Cornu,
Rev. hist. Fac. Dr., 1995, vol. 16, p. 241 ; repris in La codification, Dalloz, coll. Thèmes
et commentaires, 1996, p. 71.
[139]CEDH,
8 févr. 1996, arrêt Murray c/ Roy. Uni : Procédures, juin 1996,
n° 194, obs. Buisson ; RSC 1997, 476, obs. R. Koering-Joulin.
[140]CEDH,
25 févr. 1993, Funke c/ France : JCP 1993, II, 22073, note R. et
A. Garnon ; JCP 1994, I, 3472, n° 13, obs. Sudre ;
Justices, 1996-3, 244, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. – 17 déc. 1996,
Saunders c/ Roy. Uni : RSC
1997, 478, obs. R. Koering-Joulin ; JCP 1997, I, 4000, n° 18,
obs. Sudre ;
AJDA 1997, 988, obs. Flauss. – 20 oct. 1997, Serves c/ France : JCP
1998, I, 107, n° 23, obs. Sudre ; RSC 1998, 395, obs.
R. Koering-Joulin.
[141]CEDH,
17 déc. 1996, Saunders : préc. – Opinion dissidente du juge Martens
(§ 12).
[142]CEDH,
8 févr. 1996 Murray, préc., § 47.
[145]CEDH,
20 oct. 1997, Serves c/ France, préc.
[146]Crim.
28 sept. 1983 : D. 1984, 156, note Pradel.
[147] Sur le
temps et le droit, en dernier lieu : Ch. Gavalda, Mélanges B. Mercadal,
éd. Fr. Lefèbvre, 2002.
[148]Pour le
droit américain, Federal Rules of civil procédure, Rule 1 ; New York Civil
Pratice Law and Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog :
Justices, 1996-3, p. 446.
[149]M.-A. Eissen,
La durée des procédures civiles et pénales dans la jurisprudence de la
CEDH : Bull. inf. C. cass., 1er oct.
1995, p. 3. – Ch. Méral : Gaz. Pal. 1993, doctr. 480.
[150]CEDH 20 févr. 1991 : D. 1992, somm. 333,
obs. Renucci ; JDI, 1992, 779, obs. E.D.
[151]Ibid.
[152]CEDH,
25 oct. 1988, arrêt Martins Moreira, série A, n° 143, § 44. –
24 mars 1984, arrêt Silva Pontès, série A, n° 286-A,
§ 33 : Justices, 1995-1, 170, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. –
23 mars 1993 : Justices 1995, 1, 170, obs. G. Cohen-Jonathan et
J.-F. Flauss. – 26 sept. 1996, arrêts Di Pede et Zappia c/
Italie : JCP 1997, I, 4000, n° 28, obs. Sudre ; D. 1997, Som.
com. 209, obs. Fricero ; Rec. 1996-IV, vol. 17, p. 1376 (arrêt
Di Pede) et p. 1403 (arrêt Zappia).
[153]TGI Paris, 6 juill. 1994 : JCP 1994, I,
3805, n° 2, obs. Cadiet ; Dr. et patrimoine, janv. 1995,
p. 9, obs. de La Vaissière. – 5 nov. 1997 : Gaz. Pal.
8 nov. 1997 ; D. 1998, note Frison-Roche.
[154]L. Favoreu,
Du déni de justice en droit français, thèse, LGDJ, 1964, p. 534.
[155]Sur la
célérité dans la justice civile : Didier Cholet, La célérité de la
procédure, thèse Poitiers, déc. 2003. Soraya Amrani-Mekki, Le temps et le
procès civil, Dalloz, collec. Grandes thèses, 2002, préf. L. Cadiet. G.
Canivet, Du principe d’efficience en droit judiciaire privé, Mélanges Drai,
Dalloz, 2000. Jean Foyer, La judiciarisation en délire ou de l’abus du droit en
un nouveau sens, Mélanges Terré, Dalloz/Ed. tech./PUF, 1999, 749. S. Guinchard,
Le temps dans la procédure civile, rapport au Xvème colloque des IEJ, Annales
Clermont-Ferrand, 1983; Les solutions d’orgnisation procédurale, rapport au
coloque TGI Nanterre et Ass. philosophie du droit, 5 déc. 1995, Dalloz éd.,
collec. Thèmes et commentaires, 1996. J. Héron, Le temps et la procédure,
rapport aux états généraux de la profession d’avocat sur la réforme de la
procédure civile, Rev. jur. ïle de France, Dalloz éd., oct.-déc. 1997. J.
Normand, Les facteurs d’accélération de la justice civile, Mélanges Drai,
Dalloz, 2000. Michel Raynaud, Le principe de célérité en droit judiciaire
privé, Conférence Association française de droit judiciaire privé, 1er mars
1984, imprimerie du TGI de Paris. – Y. Strickler, Les lenteurs de la justice,
le procès, Annales Toulouse, 1998, p. 33. Ph. Théry, La justice entre
l'exigence de la durée et la contrainte de l'urgence, Droits, 2000-30,
p. 89.
[157]CEDH, 9 nov. 1999, Gozalvo c/ France, D. 2000,
som. com. 183, obs. N. Fricero ; Procédures, avr. 2000, n° 93,
obs. N. Fricero.
[158]Sur ce
problème de la célérité : Roland Drago, Un nouveau juge administratif,
Mélanges Jean Foyer, PUF, 1997, p. 451 (avec la banalisation et
l'extension des procédures sommaires et les pouvoirs d'injonction et de
substitution du juge). – Constance Chevallier-Govers, Le président du TA au
secours de la célérité de la justice administrative, Gaz. Pal. 17 juin
2000.
[159]Commentaires :
Cyril Clément, Petites affiches, 10 août 2000, p. 4. – Inès Moteillet
Gaz. Pal. 9 sept. 2000, doctr. – Clotilde Morlot-Dehan, Petites affiches,
4 sept. 2000. – Roland Vandermeeren, La réforme des procédures d'urgence
devant le juge administratif, AJDA 2000, p. 706. – B. Pacteau, RFDA
2000, 959 (Une réforme exemplaire). – Marjolaine Fouletier, RFDA 2000, 963
(Le référé). Emmanuelle Mignon, La réforme des procédures de référé devant le
juge administratif: la fin de la grande misère pour le juge administratif,
Courr. jur; fin. et ind., oct. 2000, n° 5. M. Ch. Roault, La loi du 30 juin
2000: un petit pas vers un traitemen efficace de l’urgence par le juge
administratif, D. 2001, 398.
Sur
des bilans: P. Cassia et A. Béal, (1er mars-31 août 2001), JCP 2001,
I, 365. M. Guyomar et P. Collin, AJDA 2001, 465 (le Conseil d’Etat, juge de cassation
en référé, première synthèse).Fr. Moderne, Vers une culture de l’urgence dans
le contentieux administratif? D. 2001, 3283.
[160] Sur
lequel, Claudie Boiteau, JCP 10 janvier 2001, Actualités, p. 53. Serge Deygas,
Procédures, janv. 2002, chron. 1.
[161]CE, 23 janv.
1970, Rec. p. 51 ; AJDA, 1970, 174, note X. Delcros ; ibid., p. 609, chron. Labetoulle et
Cabanes ; RDP 1970, 1035, note M. Waline.
[162]CE,
18 juin 1954, Préfet du Var.
[163] CE, en
référé de section, 10 janv. 2001, Procédures, mai 2001, n. 116, obs. S. Deygas.
V. aussi, CE, en référé de section, 12 oct. 2001, JCP 2002, II, 10020, note
Danièle Crisstol.
[164] CE,
ord. réf., 24 janv. 2002, D. Hannoun, Petites affiches, 29 janv. 2002, p. 5.
[165]T.
confl., 12 mai 1997, Préfet de police de Paris c/TGI Paris, D. 1997, 567,
note Legrand ; JCP 1997, II, 22861 ; RTD Civ. 1998, 186, obs.
J. Normand ; AJDA, 1997, 574-584.
[166] Sur
cette notion devant le juge administratif des référés, L. Favoreu, D. 2001,
1739. Premières applications : CE, sect., 18 janv. 2001, Commune de Venelles,
RFDA 2001, 378, concl. M. Touvet ; Procédures, mars 2001, n. 73, obs. S.
Deygas (libre administration des collectivités territoriales). 24 fév. 2001,
ord. réf., Tiberi, D. 2001, 1748, note R. Ghévontian (caractère pluraliste de
la liberté d’esxpression), etc..
[167] Sur
cette notion, CE, 27 mars 2001, ord. réf., Djalout, JCP 2002, II, 10003, note
Fr. Lichère.
[168] Sur
cette notion, CE, 24 fév. 2001, ord. réf., Tiberi, D. 2001, 1748, note R.
Ghévontian (caractère pluraliste de la liberté d’esxpression).
[169]Cons.
conc., D. n° 87-849, 19 oct. 1987. – COB, D. n° 90-263,
23 mars 1990. – Conseil des marchés financiers, D. n° 90-869,
3 oct. 1996. – Autorité de régulation des télécommunications, D.
n° 97-264, 19 mars 1997.
[170]Sur tous
ces points, v. G. Canivet, Le principe d'efficience, Mélanges Drai,
Dalloz, 2000.
[171]E.
Putman, Les spécificités du droit processuel économique de l'urgence :
Rev. conc. consom., Ministère de l'économie et des finances, n° 98, suppl.
juill./août 1997, p. 35.
[172]
Serge Guinchard, Vers une démocratie procédurale, Revue Justices 1999-1,
nouvelle série, Dalloz éd., p. 91 ; Les métamorphoses de la procédure à
l’aube du IIIème millénaire, in « Clefs pour le siècle », ouvrage
collectif de l’université Paris 2, Dalloz éd., 2000 ; n° 542 et s. in
Précis Dalloz de Droit processuel, 1ère éd. 2001, 3ème
édition Droit processuel/Droit commun et droit comparé du procès, 2005 ;
Quels principes directeurs pour les procès de demain ? Mélanges J. Van
Compernolle, Bruylant éd. 2004. M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel,
Dalloz, nouvelle bibliothèque de thèses, 2003, préface Serge Guinchard.
[173]
Sirey, 1953.
[174]
V. notre ouvrage La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral
suisse – Etude critique de l’autonomie, au civil et au pénal, d’un délit économique,
LGDJ, collec. Biblio. sc. crim., 1971, préface Albert Chavanne.
[175]V. . Perrocheau, Les fluctuations du
principe de loyauté dans la recherche des preuves, Petites affiches, 17 mai
2002, p. 6. L. Raison-Rebuffat, Le principe de loyauté en droit de la
preuve, Gaz.Pal. 27 juill. 2002,
Doctr.
[176]
Soc. 26 nov. 2002, D. 2003, 1858, note J. M. Bruguière.
[177]Motulsky, Mélanges Roubier, n° . 13
et s., note 27.
[178]
Civ. 2ème, 23 oct. 2003, D. 2003, 2726 (irrecevabilité des
conclusions récapitulatives qui réitère un comportement consistant à déposer au
dernier moment des conclusions et à communiquer des pièces). Montpellier, 18
mars 2002, Bull. inf. cass. 15 nov. 2003, n° 1421. V. toutefois, Toulouse, 14
fév. 2002, D. 2003, 160, note Y. Schrikler, qui couvre une
« déloyauté » ayant consisté à présenter une seconde requête (devant un
vice-président) aux mêmes fins qu’une première (devant le président) qui avait
été rejetée et dont le recours en référé-rétractation n’avait pu être examiné
par le président du tribunal, l’appel n’ayant pas été réalisé. Comp. Civ. 2ème,
7 nov. 2002, D. 2002, 3188, qui sanctionne l’ingéniosité d’un plaideur dans le
cas où la seconde ordonnance avait refusé de rétracter la première ayant fait
droit à la demande.
[179]Civ. 1re,
19 nov. 1991 : Bull. I, n° 316.
[180]Com. 27 mars 1990 : D. 1991, 503,
note Bonnard.
[181]Crim. 11 juin 1996 : D. 1997, 576,
note Agostini.
[182]V. les réserves émises par O. Hillel
et M.N. Jobard-Bachelier, Les applications du principe[de l'interdiction
de se contredire au détriment d'autrui] en droit du contentieux interne et
international, in actes du colloque,
Univ. Paris 5, 13 janv. 2000, Economica, p. 53.
[183]E. Gaillard, Rev. arbitr. 1985, 241. —
Ph. Pinsolle, Distinction entre le principe de l'estoppel et le principe
de bonne foi dans le commerce international : JDI, 1998, 905.
[184]H. Muir Watt, Pour l'accueil de
l'estoppel en droit privé français : Mélanges Loussouarn, Dalloz, 1994,
303. Sur l'estoppel, O. Moreteau, L'estoppel et la protection de la
confiance légitime, thèse (dacty.) Lyon III, 1990.
[185]H. Muir Watt, préc.
[186]Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull.
I, n° 202.
[187]Civ. 2e, 11 mars 1999,
JCP 1999, II, 10095, note H. Croze.
[188]Paris, 1ère ch. C, 5 juill.
2001, Société SFHT. V. aussi, Paris, 12 sept. 2002, Rev. arbit. 2003, 173, note
M. E. Boursier.
[189] V. Xavier Lagarde, in
Droit processuel/Droit commun et droit comparé du procès, op. cit., n° 600. J.B. Racine, Les garanties de loyauté
dans les modes alternatifs de résolution des conflits, in Pluralisme des MARC, pluralisme du droit (dir. J.B. Racine), GIP
Justice, L’hermès éd., 2002.
[190]
Rapport précité, p. 35.
[191]Débats du mercredi 24 mars 1999, Le
Monde, 26 mars 1999, p. 10. Les réserves ont notamment été émises par
Maître Arnaud Montebourg.
[192]
Sur ce regret, P. Couvrat et G. Giudicelli-Delage, Rev. sc. crim. 2001, 139.
[193]Ch. réunies, 31 janv. 1888 : S.
1889, 1, 241.
[194]Crim. 9 oct. 1980, arrêt Tournet :
JCP 1981, II, 18578, note Di Marino. 28 oct. 1991 : JCP1992, II, 21952,
note Pannier.
[195]Crim.
23 août 1994 : Bull., n° 291. — 16 déc. 1997 : D. 1998, 537,
note Pradel.
[196]CEDH, 24 août 1990, arrêt Kruslin. .
[197]Crim. 5 mai 1999, D. 1999, IR, 192. .
[198]Crim. 7 mai 1996 : Procédures, sept.
1996, n° 270, obs. Buisson.
[199]Crim. 6 mai 1997 : Procédures, sept.
1997, n° 218, obs. Buisson.
[200]Crim. 27 févr. 1996, arrêt
Schuller/Maréchal : D. 1996, 436, note Guéry ; JCP 1996, II, 22629,
note Rassat. — V. aussi, Crim. 17 oct. 1991 : Dr. pénal, 1992, n° 27.
[201]Crim. 18 févr. 1958, Bull. n° . 163.
— 16 mars 1961, Bull. n° 172 ; JCP 1961, II, 12157, noteJ. Larguier.
— 26 avr. 1987 : Bull. 173. — 11 févr. 1992 : Bull.,
n° 66 ; D. 1993, som. com. 206, obs. Pradel (avec Crim. 23 juill. 1993).
[202]Crim. 6 avr. 1993 : JCP 1993, II,
22144, note Rassat (pour un enregistrement obtenu en commettant une infraction
pénale). — 15 juin 1993, Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note
C. Mascala (lettre produite en violation du secret des correspondances).
Et déjà, Crim. 23 juill. 1992 : Bull.,n° 274. — 6 avr. 1994 :
Bull. n° 136. — 30 mars 1999, D. 1999, IR, 131 ; RGDP 1999-4, 640,
obs. Didier Rebut (remise à un juge, par une partie, de documents et d'enregistrements
obtenus à l'insu de la personne qui les détenait ou qui avait tenu les propos).
[203]Crim. 15 juin 1993 : Bull.
n° 210 ; D. 1994, 613, note C. Mascala.
[204]Paris, 8 avr. 1994 : BOCCRF, 18 mai
1994. — Paris, 17 mai 1994 : BOCCRF, 7 juin 1994.
[205]E. Putman, Contentieux économique,
PUF, 1998, n° 180, p. 175.
[206]Paris, 2 mars 1999, Soc. Seco-Desquenne. .
[207]Cons. conc., Déc. n° . 99-D-78, 15
déc. 1999, Porcelaines de Limoges, BOCC, 7 mars 2000, p. 139, spéc.
p. 141.
[208]Paris, 2 avr. 1996, BOCC, 15 mai 1996,
p. 167 ; Contrats-Concurr.Consom. 1996, n° 108, obs.
L. Vogel.
[209]Com. 21 mars 2000, Contrats-Concurr. Consom.
juin 2000, . n° 98 ; RTD com. 2000, 628,obs. E. Claudel, qui
casse Paris, 13 janv. 1998. Et déjà, Paris, 16 déc. 1994, BOCC, 28 déc.
1994 ;D. 1995, IR, 22. — 14 avr. 1995, BOCC 1995, p. 160.
[210]Paris, 12 déc. 2000, BOCCRF 23 janv.
2001, p. . 32 ; RTD com. 2001, 419, obs. E. Claudel. Laréférence
à l'obligation de loyauté se trouve déjà dans Paris, 6 juin 2000, Petites
affiches, 29 mars2001, p. 13, obs. M. Malaurie-Vignal.
[211]Cons. conc., Déc. n° . 98-MC 08, 8
sept. 1998 : Contrats-Concurrences-Consommation,févr. 1999, n° 25,
obs. M. Malaurie-Vignal.
[212]
Il suffit de consulter les manuels de procédures civile, pénale et
administrative pour s’en convaincre.
[213]Vincent et Guinchard, Procédure civile, op. cit., n° 145, c.
[214]
Constantin et Ioannis Delicostopoulos, in Précis de Droit processuel/ Droit
commun et droit comparé du procès, op. cit., n° 5-2.
[215]
V. Vincent et Guinchard, Procédure civile, 27ème éd., 2003, n° 877.
[216]
Serge Guinchard, La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral
suisse, op. cit.
[217]
Poitiers, 27 fév. 2001, Jurisdata, n° 2001-165488. Paris, 26 juin 2003,
Jurisdata, n° 2003-224084. V. Aurélien Condomines, Contester en justice la
publicité d’un concurrent : une arme efficace mais à double tranchant, D.
2004, 2842.
[218]
Serge Guinchard, La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral
suisse, op. cit.
[219]
Voy. ses déclarations à Aix-en-Provence, en octobre 2003, lors d’une rencontre
magistrats/avocats ; le Garde avait dit publiquement qu’il n’en était plus
question car il s’agissait d’une atteinte trop grave portée au principe du
double degré de juridiction.
[220]
V. Frédérique Ferrand, in Droit processuel, Droit commun et droit comparé du
procès, op. cit. 3ème éd., 2005, n° 5 bis.
[221]
K. Schellhamer, Zivilprozessreform und esrste Instanz, MDR 2001, p. 1081, cité
par Fr. Ferrand in Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès.
[222] Publiée en 1979
aux éditions L’Hermès, Lyon.
[223] Qui eut la
chance et l’honneur d’être publié à la Bibliothèque de sciences criminelles, LGDJ,
1971, préface A. Chavanne, ce qui explique que beaucoup ont longtemps cru
qu’il s’agissait de ma thèse pour le doctorat et, qu’au concours d’agrégation,
en 1975, je me présentais devant le jury avec une œuvre publiée et une thèse en
cours de publication, ce qui donna lieu à un partage égal des questions posées
entre ces deux ouvrages, le doyen Carbonnier, Raymond Gassin et Bruno Oppetit
m’interrogeant sur la publicité mensongère (et le droit suisse), alors que le
haut-conseiller Jean Viatte préféra le terrain de l’affectation des biens
(surtout sur les servitudes et les chemins ruraux !), les trois autres
restant silencieux (Michel Despax, Jean Derruppé et Christian Gavalda).
[226] Marchés de dupes. L’économie du mensonge et
de la manipulation, O. Jacob, 2016.
[227]
J.-P. Pascal, « Le rôle du droit dans l’économie de marché… de
dupes », D. 2016. 1641.
[228] C. Hervé,
M. Stanton-Jean et M.-F. Mamzer (dir.), Dalloz, coll. « Thèmes
& commentaires », 2016.
[229] J. Green, Épaves, Bibl. de la Pléiade.
[230] V. le film Les marches du pouvoir de et avec George
Clooney, 2011.
[231] On y ajoutera la
lecture, édifiante sur leur vécu du double langage en politique, des ouvrages
d’Anne Pingeot (Gallimard, 2016) qui reproduit les mille lettres d’amour à elle
adressée par son amant de 1962 à 1995, François Mitterrand et de G. Davet
et F. Lhomme, Un Président ne
devrait pas dire ça (Stock, 2016) sur les propos tenus par François
Hollande sur les sportifs, les magistrats et beaucoup d’autres : la justice est « une institution de lâcheté… Parce que c’est
quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque,
on joue les vertueux… On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le
politique… ».
[232] L’ambition raisonnée d’une justice apaisée,
La Documentation française, 2008.
[233] Loi no 2016-1547
du 18 nov., de modernisation de la justice du xxie siècle, art. 12-III qui modifie en
ce sens l’article L. 211-16 COJ.
[234] La raison
officieusement donnée (elle nous l’avait été en 2008 lors d’une réunion à la
Chancellerie entre le bureau de la commission Guinchard et certains magistrats en fonction dans ce ministère) est
que les enfants mineurs des couples non mariés ne sont pas protégés lorsque
leurs enfants se séparent, donc que ceux de couples mariés n’ont pas à se
plaindre ! Horrifié, j’avais répondu que le droit est fait pour protéger
les faibles et tirer vers le haut ceux qui ne le sont pas et que l’institution
du mariage précisément avait des vertus que l’union libre n’avait pas.
8 ans plus tard les vieux démons d’un travail de sape de nos institutions
l’ont emporté sur la modération.
[235] Rapport, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée,
La Documentation française, 2008, proposition no 25.
[236] Dans son
rapport, la commission consacra 32 pages sur 300 (p. 87 à 119) à
cette question.
[237] Déclaration de
M. Stéphane Noël, président du TGI de Créteil, au Figaro du 10 juin 2016.
[238] Rapport de Caroline
Cox, membre de la Chambre des Lords, « Un monde parallèle »,
23 mars 2015, Le Figaro Magazine,
3 avr. 2015, p. 117, chron. F. d’Orcival, « La Charia chez
les Anglais ».
[239] Crim.
4 juin 1997, no 96-80.520,
Bull. crim., no 223, p. 745.
[240]
V., S. Guinchard, intervention à la table ronde organisée par
l’Institut Michel Villey de l’université Paris 2, sous la direction du
professeur Stéphane Rials, autour du livre d’É. Zoller sur l’affaire Clinton (De Nixon à Clinton,
malentendus juridiques transatlantiques, PUF, 1999), in revue Droits,
1999, no 29, p. 140 s.
[241] É. Zoller, op. cit., p. 25.
[242] Le Monde 13-14 janv.
2008, p. 13.
[243] Crim. 6 janv. 1998, Bull. crim., no 1 ; RGDP
1998. 461, obs. D. Rebut ; Procédures 1998, no 96, obs. Buisson ;
D. 1999. 246, note G. Yildrim.
[244] Crim.
20 mars 1996, Bull. crim.,
no 124 (affaire
Michel Noir).
[245] M. Turpain,
in l’Almanach populaire.
[246] Civ.
27 févr. 1951, D. 1951. 329,
note H. Desbois.
[248] Crim. 17 nov. 2015, no 14-81.410, D. 2016. 55, note A. Sérinet.
[249] Et l’éditeur
aussi.
[250] Ma conception de
l’éthique m’avait conduit, dans la 8e édition d’octobre 1994
(datée 1994-1995) à rendre un hommage posthume, en page de garde, à celle qui,
au sein des éditions techniques (Litec d’alors), avait pris en charge la
fabrication de l’ouvrage par la formule : « à la mémoire de
Marie-Pascale Naël qui a collaboré activement à la fabrication des éditions
précédentes du CPC ».
[251] À preuve, un
jeune collègue processualiste (agrégé qui plus est !) me confia un jour
qu’il ignorait que j’étais à l’origine de ce code…
[252] Respectivement
Loïs Raschel et Thomas Clay.
[253] L. Leveneur
qui reprit le Code civil créé par notre collègue Lucas.
[254] Pour les 1res
Rencontres du 14 juin 2002, no 2
des hors-série en 2003. Pour celles du 23 janv. 2004, no 3
des hors-série en 2005.
[255] On m’objectera
peut-être que la « nouvelle » numérotation ne concerne que les
rencontres publiées dans cette collection de Paris 1 et que,
littéralement, elle n’est pas mensongère ; mais, dans ce cas, il était
possible, tout à la fois, de faire partir ces (nouvelles) rencontres à compter
de leur 3e édition et d’indiquer que les deux premières furent
publiées chez un autre éditeur.
[256] Avec Thierry
Debard qui a succédé à Gabriel Montagnier.
[257] Le Figaro, 23 août 2015.
[258] Au titre des
principes généraux du droit de l’UE, la confiance légitime et la sécurité
juridique ne sont-elles pas une illustration de la loyauté qui doit exister
dans les relations des citoyens avec les pouvoirs publics ?
[259] CEDH
26 sept. 1996, Miailhe
c/ France, Rec. CEDH
1996-IV, § 48-44 et chron. Flauss, RFFP
1999. 81 ; JCP 1997.
I. 4000, obs. Sudre.
[260] CEDH 5 oct.
2000, Apeh Üldözötteinek Szvövetsège et
alii c/ Hongrie, Rec. CEDH
2000-X, § 42, qui confirme CEDH 22 févr. 1996, Bulut c/ Autriche, § 49.
[261] V. les ex.
commentés par N. Fricero en 2012, Dr. et proc.
2012/8, Cahier des proc. intern. nos 11
à 14, p. 13.
[262] J. Jehl, JCP
2015. Actu. 1403.
[263] CA Québec, 1er nov. 2016, QCCA 1755, Lavigne c/ 6040993 Canada in.,
JCP 2016, no 1293,
obs. J. Jehl
et [http://citoyens.soquij.qv.cq].
[264] V.,
J.-F. Van Drooghenbroeck, in G. De Leval
et F. Georges (dir.), Le droit
judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, Commission
Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007,
p. 213 s., spéc. 234, « nul ne contestera l’avènement du
postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil ».
Et, in Justices et droit du procès. Du
légalisme procédural à l’humanisme processuel. Mélanges en l’honneur de
S. Guinchard, Dalloz, 2010, les
écrits de J. Van Compernolle, p. 413 (« Quelques réflexions
sur un principe émergent : la loyauté procédurale ») et
J. Van Drooghenbroeck, p. 425 (« La loyauté procédurale
au-dessus de l’ordre public. Irrecevabilité du moyen renégat devant la Cour de
cassation de Belgique »).
[266] Pour une
bibliographie complète, v. notre précis de Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, 9e éd.,
Dalloz, 2017, no 542.
[267] Droit civil. Introduction au droit, PUF,
coll. « Thémis », 2002, no 188, p. 375.
[268] Cornu et Foyer, Procédure civile, 3e éd.,
PUF, coll. « Thémis », no 100, p. 457.
[269]
H. Motulsky, « Le droit naturel dans la pratique
jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure
civile », in Mélanges en l’honneur
de P. Roubier, Dalloz-Sirey, 1961, no 16, p. 187.
[270] H. Muir Watt, note ss. Civ. 1re,
21 nov. 2006, Rev. crit. DIP
2007, spéc. p. 580, note 1 : « ce dernier [la loyauté des comportements] étant désormais perçu,
à travers le premier [le souci d’économie procédurale], comme un principe
directeur du procès, assurant la gouvernance de celui-ci en conjuguant
efficacité procédurale et procès équitable ». J. Van Compernolle,
« Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté
procédurale », in Mélanges Guinchard,
op. cit., p. 413.
J.-F. Van Drooghenbroeck, in G. De Leval
et F. Georges (dir.), Le droit
judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, Commission
Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007,
p. 213 s., spéc. p. 234, « nul ne contestera l’avènement du
postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil »
et aux Mélanges Guinchard, op. cit., p. 425, « La
loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public. Irrecevabilité du moyen
renégat devant la cour de cassation de Belgique ».
[271]
S. Guinchard, « De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la
procédure. Ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement
comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires », in Études sur le droit de la concurrence et
quelques thèmes fondamentaux. Mélanges en l’honneur d’Y. Serra,
Dalloz, 2006, p. 229, pour critiquer le rapport dit Magendie I, sur la
célérité et la loyauté de la justice qui instrumentalisait cette dernière pour
en faire un outil de régulation des flux ; ce qui s’est concrétisé dans
l’arrêt Césaréo de l’assemblée
plénière du 7 juill. 2006, arrêt qui impose aux parties de concentrer leurs
moyens dès la première instance sous la sanction de se voir opposer l’autorité
de la chose jugée.
[272] L. Cadiet,
« La légalité procédurale en procédure civile », BICC 15 mars 2006.
[273] P. Didier, Droit commercial, 1re éd.,
1970, PUF, p. 184 à 203. Enseignement de doctorat, Lyon, Faculté de droit,
1968-1969.
[274]
M. Douchy-Oudot, loc. cit.,
Gaz. Pal. 17 nov. 2009.
[275] Perrot, RTD civ. 2006. 151, qui craint
les conséquences imprévisibles de la reconnaissance de ce nouveau principe, au
motif qu’il est empreint d’une forte connotation morale.
[276]
B. de Lamy, « La loyauté, principe perturbateur des
procédures ? », note ss. Com. 24 mai 2011, no 10-18267,
JCP 2011. Doctr. 988, qui y
voit « un principe hasardeux », « un concept
indéfinissable » qui « devrait simplement être utilisé comme
modérateur pour remédier aux excès les plus criants, aux abus les plus
manifestes, ne pouvant être corrigés par les principes directeurs. L’ériger en
principe autonome, doté de critères d’application incertains, revient à prendre
le risque de déséquilibrer les procédures au hasard des espèces ».
[277] P. Roubier,
Le droit de la propriété industrielle,
t. 1, Sirey, 1952. L’ouvrage, première synthèse de ce droit, fait suite
mais le surpasse et le transcende, à celui de Pouillet, Traité des marques de fabrique et de la concurrence déloyale en tous
genres, 6e éd. par Taillefer et Claro, Paris, 1911.
[278]
S. Guinchard, « De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la
procédure ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement
comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires », in Mélanges Y. Serra, op. cit., p. 229.
[279] L. Miniato,
« L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007. 1035. V., en réponse,
S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à
l’épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil », in De code en code. Mélanges en l’honneur du
doyen G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, spéc. p. 381-382, « Qui
cherche, trouve ».
[280] V. par ex.,
à propos de l’impartialité du juge, E. Baraduc, « L’avocat, garant de
l’impartialité du juge », in Études
en l’honneur de A. Ponsard. La Cour de cassation, l’Université et le Droit,
Litec, 2003, spéc. p. 44-45 : « la mosaïque d’un procès loyal
intègre la loyauté du professionnel qui en a la maîtrise » (no 19).
[281] A. Couret,
« Devoir de loyauté et devoir de dénonciation », Gaz. Pal. 24 mars 2007, Doctr.
[282]
J.-B. Racine, « Les garanties de loyauté dans les modes alternatifs
de résolution des conflits », in
J.-B. Racine (dir.), Pluralisme des
MARC, pluralisme du droit, GIP Justice, L’Hermès, 2002. C. Arens et
N. Fricero, « Médiation et conciliation : modes premiers de
règlement des litiges ? À propos du décret no 2015-282 du
11 mars », Gaz. Pal. 25 avr.
2015, no 114-115, p. 13.
[283] En nous
permettant de renvoyer le lecteur, pour plus de détails, au précis de Droit processuel/Droits fondamentaux du
procès, op. cit., nos 542
à 545.
[284] Par ex. Colmar,
3 oct. 2016, nos 16/00540 et 72/22016 : rejet d’une demande
d’inscription au barreau pour déloyauté.
[285] Dans ce domaine
des relations entre avocats, Jean Carbonnier avait noté « qu’en pratique,
un minimum de loyauté est assuré par la déontologie qui gouverne les rapports
entre avocats, ainsi que par le contrôle du juge (cf. art. 3,
C. pr. civ.) » : Droit
civil, Introduction, op. et
loc. cit., no 188, p. 375.
[286] L. Cadiet,
« Commentaire rapide de la loi no 2016-1547 du
18 novembre », Procédures 2016.
Étude 11.
[287]
V., S. Chalandon, Le Canard
enchaîné, 29 févr. 2002, p. 4, « Un éminent juriste déconfit
d’intérêts ».
[288] Sur les conflits
d’intérêts du juge, S. Guinchard, « La gestion des conflits
d’intérêts du juge : entre statut et vertu », in revue Pouvoirs, no 147,
Les conflits d’intérêts,
p. 79-90.
[289] V. Vigneau,
« La preuve par l’image… de la théorie à la pratique », Dr. et proc. 2015/2,
p. 25, spéc. no 14, p. 27. L. Raison-Rebuffat,
« Le principe de loyauté en droit de la preuve », Gaz. Pal. 27 juill. 2002,
Doctr. Dossier de la revue Procédures 2015,
nos 7 à 27, suite au colloque du TGI Paris, 15 oct. 2015
(en toute matière). Motulsky y voyait l’une des composantes des droits de la
défense, loc. et op. cit., in Mélanges
P. Roubier, op. cit., nos 13 s.,
note 27.
[290] L. Cadiet,
J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie
générale du procès, 2e éd., PUF, 2013, no 178.
[291] T. Vasseur,
rapport présenté aux Rencontres de procédure civile, 5 déc. 2015, JCP 2016, no spécial de
janvier ; la remarque est loin d’être pertinente : un code peut être
« rigoureusement ordonnancé » et contenir des notions floues, à
l’instar du Code civil avec les (anciennes) notions de « bon père de
famille », de « bonnes mœurs », etc.
[292] Entretien avec
J.-M. Hayat, Procédures oct. 2015,
no 1. Du même auteur, au colloque du TGI Paris, 15 oct.
2015, sur la loyauté de la preuve, « La loyauté de la preuve et la loyauté
du juge », Annonces de la Seine,
7 nov. 2015, no 47, p. 2. Au même colloque, rapport
de synthèse de N. Fricero, p. 4 (« La mort annoncée de la
loyauté »).
[293] Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, D. 2011. 562, chron.
Fourment (« Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux
matières civile et pénale ») et 618, note V. Vigneau ; JCP 2011, no 43, obs.
M. Malaurie-Vignal ; Gaz. Pal.
22 mars 2011, note S. Amrani-Mekki.
[294] Soc. 6 févr. 2013, no 11-23738, D. 2013. 2802, obs.
J.-D. Bretzner ; RTD civ. 2013. 380,
obs. H. Barbier.
[295] Soc. 2 juill. 2015, no 14-13778,
Gaz. Pal. 22 sept. 2015, no 263-265,
p. 25, obs. L. Mayer.
[296] Civ. 2e, 10 févr. 2011, no 10-13.894,
D. 2011. 600, RTD civ. 2011. 388, obs. P. Théry.
Rappr. Civ. 2e, 26 mai 2012, no 11-17.299,
D. 2012. 2066, obs.
Leroy-Gissinger et F. Reanuet-Maliganc (l’huissier ne peut fouiller à son
gré les locaux d’une société, sur le fondement de l’article 145
C. pr. civ., sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée
des documents et obtenu le consentement du requis).
[297] Civ. 2e,
20 mars 2014, deux arrêts, nos 13-11.135 et 12-29.568, Gaz. Pal. 9 sept. 2014, obs.
Foulon et Strickler ; D. 2014. 2478,
obs. Bretzner ; RTD civ. 2014. 441,
obs. Perrot.
[298] Mêmes arrêts
cités dans la note précédente, avec Civ. 2e, 15 mai 2014,
nos 13-11.136 et 13-17.362, D. 2014. 2485,
obs. J.-D. Bretzner.
[299] V. en ce
sens les observations critiques de C. Pelletier, ss. Lyon,
26 mars 2008, RG no 06/06024, RDC 1er janv. 2009 et C. Chainais in Précis de procédure civile, op. cit., no 2115-1.
[300] Paris, pôle 1, ch. 2, 25 oct. 2012, RG
no 11/19735.
[301] Civ. 2e, 24 sept. 2015, no 14-21.145,
Gaz. Pal. 22 déc. 2015, no 354-356,
p. 27, obs. L. Mayer.
[302] M. Mekki,
« Le principe de la loyauté procédurale a-t-il encore un avenir dans le
contentieux de la concurrence ? », D. 2016. 2355.
[303] Par ex.
Civ. 1re, 18 déc. 2014, no 13-19.896.
[304] Civ. 2e,
7 nov. 2002, D. 2002. 3188,
qui sanctionne l’ingéniosité d’un plaideur dans le cas où la seconde ordonnance
avait refusé de rétracter la première ayant fait droit à la demande.
V. toutefois, Toulouse, 14 févr. 2002, D. 2003. 160, note Y. Strickler, qui couvre une
« déloyauté » ayant consisté à présenter une seconde requête (devant
un vice-président) aux mêmes fins qu’une première (devant le président) qui
avait été rejetée et dont le recours en référé-rétractation n’avait pu être
examiné par le président du tribunal, l’appel n’ayant pas été réalisé.
[305]
V. Guinchard et alii, Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit., no 543.
[306] Civ. 1re, 13 janv. 1993, no 90-20.426 ;
Civ. 1re, 28 janv. 2010, no 08-21.036 ;
Civ. 2e, 30 janv. 2003, Bull. civ. I, no 23. N. Dupont,
« L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en procédure
civile », RTD civ. 2010. 459
et note ss. Civ. 2e, 9 sept. 2010, D. 2011. 145.
[307] Sur lequel,
v. Guinchard et alii, Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit., no 543.
[308] G. Bolard,
« Le moyen contraire aux précédentes écritures », in La procédure en tous ses états. Mélanges
J. Buffet, Montchrestien/EJA/Petites affiches, 2004, p. 51.
[309] L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz,
coll. « Dalloz-Action », mai 2015, no 81.44,
p. 468.
[310] Y. Derains,
« Les nouveaux principes en droit de l’arbitrage : confidentialité,
célérité, loyauté », in T. Clay
(dir.), Le nouveau droit français de
l’arbitrage, Lextenso, 2011, p. 91.
[311] Paris, 1re ch. C,
5 juill. 2001, Société SFHT.
V. aussi, Paris, 12 sept. 2002, Rev. arb.
2003. 173, note M. E. Boursier.
[312] Paris,
12 sept. 2002, Rev. arb.
2003. 173, note M. E. Boursier.
[315] V., Guinchard et
Buisson, Procédure pénale, 10e éd.,
LexisNexis, coll. « Manuel », 2014, nos 564 s.
[316] Crim. 7 janv. 2014, no 13-85.246,
JCP 2014, no 272,
note A. Gallois, 409, no 16, obs. A. Maron et
1058, note M.-L. Guinamant ; Dr. pénal
2014. Étude 7, A. Bergeaud-Wetterwald ; D. 2014. 264, obs. S. Detraz, D. 2014. 407, étude E. Vergès et D. 2014. 1736,
obs. Pradel ; RSC 2014. 130,
obs. J. Danet.
[317] Sur ce lien,
Guinchard et Buisson, Procédure pénale,
op. cit., no 489.
[318] Crim. 7 oct. 2014, no 11-83.598,
AJ pénal 2014. 577, note
O. Cahn (auditions déloyales à Guantanamo de 5 ressortissants
français par des autorités françaises, ensuite jugés en France : ces
autorités étaient présentées comme des diplomates accomplissant une mission
humanitaire). Solution justifiée, selon la Cour, par le fait que l’irrégularité
des actes déloyaux serait compensée par le respect du contradictoire et
l’assistance d’un avocat dans les phases ultérieures de la procédure et par le
discernement des magistrats lorsqu’ils forgent leur intime conviction.
[319] Crim.
6 mars 2015, no 14-84.339, Gaz. Pal. 21 mars 2015, no 80, note
S. Raoult ; D. 2015. 628,
obs. S. Fucini et D. 2015. 1738,
obs. Pradel ; JCP 2015, no 558,
note E. Bonis-Garçon ; AJ pénal
2015. 362, note C. Girault et AJ pénal
2016. 115, étude P. de Combles de Nayves ; RSC 2015. 117, obs. Delage et 971,
chron. Renucci.
[320] Crim. 14 avr. 2015, no 14-87.914,
JCP 2015, no 789,
note O. Décima.
[321] Crim. 15 oct. 2015, no 15-82.013,
JCP 2016, no 335,
note H. Matsopoulou.
[322]
A. Beduschi-Ortiz, « La notion de loyauté en droit
administratif », AJDA 2011. 944.
X. Domino et A. Bretonneau, « De la loyauté dans le procès
administratif », AJDA 2013. 1276
(à propos de deux arrêts, CE 19 juin 2013, no 340093, CCI Angoulême et 21 juin 2013,
no 35427, Communauté
d’agglomération du pays de Martigues) (aussi Gaz. Pal. 14 sept. 2013, obs. B. Seiller et
E. Sagalovitsch, AJDA 2014. 1121,
« Droit souple et principe de loyaté »). B. Seiller et
M. Guyomar, Contentieux
administratif, 3e éd., Dalloz, coll.
« HyperCours », 2014, chap. 7, no 785, spéc.
p. 366.
[324] CE 23 mars
1973, Cie assurance
l’Union, Lebon 251
(contentieux de l’urbanisme) ; CE 15 avr. 1986, Institut de radiologie, Lebon 138,
qui généralise la solution à tous les contentieux. V. spéc. les
conclusions R. Abraham ss. ce dernier arrêt, qui justifie cette
jurisprudence par l’idée de « loyauté du débat contentieux », RFDA 1996. 761.
[325] CE, avis,
28 déc. 2009, Commune de Béziers.
[326] CE 7 mai
2012, no 342107, AJDA 2013. 1172,
note N. Foulquier.
[327] CE, avis, 1er avr.
2010, Procédures 2010, no 256,
obs. S. Deygas ; Gaz. Pal.
6 juill. 2010 ; Dr. fisc. 2010, no 299, concl. P. Collin ; AJDA 2010. 1327, note
H. Belrhali-Bernard.
[328] CE 2 juill.
2014, no 368590, AJDA
2014. 1414, obs. Pastoret, 1897, rapport G. Dumortier et
p. 1935, étude J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; Gaz. Pal. 6 sept. 2014, chron.
B. Seiller ; JCP 2014.
Doctr. 1232, no 4, obs. Y. Sérinet.
[329] A. Ciaudo
et A. Frank, « Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif », AJDA 2010. 479.
[330] Cass., ass.
plén., 7 janv. 2011, nos 09-14.316 et 09-14.667, BICC 1er févr. 2011,
p. 22, rapport Bargue et avis (contraire) Mme Petit ;
D. 2011. 157, obs.
E. Chevrier, D. 2011. 562,
note F. Fourment et D. 2011. 618,
chron. Vigneau ; Gaz. Pal.
17 févr. 2011, note S. Régnault ; RTD civ. 2011. 127, obs. B. Fages et RTD civ. 2011. 383,
obs. Théry ; Dr. et proc.
2011. 97, obs. Fricero ; JCP
2011. Doctr. 43, obs. M. Malaurie-Vignal. Déjà, Com.
25 févr. 2003, RTD civ.
2004. 92, obs. Mestre et Fagès ; Civ. 2e,
7 oct. 2004, Bull. civ. II, no 447 ;
D. 2005. 122, note
Bonfils ; RTD civ.
2005. 135, obs. Mestre et Fagès ; D. 2006. 1385, obs. E. Claudel ; Com.
3 juin 2008, D. 2008. 2753,
obs. M.-L. Bélaval et R. Salomon ; Gaz. Pal. 11 sept. 2008, note J.-C. Rodo.
[331] Com. 24 mai
2011, no 10-18.267, JCP 2011.
Doctr. 988, B. de Lamy.
[332] Trois besoins et
trois principes : un besoin de
confiance dans l’institution justice et de respect de l’Autre, d’où un
principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la
preuve ; un besoin d’écoute de
l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un
principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le
juge ; un besoin de proximité enfin,
mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se
substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi
structurant, de célérité.
[333] V.,
G. Drago, Contentieux
constitutionnel français, 4e éd., PUF, coll. « Thémis »,
2016, no 454, qui applique ces trois principes à ce type de
contentieux, spéc. p. 441. V. aussi, G. Drago, « Quels
principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », in Mélanges S. Guinchard, op. cit., p. 439.
[334] No 7.
[335] Nos 9
et 10.
[336] V. l’ensemble
de nos écrits, à partir de 1999 [mais en germe dès 1991 dans la 22e édition
du Précis de procédure civile, bâti
sur les trois termes de la devise républicaine] : « Vers une
démocratie procédurale », Justices,
nouvelle série, 1999. 91, repris plus amplement in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire »,
in Clefs pour le siècle,
Paris 2-Dalloz, 2000, p. 1135-1211 ; « Ô Kress, où est
ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de
démocratie procédurale », in Libertés, justice, tolérance. Mélanges en hommage au Doyen
G. Cohen-Jonathan, Bruxelles, Bruylant, 2004, vol. 2,
p. 937 ; « Quels principes directeurs pour les procès de
demain ? », in Mélanges
J. van Compernolle, Bruylant, 2004 ; Rép. pr. civ., Dalloz, Cahiers de l’actualité, janv. 2007/1, « Les prémices
d’une démocratie procédurale » ; « La doctrine, le juge et
l’avènement d’une démocratie procédurale », in Mélanges Shlomo Levin, vice-président honoraire de la Cour suprême
israélienne, A. Grunis, E. Rivlin et M. Karayanni éd., Jérusalem
et Tel-Aviv, 2013, p. 711 ; « Le fondamentalisme religieux à
l’aune de la distinction doctrinale droit processuel européen-droit procédural
national. Entre démocratie procédurale et légitimité démocratique », in L’homme
et le droit. Mélanges en hommage au Professeur J.-F. Flauss, Pedone,
2014, p. 365 ; « Le changement en procédure civile », Rev. dr. Assas 2015/10,
p. 132, spéc. p. 142-143 (rapprochement avec la « légitimité
démocratique » de Pierre Rosanvallon).
[337] Avant nous : J. Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes,
Gallimard, 1997, trad. R. Rochlitz et C. Bouchindhomme ; analyse
de sa pensée in O. Cayla et
J.-L. Halpérin (dir.), Dictionnaire
des grandes œuvres juridiques, Dalloz 2010, p. 230. Dans la foulée :
P. Rosanvallon, La légitimité
démocratique. Impartialité, réflexivité proximité, Seuil, coll. « Les
livres du nouveau monde », 2008 ; G. Timsit, « L’invention
de la légitimité procédurale », in La
conscience des droits. Mélanges en l’honneur de J.-P. Costa, Dalloz,
2011, p. 635 ; J.-M. Roy, « La Justice du xxie siècle, la
procédure et la démocratie », in I. Teyssié
et C. Puigelier (dir.), Quarantième
anniversaire du CPC, éd. Panthéon-Assas, 2016, p. 111.
[338]
S. Guinchard, Rép. pr. civ.,
Dalloz, Cahiers de l’actualité,
janv. 2007/1, « Les prémices d’une démocratie procédurale ».
[339] Selon l’heureuse
formule de J.-C. Magendie, in
Mélanges S. Guinchard, op. cit.,
p. 329 : « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à
inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice. »
[340] Pour deux de ces
principes au moins (dialogue et loyauté), l’idée semble faire son chemin dans
la conceptualisation de la pratique du procès, v. « Discours de
rentrée des avocats aux Conseils », 18 déc. 2001, par
E. Baraduc, Annonces de la Seine,
27 déc. 2001.
[341] Par ex.,
Protocole d’oct. 2003 du TGI de Paris « tendant à l’amélioration du
fonctionnement des chambres civiles » : on y retrouve le dialogue
entre les juges et les parties (via leurs avocats), la loyauté et, bien sûr, la
célérité, finalité première de ce protocole. V., J.-C. Magendie,
« L’exigence de qualité de la justice civile dans le respect des principes
directeurs de l’euro-procès, L’expérience parisienne », in Mélanges Buffet, op. cit., p. 319.
[342] V. rapport du
Conseil économique et social sur la judiciarisation de l’économie, JO 2004, spéc. p. I-14. Rapport
Guinchard, L’ambition raisonnée d’une
justice apaisée, La Documentation française, 2008 ; Rapport
Delmas-Goyon, Les juges du xxie siècle,
déc. 2013.
[343] Rapport dit Magendie,
sur le site internet du ministère de la Justice, spécialement p. 35.
[344] Sur cet aspect,
S. Guinchard, « La doctrine, le juge et l’avènement d’une démocratie
procédurale », in Mélanges Shlomo
Levin, loc. et op. cit.
[345]
P. Rosanvallon, La légitimité démocratique.
Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit.,
p. 265 s.
[346] Ibid., p. 269.
[347] Pour une
illustration dans l’arrêt Kress,
7 juin 2001, à propos de la place du commissaire du gouvernement au
Conseil d’État, S. Guinchard, « Ô Kress, où est ta victoire, ou
la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie
procédurale », in Mélanges
G. Cohen-Jonathan, op. cit.,
p. 937.
[348] CEDH
8 juill. 1986, Lingens,
série A, no 103, § 42.
[349] CEDH 2 mars
1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt,
série A ; no 113, § 47.
[350] CEDH
29 nov. 1988, Brogan,
série A, no 145-B, § 48. Déjà, CEDH 18 oct.
1982, Young, James et Webster
c/ Royaume-Uni, série A, no 55, § 63.
[351] CEDH 20 nov. 1989, série A, no 166
§ 44.
[352] Commission, avis
du 29 oct. 1991, Andersson,
série A, no 212-B, § 24.
[353] P. Coppens
et J. Lenoble (dir.), Démocratie et
procéduralisation du droit, Bibl. Fac. dr. Louvain, vol. XXX,
Bruylant, 2001.
[354]
F. de Callières, De la manière
de négocier, 1717, cité par A. Maalouf, Un fauteuil sur la Seine. Quatre siècles d’Histoire de France,
Grasset, 2016, p. 67.
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