SOMMAIRE : LES
MÉTAMORPHOSES DU DROIT DU PROCÈS
les
métamorphoses de la procédure
à l’aube du troisième millénaire
publié in clefs pour le siècle
ouvrage collectif de
l’université panthéon-assas (paris 2), éditions dalloz, 2000
1 - Les changements en droit procédural. S’interroger sur les
changements intervenus en procédure ces dernières années, en cette fin de
millénaire, c’est mettre en perspective, au-delà des réformes législatives ou
réglementaires, les mouvements qui se dessinent au sein de la justice, qu’elle
soit civile, répressive, administrative ou autre, par exemple disciplinaire ou
encore celle des autorités administratives indépendantes (Conseil de la
concurrence, Commission des opérations de Bourse, etc..). Et ces mouvements ne
peuvent se ramener, se réduire, à l’étude des changements de textes.
2 - Les changements dans les textes de procédure. Certes, l’impact
des textes nouveaux devrait être systématiquement mesuré par des études
appropriées (ce qui n’est pas le cas) et l’étude analytique de ces textes
permet de mieux appréhender les grandes évolutions de notre justice, évolutions
conscientes ou inconscientes. Par exemple, la loi n° 95-125 du 8 février 1995
est, sauf erreur, la première loi commune à trois contentieux, ce qui traduit
bien l’émergence d’un fonds commun procédural, en tout cas de préoccupations
communes à toutes les justices, au-delà de simples problèmes d’organisation
judiciaire. De même, le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, réformant le
nouveau code de procédure civile et le code de l’organisation judiciaire,
d’apparence très austère et d’une grande technicité, par sa rédaction formelle,
par les matières concernées, traduit-il un triple besoin : une justice
plus proche du justiciable (d’où la réévaluation des taux de compétence et du
ressort, la modification des règles d’assistance et de représentation devant le
juge d’instance et le juge de l’exécution, la simplification de la compétence
en matière de baux commerciaux) ; une justice plus consensuelle, d’où la
création d’une nouvelle cause de suspension de l’instance en vue de favoriser
les pourparlers entre les parties engagées dans un procès (le retrait
conventionnel de rôle), la simplification du recours à la conciliation devant
le juge d’instance, la possibilité de demander au président du tribunal de
grande instance de conférer la force exécutoire à une transaction privée ;
une justice plus rapide, avec des dispositions tendant à faciliter le travail
du juge (assignation qualificative, conclusions qualificatives et
récapitulatives, rédaction simplifiée du jugement), l’accélération et
l’amélioration de l’instruction des affaires civiles et la création d’une
véritable justice de l’urgence[1].
Ces analyses doivent être faites pour mesurer les changements intervenus dans
notre procédure, mais elles ne sauraient suffire à une bonne compréhension du
problème.
3 - Les changements dans les pratiques procédurales. Au-delà des
textes, ce qui compte aujourd’hui pour apprécier ce qui a changé dans le droit
du procès, c’est le regard porté sur les pratiques des tribunaux, sur les
pouvoirs dont les juges disposent réellement dans le déroulement des procès. En
matière procédurale plus qu’en tout autre domaine, les textes ne sont rien
quant à l’appréhension de la réalité d’une procédure ; en tout cas ils
sont insuffisants à une bonne compréhension du problème. Chacun sait bien qu’en
matière de mise en état des affaires civiles en France, il y a plusieurs types
de pratiques, plus ou moins éloignées du schéma officiel contenu dans le
nouveau code de procédure civile, qu’il s’agisse du contrat de procédure ou de
la transformation dans les faits de la conférence du président, pour mieux la
valoriser[2].
Aux Etats Unis d’Amérique, dans l’Etat de New York notamment et dans la procédure
applicable devant les tribunaux fédéraux, les règles de procédure n’émanent pas
toutes de l’autorité législative, puisque les Cours sont autorisées, sous
certaines conditions, à modifier ces textes, pour tenir compte de leurs
pratiques ; ce système fut reconnu jusqu’en 1987 à une commission
judiciaire dans l’Etat de New York, qui pouvait ainsi modifier les règles du
code (voté par le Parlement de cet Etat) précédées de la lettre R (pour Rule), les autres, désignées par le symbole § ne pouvant être modifiées que par le Parlement. Au niveau
fédéral, les Federal Rules (of civil procedure, pour la première
instance ; of appellate procedure, pour la procédure en
appel ; of evidence, pour le
droit de la preuve), peuvent, sauf objection du Parlement fédéral, être
modifiés par la Cour suprême des Etats-Unis, après avis d’une commission
consultative[3].
C’est dire que la procédure est ici officiellement élaborée par ceux qui la
pratiquent, la créent au quotidien. D’où l’intérêt de la connaître, d’aller les
rechercher. Mais il faut aller plus loin et s’interroger sur la portée de ces
pratiques.
4 - Les changements dans les attentes des justiciables. Ces
pratiques traduisent-elles un changement profond de la conception même de notre
droit procédural, de la relation des justiciables à leur justice, pour ne pas
dire à leur juge ? Répondent-elles à l’attente des citoyens, aux besoins
des justiciables ? Et d’abord quels sont ces besoins ? Quelles sont
les demandes des Français quant à leur justice, quant à leurs procès ?
Retrouve-t-on dans le domaine de la justice, dans le déroulement des procès,
entre les parties, entre les parties et le juge et même entre les parties et le
parquet, ce besoin moderne de dialogue, d’interactivité, besoin que les moyens
technologiques contemporains permettent, en dehors du champ du procès, de
satisfaire plus aisément que par le passé ? Si la finalité de la procédure
est de faciliter une solution rapide mais juste du procès, ce que certains
systèmes étrangers mettent en exergue dans leurs textes de procédure[4],
le droit français du procès satisfait-il cette attente ?
5 - Les changements à l’étranger. Et ce regard doit se porter aussi
sur les pratiques étrangères, non pas par fascination de ce qui se fait
ailleurs et qui serait nécessairement meilleur que chez nous, mais pour mieux
comprendre l’influence des droits étrangers, des grandes mutations des systèmes
juridiques contemporains sur l’évolution de nos schémas procéduraux ; y
a-t-il ou non un rapprochement entre le droit du procès français et les
principaux systèmes étrangers ? Ce rapprochement, s’il existe, ne
traduit-il pas une mondialisation du droit du procès ?
6 - Les trois métamorphoses de la procédure. Au final, trois axes
nous semblent devoir être dégagés et approfondis :
- en premier lieu, sous
l’influence prépondérante des instruments internationaux des droits de l’homme
(que nous préférons désigner par l’expression de libertés et droits
fondamentaux), la procédure se trouve placée aujourd’hui sous l’emprise
croissante des droits fondamentaux, à tel point que l’on peut désormais parler
de droits fondamentaux du procès et qu’il existe un véritable droit substantiel
à un procès équitable, conforme aux exigences d’un Etat démocratique, c’est à
dire aux garanties fondamentales d’une bonne justice (I).
- En deuxième lieu, des modèles
de procès apparaissent, empruntant à plusieurs traditions juridiques, mais avec
un fonds commun universel, celui qui correspond, précisément, aux garanties
fondamentales d’une bonne justice ; si un rapprochement s’opère entre les
procédures accusatoire et inquisitoire, c’est toujours dans le respect de ce
modèle universel, celui du procès équitable. La modélisation des procès par la
mondialisation des procédures constitue ce deuxième axe de ce qui a changé et change
encore dans notre procédure, au début du troisième millénaire (II).
- Enfin, la procédure elle-même,
dans ce qu’elle a de plus technique, se renouvelle, avec une intensité plus ou
moins forte selon le type de contentieux et selon le calendrier des réformes
gouvernementales, donc sous la dépendance des aléas des majorités politiques,
ce qui ne va pas sans inconvénients en matière de procédure pénale, où la
passion l’emporte souvent sur la passion, certains défendant en mars 1999 (à
propos du projet de loi sur la protection de la présomption d’innocence et les
droits des victimes) ce qu’ils avaient combattu en novembre et décembre 1992
dans le débat sur le projet qui devait devenir la loi du 4 janvier 1993, et
inversement ! Cette évolution de la technique des procès laisse entrevoir
un point commun, une ligne force, l’émergence de nouveaux principes directeurs
du procès qui traduisent les besoins de davantage de dialogue, de confiance
légitime dans l’adversaire et dans le juge, de loyauté, mais aussi de rapidité ;
les rôles respectifs du juge, des parties, du ministère public, s’en trouvent
modifiés (III).
i) l’attraction
de la procédure par les droits fondamentaux et l’émergence d’un droit
substantiel à un procès équitable
7 - La recherche de l’effectivité des droits. Cette effectivité des
droits procéduraux est, sans doute, le phénomène le plus marquant de la fin du
XXème siècle. Elle s’inscrit dans un mouvement plus général de la recherche de
l’effectivité pour tous les droits de l’homme. On ne peut pas, ici, ne pas
citer le fameux arrêt Airey c/ Irlande,
du 7 octobre 1979 et le souci de la Cour européenne des droits de l’homme,
clairement énoncé comme une exigence, « de
protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et
effectifs »[5].
Cette recherche de l’effectivité des droits ne s’est jamais démentie et se
fonde sur la spécificité des traités de protection des droits de l’homme,
assurer la garantie collective de ces droits, ce qui implique de les
interpréter « d’une manière qui en rende
les exigences concrètes et effectives »[6].
On la retrouve dans la jurisprudence de la Cour de justice des communautés
européennes, par exemple pour l’accès au juge qui doit s’accompagner de règles
procédurales garantissant effectivement
les droits conférés aux justiciables par le droit communautaire.
8 - La notion de droits fondamentaux. Quelle définition
donner ? Quel concept retenir ? Pour s’en tenir à l’essentiel et pour
ne pas entrer dans une controverse qui dépasserait le cadre de cette étude[7],
nous ferons nôtre la conception organique donnée par l’un des plus éminents
spécialistes de cette question[8],
conception qui retient trois critères, tous tirés de la protection des droits
fondamentaux :
- protection non seulement contre
le pouvoir exécutif, mais aussi contre le pouvoir législatif, alors que les
libertés publiques en droit français traditionnel ne sont protégées que contre
le pouvoir exécutif ;
- protection non seulement en
vertu de la loi, mais aussi et surtout en vertu de la Constitution et des
textes internationaux ou supra-nationaux. On verra qu’à cet égard le rôle de la
Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de ses
organes de contrôle est prépondérant. Le caractère fondamental du droit à un
procès équitable est d’autant plus fort en droit processuel européen que,
souvent, la Cour européenne ne se contente pas de censurer la non-conformité
d’une procédure à la loi nationale ; elle juge le texte appliqué par les
instances juridictionnelles nationales par rapport aux normes de la Convention
ou issues de sa propre jurisprudence. Par exemple, dans l’affaire John Murray c/ Royaume Uni c’est le
texte qui est en cause, puisque ce n’est pas la juridiction nationale qui a
fixé le délai de quarante huit heures pendant lesquelles une personne suspectée
de terrorisme n’a pas droit à un contact avec un avocat[9] ;
- protection non seulement par
l’intervention des juges ordinaires, mais aussi par celle d’un juge
constitutionnel et de juges internationaux.
9 - Dualité des facteurs d’attraction et conséquence quant à
l’émergence d’un droit substantiel à un procès équitable. Le procès est
désormais solidement ancré dans la sphère des droits fondamentaux. Cette
attraction de la procédure par les droits fondamentaux résulte de deux facteurs :
- d’une part, l’existence d’un
droit constitutionnel des libertés, reposant notamment sur le contrôle de
constitutionnalité et dont l’importance est d’ailleurs plus forte en procédure
pénale qu’en procédure civile ou administrative, en raison de la nature
législative des sources de la première et de la nature réglementaire des
sources des deux autres (A).
- D’autre part, l’existence
d’instruments internationaux de protection des droits fondamentaux, dont la
garantie d’un procès équitable constitue l’élément central (B).
Par ailleurs, l’attraction de la
procédure par les droits fondamentaux fait émerger un véritable droit
substantiel à un procès que l’on a coutume de qualifier d’équitable et qui
n’est que l’expression de sa conformité aux exigences d’une bonne justice, aux
garanties fondamentales d’une bonne justice (C).
a) les facteurs d’attraction de la procédure par
le droit constitutionnel
10 - Une métamorphose largement méconnue : la
constitutionnalisation de l’ordre juridique. Même si ce phénomène n’est pas
encore bien perçu par tous les juristes[10]
et notamment les juges qui n’avaient pas l’habitude d’appliquer directement les
normes constitutionnelles aux actes administratifs et juridictionnels, les
choses sont en train de changer, en grande partie d’ailleurs sous l’effet des
efforts de la doctrine constitutionnaliste contemporaine, celle qui voit dans
le droit constitutionnel autre chose que l’enseignement des institutions
politiques, de l’acquisition du pouvoir, de son exercice et de sa transmission[11].
« Le droit constitutionnel moderne a
deux autres objets : le système normatif et la protection des droits et
libertés fondamentaux »[12].
D’où une étude des éléments de théorie générale du droit constitutionnel des
libertés et un aperçu des principaux droits et libertés dans les ouvrages de
droit constitutionnel les plus récents et les plus modernistes[13].
La procédure n’échappe pas à cette affirmation de la normativité de la
Constitution, à son applicabilité directe. « L’ensemble
des actes administratifs ainsi que ceux des juridictions administratives et
judiciaires doivent respecter la constitutionnalité dont le contenu est
identique quels que soient les actes contrôlés »[14].
Que ce soit à propos des droits substantiels ou des droits processuels, les
juges, judiciaires ou administratifs, doivent se référer à la jurisprudence du
Conseil constitutionnel pour appliquer les normes constitutionnelles. Encore
faut-il que cette jurisprudence soit connue, donc enseignée en formation
initiale et diffusée dans le cadre de la formation continue de nos juges. Cette
exigence de diffusion est d’autant plus nécessaire que la France ne connaît
pas, à la différence d’autre pays européens, tels que l’Allemagne, la Belgique,
l’Espagne ou l’Italie, de mécanisme permettant au Conseil constitutionnel
d’imposer ses interprétations aux juridictions ordinaires et aux pouvoirs
publics, même si, il ne faut pas l’oublier, ses décisions, selon l’article 62,
al. 2 de la Constitution, s’imposent, « aux
pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles »[15].
Et l’autorité des décisions du Conseil s’attache non seulement au dispositif
mais aussi aux motifs dès lors « qu’ils
en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même »[16].
Bien souvent ignoré à la fois de la pratique judiciaire et des autorités
administratives amenées à réglementer nos activités et, malheureusement d’une
certaine doctrine, ce principe entraîne, nous le verrons (infra, n° 13), trois conséquences qui forgent un droit processuel
constitutionnel d’origine judiciaire ou réglementaire.
a) Une attraction qui concerne toutes les procédures
11 - La constitutionnalisation de la procédure pénale et des procédures
répressives administratives. Cette constitutionnalisation de la procédure
concerne en priorité et, très naturellement, la procédure pénale, puisque ses
sources sont essentiellement de nature législative et sont donc soumises au
contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, dans la mesure
toutefois où celui-ci s’en trouve saisi. La question est suffisamment connue
pour ne pas mériter ici davantage d’explications[17],
avec la précision toutefois que beaucoup de règles de procédure pénale n’ont
pas été soumises au contrôle de constitutionnalité, par exemple la fonction de juge
d’instruction avec les pouvoirs qui sont les siens et que rien ne dit que la
réglementation actuelle serait avalisée par le Conseil.
On signalera simplement que les
deux branches du droit répressif sont concernées, non seulement le droit pénal
classique, formel, mais aussi le droit répressif administratif ; dès lors,
les garanties constitutionnelles procédurales ne s’appliquent pas qu’à la
procédure pénale ; toutes les procédures suivies devant les autorités
administratives autorisées à prononcer des sanctions répressives
administratives doivent respecter les normes constitutionnelles, notamment
quant aux droits de la défense et à la présomption d’innocence, ainsi qu’en a
décidé le Conseil constitutionnel[18].
12 - La constitutionnalisation directe des autres procédures. Il y
a constitutionnalisation directe lorsque le conseil constitutionnel réintègre
une partie de la procédure, par exemple civile, dans le champ d’application de
l’article 34 de la constitution (compétence législative donc).
1) Il a d’abord réintégré toutes
les règles qui concernent des matières qui, par leur nature, relèvent de
la compétence législative.
- Ainsi, du principe de
l’audition du ministère public chargé de la protection des personnes présumées
absentes ; normalement, l’audition ou non du parquet devant le tribunal de
grande instance est réglementée par décret ; en revanche, elle relève de
la loi dans le cas des personnes présumées absentes, car l’intervention du
ministère public, chargé de veiller à leurs intérêts, constitue alors une
garantie essentielle du droit de propriété ; à ce titre le principe même
de l’audition relève de l’article 34[19] ;
- Ainsi ensuite, de la
revendication d’objets saisis en matière fiscale ; l’attribution de cette
compétence aux tribunaux judiciaires relève de la loi parce que sont en cause « des garanties fondamentales accordées
aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques »[20].
- Ainsi encore, pour la fixation
des règles du recours en cassation, seul le législateur est compétent car cette
voie de recours constitue pour les justiciables une garantie fondamentale[21].
- Ainsi enfin, de la
détermination de la charge de la preuve. Elle relève aussi du domaine de la loi
en ce « qu’elle affecte les droits
et obligations » des intéressés[22].
2) Sont ensuite réintégrées dans
le champ législatif de l’article 34 toutes les règles de procédure civile qui
mettent en cause les droits de la défense. Dès 1972, le Conseil constitutionnel
a décidé que l’article 34 qui réserve à la loi « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l’exercice des libertés publiques » permet de considérer que les
règles de procédure contentieuse, même civiles relèvent du pouvoir législatif
chaque fois qu’elles mettent en cause les droits de la défense[23].
Application en fut faite ensuite, en 1985, au principe de la contradiction qui
est « de nature législative »[24].
3) Il faut souligner que
l’extension du champ législatif des règles de procédure civile est
potentiellement illimitée depuis la décision du Conseil constitutionnel du 30
juillet 1982 qui a estimé, ce jour là, que le non-respect de la répartition des
règles de compétence par le législateur ne constitue pas une cause
d’inconstitutionnalité[25].
Il en résulte que le Parlement peut légiférer dans le domaine réglementaire de
la procédure civile ou administrative, sans encourir la censure du Conseil
constitutionnel[26].
C’est d’ailleurs ce qu’il a fait récemment avec la loi n° 95-125 du 8 février
1995, dont nombre de dispositions procédurales auraient pu prendre place dans
un décret ; ainsi de l’article 21 sur la conciliation et la médiation.
Même remarque pour l’article 118 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998
d’orientation relative à la lutte contre les exclusions qui prévoit que, dans
un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, un décret
permettra de saisir le juge de l'exécution « par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au
greffe, sans le concours d’un officier ministériel », pour l’exécution
des ordonnances et jugements autorisant une expulsion. Seule cette dernière
indication aurait dû figurer dans la loi, en laissant le soin au pouvoir
réglementaire de fixer les modalités de mise en œuvre du principe. La
précision, quasi-réglementaire, donnée par la loi rendait inutile la promulgation
d’un décret qui fut néanmoins pris le 30 octobre 1998 et dont l’article 2 se
contente de reprendre les termes de la loi !
13 - La constitutionnalisation indirecte des autres procédures. Les
procédures civiles et administratives se trouvent indirectement
constitutionnalisées par l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel
qui, selon l’article 62, al. 2 de la Constitution, s’imposent « aux pouvoirs publics et à toutes les
autorités administratives et juridictionnelles ». Bien souvent ignoré
à la fois de la pratique judiciaire et des autorités administratives amenées à
réglementer nos activités et, malheureusement d’une certaine doctrine (on l’a
encore vu dans l’affaire de la juridiction compétente pour juger le Président
de la République, suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 98-408 DC
du 22 janvier 1999, relative à la création d’une Cour pénale internationale),
ce principe se réalise par trois techniques qui forgent un droit processuel
constitutionnel d’origine judiciaire ou réglementaire.
1) La première technique se
trouve dans le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs
(décrets, arrêtés, etc.. ) par le juge administratif.
Si le Conseil constitutionnel a
l’exclusivité du contrôle de la constitutionnalité des lois, les actes
administratifs sont susceptibles d’être soumis à un contrôle de
constitutionnalité par le juge administratif, ce qui intéresse au premier chef
la procédure civile, matière réglementaire par excellence. La démonstration en
a été faite, de manière éclatante[27].
Ce contrôle est encore peu exercé car, dans la tradition juridique française,
la Constitution n’est pas nécessairement considérée comme une règle de droit,
les principes généraux du droit constituant un palliatif à cette absence de
normativité de la Constitution[28] ;
« les juristes français, formés dans
la tradition de la Constitution-texte symbolique sans valeur juridique, ne
peuvent se faire à l’idée d’une Constitution-règle de droit »[29].
Dès lors, si les normes constitutionnelles ne sont pas utilisées dans le procès
administratif c’est « parce que doctrine, juges et avocats pensent
qu’elles sont inutilisables »[30].
Chacun reproduit un modèle appris d’enseignants non formés à l’idée que la loi
n’est pas tout le droit et qu’il existe des normes constitutionnelles (et
internationales, bien sûr). La jurisprudence du Conseil constitutionnel fournit
des moyens de constitutionnalité et cette jurisprudence s’impose aux
juridictions administratives (article 62,al. 2 de la Constitution) qui doivent,
par conséquent, lorsqu’elles examinent une acte administratif, apprécier sa
légalité par rapport à ces normes constitutionnelles[31] ;
c’est le cas, naturellement, des décrets de procédure civile : lorsqu’ils
sont soumis au contrôle de légalité du Conseil d’Etat, celui-ci doit tenir
compte des normes constitutionnelles.
Il faut aller plus loin et
appliquer la contrainte aux réserves d’interprétation que le Conseil apporte à
une loi soumise à son contrôle ; ces réserves s’imposent au pouvoir
réglementaire Lorsqu’une loi nécessite un décret d’application, les réserves
d’interprétation du Conseil constitutionnel s’adressent au pouvoir
réglementaire, lequel est soumis à la jurisprudence du Conseil. Ainsi, en
matière d’organisation judiciaire et de statut des magistrats, le Conseil
a-t-il exigé que le pouvoir réglementaire fixe, sous le contrôle du juge
administratif, les règles selon lesquelles sera opéré le choix des personnes
nommées, par concours exceptionnel, au premier ou au second groupe du premier
grade du corps des magistrats, afin de garantir l’objectivité qui doit présider
aux règles de nomination et d’assurer le respect tant du principe de
l’indépendance des magistrats que des exigences découlant de l’article 6 de la
Déclaration de 1789 ; une réserve expresse concerne la formation juridique
des candidats : la loi n’exigeant pas des diplômes ou un exercice
professionnel faisant présumer, dans tous les cas, une qualification juridique
particulière, les mesures réglementaires devront prévoir, sous le contrôle du juge
administratif, des épreuves de nature à permettre de vérifier effectivement les
connaissances juridiques des intéressés[32].
La même jurisprudence peut s’appliquer aux décrets de procédure civile.
2) La deuxième technique est le
respect, par le juge judiciaire, de l’autorité de la chose jugée ou
interprétée par le Conseil constitutionnel, à propos de lois soumises à son
contrôle
- Le respect de la chose jugée ou
interprétée par le Conseil constitutionnel s’impose d’abord lorsque le juge
judiciaire applique le texte des lois à propos duquel des décisions ont été
rendues par le Conseil[33].
Il est vrai que l’incorporation directe de la jurisprudence du Conseil dans
notre ordre juridique par l’incorporation de ses interprétations dans les lois,
ne peut exister qu’autant que des lois intéressant la procédure civile sont
soumises à son contrôle ; sans être impossible, en raison de la
jurisprudence constitutionnelle précitée qui, d’une part, autorise le Parlement
à empiéter sur le domaine réglementaire et, d’autre part, étend le champ
législatif aux règles de procédure qui concernent des matières relevant par
nature de la compétence législative ou qui mettent en cause les droits de la
défense, il faut bien reconnaître que les occasions de ce type sont
rares ; elles ne sont pas inexistantes comme on l’a déjà souligné.
- Par ailleurs, les réserves
d’interprétation que le Conseil apporte à une loi soumise à son contrôle
s’imposent au pouvoir judiciaire. Lorsque la loi est applicable sans qu’il soit
besoin d’un décret d’application, les tribunaux de l’ordre judiciaire seront
conduits à tenir compte des réserves d’interprétation dans la décision du
Conseil, dans la mesure où la loi concerne la procédure civile, ce qui n’est
pas impossible pour les raisons déjà indiquées. Ainsi, dans sa décision du 25
juillet 1989, le Conseil constitutionnel a-t-il formulé une réserve
d’interprétation qui intéresse la procédure civile, même si c’est au fondement
de la liberté personnelle du salarié que la décision a été rendue. Il
s’agissait de l’action en défense des intérêts individuels de certains
salariés, dont l’exercice peut être confié à une organisation syndicale, en
leur lieu et place, sans avoir à justifier d’un mandat de leur part. Le Conseil
a exigé que « l’intéressé ait été à
même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause et qu’il puisse
conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et
mettre un terme à cette action »[34].
On voit bien que c’est la liberté du droit d’agir (et de son corollaire de ne
pas agir) qui se profile derrière cette motivation fondée sur la liberté
personnelle du salarié par rapport à un syndicat. La méthode de la réserve
d’interprétation a permis au Conseil de réécrire la loi en exigeant que le
salarié soit averti de l’intention du syndicat d’agir à sa place et que la
preuve soit établie qu’il a personnellement eu connaissance de la lettre du
syndicat[35].
Il nous apparaît que cette décision déborde largement du texte examiné par le
Conseil et qu’elle pose un principe général de procédure : une action en
justice ne peut pas être introduite sans la volonté de la personne concernée[36].
La technique de la réserve d’interprétation est un mécanisme qui permet de « charger les lois d’une dose de
constitutionnalité[37] »
avant même leur interprétation par la jurisprudence judiciaire, ce qui peut
être très efficace.
3) La troisième technique se
trouve dans l’idée que le juge judiciaire est juge de la constitutionnalité et
de la légalité des actes administratifs et juridictionnels. Cette dernière
technique prend une importance considérable aujourd’hui car elle va au-delà du
seul respect de la chose jugée ou interprétée par le Conseil constitutionnel à
propos d’une loi ; elle l’englobe, mais la dépasse, les normes
constitutionnelles étant toutes d’application directe, sans qu’il soit besoin
du relais de la loi « pour être
rendues opérationnelles »[38].
Le Conseil constitutionnel l’a rappelé récemment à propos du principe de
l’égalité des sexes qui s’impose au pouvoir réglementaire sans qu’il soit besoin
au législateur d’en rappeler l’existence[39].
- D’où une jurisprudence constitutionnelle de la Cour de cassation.
Le droit processuel constitutionnel naît ainsi de la jurisprudence de la
Cour de cassation dans la mesure où elle est juge de la constitutionnalité des
actes juridictionnels (la violation de la Constitution est un cas
d’ouverture à cassation pour violation de la loi) et de la constitutionnalité
des actes administratifs (elle juge de leur légalité par voie
d’exception et, dans le cas de la voie de fait, par voie d’action)[40].
La Cour de cassation est même allée jusqu’à affirmer l’existence « pour toute personne d’un droit
fondamental à caractère constitutionnel », la défense, dont « l’exercice effectif exige que soit assuré
l’accès de chacun , avec l’assistance d’un défenseur, au juge chargé de statuer
sur sa prétention »[41].
La Cour de cassation, ce jour là, s’est fait juge constitutionnel, même si elle
s’est abritée non pas derrière la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, mais derrière le droit (à caractère constitutionnel),
encore que la formule utilisée et rapportée puisse faire implicitement
référence, par l’adjonction du qualificatif « fondamental »
« aux principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République », c’est à dire à la jurisprudence
du Conseil plus qu’au droit lui même. Cette qualité de juge constitutionnel est
d’autant plus remarquable que, ce jour là, la Cour de cassation statuait en
matière civile.
- D’où aussi, une jurisprudence constitutionnelle des juridictions
du fond. Les juridictions du fond n’échappent pas à ce mouvement, dans
la mesure où elles sont, elles aussi, juges de la constitutionnalité et de la
légalité des actes administratifs et juridictionnels[42].
Ainsi, « on assiste à une
banalisation de la légalité due à l’expansion et la technicité accrue de la
législation qui s’accompagnent d’une diminution corrélative de la place et de
l’importance des principes généraux du droit, ceux-ci étant de plus en plus
soit absorbés par les normes constitutionnelles, soit réduits à un rôle
secondaire »[43].
Il y aura donc « de plus en plus un
contrôle de constitutionnalité et un contentieux de constitutionnalité des
actes non législatifs qu’il faut qualifier comme tels »[44].
La constitutionnalisation du droit et de la procédure civile procède donc de la
jurisprudence des juges du fond lorsqu’ils contrôlent, en cette matière, la
constitutionnalité et la légalité des actes administratifs et juridictionnels,
sous l’angle du respect des droits fondamentaux protégés par le Conseil constitutionnel.
Il suffit pour se convaincre de l’importance naissante, mais croissante, de
cette jurisprudence, de feuilleter les chroniques dites
« constitutionnelles » dans les principales revues juridiques[45] ;
une part importante de ces chroniques est consacrée au suivi de l’application
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel par les juridictions du fond, à
tel point que l’on voit apparaître une summa
divisio entre « la jurisprudence du Conseil » et « la
jurisprudence constitutionnelle des autres juridictions »[46].
14 - Vers un contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge
judiciaire ?
Le droit français est en pleine
contradiction : d’un côté, par le jeu de l’application directe de toutes
les normes constitutionnelles, sans qu’il soit besoin du relais de la loi, il
permet - il impose - au juge judiciaire de contrôler la constitutionnalité et
la légalité des actes administratifs et des actes juridictionnels. D’un autre
côté, il réserve le contrôle de constitutionnalité des lois au seul Conseil constitutionnel
et interdit ce contrôle au juge judiciaire ; mais ce même juge peut
écarter un texte législatif s’il le juge non conforme à nos engagements
internationaux, notamment par rapport aux exigences de la Convention européenne
de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme (v. infra, 2°). Qu’est-ce qui empêche
aujourd’hui un juge ordinaire et la Cour de cassation, d’une part, de découvrir
des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, notamment
pour interpréter une loi (sans pour autant la censurer) et, d’autre part, de
censurer une loi à la lumière de ces mêmes principes constitutionnels, mais en
agissant sous couvert de la Convention européenne des droits de l’homme[47] ?
Déjà, la commission européenne des droits de l’homme a donné un avis de
condamnation de la France dans une affaire où le Conseil constitutionnel avait
pourtant donné son aval à une loi de validation et où la Cour de cassation
l’avait jugée conforme à la Convention européenne des droits de l’homme (alors
que la loi en question était intervenue lors de l’instance de cassation et que
les Cours d’appel avaient donné raison aux requérants et tort à l’Etat)[48].
C’est dire que le contrôle de constitutionnalité des lois par le juge
judiciaire aurait pu se faire, dans cette hypothèse, comme dans d’autres, sous
couvert de la non-conventionnalité de la loi en question, malgré l’aval du
Conseil constitutionnel. Un peu d’audace et le contrôle de la
constitutionnalité des actes législatifs par le juge judiciaire sera bientôt
une réalité !
Déjà, le Conseil d’Etat contourne
l’interdiction de contrôler la constitutionnalité des lois, grâce au contrôle
de conventionnalité ; la Convention européenne des droits de l’homme est
d’ailleurs considérée, par la Cour européenne, « d’instrument constitutionnel de l’ordre public européen »[49].
b) Une attraction renforcée par l’étendue des normes de référence du
droit constitutionnel
15 - Norme textuelle et principes fondamentaux. Dans l’exercice des
compétences qui leur sont respectivement reconnues, le Parlement et le
Gouvernement doivent respecter - sous le contrôle du Conseil constitutionnel
pour le premier et du Conseil d’Etat pour le second - une série évolutive de
principes affirmés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les uns
tirés de la lettre même des textes à valeur constitutionnel, les autres
affirmés en tant que « principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Ce sont les
normes de référence du droit constitutionnel. L’intérêt de la question n’est
plus le texte de la Constitution de 1958, mais la jurisprudence
constitutionnelle qui, année après année, s’est construite sur les données
fondamentales de notre droit (la théorie des sources) et sur la protection des
libertés et droits fondamentaux. Ce nouveau droit constitutionnel ne tend pas à
absorber le droit privé comme certains semblent le craindre, mais impose comme
soubassement commun à toutes les branches du droit « un droit constitutionnel qui retrouve ses fonctions originelles
de droit fondamental »[50].
Cette
constitutionnalisation de la procédure, de toutes les procédures a pu se
réaliser parce que le Conseil constitutionnel en ce domaine, comme dans
d’autres, a reconnu valeur de droit positif et force constitutionnelle non
seulement aux normes des articles 93 articles de la Constitution de 1958, mais
encore à trois autres catégories de normes qui ont servi de référence pour le
contrôle de la constitutionnalité des lois et qui, au total, forment une
constitution de 135 articles[51].
1) La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
forme, avec ses 17 articles, le premier socle. Jusqu’à la décision du Conseil
constitutionnel du 27 déc. 1973, ce texte n’était qu’une source d’inspiration
permettant au Conseil d’Etat de dégager les principes généraux du droit, ce qui
ne permettait pas de sanctionner les lois, mais seulement les actes
administratifs. A partir de cette date, la Déclaration de 1789 constitue une
norme de référence dont la violation, par
le législateur, peut être sanctionnée par le Conseil constitutionnel[52],
par exemple le principe d’égalité et ses applications en matière
judiciaire ; une application en a été faite, à propos du juge unique[53].
2) Les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement
nécessaires à notre temps forme le deuxième socle ; on les trouve
énumérés dans les 18 alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, lequel
est visé par le Préambule de la Constitution de 1958. Ces principes intéressent
peu la procédure civile, voire pas du tout (droit à la santé, droit au
logement, etc..), encore que la traduction procédurale de l’effectivité de ces
droits puissent s’appuyer sur eux. On a même vu la loi du 29 juillet
d’orientation de la lutte contre les exclusions mêler ces droits et des
dispositions de procédure civile.
3) Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Cette catégorie de normes de référence est mentionnée dans le Préambule de 1946
mais sa portée juridique est restée longtemps incertaine[54],
car son contenu demeure formellement indéterminé, le Préambule de 1946 ne
précisant ni les principes, ni les lois, ni les Républiques auxquels il se
réfère ![55]
C’est donc le juge constitutionnel qui les a dégagées non sans quelque
confusion, car, dans les années 1970, l’expression était générique et désignait
l’ensemble des normes constitutionnelles alors que, par la suite, elle fut
réservée aux principes pouvant être reliés à des textes, ceux du Préambule et
ceux des lois de la République[56].
On en dénombre huit, dont celui du respect des droits de la défense ;
cette catégorie semble en voie d’extinction (quatre seulement depuis 1980[57]
et aucun depuis 1989, avec la décision sur le rôle de l’autorité judiciaire en
matière de propriété immobilière). Le Conseil constitutionnel a refusé cette
valeur constitutionnelle à maints principes invoqués par des requérants, sans
doute pour ne pas encourir le reproche d’un gouvernement des juges, ces
principes étant par trop discrétionnaires[58].
On les confond parfois avec les principes généraux du droit qui sont
normalement consacrés par le Conseil d’Etat et de valeur infra-législative,
alors que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
sont normalement de valeur supra-législative et consacrés par le Conseil
constitutionnel[59].
15 - Le rapprochement de ces normes de référence avec celles des USA. Le
droit processuel va se nourrir de ces normes de référence et l’on ne peut
manquer de rapprocher, avec ce plongeon vieux de deux siècles[60],
la situation de la France et celle des U.S.A., au regard de ces normes,
lorsqu’on connaît l’importance du rôle de la Cour suprême au sein du dispositif
constitutionnel américain, notamment pour la protection judiciaire des
libertés. Les trois textes fondamentaux américains datent tous de la fin du XVIIème
siècle : 1776 pour la Déclaration d’indépendance, 1787 pour la
Constitution, 1791, pour le Bill of
rights (amendements ajoutés à la Constitution de 1787)[61] ;
en apparence la France fonde ses libertés sur des textes plus récents :
1950 pour la Convention européenne des droits de l’homme, 1958 pour la
Constitution, mais par la valeur constitutionnelle reconnue à la Déclaration de
1789, notre pays est plus proche des U.S.A. qu’il n’y paraît au premier abord[62],
d’autant plus que l’idéologie qui a inspiré tous ces textes de 1776, 1787, 1789
et 1791 ne connaissait pas de frontières[63]
et ne peut non plus être rapprochée du nazisme, contrairement à ce qui a pu
être écrit à ce sujet[64].
Dans la perspective d’un
développement à venir du droit procédural sous l’angle de la protection de nos
libertés fondamentales, même en procédure civile, le rapprochement du droit
processuel constitutionnel français avec le système américain sera riche
d’enseignements, car ce système est d’abord procédural. A quand la
consultation, sur Internet bien sûr, par la Conseil constitutionnel français
des arrêts de la Cour suprême américaine et réciproquement ?
b) les facteurs d’attraction de la procédure par
les instruments internationaux de protection des droits de l’homme
17 - Une garantie indispensable. La France, qui s’auto-proclame
pays des droits de l’homme, alors qu’il n’est pas du tout certain que ces
droits y soient mieux protégés que dans d’autres Etats, a besoin du rempart des
droits fondamentaux du procès pour assurer la prééminence du droit. Et ce
rempart vient, heureusement, de sources supra-législatives, d’autant plus
nécessaires que la pratique nationale des juridictions est loin d’être toujours
conforme, en tous points, aux standards de garantie des droits fondamentaux des
justiciables. Que l’on en juge par quelques exemples : la France a été
condamnée à Strasbourg, par la Cour européenne des droits de l’homme, par deux
fois, pour dysfonctionnement de sa Cour de cassation, ce qui, on en conviendra
aisément, n’a rien de glorieux ; une fois pour erreur de fait dans un
arrêt de cette cour (affaire Fouquet) ;
une autre fois pour défaut de motivation (affaire Higgins), ce qui constitue le comble de la honte lorsqu’on sait que
la Cour de cassation contrôle la motivation des décisions du juge du fond, dans
son existence et dans ses modalités[65].
Le principe du contradictoire lui-même, pourtant fondamental, est rejeté, par
la chambre commerciale, de la catégorie des principes de droit naturel[66]
et sa violation n’est pas considérée par la première chambre civile de la Cour
de cassation comme un excès de pouvoir ouvrant un recours nullité autonome[67].
18 - Une garantie croissante. Cette imp
ortance croissante de
l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux garantis par des
instruments internationaux tient à trois facteurs (1°) qui entraînent certaines
conséquences quant au domaine de la garantie (2°).
1°) Les trois facteurs d’attraction de la procédure par les instruments
internationaux
a) Premier facteur : des instruments internationaux directement
applicables
19 - L’attraction de la procédure par les droits fondamentaux participe
d’un mouvement plus général d’internationalisation du droit procédural. Le
centre de la question se ramène à une seule notion, qui s’exprime en deux mots
seulement, « procès équitable ». Jamais, si peu de mots
n’auront autant bouleversé le droit du procès (v. infra, b). L’expression n’est pas spécifique au droit européen,
même si elle est au cœur de l’article 6 de la convention européenne des droits
de l’homme.
- Cette exigence est en effet
exprimée, pour la première fois, à l’article 10 de la Déclaration universelle
des droits de l’homme du 10 décembre 1948. Celle-ci n’ayant que la valeur d’un
idéal à atteindre et aucun organe de contrôle n’ayant été mis en place,
l’article 10 reste un texte de référence, une valeur morale, sans plus.
- En revanche, l’article 14, §1
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre
1966, qui reprend lui aussi cette exigence, a une importance plus grande, d’une
part, parce que le pacte est auto-exécutoire en droit national et, d’autre
part, parce qu’il est doté d’un organe de contrôle, le Comité des droits de
l’homme de l’ONU qui a élaboré une jurisprudence très protectrice des
requérants ; ceux-ci, sur la base du Protocole facultatif, ont la faculté
de présenter des communications individuelles. Toute une jurisprudence,
malheureusement peu accessible, s’est construite, faisant de ce droit à un
procès équitable un véritable droit substantiel.
- Avec l’entrée en vigueur du
traité d’Amsterdam, il faudra vraisemblablement tenir compte de la future
jurisprudence de la Cour de Luxembourg en matière de droits fondamentaux et
s’attendre à un contrôle, par cette Cour, de ce qu’un auteur a qualifié de « Charte communautaire des droits
fondamentaux »[68],
tout au moins dans le champ de compétence du droit communautaire.
- En attendant cette nouvelle
jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes sur le procès
équitable en droit communautaire, c’est l’article 6 §1 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et
la jurisprudence de la Commission et de la Cour européennes qui retiennent
l’attention, notamment par les standards, véritables directives, que ces deux
organes ont progressivement donnés aux Etats et aux tribunaux nationaux.
20 - L’applicabilité directe des instruments internationaux constitue
une arme entre les mains des juges. Pour nous en tenir à la Convention
européenne on soulignera qu’elle est en effet directement applicable par les
tribunaux français, ce qui se traduit, dans l’ordonnancement juridique
français, par deux considérations :
- d’une part, les justiciables
peuvent invoquer la Convention européenne devant les juridictions nationales
qui sont tenues de l’appliquer[69].
- d’autre part, la Convention
l’emporte sur les normes internes et a une autorité supérieure à la loi (art.
55 de la Constitution)[70].
Ce dernier aspect constitue un pouvoir considérable entre les mains des juges,
encore peu utilisé, sans doute parce qu’il est exorbitant, par rapport à notre
tradition juridique, qu’un juge puisse écarter une loi française votée par le
Parlement[71]. Les
exemples de textes écartés par une juridiction française pour non conformité à
la Convention européenne des droits de l’homme sont donc rares.
En procédure pénale, la
Cour de cassation a écarté, au nom de l’égalité des armes telle qu’elle résulte
de l’article 6 de la Convention européenne, l’application de l’article 546, al.
2, CPP, qui permet au procureur général d’une cour d’appel de relever appel de
tous les jugements rendus par le tribunal de police, alors que le prévenu ne
peut exercer cet appel que dans les cas et conditions limitativement énumérés
par ce texte[72]. La
solution est moins nette en revanche, pour le droit d’appel de deux mois du
procureur général contre dix jours pour le parquet et le prévenu en matière
correctionnelle : dans un arrêt du 22 novembre 1995, la Chambre criminelle
a casé une décision qui avait omis de se prononcer sur l’exception soulevée[73].
En matière civile, il est
très rare qu’une décision écarte un texte. On portera d’autant plus d’attention
au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saintes le 21 février
1997 (confirmé en appel par la Cour de Limoges), en ce qu’il écarte une loi de
validation au motif qu’ayant été prise sous la pression du lobby bancaire, elle
n’était pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme en
contraignant le juge à adopter une solution favorable aux banques dans des
instances nouvelles, alors que la jurisprudence l’avait antérieurement
condamnée dans d’autres affaires similaires[74]. Le tribunal de grande instance de Paris a
aussi écarté la procédure issue de l’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre
1817 qui régissait jusqu’à présent l’action en réparation du préjudice subi par
un client d’un avocat aux Conseils, du fait de l’activité de celui-ci, au motif
que cette procédure n’était pas conforme à l’article 6 § 1 de la Convention
européenne en ce qu’elle n’assurait pas un droit d’accès effectif à un tribunal[75].
Le Conseil d’Etat a aussi émis l’avis et rendu un arrêt selon lesquels il
appartient au juge administratif de contrôler la compatibilité d’une loi de
validation aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne sur le
procès équitable[76].
En revanche, le Conseil
constitutionnel se refuse cette arme, en refusant d’assurer le respect de
la Convention dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, tout en
reconnaissant sa supériorité sur la loi interne.[77]
Cette attitude risque de coûter cher à la France et au Conseil constitutionnel,
la Commission européenne ayant émis l’avis, le 9 septembre 1997, dans une
affaire contre la France, que le fait que la Conseil constitutionnel ait donné
son aval à une loi de validation et que la Cour de cassation l’ait jugée
conforme à la Convention européenne « ne
permet pas de décerner à sa décision un certificat de conformité avec les
dispositions de la convention européenne susceptibles de lier les organes de Strasbourg ».[78]
C’est en quelque sorte la réponse du berger à la bergère !
b) Deuxième facteur : un concept autonome de procès équitable
21 - La garantie textuelle et jurisprudentielle d’un procès équitable.
L’attraction de la procédure par les droits fondamentaux a été grandement
facilitée par l’existence, dans l’article 14 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et dans l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme, d’une garantie que l’on résume par l’expression de procès
équitable, mais qui rassemble toutes les composantes d’une bonne justice. Une
jurisprudence audacieuse de la Cour européenne des droits de l’homme a
complètement transformé le sens de certains mots qui pouvaient paraître bien
anodins ou ne traduire qu’un voeu pieu (par ex. la notion de délai raisonnable)
et a extrait de ce texte, de ce concept, des exigences non formellement
exprimées (par ex. l’égalité des armes). La Cour de justice des communautés
européennes, en s’appropriant le procès équitable au titre des principes
généraux du droit communautaire, dispose du même outil, dans son champ de
compétence.
Aucune étude sérieuse de
procédure ne peut négliger aujourd’hui cette dimension des droits fondamentaux
dans les procédures suivies en France (en fait, essentiellement, une dimension
européenne et constitutionnelle), aucun manuel de procédure, qu’elle soit
civile ou administrative, mais encore plus pénale, ne devrait l’ignorer,
au-delà du coup de chapeau qui lui est parfois donné dans l’exposé des sources
de la matière pour ne plus, ensuite, y revenir ; la garantie d’un procès
équitable, non seulement est indispensable dans le contexte français du procès,
mais elle envahit tous les contentieux grâce à une politique audacieuse et
originale de la Cour européenne des droits de l’homme. Par simplification, nous
nous en tiendrons désormais au procès équitable de l’article 6 de la Convention
européenne et la jurisprudence de la Cour.
22 - La notion de procès équitable. Dans l’expression « procès
équitable », avant équitable il
y a procès ; pourtant on chercherait vainement l’expression dans les
anciens codes de procédure, qu’il soient de procédure civile ou d’instruction
criminelle, sans parler des textes qui régissaient le contentieux
administratif. Le mot qui était davantage utilisé sous l’empire des grandes
ordonnances royales, civile et criminelle, de 1667 et 1670, était celui d’équité, celle de nos Parlements bien
sûr, dont Dieu devait nous garder, ... à côté de leur arbitraire. Le concept
n’était pas formalisé et avait mauvaise réputation, ce qui explique sans doute
que nous l’ayons enfoui au plus profond de nos institutions judiciaires ;
on parlait plutôt d’une « équité
arbitraire »[79],
que d’un procès équitable ! Curieux glissement du vocabulaire juridique
qui doit nous inciter à la prudence dans l’utilisation de cette expression et à
rechercher le sens exact de l’équité pour mieux approcher l’équitable.
Les dictionnaires généraux,
qu’ils soient anglais ou français, nous livrent deux sens de l’équité et conduisent
progressivement au procès équitable :
- Dans le dictionnaire historique
de la langue française[80],
l’équité est d’abord définie comme un emprunt savant (1262) au latin aequitas : égalité, équilibre
moral, esprit de justice, dérivé de aequus,
égal, d’où impartial. On retrouve cette notion d’égalité dans le dictionnaire
anglais Collins (English language dictionnary) : la qualité d’être loyal et raisonnable d’une manière qui donne à chacun
un traitement égal.
- Ces deux mêmes dictionnaires
voient aussi dans l’équité, pour l’un « la
juste appréciation de ce qui est dû à chacun, selon un principe de justice
naturelle, parfois divine », pour l’autre, le principe qui fera d’un
jugement un jugement loyal dans un cas où les lois existantes n’apportent pas
de réponse satisfaisante à un problème (« the
principe used in law which allows a fair judgement to be made in a case where
the existing laws do not provide a reasonnable answer to the problem »).
C’est ici l’équité dont Philippe Jestaz nous dit[81],
qu’elle serait tantôt désobéissance à la loi lorsque le juge écarte la règle de
droit pour rendre un jugement « en
équité », c’est à dire supposé plus juste que ne l’aurait permis
l’application du droit strict, tantôt adaptation de la règle de droit à un cas
particulier, tantôt expression d’une idée de justice comme fondement du droit.
Le Vocabulaire Henri Capitant[82],
ne parle pas de l’équilibre, mais dégage cinq sens dont les quatre derniers
peuvent être regroupés sous l’idée commune d’atténuation de la règle de droit par
des considérations particulières, de dépassement du droit pour tendre à la
justice, justice supérieure au droit positif ; l’autre sens serait
l’égalité.
Dès lors, si l’on revient au
procès équitable pour en faire une exigence, à quoi reconnaît-on qu’un procès
donné l’a été ? Quel sens faut-il retenir de l’équité ?
- S’il s’agit d’être juste dans le jugement rendu, chacun sait bien
que l’application de la règle de droit s’accommode mal avec une équité qui
serait conçue comme la recherche systématique de l’humain dans les conséquences
que provoque toute décision de justice ; c’est cette recherche qui
conduisit le Président Magnaud à n’être le « bon juge » de
Château-Thierry que pour les justiciables, pas pour les juristes. L’équité, au
sens de la « sensibilité généreuse
et hardie », que dénonçait Gény chez ce juge n’a pas sa place dans la
notion de procès équitable, car les bons sentiments en matière de justice, la
sensiblerie, mènent au déséquilibre et à l’inégalité entre les justiciables.
C’est le sens d’une jurisprudence constante : le juge ne peut se contenter
de se référer à son « arbitraire », même en invoquant son souci
d’apaisement et son impuissance à démêler l’affaire, pour condamner le débiteur
à ne régler que la moitié de la somme déclarée[83].
- C’est donc davantage la racine equus, l’idée d’équilibre qu’il faut
retenir pour comprendre ce que peut représenter aujourd’hui un procès
équitable ; l’idée d’assurer à tout justiciable un tel procès, se rattache
à la notion très générale et générique de garanties
fondamentales d’une bonne justice, dont on trouve des illustrations dans le
caractère public des audiences, dans l’exigence d’un tribunal indépendant et
impartial, ou d’un délai raisonnable, etc.. Ce sont ces garanties qui assurent
à chacun, dans un État de droit, le droit à un procès équilibré, loyal, tant il est vrai que l’on oublie
trop facilement que, dans la version anglaise de l’article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
l’équivalent du mot français « équitablement »,
ce n’est pas « equity »,
mais « fair », ce qui, au
moins pour un esprit continental, fait penser au légendaire fair play britannique ; en outre
dans le 14ème amendement à la Constitution américaine figure
l’exigence d’un procès loyal. Et l’equity, dans la langue anglaise, c’est
d’abord la qualité d’être loyal (fair)
et raisonnable dans une voie qui donne un traitement égal à chacun[84].
Il faut donc ici dissiper toute
ambiguïté, l’équité dont il est question n’est pas celle qui s’oppose au
droit ; ce n’est pas le dépassement du droit au nom de principes
supérieurs. Le mot « équité » vient du latin « equus », qui signifie
équilibre ; les deux termes sont équipollents[85].
On en a une confirmation dans la
décision du Conseil constitutionnel sur l’injonction pénale du 2 février
1995 : « le principe du respect
des droits de la défense implique, notamment en matière pénale, l’existence
d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits
des parties »[86].
Pour conclure on dira que le
procès équitable, c’est le procès équilibré entre toutes les parties.
Cela ne signifie pas pour autant
que l’idéal de justice soit absent car l’équité
au sens d’un équilibre à réaliser, c’est
aussi un idéal de justice ; c’est, selon l’heureuse expression d’Henri
Capitant il y a maintenant 70 ans, « l’une
des plus radieuses formules de justice dont on ait depuis la Grèce et Rome,
illuminé l’espoir des sociétés modernes »[87].
Le procès équitable repose sur des garanties qui tendent à faire régner cet
idéal de justice. Si l’équité dans
le procès c’est l’équilibre, tendre à assurer le respect de celui-ci, c’est
aussi veiller à promouvoir l’idéal de justice : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix
s’embrassent »[88].
c) Troisième facteur : des méthodes d’interprétation originales
23 - Méthodes européennes. La Commission et la Cour européennes ont
développé des méthodes d’interprétation du droit européen tout à fait original,
au moins pour un esprit cartésien, peu familier du droit anglo-saxon. Le Comité
des droits de l’homme de l’ONU n’a pas affirmé aussi nettement la même
démarche. Ces méthodes sont au nombre de quatre.
24 - Première méthode : l’autonomie des notions. Le contrôle
européen de la qualification de la loi nationale se réalise par des notions
autonomes, c’est à dire indépendantes des qualifications nationales, ce que
deux éminents spécialistes de ces questions ont appelé, en termes
diplomatiques, « la tendance
extensive de la jurisprudence européenne[89] »,
et qui a conduit l’un d’entre eux à affirmer, en une formule plus directe,
que « le contrôle de la Cour s’étend
jusqu’aux bornes fixées par elles[90] ».
Il n’est donc pas étonnant que,
les mots écrits dans l’article 6 §1 de la Convention étant lus comme désignant
des concepts autres que ceux traditionnellement admis dans les droits
nationaux, cette lecture extensive puisse ne pas être la même selon la
juridiction nationale amenée à en connaître pour fixer l’applicabilité de
l’article 6 à tel ou tel type de contentieux. D’où des divergences quant au
champ d’application de l’article 6 §1. La matière civile, et encore plus la
matière pénale, peuvent ne pas avoir la même signification en droit européen et
en droit national. Tout n’est pas tranché en droit européen ; on peut
appartenir à deux catégorie à la fois. Les notions qui figurent dans la
Convention doivent être interprétées dans un sens européen, valable pour tous
les Etats membres, et non pas par référence au droit interne de l’Etat
défendeur, ceci afin d’arriver à une définition uniforme des engagements
internationaux des Etats parties à la Convention et de préserver l’égalité de
traitement entre les Etats contractants. Cette notion d’autonomie a permis à la
Cour européenne de fixer un très large domaine d’application de la Convention[91].
25 - Deuxième méthode : un contrôle non limité à la matérialité
des faits. Les organes européens contrôlent non seulement la matérialité
des faits, mais aussi :
- la finalité de la mesure prise,
- l’effectivité de la garantie,
- et la proportionnalité des
atteintes légitimes à certaines libertés.
26 - Troisième méthode : un contrôle au-delà des garanties
formelles. La Commission et la Cour ne se contentent jamais d’un examen
formel du respect de chacune des garanties énumérées à l’article 6. Une décision
peut être sanctionnée pour procès non équitable, alors même que toutes les
garanties formelles auraient été respectées ; ainsi de l’obligation de
motiver les décisions de justice[92].
27 - Quatrième méthode : l’approche globale du procès. C’est l’ensemble de la procédure qui
permet d’apprécier et de retenir le caractère équitable du procès au niveau de
celles-ci. La Commission et la Cour se livrent en effet, à une approche globale
du procès équitable, ne se contentant jamais d’un seul stade de la procédure. Il
faut soupeser l’ensemble du procès, rejoignant ainsi l’étymologie du mot
équité, aequus signifiant équilibre,
un peu comme la pesée des âmes dans la mythologie égyptienne.
28 - Conséquences sur l’effectivité des droits. Avec de telles
méthodes d’interprétation on est loin du raisonnement juridique traditionnel
français, qui ne se satisfait guère de pesées ! Nous sommes dans une autre
logique, celle des concepts flous ou « logique de gradation » comme
le relevait un auteur[93].
C’est une démarche pragmatique, anglo-saxonne certainement, à laquelle nous
devons nous habituer. Est-ce cette difficulté à adopter cette logique qui
explique les réticences des juridictions françaises, et singulièrement de la
Cour de cassation française, à appliquer la garantie d’un procès
équitable ? Le relais de la jurisprudence européenne est alors
indispensable pour garantir l’effectivité des droits procéduraux fondamentaux
en droit français.
2°) Conséquences quant au domaine de la garantie
a) L’extension du domaine de la garantie d’un procès équitable à tous
les contentieux, dès lors que le litige relève de l’une des deux matières
visées à l’article 6
29 - L’extension du domaine de la garantie d’un procès équitable par
l’autonomie des notions. Par simplification, nous raisonnerons sur la seule
Convention européenne des droits de l’homme et l’applicabilité de son article
6. L’effectivité de la garantie d’un procès équitable est d’autant plus forte
que la jurisprudence européenne l’a progressivement étendue à tous les
contentieux, interprétant d’une manière autonome, non pas la notion de
contentieux, mais la notion de contestation civile ou d’accusation pénale.
C’est au nom de l’autonomie des notions conventionnelles mais aussi en tenant
compte de la globalité d’appréciation du caractère équitable du procès, que la
Commission et la Cour européennes des droits de l’homme ont construit le
domaine positif et négatif de la garantie d’un procès équitable, tant en
matière civile (1) qu’en matière pénale (2), parfois en opposition avec les jurisprudences
nationales.
1) La matière civile
30 - L’attraction à la garantie d’un procès équitable de toutes les
« contestations sur des droits et obligations de caractère civil ».
Toutes les procédures dont l’issue est déterminante pour un droit civil sont
soumises aux exigences de la convention[94],
peu important la nature de la loi selon laquelle la contestation doit être
tranchée et la nature de l’autorité compétente. La matière civile peut donc
relever de la compétence d’une juridiction administrative. La méthode de
l’autonomie des notions (supra, n° 24)
joue ici un rôle capital. Ainsi, la méthode de la Cour européenne pour
déterminer le caractère civil des droits et obligations sur lesquels portent
les contestations, n’implique pas que les parties au litige soient des
personnes privées, l’approche patrimoniale étant décisive et l’intervention de
la puissance publique n’étant plus exclusive du caractère civil de
l’obligation : les droits et obligations de caractère civil sont ceux
susceptibles d’avoir des répercussions sur un droit de caractère patrimonial
et, de manière plus générale, sur l’activité économique du requérant[95].
La CEDH a précisé successivement
la notion de « droit
défendable » et celle de « décision
déterminante pour l’issue d’un litige portant sur un droit civil ».
31 - La notion de droit défendable retenue par la CEDH soulève
quelques difficultés : selon la cour en effet, « pour que l’article
6-1 sous sa rubrique civile trouve à s’appliquer, il faut qu’il y ait
« contestation » [dispute dans
le texte anglais] sur un droit que l’on peut prétendre, au moins de manière
défendable, reconnu en droit interne. Il doit s’agir d’une contestation réelle
et sérieuse : elle peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit
que son étendue ou ses modalités d’exercice.
Il eût sans doute mieux valu que
la CEDH utilisât le terme de droit « revendiqué » plutôt que
reconnu ; cela lui aurait évité de se livrer à des analyses hasardeuses et
peu opportunes parfois, des droits nationaux pour y trouver confirmation qu’un
droit y est effectivement reconnu et non pas seulement revendiqué par le
requérant.
32 - La notion de « décision
déterminante pour l’issue du litige portant sur un droit civil » est
aussi un moyen pour la CEDH de fixer arbitrairement son domaine d’intervention.
Selon cette exigence en effet, il faut qu’un lien existe entre la décision
attaquée au titre de la garantie du procès équitable et le droit substantiel
revendiqué par les requérants ; cela laisse une marge de manoeuvre à la
Cour et il semble se dessiner une distinction inquiétante entre les petits et
les grands contentieux avec l’arrêt Bahmer-Schafroth
c/ Suisse, du 26 août 1997[96] :
lorsque le contentieux est modeste la Cour est plus encline à y voir une
décision déterminante pour la victime (permis de construire) ; lorsque le
contentieux est très important, met en cause la souveraineté d’un état, l’interprétation est plutôt contra victima, ainsi du contentieux
nucléaire dans l’affaire précitée. Selon que vous serez grand et
puissant... !
L’article 6 est donc applicable à
tous les procès civils lato sensu[97]. Il suffit que le litige porte sur un
droit civil.
2) La matière pénale
33 - Notion autonome. La Cour européenne définit la matière pénale
par rapport à la notion « d’accusation
en matière pénale », ce qui est beaucoup plus large que la définition
nationale et formelle de la procédure pénale. Afin d’éviter une
« babélisation » de la notion de matière pénale, variable selon les
États membres, la Cour de Strasbourg a autonomisé cette notion en droit
européen.
L’arrêt Engel c/ Pays-Bas[98] a
été le premier à affirmer en 1976 :
- d’une part, que les états ne devaient pas pouvoir disposer
à leur guise des qualifications, par exemple disciplinaire au lieu de pénale,
- et, d’autre part, que la matière
pénale dépassait le code pénal par ses trois réactifs que sont : les
indications du droit national, la nature du fait ou du comportement
transgresseur et le but et la sévérité de la sanction.
Parmi les indices de la matière
pénale c’est incontestablement celui de la gravité de la sanction encourue qui
joue un rôle déterminant, ainsi en matière de sanctions des délits d’audience.
Ainsi, dans l’arrêt Putz du 22 février 1996[99],
la Cour européenne relève que les peines d’amende n’étaient convertibles en
peine de prison qu’en cas de non-paiement, avec appel possible et que la durée
maximale de la détention était de 10 jours.
b) L’extension de la garantie du procès équitable aux procédures
d’exécution des actes notariés et des actes de conciliation
C’est au cours de l’année 1998,
que cette double extension s’est réalisée.
34 - Les exigences procédurales de l’article 6 ont d’abord été
déclarées applicables à une procédure d’exécution d’un acte notarié
garantissant une créance.
La Cour européenne a en effet
considéré, dans un arrêt Estima Jorge c/
Portugal, du 21 avril 1998[100],
que cette procédure est déterminante pour la réalisation effective du droit de
la requérante.
35 - La même extension a été retenue par la Cour européenne pour
l’exécution d’un acte de conciliation, dans un arrêt du 28 oct. 1998, Perez de Rada Cavamilles c/ Espagne[101].
En l’espèce, les autorités nationales avaient déclaré irrecevable, pour
tardiveté, un recours de « reposicion »,
expédié dans le délai de trois jours prévu par la loi espagnole, mais reçu deux
jours après l’expiration du délai. Selon la Cour, l’application
particulièrement rigoureuse faite par les juridictions espagnoles d’une règle
de procédure, a privé la requérante du droit d’accès à un tribunal. Sur
l’applicabilité de l’article 6 à la procédure d’exécution d’un acte de
conciliation devant le juge judiciaire (sans contestation des parties), la Cour
affirme que (§ 39) : « la
requérante s’était vu reconnaître un droit à la jouissance paisible de sa
propriété et dont le respect pouvait être assuré par le biais des voies
d’exécution. Il en ressort que le droit découlant de l’acte de conciliation et
la procédure d’exécution étaient intimement liés puisque l’effectivité du
premier dépendait, en ultime instance, de la mise en branle de la seconde ».
Et la Cour poursuit que selon sa propre jurisprudence, « c’est au moment où le droit revendiqué trouve sa réalisation
effective qu’il y a détermination d’un droit de caractère civil, quelle que
soit la nature du titre exécutoire ». Or, en l’espèce, la procédure
d’exécution d’un acte de conciliation a été déterminante pour la réalisation
effective du droit de la requérante.
c) l’émergence d’un droit
substantiel à un procès équitable
36 - Le procès équitable, enjeu substantiel. Le procès équitable
devient un enjeu substantiel à un triple point de vue :
- d’abord, parce qu’il est devenu
le critère d’appréciation du respect, par les États adhérents, des droits
substantiels garantis par la Convention (1°) ;
- ensuite parce qu’il a permis,
par la force de ses exigences, de protéger par les garanties de la Convention,
des droits qui n’entrent pas dans le champ d’application de celle-ci
(2°) ;
- enfin, parce qu’il est lui-même
devenu un droit substantiel (3°).
Ces trois aspects ont été
heureusement et remarquablement mis en valeur par notre collègue J.F. Flauss
dans sa contribution au procès équitable lors du colloque organisé le 22 mars
1996, par l’Université Robert Schuman de Strasbourg et la Cour de cassation[102].
Mais il est vrai que tous les auteurs n’en partagent pas toutes les audaces[103]!
1°) Le procès équitable, critère d’appréciation du respect, par les
Etats, des droits substantiels garantis par la Convention
37 - Le contrôle, par le droit à un procès équitable, de la
proportionnalité des ingérences des Etats dans les droits substantiels des
citoyens. La notion processuelle de procès équitable est amenée à jouer un
rôle encore plus important à l’avenir, dans la mesure où la Cour européenne
considère, dans son contrôle de la proportionnalité des ingérences des États
dans les droits substantiels des citoyens, que le respect du droit à un procès
équitable par l’Etat, est l’un des critères d’appréciation de la
proportionnalité des restrictions apportée par ces États à l’exercice des
droits substantiels garantis par la Convention.
- Par exemple, si le tiers, dont le bien a été saisi par
l’administration fiscale, a pu faire contrôler par un tribunal, dans le
cadre d’une procédure satisfaisant aux conditions de l’article 6 §1, l’usage
qui a été fait des pouvoirs reconnus à cette administration, l’exercice de ce
droit de saisie satisfait à l’exigence de proportionnalité[104].
Le droit au procès équitable devient ainsi, par ses interférences avec la
protection des droits substantiels, « la pierre angulaire du droit de la
Convention »[105].
- En matière de respect de la vie privée ou familiale, l’article 8
de la Convention qui protège ce droit ne prévoit aucune condition de procédure.
Pour autant, la Cour décide que les mesures d’ingérence dans ce droit doivent
non seulement respecter les intérêts protégés par l’article 8, mais aussi être
prises après un processus décisionnel qui respecte le droit au procès équitable
de l’article 6 §1[106].
- D’une manière plus générale, la Cour sanctionne la violation de
droits procéduraux, à travers le non-respect de droits substantiels[107].
Et certains juges émettent l’opinion dissidente qu’il faut aller plus loin et
reconnaître l’existence de garanties procédurales dans les droits substantiels
garantis par la Convention[108].
2°) Le procès équitable, protecteur des droits substantiels non
garantis par la Convention
38 - La garantie de ne pas s’auto-incriminer. C’est encore le droit
au procès équitable visé à l’article 6 §1 - et non pas l’article 6 §2 - qui
sert de critère d’appréciation au droit de ne pas s’auto-incriminer, droit non
garanti formellement par la Convention, alors que l’article 6 §2 est plus en
rapport avec cette question, puisqu’il garantit le respect de la présomption
d’innocence. Or, la Commission et la Cour considèrent que ce droit, non formellement garanti par la Convention, constitue une
garantie accordée aux accusés au nom du droit à un procès équitable. Elles
le rattachent d’ailleurs à deux dispositions de l’article 6 :
- à celle du §2, parce qu’il lui
est « intimement lié », en
ce qu’il reflète ce que l’on attend d’un État : qu’il prenne en charge
l’établissement de la culpabilité d’un accusé, l’accusé étant « en droit de ne pas être amené à
fournir la moindre aide sous forme d’aveu lors de cette procédure ».
- Mais, surtout, au §1, au procès
équitable : « le fondement d’un
procès équitable présuppose qu’il soit offert à l’accusé la possibilité de se
défendre contre les charges portées à son encontre. La position de la défense
est ébranlée si l’accusé est ou a été contraint de s’accuser lui-même »[109].
En revanche, la Cour a précisé,
le 20 octobre 1997, que si le droit de se taire avait pour but de protéger les
accusés contre une coercition abusive des autorités, ce qui présuppose que
l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de
preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de sa volonté, « les condamnations à une amende en
raison du refus du requérant de prêter serment et de déposer devant le juge
d’instruction qui l’avait convoqué comme témoin, ne s’analyse pas en une
violation du droit de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre
incrimination ». En l’espèce, le requérant pouvait redouter, selon la
Cour, que par le biais de certains de ses propos, il témoigne contre
lui-même ; il eût été ainsi admissible qu’il refuse de répondre à celles
des questions qui auraient été de nature à le pousser dans cette direction.
Mais, il résultait des P.V. d’audition, qu’il refusa d’emblée de prêter
serment ; or, le serment est un acte solennel par lequel son prestataire
s’engage à dire la vérité, mais que la vérité ; la coercition vise donc à
garantir la sincérité des déclarations faites et non à obliger l’intéressé à
déposer[110].
39 - La garantie d’une
prestation invalidité. De la même façon, et alors que la Convention ne
garantit pas un droit à des prestations invalidité, la Commission et la Cour
ont admis qu’une requérante pouvait faire valoir l’existence d’une
discrimination fondée sur le sexe dans le refus du Tribunal des assurances de
lui accorder une telle rente ; le Tribunal en effet avait motivé son refus
sur l’idée que les femmes cessaient généralement toute activité professionnelle
lorsqu’elles devenaient mères de famille, argument qui ne pouvait être opposé
aux hommes ! La Cour y voit une motivation discriminatoire injustifiée en
violation du droit à un procès équitable[111].
40 - La garantie de ne pas être jugé deux fois pour les mêmes
faits : le principe non bis in idem.
La Commission et la Cour ont consacré, au nom du droit à un procès équitable un
droit qui n’est garanti qu’à titre optionnel dans la Convention, au Protocole
n° 7, article 4 §1, à savoir le principe non bis in idem[112].
Le rapport de la Commission et l’arrêt sont riches d’enseignements pour la
France, car bien que l’affaire concerne l’Autriche, la solution est
transposable, les réserves émises par la France et par l’Autriche l’étant en
termes identiques. Il s’agissait de savoir si une personne ayant été poursuivie
et condamnée par un tribunal pénal autrichien, pouvait ensuite être condamnée
par une autorité administrative, mais dans des conditions telles que les
sanctions administratives relevaient de la matière pénale au sens de la
Convention. Or, l’Autriche, comme d’ailleurs la France, ont ratifié le
Protocole avec des réserves d’interprétation et notamment que le principe non bis in idem ne serait applicable que
pour des poursuites engagées à propos d’infractions relevant « dans le sens du Code pénal
autrichien » ou « en droit
français » de la matière pénale. A suivre ces réserves et le sens que
leur donnait l’Etat autrichien, les poursuites devant l’autorité administrative
ne relevant pas de la matière pénale au sens national autrichien elles
pouvaient être engagées pour les mêmes infractions. Ce n’est pas l’avis de la
Commission, ni la décision de la Cour qui considère « qu’en excluant toutes les procédures qui ne seraient pas pénales
au sens du code pénal autrichien, la déclaration [autrichienne] n’offre pas à
un degré suffisant la garantie qu’elle ne va pas au-delà des dispositions
explicitement écartées par l’Autriche ». En invalidant les réserves
autrichiennes la Cour fait entrer le principe non bis in idem dans la matière pénale au sens de la Convention, dans les procédures pénalisées de
l’article 6, celles pour lesquelles le droit à un procès équitable est
applicable. Ce dernier consacre ainsi un droit optionnel, en faisant tomber
des réserves d’interprétation.
En outre, la Commission avait
considéré que le principe non bis in idem
jouait pour les mêmes faits à la base des deux poursuites autrichiennes, quand
bien même elles ne concernaient pas « formellement »
la même infraction ; la Commission insiste sur le fait que le Protocole n°
7, article 4 §1, ne fait pas référence à une « même infraction », mais à des poursuites et à une
condamnation portant « à
nouveau » sur une même infraction, c’est à dire sur les mêmes faits.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère au contraire, que « la règle non bis in idem, consacrée
par l’article 4 du protocole n° 7, additionnel à la CEDH, ne trouve à
s’appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole,
que, pour les infractions relevant en droit français de la compétence des
tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas la prononcé de sanctions
fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif »[113].
Le Conseil d’état retient la même
solution au regard de l’article 14-7 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques : « cet
article, pour lequel la France n’a formulé aucune réserve d’interprétation, ne
fait pas obstacle à ce qu’un contribuable condamné ou relaxé des poursuites du
chef de fraude fiscale se voie appliquer, s’il y a lieu, par l’administration
fiscale, les pénalités pour mauvaise foi ou pour manoeuvres frauduleuses ou les
pénalités prévues en cas d’absence de déclaration ou de déclaration
tardive »[114].
Même solution pour le Conseil de la concurrence à propos des articles 7 de
l’ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du Traité CEE : pas
d’applicabilité de ce principe en cas d’application conjointe de ces deux
articles (infractions distinctes selon le Conseil, car l’article 85 suppose que
le commerce entre les états
membres soit concerné)[115].
Ou encore, pour des poursuites pénales pour publicité mensongère (articles L.
121-1, L. 121-5 et 6, code de la consommation), leur existence ne saurant faire
échec ni à la compétence du Conseil, ni à son pouvoir de sanction, le principe non bis in idem n’ayant pas lieu de
jouer[116].
Pour être complet, signalons que la Cour de justice des Communautés européennes
retient la même solution que le Conseil de la concurrence[117],
mais ajoute dans son arrêt qu’une « exigence
générale d’équité...implique qu’il soit tenu compte de toute décision
antérieure pour la détermination d’une éventuelle sanction ». N’est-ce
pas le cas lorsqu’il y a application simultanée
des deux règles par la même autorité ?
Pourtant, une évolution récente
de la Cour européenne, sans remettre en cause la consécration de la règle non bis in idem, tend à estomper les
divergences entre la jurisprudence française et la jurisprudence européenne,
quant à son application entre des juridictions distinctes. En effet, la Cour
européenne est revenue sur sa solution de 1995 en jugeant, le 30 juillet 1998[118],
que « l’article 4 du protocole n° 7
ne s’oppose pas à ce que des juridictions distinctes connaissent des
infractions distinctes, fussent-elles les éléments d’un même fait pénal ».
La position de la chambre criminelle s’en trouve donc confortée. Il nous semble
que la règle non bis in idem devrait
être étendue aux contentieux répressif de la matière pénale, quelle que soit la
nature de ce contentieux, pénal ou répressif administratif.
3°) Le procès équitable,
droit substantiel
41 - La construction d’un triptyque par vingt-deux ans d’évolution
européenne. En vingt-deux ans, entre l’arrêt Golder du 21 février 1975 et l’arrêt Hornsby du 19 mars 1997, la Cour européenne a finalement construit
un droit au procès équitable extrêmement large, droit qui comprend désormais
trois volets ; le droit à un procès équitable au sens large forme un tout,
un triptyque, dont le premier volet est le droit d’accès à un tribunal, le
deuxième, le droit à une bonne justice dans ses deux aspects d’organisation du
tribunal (indépendance, impartialité) et de garanties dans le déroulement de
l’instance (droit à un procès équitable au sens strict, publicité de l’audience
et délai raisonnable) ; le troisième volet, droit à l’exécution, est
désormais détaché de l’exigence du respect du délai raisonnable pour devenir un
droit autonome.
Dans les trois cas, il s’agit
bien d’un véritable droit substantiel, à caractère fondamental. C’est ce procès
qui constitue un modèle universel, dans le cadre d’un mouvement plus général de
mondialisation de la procédure qui participe à la modélisation des procès. Il
convient donc de préciser les principaux aspects de ce mouvement.
ii) la modélisation des procès
dans la mondialisation des procédures
42 - La mondialisation du droit et des procédures. Phénomène
marquant de cette fin de siècle, la mondialisation du droit[119]
concerne en tout premier lieu le droit du procès. Sous l’effet de l’attraction,
notamment internationale, de la procédure par les droits fondamentaux, un
modèle universel du procès apparaît, quel que soit le type de contentieux (A).
Parallèlement, en matière pénale, un modèle mixte, mi-accusatoire,
mi-inquisitoire, se construit en droit international et en droit européen (B).
Enfin, le modèle français se transforme, qu’il s’agisse du procès civil ou du
procès pénal, avec, de surcroît, un croisement des contentieux qui tend à
brouiller ce paysage ( C ).
a) un modèle universel : le
droit à un procès équitable
43 - Les garanties d’une bonne justice dans le modèle européen de la
Convention européenne des droits de l’homme. Le Pacte international
relatifs aux droits civils et politiques (article 14) et, surtout, la
Convention européenne des droits de l’homme, avec son article 6 §1 sur le
procès équitable, ont beaucoup contribué, sinon au rapprochement des
procédures, tout au moins, au-delà de leur diversité maintenue, à la
construction d’un fonds commun procédural qui s’impose à tous les Etats soumis
à l’emprise de ces instruments internationaux (sur lesquels, v. supra, I, B). Véritable socle de
standards d’une bonne justice ces droits fondamentaux du procès contribuent
déjà à la modélisation des procès, quel que soit d’ailleurs le type de
contentieux, quel que soit le pays. En effet, la notion de matière civile, pas
plus que celle de matière pénale ne recoupe le procès civil ; une matière
civile peut faire l’objet devant une juridiction civile, mais aussi devant une
juridiction administrative ou disciplinaire ; même remarque pour la
matière pénale, qui n’appartient pas qu’aux juridictions répressives stricto sensu, qui déborde sur le
contentieux répressif administratif, économique par exemple. Le modèle européen
issu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en est d’autant plus
transversal, par rapport à nos schémas traditionnels. Il est d’autant plus
utile que certains contentieux nouveaux, ceux nés de la régulation économique
par des autorités de marché, n’ont pas toujours disposé, tout au moins à
l’origine, de règles de procédure suffisamment précises pour que soient
respectés les principes fondateurs d’une procédure démocratique et respectueuse
des droits de la défense. C’est ainsi que l’assemblée plénière de la Cour de
cassation a rappelé, dans un arrêt du 5 février 1999, que le principe de la
séparation des autorités de poursuite, d’enquête et de jugement s’appliquait
aux procédures quasi-pénales, par exemple devant la Commission des opérations
de bourse.
Ce droit à un procès équitable
s’exprime aujourd’hui à travers un triptyque, déjà signalé, v. supra, n° 41.
b) un modèle pénal mixte en droit
international et européen
44 - L’accusatoire et l’inquisitoire dans la procédure suivie devant le
tribunal pénal international de La Haye. En juillet 1998, les 9 et 10
précisément, il s’est passé à La Haye un événement important au Tribunal pénal
international ad hoc, compétent pour
connaître des crimes contre l’humanité commis dans l’ex-Yougoslavie et qui
préfigure la future Cour pénale internationale. Ces jours-là, le Tribunal a
modifié pour la treizième fois son règlement de procédure et, sous la
présidence d’un juge américain, a mis en place un juge de la mise en
état des affaires pénales pour contrôler l’action du Procureur pendant la phase
de recherche des preuves. En d’autres termes, l’inquisitoire a fait reculer
l’accusatoire, la procédure française l’a emporté, à ce stade du procès, sur la
procédure anglo-saxonne, jugée inapte à permettre le fonctionnement de cette
juridiction pendant la phase d’enquête. Dans le même temps, il était décidé de
confier aux magistrats participant à la juridiction de jugement un pouvoir de direction
pour fixer l’ordre des dépositions, pour intervenir dans l’interrogatoire des
parties et pour obliger les parties, dont le Procureur, à produire leurs
preuves.
45 - L’accusatoire et l’inquisitoire dans la procédure suivie devant la
future Cour pénale internationale. Parallèlement à ce qui se passait à La
Haye, était adoptée à Rome, le 17 juillet 1998, la Cour pénale internationale
qui entrera en vigueur soixante jours après que le soixantième Etat aura déposé
ses instruments de ratification (120 Etats sur 160 ont voté pour le statut de
la nouvelle Cour, mais trois grands, les Etats Unis, la Chine et l’Inde, ainsi
qu’Israël, ont voté contre). Compétente pour connaître des génocides, des
crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des agressions, la Cour, qui
siégera à La Haye, suivra une procédure mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire,
mais à dominante largement accusatoire, le partage n’étant pas moitié-moitié.
Il n’en reste pas moins que le modèle de common
law n’a pas été adopté pour l’ensemble de la procédure.
- Il y aura une phase préalable
de mise en état du procès pénal. Celle-ci sera placée sous la domination du
Procureur qui jugera de la nécessité d’ouvrir une enquête, d’engager des
poursuites. S’il décide de ne pas poursuivre, il en informe les Etats
concernés, le Conseil de sécurité et la chambre « préliminaire » (=
d’instruction) qui ont un pouvoir d’examen de cette décision de ne pas
poursuivre. S’il décide de poursuivre, le Procureur il demande la remise de la
personne ou sa présentation devant la chambre préliminaire. C’est lui qui aura
la charge de la preuve. Commence alors une phase inquisitoire.
En effet, l’instruction devant la
chambre préliminaire est, en partie, inspirée du modèle français et est conçue
comme l’avait souhaité la France avec une procédure en deux temps. Dans un
premier temps, la chambre préliminaire instruit, c’est à dire prend des actes
relatifs à la liberté individuelle, comme le fait jusqu’à présent un juge
d’instruction français (mise en détention, mise en liberté) ; mais la
chambre ne fait qu’aider les personnes à rassembler les preuves ; elle
dispose cependant de prérogatives particulières quand les preuves risquent de
disparaître (exhumation, personnes malades). Mais la chambre n’instruit pas au
sens français du terme, puisqu’il appartient au Procureur de rassembler les
preuves. Dans un second temps, la chambre préliminaire organisera une audience
de confirmation, au besoin sans la présence de la personne poursuivie, mais
selon une procédure plus proche du modèle anglo-saxon ; au cours de cette
audience, le Procureur présentera ses charges, que les personnes poursuivies
pourront contester. L’audience se termine par une décision de renvoi devant la
Cour ou de non-lieu ou de suspension de confirmation ; la majorité simple
est requise et les opinions dissidentes ne seront pas exprimées.
La phase de jugement devra
toujours se faire en présence de l’accusé, la contumace n’étant pas prévue. La
procédure est alors conforme à ce que voulaient les autres Etats, c’est à dire
accusatoire.
46 - L’accusatoire et l’inquisitoire dans le modèle européen du Corpus juris portant dispositions
pénales pour la protection des intérêts financiers de l’Union européenne.
Rédigé par un groupe de juristes réunis sous l’autorité de Mme Mireille
Delmas-Marty, ce texte devrait permettre la libre circulation des magistrats
dans un espace judiciaire rénové, dès lors que sont en cause les intérêts
financiers de l’Union européenne[120].
Il vise ainsi à pallier les insuffisances actuelles des instruments
traditionnels de lutte contre la criminalité internationale et la corruption[121].
a) L’idée générale est
d’abandonner les notions, classiques en droit communautaire,
« d’harmonisation » et « d’assimilation » qui devaient
conduire à « l’unification » du droit en Europe. Il s’agit de mettre
en œuvre un instrument proprement communautaire, applicable directement sur
l’ensemble du territoire européen. Le Corpus
juris donne une définition des infractions les plus fréquentes dans la
protection des intérêts financiers de la Communauté européenne (fraude au
budget communautaire, fraudes à la passation des marchés, corruption, abus de
fonction, malversation, révélation de secrets de fonction, blanchiment, y
compris le recel, association de malfaiteurs) et prévoit la responsabilité
pénale des personnes morales.
b) Surtout, le Corpus juris contient des règles de
procédure. Celles-ci reposent toutes sur l’idée que « pour les besoins de la recherche, de la poursuite, du jugement
et de l’exécution des condamnations [...], l’ensemble des territoires des Etats
membres de l’Union européenne constitue un espace judiciaire unique ».
C’est le principe de territorialité européenne. D’où une compétence élargie des
procureurs nationaux qui pourront se déplacer librement sur le territoire de
l’Union ; ce seront des procureurs itinérants. D’où aussi le caractère
exécutoire, dans les autres Etats, des mandats délivrés par un Etat membre,
ainsi que des jugements rendus par les tribunaux nationaux. D’où enfin et
surtout, la création d’un véritable ministère public européen, avec le
désignation, parmi les procureurs nationaux et sous l’autorité d’un Procureur
général placé à Bruxelles, de procureurs européens compétents pour les
infractions relevant de la protection des intérêts financiers de l’Union. Ces
procureurs européens bénéficieraient du principe d’indivisibilité du Parquet et
de solidarité entre eux. Chacun devrait apporter son assistance aux autres
procureurs nationaux. Le Procureur général assurerait la coordination et l’impulsion
de l’ensemble. Tout ceci fait penser au F.B.I. américain.
c) Les règles de procédure
réalisent la synthèse des procédure accusatoire et inquisitoire. Si l’autorité
publique a le monopole des enquêtes et de la poursuite (procédure
inquisitoire), il est créé un juge des libertés, juge national chargé, dans la
phase préparatoire, d’autoriser tous les actes attentatoires aux libertés
individuelles non seulement des mis en cause, mais aussi des témoins (système
accusatoire). Ce juge contrôlerait la légalité et la régularité des mesures
demandées par les procureurs et le respect des principes de nécessité et de
proportionnalité.
En ce qui concerne les preuves,
le Corpus juris d’une part, prévoit
des règles minimales communes afin de réduire l’hétérogénéité des critères
nationaux d’admissibilité des preuves, d’autre part, prévoit des modes de
témoignages adaptés au caractère international de ces procédures ; ainsi,
les témoignages pourront être recueillis par relais audiovisuel, à partir des
déclarations du témoin dans un autre Etat membre ; de même, un
procès-verbal d’audition, devant un juge, en présence de la défense, pourra
être enregistré par vidéo, à la fois pour les témoins et pour l’accusé, pourvu
que soient respectés les droits de l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme.
La phase de jugement se déroulera
selon les règles internes à l’Etat membre.
c) un modèle
français en devenir
47 - Vers un nouveau modèle de procès civil. Avec le décret n°
98-1231 du 28 décembre 1998, le juge de la mise en état est compétent pour
connaître de toutes les exceptions de procédure que lui présenteraient les
parties postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, alors
que dans le droit antérieur à ce décret il ne pouvait connaître que des
exceptions dilatoires et des nullités pour vice de forme (art. 771, al. 2, réd.
issue de l’article 16 du décret). L’objectif est clair : arriver à
l’audience de jugement avec un dossier complètement apuré de tous les incidents
de procédure ; ainsi se profile plus nettement qu’autrefois une instance
en deux phases fonctionnellement bien distinctes : une phase d’instruction
et de jugement des incidents et une phase de jugement au fond.
48 - Vers un nouveau modèle de procès pénal ? Largement
inquisitoire dans la phase de l’instruction, le procès pénal français pourrait
s’orienter prochainement vers un modèle mixte, teinté d’accusatoire dès la
phase de l’instruction. On assisterait ainsi à la même évolution que pour le
modèle retenu au niveau international pour la Cour pénale internationale et par
le Corpus juris pour les infractions
mettant en cause les intérêts financiers de l’Union. Les premières tentatives
sont apparues en 1993, avec la loi du 4 janvier qui accroît les droits des mis
en examen (demandes d’investigation, etc..). Surtout, le projet en cours de
discussion devant le Parlement au printemps 1999 accentue le caractère
accusatoire de l’instruction :
- il prévoit l’instauration d’un
juge de la détention provisoire, distinct du juge d’instruction, qui statuera
sur les placements sous mandat de dépôt, leurs prolongations et les demandes de
remise en liberté. Les audiences seraient publiques si le mis en examen en fait
la demande.
- Le projet prévoit aussi
l’intervention de l’avocat dès la première heure de garde à vue.
- Les personnes mises en examen
et les parties civiles pourraient demander au juge d’instruction « tout acte qu’elles estiment
nécessaire à la manifestation de la vérité ». Mais le projet ne va
très loin dans l’accusatoire puisque l’enquête reste l’œuvre du juge et que le
juge pourra toujours, sous le contrôle de la chambre d’accusation, refuser la
mesure demandée, ce qui ne devrait pas changer grand chose par rapport au
système actuel qui n’associe qu’avec parcimonie les parties privées à la
conduite de l’instruction.
- Le caractère contradictoire des
expertises pénales serait renforcé et, au cours de l’audience de jugement, les
avocats auraient la possibilité d’interroger directement les témoins, sans
passer par l’intermédiaire du président.
- Un calendrier prévisionnel de
l’instruction serait établi afin de favoriser le respect du caractère
raisonnable du délai de la procédure. Ce calendrier serait notifié aux parties
par le magistrat instructeur en début de procédure et, à l’expiration du délai
fixé, au plus tard au bout d’un an, les parties pourraient demander au juge, si
l’information est toujours en cours, de clôturer la procédure. A défaut de
réponse ou si le juge souhaite continuer l’instruction, les parties saisiraient
la chambre d’accusation.
Certains députés, tous clivages
politiques oubliés, auraient voulu aller plus loin et basculer largement vers
un système davantage accusatoire, mais le Garde des Sceaux n’a pas souhaité
dépasser les axes d’origine du projet du gouvernement, arguant des
inconvénients de la procédure accusatoire à l’anglo-saxonne : « faible contrôle juridictionnel sur
les activités policières » et procédure qui ne serait « bonne que pour les riches qui peuvent
s’offrir certains avocats »[122].
Vision un peu caricaturale, mais réaliste, car on ne peut importer brutalement
un système accusatoire de common law,
dans un pays de tradition inquisitoriale et de culture juridique
romano-germanique. Le projet s’il est voté apportera déjà un réel progrès dans
la protection des libertés des mis en examen, même s’il reste insuffisant au
regard des pouvoirs des juges d’instruction et de leur lobbying inacceptable, puisqu’il ne revient pas à ceux qui sont
chargés d’appliquer la loi d’en contester, par avance et par tous les moyens, les
changements que le représentation nationale, seule autorité légitime,
souhaitent introduire dans notre législation.
49 - Des modèles qui se brouillent : le croisement des contentieux. Le contentieux confié aux autorités
administratives indépendantes relève souvent, en appel, du ressort de la Cour
d’appel de Paris, devenue ainsi, pour certains, une juridiction administrative[123].
Les règles du nouveau code de procédure civile sont donc applicables en appel
et en cassation à des procès qui ne les ont pas connus en première instance. Il
faut même appliquer le droit répressif procédural dégagé par la Cour européenne
des droits de l’homme, dans la mesure où ces procédures font partie de la
matière pénale, lorsque ces autorités ont prononcé des sanctions qui, pour être
administratives, n’en sont pas moins répressives. Il arrive même, selon la
nature de la décision prise par cette autorité que le recours soit porté devant
une juridiction de l’ordre judiciaire ou, au contraire, devant une juridiction
administrative, ainsi pour les décisions de l’Autorité de régulation des
télécommunications[124].
Le contentieux sportif est mixte
lui aussi, les institutions sportives étant complémentaires des juridictions
étatiques[125].
Contentieux brouillé encore
lorsque le législateur décide, par exemple, que l’on appliquera devant le TGI
compétent, dans certaines hypothèses, pour connaître des procédures collectives
des entreprises en difficultés, les règles de la représentation devant le
tribunal de commerce (art. 175, décret n° 85-1388, 27 déc. 1985 qui renvoie aux
l’article 853 et s., NCPC).
Croisement encore, lorsque les
juges administratifs appliquent le droit privé dans les relations de
l’administration avec certaines personnes privées, par exemple pour la
responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l’égard des
maîtres d’ouvrages publics[126].
A l’inverse, le juge judiciaire est parfois amené à appliquer le droit
administratif[127].
Enfin, le juge civil est parfois
conduit à appliquer des dispositions procédurales de la loi sur la presse,
notamment lorsque le juge des référés est saisi en matière de diffamation[128].
La jurisprudence est allée très loin en acceptant la compétence du juge civil
des référés (TGI), dans les affaires de diffamation pour faire cesser rapidement,
immédiatement, toute atteinte à l’honneur ou à la vie privée, nonobstant la loi
du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Consacré par la deuxième
chambre civile, même lorsque cette loi interdit de porter l’action civile nés
des délits de diffamation devant la juridiction civile, ce recours au juge des
référés civil connaît un développement considérable[129].
Le précédent jurisprudentiel lointain était venu d’une juridiction de référé
qui avait sanctionné des propos relatifs aux chambres à gaz[130].
Il s’était poursuivi par la
condamnation de propos diffamatoires, en référé, par un arrêt confirmatif qui
fut cassé, précisément par l’arrêt de la deuxième chambre du 5 fév. 1992, mais
pour non-respect du délai de 10 jours (la cour retenant le principe de la
compétence)[131]. La
seule réserve est en effet, de respecter, au profit de la personne attraite en
référé pour diffamation, le délai de 10 jours que la loi de 1881 lui accorde
pour apporter la preuve de la véracité des allégations prétendues
diffamatoires. Cette dernière exigence conduit d’ailleurs à une situation
curieuse, puisque le juge saisi va statuer par une première ordonnance, retenir
sa compétence, ne pas vider sa saisine et prendre sa décision définitive 10
jours plus tard au vu des éléments fournis. La mesure peut aller jusqu’à la
saisie du livre ou de la publication ou la suppression de certains passages du
livre[132].
Enfin, la question est posée de
savoir si la décision obtenue en référé ne permet pas ensuite d’aller, avec
plus de chances de succès, devant le juge pénal. Il y aurait alors une sorte
d’action (en référé) pour « voir », pour tester ses chances dans une
procédure pénale future. On l’a vu récemment dans l’affaire précité où les deux
personnalités attaquées injustement avaient choisi des voies différentes, l’une
au civil, en référé, l’autre directement au pénal. L’action de la première
pouvait servir la seconde et n’interdisait pas à celui qui l’avait choisie de
porter son action au pénal. A l’inverse, le fait de ne citer, devant la
juridiction pénale, que l’un des participants à l’infraction, tels que désignés
aux articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, épuise le droit de la
victime d’une diffamation par voie de presse d’attraire, en raison de la même
infraction, les autres participants à celle-ci devant la juridiction civile.
L’action intentée par la victime d’une telle diffamation devant la juridiction
civile à l’encontre de l’auteur des écrits litigieux est en conséquence
irrecevable, dès lors que ces écrits ont servi de fondement à la citation
antérieure de l’éditeur, par la même victime devant la juridiction répressive[133].
iii) l’émergence
de nouveaux principes directeurs du procès
50 - Les principes directeurs actuels : opposition entre la
procédure civile et les autres types de procédure. La procédure civile est,
sur ce point au moins, nettement en avance sur les autres contentieux, dans la
mesure où le code qui la régit comporte l’énoncé de principes directeurs dans
un chapitre qui porte cet intitulé (articles 1 à 24). On y trouve pêle-mêle, le
principe accusatoire ou d’initiative, selon lequel les parties ont la maîtrise
de l’impulsion du procès, le principe dispositif qui confère aux parties la
maîtrise de la matière litigieuse, le principe du respect des droits de la
défense et du contradictoire, le principe (largement atténué d’ailleurs) de
l’immutabilité du litige qui empêche les parties de modifier le cadre de
l’instance une fois qu’elle est engagée et, surtout, le principe de
l’indisponibilité du litige, de son objet, le juge ne pouvant pas le modifier
(art. 5) ; on y ajoutera le principe que les parties sont tenues à une
obligation de réserve envers la justice (article 24, NCPC).
Les autres contentieux ne sont
pas régis officiellement, de source législative, par des principes directeurs.
On les chercherait en vain dans le code de procédure pénale ou dans le code des
tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, codes de
procéduriers, pas de processualistes. Et pourtant leur énoncé ne serait pas
inutile pour cadrer l’action des acteurs de ces deux types de procès. Quant aux
procédures disciplinaires ou suivies devant les autorités administratives
indépendantes, elles ne retrouvent des principes directeurs que dans la
jurisprudence qui va chercher dans les principes procéduraux de droit naturel
(largement inspirés de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme) les principes directeurs de ces contentieux.
Une tentative a été faite, en
procédure pénale, hors code, avec l’énoncé de dix principes directeurs par la
commission « justice pénale et
droits de l’homme », présidée par Madame Delmas-Marty. On y trouve le
principe de légalité, la garantie des libertés, le principe de
proportionnalité, la présomption d’innocence, le respect des droits de la
défense, l’égalité entre les justiciables, le dignité de la personne humaine,
l’égalité des armes, la célérité de la procédure et l’accès des victimes à la
justice pénale. On remarquera que certains de ces principes sont directement
repris du droit européen (proportionnalité, égalité des armes, célérité, accès
à la justice). En doctrine, une présentation de trois principes directeurs a
été faite en ouverture d’un manuel de procédure pénale, pour en constituer la
première partie : l’unité de la justice civile et de la justice pénale, la
présomption d’innocence et la théorie des preuves ;[134]
on est donc assez loin des dix principes retenus par la commission précitée, le
respect des droits de la défense n’y figurant pas à titre autonome. Enfin, le
projet de loi visant à réformer la procédure pénale, en cours de discussion au
Parlement (mars/avril 1999), contient dans son article 1er, l’exposé
de principes directeurs du procès pénal qui, s’ils sont adoptés, figureront en
article préliminaire du code de procédure pénale : présomption d’innocence
et respect des droits de la défense et du principe du contradictoire ;
compétence exclusive de l’autorité judiciaire pour décider de mesures de
contrainte ou les contrôler ; ces mesures devront avoir un caractère
proportionnel à la gravité de l’infraction reprochée et être strictement
limitées aux nécessités de la procédure ; respect d’un délai raisonnable
pour statuer sur l’accusation ; réparation et répression des atteintes à
la réputation de la personne accusée par les dispositions du code de procédure
pénale, du code civil, du code pénal et des lois sur la presse ;
compétence de l’autorité judiciaire pour veiller à la garantie des droits des
victimes au cours de toute procédure pénale.
51 - Vers de nouveaux principes directeurs communs à toutes les
procédures. Si, en partant des grandes évolutions de notre société, des
attentes nouvelles des justiciables, on recherche un dénominateur commun à tous
les contentieux, dans une perspective prospective, quels sont les principes
directeurs susceptibles de se dégager en cette fin de siècle ? Avec le
risque d’en oublier ou, plus exactement de minimiser certaines évolutions, nous
avancerons l’idée que trois principes se profilent derrière les principes
actuellement retenus, qui correspondent à des besoins nouveaux, telles que les
expriment les justiciables et les citoyens : un besoin de loyauté,
notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin de dialogue entre les
parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de célérité (que l’on
trouvait déjà dans les principes énoncés par la commission justice pénale et
droits de l’homme). Ce sont les principes directeurs de demain. Deux de ces
principes font l’objet de recherches sous notre direction, en vue de la
soutenance d’une thèse[135].
a) le principe
de loyauté
52 - En procédure civile. Ce principe n’apparaît pas en tant que
tel dans le nouveau code de procédure civile ; indirectement on le trouve
exprimé dans le droit de la preuve, aux articles 9 (« conformément à la
loi ») et 10 (« mesures légalement admissibles »), dispositions
que l’on retrouve dans les textes sur les mesures d’instruction. Motulsky y
voyait l’une des composantes des droits de la défense, au même titre, pour les
parties, que l’obligation de donner connaissance de l’introduction de
l’instance et de l’obligation de permettre la comparution et aux côtés de
l’obligation, pour le juge, de sanctionner les violations des droits de la
défense commises par les parties, d’observer une stricte neutralité et de
motiver ses jugements et, pour le législateur, d’organiser un système rationnel
de voies de recours[136].
Le principe de loyauté
procédurale tend à acquérir une importance autonome, au-delà du domaine de la
preuve[137].
Cette évolution doit être rapprochée de l’interdiction de se contredire au
détriment d’autrui, (qui est une forme de l’obligation de loyauté) et de
l’introduction de l’estoppel en droit français. En effet, sont récemment
apparues en droit interne français des hypothèses où le juge a rejeté la
prétention d’un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une
situation qu’il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur
les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l’apparence ou de la
règle nemo auditur ; ainsi,
lorsqu’une « mère » adoptive sollicita la révocation de l’adoption du
jeune homme qu’elle n’avait adopté, en fait, que pour échapper, en tant que
bailleur, à la législation sur les baux ruraux[138] ;
ou encore, lorsque le cédant d’actions sociales n’ayant pas notifié cette
cession invoque l’absence d’agrément des cessionnaires[139] ;
ou enfin, lorsqu’il est décidé « qu’un
prévenu n’est pas recevable à invoquer l’inopposabilité en France d’une
décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa demande »[140].
Cette interdiction de se contredire au détriment d’autrui, véritable principe
général du droit du commerce international[141]
et qui tend à être sanctionné par l’irrecevabilité en droit privé interne (donc
présenté par le moyen d’une fin de non-recevoir) pourrait, selon un auteur,
être systématisée, formalisée par l’institution anglaise de l’estoppel, « mécanisme purement défensif, enraciné dans l’équité et tendant à
la moralisation des comportements processuels »[142].
Ce mécanisme pourrait même, dans l’ordre international, « prendre le relais de la fraude au jugement »[143].
En tout cas, on voit poindre, en droit français, une technique d’irrecevabilité
fondée sur l’idée plus générale de loyauté dans le pouvoir d’agir en justice.
Il ne serait pas anormal alors, d’y voir une nouvelle fin de non-recevoir,
plutôt qu’une défense au fond ; on remarquera à cet égard que dans le
lexique anglo-français du Conseil de l’Europe (1993), l’estoppel correspond à
trois institutions françaises, dont la fin de non-recevoir[144].
53 - En procédure pénale. Contrairement à ce que l’on pourrait
croire, compte tenu de l’importance de ce contentieux pour la protection des
libertés fondamentales, la procédure pénale ne consacre pas encore une
obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves. Il est
significatif de signaler, à cet égard, qu’en mars 1999, au cours du débat à
l’Assemblée nationale sur la réforme de la procédure pénale et de la
présomption d’innocence, un amendement tendant à ce qu’il soit statué sur
l’accusation « sur le fondement de
preuves loyalement obtenues » a été combattu par des députés et
notamment par un avocat ! On aurait cru la jeune génération de députés
venus du Barreau plus proche des libertés et droits fondamentaux qui fondent
notre procédure pénale[145].
Certes, le policier dans
l’enquête, comme le juge d’instruction dans l’instruction, doivent administrer
la preuve dans le respect du principe de légalité, ce qui implique que cette
administration soit loyale, sans stratagème ni artifice. C’est la fameuse
affaire Wilson de 1888 dans laquelle
les Chambres réunies de la Cour de cassation avaient sanctionné l’attitude d’un
juge qui s’était fait passer pour un tiers, au téléphone, afin de mieux
obtenir, par la ruse, les confidences d’un complice de l’infraction[146].
La chambre criminelle a confirmé cette jurisprudence par la suite[147].
Même solution pour un policier qui avait enregistré les propos d’un suspect en
dissimulant un magnétophone[148].
C’est aussi tout le problème des écoutes téléphoniques, pour lequel
l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux internationaux est
forte, puisque la France a dû adapter sa législation par une loi du 10 juillet
1991, suite à sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme[149].
Pour autant, l’obligation de
loyauté n’est pas encore, en procédure pénale, un impératif absolu, comme on va
pouvoir en juger : beaucoup reste à faire pour conforter le principe de
loyauté :
- Ainsi, est-il admis depuis
l’arrêt Wilson, que si un juge ne
peut procéder par ruse, la même obligation ne pèse pas avec la même force sur le
policier, « la dignité ayant des
exigences variables suivant le rang qu’on occupe dans la hiérarchie ».
D’où l’admission de la preuve par un cinémomètre associé à un appareil de photo
et dissimulé, ce procédé ne portant pas atteinte, selon la Chambre criminelle,
à la vie privée (protégée par l’article 8 de la Convention européenne)[150].
De même, le principe de loyauté oblige seulement les policiers ou gendarmes à
justifier de l’homologation de l’appareil qu’ils utilisent pour contrôler le
taux d’alcoolémie des conducteurs ; ils n’ont pas à joindre le ticket
imprimé par l’appareil, la preuve de l’alcoolémie résultant suffisamment du
taux indiqué sur le P.V par le policier[151].
- Les provocations policières
elles-mêmes sont admises, dès lors qu’elles visent seulement à administrer la
preuve de l’infraction, alors qu’elles entraînent la nullité de la procédure si
elles tendent à provoquer une infraction. « La
chambre d’accusation a justifié sa décision d’étendre la nullité des écoutes
téléphoniques aux actes de la procédure qui les ont suivies dès lors que
l’interpellation de l’intéressé a procédé d’une machination de nature à
déterminer ses agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la
recherche et l’établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe
de la loyauté des preuves »[152].
- De même, les parties civiles
peuvent produire en justice des preuves établies de manière déloyale[153],
voire au prix d’une infraction, par exemple en matière d’écoutes téléphoniques
illégales[154]. « Aucune disposition légale ne permet
aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au
seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale »[155].
Le juge doit joindre ces éléments au dossier pénal, les victimes pouvant faire
ce que les policiers ne peuvent faire ! Cette jurisprudence est tout à
fait critiquable, la déloyauté devant être sanctionnée d’où qu’elle provienne.
On va pourtant la retrouver dans le contentieux répressif économique.
54 - En contentieux économique. Devant les autorités
administratives indépendantes et spécialement devant le Conseil de la
concurrence, la jurisprudence, dans le silence des textes a dégagé une
obligation de loyauté dans la recherche des preuves des infractions[156],
s’inspirant en cela de la procédure pénale, ce qui n’est guère étonnant dans
une procédure qui relève de la matière pénale au sens de la jurisprudence de la
Cour européenne. Cette jurisprudence de la Cour de Paris comporte deux aspects[157] :
- d’une part, l’obligation, pour
les enquêteurs, de faire connaître l’objet de leur enquête aux personnes
interrogées ; il est piquant que l’on redécouvre une obligation qui fut
l’une des conquêtes du droit procédural moderne contre le droit de l’Ancien
régime ;
- d’autre part, l’obligation de
respecter une véritable déontologie de l’enquête. Ainsi, les enquêteurs ne
doivent pas présenter l’objet de leur enquête comme étant simplement le moyen
de vérifier le prix des carburants, alors que l’objet véritable de cette
enquête est de rechercher des déclarations qui seront ensuite utilisées pour
faire la preuve, contre les personnes interrogées, d’une pratique
anticoncurrentielle.
En revanche, le Conseil de la
concurrence admet, comme en procédure pénale, que les moyens de preuve obtenus
d’une manière déloyale par les parties peuvent être produits devant lui,
notamment l’enregistrement et la transcription des conversations téléphoniques
obtenues à l’insu de l’intéressé ; le Conseil se réfère expressément la
décision précitée de la Chambre criminelle du 15 juin 1993, reprenant sa
motivation, ajoutant qu’il est « chargé
de la défense de l’ordre public économique et non de se prononcer sur le
bien-fondé des demandes dirigées par une partie contre une ou plusieurs
autres »[158].
b) le principe
de dialogue
1°) Dans le procès civil
55 - Illustrations diverses. On ne peut reprendre ici tous les
exemples contemporains qui illustrent la percée de ce nouveau principe
directeur en procédure civile. Pour l’essentiel, on notera qu’il se manifeste à
tous les stades de l’instance.
a) Dans l’introduction de l’instance
56 - La requête conjointe. C’est bien sûr la possibilité
d’introduire l’instance par requête conjointe (art. 54 et 57 et s., NCPC), cet
espoir mis par les rédacteurs du code dans l’esprit de conciliation, en tout cas
de dialogue, qui irait jusqu’à s’entendre sur l’existence de son différend au
point de saisir ensemble le juge. La lecture de l’exposé des motifs du décret
du 9 septembre 1971 révèle l’importance que revêtait, pour ses rédacteurs, la
faculté offerte aux plaideurs de s’entendre avant le déclenchement des
hostilités pour saisir conjointement le tribunal par une requête. Espoir déçu
sans doute, à en juger à l’utilisation quasiment inexistante de ce mode
d’introduction de l’instance en dehors du divorce[159].
57 - L’assignation qualificative. Le dialogue c’est aussi le
dialogue entre le juge et les parties, dès l’introduction de l’instance que
consacre le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, en imposant une assignation
qualificative. Dès l’introduction de l’instance par assignation, les parties
ont l’obligation depuis le 1er mars 1999, de préciser « l’objet de la demande avec un exposé
des moyens en fait et en droit », ainsi que l’exige désormais
le nouvel article 56, al. 1er, 2°). En fait et en droit, dit le nouveau
texte, mais n’était-ce pas déjà le cas dans la plupart des assignations, tout
au moins lorsque les avocats jouaient le jeu déontologique de la qualification
des prétentions[160] ?
Cette obligation, désormais légale et non plus seulement déontologique, ne
remet pas en cause les principes directeurs du procès civil, ces tables de la
loi fondatrices de notre procédure civile contemporaine ; on ne saurait, à
cet égard, invoquer les articles 6 et 12 pour y voir une atteinte à une summa divisio qui passerait par une
division dogmatique entre le fait qui appartiendrait aux parties et le droit
qui relèverait de la compétence exclusive du juge ; la doctrine
contemporaine a maintes fois souligné que cette vision deviendrait caricaturale
s’il fallait la tenir pour une répartition rigide du rôle respectif des parties
et du juge. Avoir l’obligation d’alléguer les faits propres à fonder les
prétentions (art. 6, NCPC) n’a jamais signifié que les parties ne pouvaient pas
intervenir dans le domaine du droit ; d’ailleurs, l’article 12, al. 2
reconnaît implicitement aux parties la possibilité de qualifier les faits
puisque le juge est fondé dans une telle hypothèse à donner ou restituer aux
faits et aux actes litigieux leur exacte qualification, sans s’arrêter à la
dénomination que les parties en auraient proposée ; de même et à
l’inverse, avoir l’obligation de statuer en droit pour le juge (art. 12, al. 1er,
NCPC) n’a jamais signifié que les parties se voyaient interdire toute
intervention en ce domaine. La nouvelle rédaction de l’article 56 a donc le
mérite de clarifier le rôle exact des parties, plus exactement de leurs
représentants, dans la présentation de leur affaire au juge ; l’obligation
légale d’exposer le droit conforte l’ardent impératif déontologique de qualifier
les prétentions. N’est-ce pas le moins que l’on puisse exiger d’un auxiliaire
de la justice ? Il n’est guère admissible qu’un dossier puisse être
présenté sans un minimum de droit, avec seulement un exposé des faits, à charge
pour le juge de se débrouiller avec cet exposé ; l’œuvre de justice est
une œuvre commune et la chose commune se détermine dès l’introduction de
l’instance. La sanction est la nullité de l’assignation puisque l’ajout est
inséré dans l’alinéa 1er qui commence par ces mots « l’assignation contient à peine de
nullité...[161] ».
b) Dans le déroulement du procès civil
58 - Le dialogue dans la
mise en état des affaires civiles. Les textes et la pratique de la mise en
état des affaires civiles confortent le principe de dialogue. Ainsi, toute la
réglementation de la mise en état devant le tribunal de grande instance, dans
le nouveau code tel qu’il était à l’origine, repose sur la nécessité d’un
dialogue entre le juge et les représentants des parties, dès la conférence du
président[162]. Le
dialogue est intimement lié au principe de la contradiction, lequel ne se
conçoit pas sans échanges entre le juge et les parties ou entre les parties. Le
dialogue est aussi inscrit au articles 8 et 13 avec la possibilité reconnue au
juge de solliciter l’avis des parties sur les faits et sur le droit. Mais de la
théorie à la réalité il y a une marge, les choses ne se passant pas tout à fait
comme les rédacteurs du code l’avaient envisagé. Le code a prévu la tenue d’une
audience dite d’appel des causes, afin que le président puisse conférer avec
les avocats en vue de connaître l’état d’avancement de l’affaire et déterminer
avec eux la suite à lui réserver, selon l’état d’instruction du dossier. D’où
l’article 759, dont l’alinéa 2 dispose que le président « confère de
l’état de la cause avec les avocats présents ». En pratique,
malheureusement, en raison de la pratique contra
legem, de la remise au greffe de la constitution de l’avocat du défendeur,
non pas par cet avocat, mais par celui du demandeur les choses ne se passent pas
ainsi. L’avocat du demandeur vient seul à l’audience (le plus souvent, l’avocat
du défendeur n’est même pas prévenu de la date de l’audience d’appel des
causes, n’étant pas encore connu du greffe, par hypothèse) ; il remet, ce
jour là, la constitution d’avocat de son adversaire, ce qui évite à ce dernier
un déplacement au Palais mais présente l’inconvénient de ne pas permettre la
conférence avec le président au cours de l’audience d’appel des causes, à la
date initialement fixée par le président. L’audience qui aurait dû être un
temps d’échanges, de premiers échanges, d’une véritable conférence à trois (ou
plus) se transforme en un dialogue entre le président et l’avocat du demandeur
et en une audience de renvoi !
Dans le souci de répondre aux
besoins des avocats et d’une saine concertation entre le juge civil et les
auxiliaires de justice, la pratique s’est instaurée d’établir un calendrier de
conférences successives entre le président et les avocats, au cours des
audiences d’appel des causes qui se succèdent au sein de la juridiction.
L’avantage est de permettre une bonne appréhension du dossier par le président,
de laisser aux parties un peu de temps, mais sous le contrôle du président et
dans les délais qu’il leur impartis d’audiences en audiences. L’inconvénient,
outre de ne pas tenir compte du texte de l’article 761, qui ne semblait pas
avoir prévu la tenue de plusieurs conférences pour la même affaire (à preuve la
demande de renvoi de l’une des parties à titre de sanction, mais ici, on
suppose un accord entre les parties pour les renvois successifs), c’est que
cette pratique transforme le rôle du président et la nature de cette procédure.
Le président devient un juge de la mise en état et la procédure d’appel des
causes une procédure d’instruction de l’affaire, avec des phases de
concertation. Les avocats étant d’accord sur cette pratique, on ne peut que
l’encourager si elle doit favoriser une meilleure instruction des affaires et
un délai de jugement raisonnable. En tout cas, elle favorise le dialogue entre
les parties et le juge[163].
Le décret précité du 28 décembre
1998 accentue cette obligation de dialogue en permettant au président de la
chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge de la mise en état de
demander aux représentants des parties d’accomplir leurs nouvelles obligations
en matière de conclusions qualificatives et récapitulatives, avant que la
sanction ne tombe. Ce nouveau pouvoir d’injonction est aussi un élément du
dialogue entre le juge et les parties ; il doit être rapproché de l’actuel
13 du nouveau code qui permet au juge d’inviter les parties à fournir les
explications de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige. Dans le
premier cas l’invitation du président lui permettra d’utiliser le circuit court
de la conférence avec les avocats pour mettre l’affaire en état ; dans le
second cas, le juge (ou le conseiller) de la mise en état pourra parvenir plus
rapidement à une clôture de l’instruction.
59 - Le dialogue entre les parties et le ministère public. Cela
concerne tant les juridictions du fond que la Cour de cassation, avec des
dispositions communes dans les articles 443 et 445.
- Lorsque le ministère public est partie jointe, il a la parole en
dernier (article 443, al. 1er, NCPC). Mais les parties peuvent
transmettre à la juridiction des notes en délibéré, spécialement « en vue de répondre aux arguments
développés par le ministère public » (article 445). Cette disposition
peut sans doute permettre de respecter le contradictoire à ce niveau, c’est une
amorce de dialogue.
- La Cour européenne considère que le respect du principe de
l’égalité des armes exige que le demandeur d’une indemnité pour une détention
subie, obtienne communication des observations du procureur général devant la
Cour d’appel et qu’il ait la possibilité de les commenter[164].
- Mise à disposition des parties des conclusions écrites du
parquet ? Cette obligation n’est prévue que par l’article 431 lorsque
le parquet n’étant ni partie principale, ni représentant d’autrui, ni tenu
d’assister à l’audience, ne souhaite pas effectivement y assister et adresse au
tribunal des observations écrites ; l’article 431 lui impose alors de
communiquer aux parties ses conclusions, plus exactement de les mettre à leur
disposition, mais la cour de cassation considère que, dans ce cas, il n’est pas
tenu de les communiquer aux parties avant l’audience et qu’il suffit qu’il les
mette à leur disposition le jour de l’audience[165].
Cette solution ne nous paraît guère conforme aux exigences de la convention
européenne des droits de l’homme.
- La question prend un tour plus particulier devant la Cour de
cassation, la Cour européenne ayant jugé contre la Belgique et contre le
Portugal, que si elle ne doute pas que le ministère public devant les
juridictions suprêmes de ces Etats soit un magistrat indépendant, impartial et
objectif, dans la mesure où il émet un avis qui est destiné à influencer la
Cour, les parties doivent en avoir connaissance. Ce n’est pas son objectivité
qui est en cause, mais le respect du contradictoire[166].
Ces affaires sont d’autant plus intéressantes, qu’intervenant après l’arrêt
Borgers de 1991, la Cour européenne ne reprend plus l’argument de la présence
du ministère public au délibéré ; il suffit qu’il n’ait pas transmis ses
observations à la partie pour qu’il y ait violation du principe de l’égalité
des armes. Cette jurisprudence a été confirmée par quatre arrêts rendus l’un à
nouveau contre la Belgique, le deuxième contre l’Autriche et les deux derniers
contre les Pays-Bas[167].
Mais la Cour européenne ouvrait la voie à une possibilité d’échapper à la
condamnation avec la pratique des notes en délibéré, d’ailleurs expressément
visées par la Commission européenne[168].
Or il se trouve que la Cour de cassation française a une pratique interne
conforme à cette possibilité ouverte aux parties par le NCPC[169].
Et la Cour européenne a considéré que cette pratique française « eu égard au fait que seules les
questions de pur droit sont discutées devant la Cour de cassation et que les
parties y sont représentées par des avocats hautement spécialisés, est de
nature à offrir à celles-ci la possibilité de prendre connaissance des
conclusions litigieuses et de les commenter dans des conditions
satisfaisantes »[170].
Certes, l’arrêt a été rendu en matière pénale, mais le coup de chapeau est transposable,
non seulement en raison de la généralité de ses termes, mais aussi parce que
dans cette affaire la Cour européenne avait pris soin de souligner (§74 et §75)
que le ministère public devant la Cour de cassation « n’agit qu’en qualité de partie jointe à l’action pénale »
et que « sa mission n’est pas de
soutenir l’accusation mais de veiller à l’exacte application de la loi ».
En l’espèce, la preuve que la pratique de la note en délibéré existait en 1993,
à l’époque des faits, n’étant pas rapportée, la Cour retient ce chef pour
condamner la France. Mais ce n’était pas le seul. Il restait la question de la
communication au ministère public de documents non transmis aux parties.
60 - Le dialogue entre les parties privées, le conseiller rapporteur et
le ministère public devant la Cour de cassation. La France a été condamnée
pour une autre raison dans l’affaire précitée du 31 mars 1998. La Cour
européenne relève une disparité constitutive d’un manquement à la garantie d’un
procès équitable dans le fait que l’avocat général près la Cour de cassation
reçoit communication du rapport du conseiller-rapporteur et du projet d’arrêt,
alors que les parties ne reçoivent que le premier volet du rapport (exposé des
faits, procédure suivie, moyens de cassation) et, quelques jours avant
l’audience, le sens de l’avis du rapporteur (§ 105). Comment rétablir
l’équilibre ? Soit en communiquant aux parties les mêmes documents qu’au
ministère public, soit en ne communiquant rien aux deux. On a fait observer, en
reprenant un argument développé par la Cour européenne, que la première
solution présenterait l’inconvénient de violer le secret du délibéré ;
l’argument n’est guère pertinent, car s’il y a déjà violation elle est admise,
mais au seul profit du ministère public ; ensuite, y a-t-il vraiment
violation, alors qu’il ne s’agit que d’un projet d’arrêt ? Affaire à
suivre sans doute.
61 - Le dialogue dans la recherche de la conciliation, d’une médiation
et d’une transaction. Le temps est aux modes alternatifs de règlement des
conflits (les MARC en abrégé) et à la recherche amiable d’une solution que ce
soit avec ou sans le juge. Le procès fait aujourd’hui systématiquement l’objet
d’un traitement consensuel.
Bien sûr, le nouveau code
n’ignorait pas le pouvoir conciliateur du juge expressément consacré aux
articles 21 (« il entre dans la mission du juge de concilier les
parties ») et 127 à 131. Qui dit recherche d’une solution négociée, dit
dialogue pour arriver à cette solution.
a) Le décret n° 96-652 du 22
juillet 1996 (pris en application de la loi n° 95-125 du 8 février 1995) a
favorisé cette possibilité de dialogue sous l’égide du juge, d’une part en
organisant la médiation devant toute juridiction (articles 131-1 à 131-15) et,
d’autre part, en associant les conciliateurs de justice (ceux du décret n°
78-381 du 20 mars 1978) à la conciliation devant le juge d’instance, lorsque la
procédure commence par une demande de tentative de conciliation (articles 830 à
835).
Deux textes de 1998 accroissent
cette possibilité de dialogue, le favorisent, qu’il s’agisse d’un dialogue sans
le juge (avant ou pendant une instance judiciaire) ou avec lui.
b) La loi n° 98-1163 du 18
décembre 1998 se réfère expressément, dans son intitulé, à la recherche de
règlements amiables. Relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des
conflits, elle étend la possibilité d’obtenir l’aide juridictionnelle aux
pourparlers « en vue de parvenir à
une transaction avant l’introduction de l’instance » (art. 1er-I,
qui modifie l’article 10, al. 2 de la loi du 10 juillet 1991). La formule
permet d’accorder ce bénéfice même en cas d’échec de ces pourparlers.
Cependant, dans ce cas, la loi pose deux gardes-fous dans l’article 39 de la
loi de 1991 (art. 1er-IV de la loi du 18 déc. 1998) : d’une
part, le versement de la rétribution due à l’avocat est subordonné à la
justification, dans les six mois de la décision d’admission à l’aide
juridictionnelle, « de l’importance
et du sérieux des diligences accomplies par ce professionnel » ;
d’autre part, si une instance est engagée après l’échec des pourparlers, la
rétribution versée à l’avocat à ce titre s’impute sur celle qui lui est due
pour l’instance.
c) Mais c’est surtout le décret
du 28 décembre 1998 qui apporte, en cette matière, des innovations
intéressantes. Il contient plusieurs dispositions, disséminées dans le corps du
texte, qui tendent à organiser et à favoriser les modes de résolution amiable
des conflits.
1) Les articles 9 et 10 du décret
complètent les textes sur la suspension de l’instance et sur le radiation, afin
de favoriser le règlement amiable des litiges, sans encombrer inutilement la
juridiction saisie d’affaires en cours de pourparlers. D’où un recadrage du
retrait du rôle vers une mesure véritablement voulue par les parties et non pas
plus ou moins imposée par leurs conseils ; d’où des dispositions qui
mettront mal à l’aise les auxiliaires de justice.
- Le premier texte cité (art. 9)
se contente de modifier l’article 377 du nouveau code pour faire du retrait
(conventionnel) du rôle un troisième cas de suspension de l’instance (sans
compter les cas « où la loi le
prévoit »).
- Le second texte (art. 10)
introduit dans la section que le nouveau code consacre à la radiation (articles
381 à 383) la notion de retrait (conventionnel) du rôle, notion que la Cour de
cassation avait déjà dégagée en 1989 par un arrêt de son assemblée plénière en
date du 24 novembre. Les deux concepts sont définis aux nouveaux articles 381
et 382 : la radiation reste une sanction du défaut de diligence des
parties, qui continue d’entraîner la « suppression »
(au lieu du « retrait »
antérieurement au décret du 28 décembre) de l’affaire du rang des affaires en
cours ; le décret ajoute dans l’article 381 l’obligation de notifier aux
parties et à leurs représentants la décision de radiation (par lettre simple)
et de préciser dans cette notification le défaut de diligences qui a servi de
fondement à la radiation. Il faut y voir une menace pour les auxiliaires de
justice dont les carences seront ainsi systématiquement dénoncées à leurs clients
par le greffe ; on s’éloigne de la justice consensuelle qui inspire
l’ensemble de ces dispositions et on peut se demander s’il était bien utile
d’introduire une forme de délation dans les relations entre les professionnels
de la justice et leurs clients. A l’inverse, le retrait du rôle ne peut être
que conventionnel, consensuel, puisqu’il ne peut être ordonné que lorsque
toutes les parties en font la demande ; mais le décret (nouvelle mesure de
défiance à l’égard des professionnels de la justice) ne se contente pas de la
parole des avocats ou avoués aux conférences de mise en état, puisqu’il exige
une demande écrite et motivée de toutes les parties (article 382). L’objectif
est donc clairement affiché : il ne s’agit pas de faciliter les retraits de
complaisance au profit des auxiliaires de justice, mais de permettre d’évacuer
du rôle des affaires en cours celles qui font l’objet de véritables pourparlers
en vue d’une solution amiable et de désencombrer les tribunaux d’affaires
inutilement inscrites à ce rôle. On rapprochera de cet objectif la phrase que
l’on trouvait dans l’arrêt du 24 novembre 1989 : « au cas où les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou
de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre
le cours de l’instance en formant une demande conjointe de radiation, laquelle
s’impose au juge ». Il s’agit bien de différer ou d’éviter une
solution judiciaire, mais le juge retrouve ici un pouvoir de contrôle de la
demande de retrait de rôle, puisque cette demande doit être « motivée », ce qui
sous-entend un contrôle de cette motivation ; on conçoit mal cependant, en
pratique, qu’un juge puisse s’opposer à une demande conjointe de retrait de
rôle.
- Dans les deux cas, radiation
(unilatérale et sanctionnatrice) et retrait du rôle (conjoint et régulateur)
les décisions qui les ordonnent sont des mesures d’administration judiciaire
(art. 383, al. 1er, qui reprend la solution de l’ancien article 382
en l’étendant au retrait du rôle), donc insusceptibles de recours (art. 537),
mais qui ne s’opposent pas à un rétablissement de l’affaire, sauf si la
péremption a joué entre-temps, au vu soit de l’accomplissement des diligences
(radiation), soit d’une demande de l’une des parties en ce sens (retrait du
rôle) (art. 383, al. 2).
2) Les articles 25 et 26
apportent quelques retouches à la conciliation devant le tribunal d’instance
que le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 avait déjà réorganisée. Dans la
procédure introduite par assignation à toutes fins, les conciliateurs de
justice pourront être associés à ces tentatives de conciliation, puisque le
nouvel article 840 prévoit dans son alinéa 2 que le juge peut, sans formalité
particulière, mais avec l’accord des parties, désigner un conciliateur de
justice pour conduire cette tentative. En fait, le décret consacre une pratique
parisienne de certains tribunaux d’instance. La même possibilité est offerte au
juge d’instance lorsque la procédure est introduite par requête conjointe ou
par présentation volontaire des parties (article 847 modifié par l’article 25)
ou par déclaration au greffe (article 847-3 ajouté par l’article 26). Dans ces
deux derniers cas le juge tranche le différend si les parties ne parviennent
pas à se concilier.
3) Enfin, l’article 30 du décret
introduit dans le nouveau code (au titre 4 sur les obligations et les contrats)
un article 1441-4 qui forme à lui tout seul le chapitre 6, pour organiser une
procédure simplifiée, rapide et simple, de reconnaissance de la force
exécutoire aux transactions conclues sous signatures privées. La demande est
adressée au président du tribunal de grande instance, par l’une des parties à
la transaction, dans la forme des requêtes. Il est certain que la volonté de
favoriser le dialogue entre des personnes susceptibles d’entrer en conflit judiciaire
est réelle.
c) Dans l’aboutissement de l’instance
62 - La rédaction du jugement, œuvre commune issue d’un dialogue ?
Il semble bien que la tendance contemporaine au dialogue entre les parties et
le juge se retrouve dans les nouvelles dispositions sur la rédaction des
jugements issues du décret du 28 décembre 1998. L’alinéa 1er de
l’article 455 du nouveau code est complété d’une phrase (art. 11 du décret)
autorisant le juge à n’exposer les prétentions et moyens des parties que par « un visa des conclusions des parties
avec l’indication de leur date ». Si cette nouvelle disposition ne
facilitera pas pour les tiers et autres commentateurs des décisions de justice,
la lecture et la compréhension des jugements, puisqu’ils n’auront pas
connaissance des écritures des parties, elle manifeste bien l’idée que le
jugement est une œuvre commune des parties et du juge ; peut-être
reviendra-t-on un jour au rétablissement des qualités !
2°) Les difficultés du dialogue dans le procès pénal
63 - L’émergence d’un dialogue, malgré le principe d’indisponibilité du
procès pénal. - Médiation et transaction. L’initiative du procès pénal
appartient au Parquet, même si la victime, en se constituant partie civile, met
en mouvement l’action publique. De plus, dès qu’une poursuite est déclenchée,
l’instance doit se poursuivre, le ministère public ne disposant pas de
l’instance. Pour autant, la médiation et la transaction ne sont pas inconnues
dans le procès pénal :
- préalablement à toute décision
de poursuite, lorsqu’il s’apprête à classer sans suite un dossier, le procureur
de la République peut décider de recourir à une médiation, manifestation
extérieure d’un dialogue ; la médiation a été introduite dans le code de
procédure pénale (article 41, al. 7) par la loi n° 93- 2 du 4 janvier
1993 : « le procureur de la
République peut enfin, préalablement à sa décision sur l’action publique et
avec l’accord des parties, décider de recourir à une médiation s’il lui
apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage
causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction et de
contribuer au reclassement de l’auteur de l’infraction ». On le voit,
la médiation ne heurte pas de plein front le principe d’indisponibilité du
procès pénal, puisque l’action publique n’est pas encore déclenchée lorsqu’elle
intervient. En tout cas, elle est l’expression d’un dialogue (art. D. 15-1 à D.
15-8) entre la victime et l’auteur de l’infraction. La loi n° 98-1163 du 18
décembre 1998, relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des
conflits, prévoit que la médiation pénale puisse désormais être prise en charge
par l’Etat au titre de l’aide juridique (art. 13 qui modifie l’article 1er
de la loi du 10 juillet 1991). D’autre part, il peut être créé dans le ressort
de chaque TGI une « Maison de justice et du droit » dont la mission
est notamment d’assurer « une
présence judiciaire de proximité » et de concourir « à la prévention de la délinquance et
à l’aide aux victimes », à côté de l’accès au droit (COJ, art. L.
7-12-1-1, al. 3, réd. art. 21 de la loi de 1998).
- Dialogue encore dans la
possibilité de recourir à une transaction pour certaines infractions,
transaction qui va éteindre l’action publique. Certaines administrations en
effet, ont le pouvoir de transiger avec le délinquant[171].
Celui-ci reconnaît l’infraction, verse une certaine somme d’argent ou exécute
certaines obligations et, en contrepartie, l’administration abandonne les
poursuites. Une telle pratique ne peut aboutir qu’à la suite d’un dialogue avec
le délinquant.
- Enfin, dialogue entre le
Parquet et le délinquant en matière de stupéfiants, puisque le Parquet peut
ordonner une cure de désintoxication et que si le toxicomane l’accepte (ou s’y
soumet de sa propre initiative) l’action publique est éteinte (C. santé
publique, art. L. 628-1).
64 - L’échec de l’injonction pénale. - Le projet de composition pénale.
Une loi votée par le Parlement a été invalidée par le Conseil constitutionnel
en février 1995. Elle prévoyait que le Procureur de la République pouvait
« proposer » à l’auteur de certaines infractions (celles visées à
l’article 48-2 du projet), par la voie d’une injonction et en contrepartie de
l’extinction de l’action publique, l’exécution de certaines obligations
(versement au Trésor public d’une somme fixée par le Procureur dans les limites
définies par la loi ; participation à une activité non rémunérée au profit
d’une personne morale de droit public ou d’une association habilitée à cet
effet, dans la limite de quarante heures). La personne devait reconnaître les
faits et l’action publique ne devait pas avoir été mise en mouvement ; le
procureur devait justifier que cette procédure était susceptible de mettre fin
au trouble résultant de l’infraction, de prévenir le renouvellement de celle-ci
et d’assurer, s’il y a lieu, la réparation du dommage causé à la victime.
L’accord du délinquant résultait de l’exécution des obligations mises à sa
charge, dialogue a posteriori en
quelque sorte. Le Conseil constitutionnel a considéré que, dès lors que certaines
mesures étaient de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et
constituaient des sanctions pénales, leur prononcé et leur exécution ne
pouvaient, même avec l’accord de la personne susceptible d’être pénalement
poursuivie, intervenir à la seule diligence d’une autorité chargée de l’action
publique, mais requerraient la décision d’une autorité de jugement,
conformément au principe du respect des droits de la défense et à celui de la
séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de
jugement (considérant n° 5)[172].
Ce n’est donc pas l’amorce d’un dialogue (d’une négociation sur la poursuite)
qui est sanctionnée, mais la confusion sur la même tête de la décision de
poursuivre ou non et de prononcer une « peine », même déguisée en
obligation pécuniaire ou de faire.
Un projet de loi relatif aux
alternatives aux poursuites et renforçant l’efficacité de la procédure pénale a
été discuté à l’Assemblée nationale en mars 1999. Il s’agit de permettre au
Procureur de recourir plus largement à la médiation. Une nouvelle sanction est
instituée : la composition pénale qui est soit une indemnité compensatrice
versée par l’auteur d’une infraction, d’un montant maximum de 10000F, soit un
travail d’intérêt général d’une durée maximale de 60 heures, soit la suspension
du permis de conduire, soit des restitutions, etc.. Elle doit être proposée par
le Parquet et validée par le président du TGI ; elle ne vaudra que pour
certaines infractions, bagarres, petits faits de violence, petites dégradations,
vols simples.
65 - L’émergence d’un dialogue malgré le droit de se taire et celui de
ne pas contribuer à sa propre incrimination. Consacré par la Cour
européenne des droits de l’homme le droit de se taire [173],
et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination[174]
sont des obstacles rédhibitoires au dialogue entre le mis en cause et la
justice, voire la victime. Les deux droits ne se confondent pas, la Cour
européenne considérant que le premier cité est plus large que le second[175].
La Cour européenne estime que ces deux droits sont au cœur de la notion de
procès équitable ; ils font partie du noyau dur de cette garantie. Mais
ces deux droits ne sont pas sans limites, qui sont autant d’incitations au
dialogue :
- d’une part, si « le droit
de se taire implique qu’on ne puisse fonder une condamnation exclusivement ou
essentiellement sur le silence du prévenu ou sur son refus de répondre à des
questions ou de déposer, il est tout aussi évident que ces interdictions ne
peuvent et ne sauraient empêcher de prendre en compte le silence de
l’intéressé, dans des situations qui appellent assurément une explication de sa
part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge »[176].
Ce droit n’est donc pas absolu.
- D’autre part, le droit de ne
pas contribuer à sa propre incrimination n’englobe pas la possibilité de
refuser de remettre des documents à charge, ni celle d’empêcher l’utilisation
de tels documents dans une procédure pénale, lorsqu’ils ont été obtenues par la
contrainte. La Cour européenne[177]
rejoint ici la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés[178].
- Enfin, dans une affaire mêlant
les deux droits, la Cour européenne a considéré que « les condamnations du requérant à des amendes en raison de son
refus de prêter serment devant le juge d’instruction qui l’avait convoqué comme
témoin, ne s’analyse pas en une violation du droit de l’intéressé de ne pas
contribuer à sa propre incrimination ». La Cour considère en effet que
si le requérant pouvait redouter que par le biais de certains des propos qu’il
pouvait être amené à tenir devant le juge d’instruction, il témoigne contre
lui-même, ce qui l’autorisait à ne pas répondre à celles des questions qui
auraient été de nature à le pousser dans cette direction, il ne pouvait pas
d’emblée refuser de prêter serment[179].
66 - L’émergence d’un dialogue dans le cours de l’instruction, malgré
la nature inquisitoire de celle-ci. La loi du 4 janvier 1993 a apporté un
incontestable progrès dans la reconnaissance des droits des mis en examen en
instaurant un début de dialogue entre les parties privées et le juge
d’instruction, même si cela reste nettement insuffisant et, parfois, très
indirect. Le maintien du principe d’une procédure d’instruction essentiellement
écrite ne favorise pas le dialogue ! C’est l’émergence de l’oralité qui
change progressivement les choses et accroît les possibilités de dialogue.
Ainsi, du débat préalable au placement en détention provisoire (art. 145, al.
4, CPP), de la possibilité pour les parties de comparaître personnellement
devant la chambre d’accusation (art. 199, al. 3 et 5), de prendre la parole en
dernier devant cette juridiction[180].
Dans le même ordre d’idées, la possibilité de demander une contre-expertise ou
un complément d’expertise (art. 167), d’être présent lors des perquisitions et
saisies (art. 95 et 96) et, surtout, de réclamer au juge d’instruction, à tout
moment, certaines investigations (art. 81, al. 9 et 82-1). Il reste que le
refus d’accorder ces investigations n’est soumis qu’à un appel restreint (art.
186-1). La volonté d’introduire un peu de dialogue dans la procédure
d’instruction ne va pas encore jusqu’à ouvrir largement le respect des droits
de la défense. La France est encore très en retard sur le plan d’une
participation équilibrée de toutes les parties à l’instruction. Il reste
beaucoup faire et le déficit démocratique est encore fort.
c) le principe de célérité
67 - Principe essentiel de procédure. La lenteur a pu être
considérée autrefois comme une sagesse qui « donne
le temps de déjouer les calcules d’un adversaire trop habile et rassure la
conscience du juge » (Garsonnet et Cézar-Bru). Ce temps est révolu,
car la justice, service public, doit trancher les litiges dans les délais les
plus rapides afin de garantir l’effectivité de leurs droits. La célérité
participe à cette effectivité. D’ailleurs, certaines législations étrangères
n’hésitent pas à inscrire dans leurs textes que « la solution juste et en même temps rapide des litiges apparaît
comme un but essentiel »[181].On
retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de
l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme et, d’autre
part, dans les propositions de la commission Justice pénale et droits de
l’homme, la célérité étant donnée comme l’un des dix principes directeurs de la
procédure pénale.
1°) La célérité, exigence commune à toutes les procédures
68 - Le respect d’un délai raisonnable selon le droit européen. La
Cour européenne veille scrupuleusement au respect d’un délai raisonnable entre
le début de l’instance et l’exécution du jugement. Selon les termes mêmes de la
Cour européenne, « le caractère
raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de
la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en
particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui
des autorités compétentes »[182].
La Cour européenne a eu
l’occasion de fixer les deux moments qui doivent être pris en compte pour
déterminer le délai permettant d’apprécier le caractère non raisonnable de la
durée de la procédure. Le point de départ de la période à considérer pour
apprécier le caractère raisonnable de la durée d'une procédure civile est la
date de l'assignation des requérants devant le TGI[183].
Le terme du délai est la date du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation[184].
Mais la procédure d'exécution du jugement constitue une phase de l'instance,
car la réalisation effective du droit inclue l'exécution du jugement au fond[185].
69 - Sanction, en droit interne, du caractère non raisonnable du délai.
Outre la sanction pécuniaire de l’article 50 de la Convention européenne, un
délai non raisonnable peut constituer une faute lourde du service de la justice
au sens de l’article L. 781-1, COJ[186].
Le service public de la justice a un devoir de protection juridictionnelle de
l’individu[187].
2°) Le traitement de la célérité en procédure civile
70 - Le nouveau code de
procédure civile et le décret du 28 décembre 1998. Le principe de célérité
n’est pas inconnu du nouveau code. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les
articles relatifs aux principes directeurs pour y voir poindre quelques
exigences de rapidité (art. 2, sur les délais requis ; art. 3, sur
le pouvoir du juge d’impartir des délais ; art. 15, sur le temps
utile). Que l’on songe encore aux procédures d’urgence, jour fixe, référé,
ou aux textes sur la mise en état, avec ses trois circuits (dont un court) et
le pouvoir général du juge de la mise en état tel que l’exprime l’article 763,
al. 2 (il « a pour mission de
veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de
l’échange des conclusions et de la communication des pièces »). C’est
bien sûr, au-delà du référé et autres procédures d’urgence, les réformes
introduites par le décret n° 98-1231 du 28 décembre qui retiennent l’attention,
comme illustration de l’émergence d’un principe de célérité. L’essentiel du
décret du 28 décembre est de permettre à la justice civile de traiter plus
rapidement des affaires enrôlées, désencombrer à terme les rôles des
juridictions civiles. Trois séries de dispositions peuvent être dégagées :
les unes tendent à faciliter le travail du juge et traduisent en partie le
renforcement du principe de dialogue, les autres à accélérer l’instruction des
affaires, les dernières à créer une véritable justice de l’urgence, non sans
complications d’ailleurs. Toutes ne sont pas sans dangers potentiels pour la
qualité de la justice qui sera rendue dans ces conditions nouvelles ; il
faudra veiller à ce que vitesse et précipitation ne se confondent pas. Mais la
pression de l’exigence d’un délai raisonnable, au sens de l’article 6 §1 de la
Convention européenne, est forte.
a) Faciliter le travail du juge
71 - Faciliter le travail du juge par des conclusions récapitulatives.
L’innovation la plus radicale, celle qui avait donné lieu à des réactions
parfois très vives des professionnels concernés, consiste dans l’obligation qui
pèse désormais sur les parties et leurs représentants de « reprendre dans leurs dernières conclusions (art. 753, al. 2,
pour le TGI), ou « écritures »
(art. 954, al. 2, pour la cour d’appel,), « les
prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions
antérieures » (art. 753 pour le TGI) ou « précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions
antérieures » (art. 954 pour la cour d’appel). C’est tout le problème
des conclusions dites récapitulatives, que le nouveau code connaissait déjà
mais uniquement en appel et à titre facultatif, seulement si le juge
sollicitait des avoués la récapitulation des moyens « successivement présentés » (art. 954, al. 2
ancien) ; les prétentions elles-mêmes n’étaient pas visées[188].
La faculté est étendue au tribunal de grande instance et, surtout, devient une
exigence légale, ce qui introduit un facteur d’autorité dans les relations du
juge avec les parties qui se substitue au dialogue, vertu contemporaine du
procès civil, vertu qu’il convient de restaurer et de promouvoir. L’obligation
est aussi étendue aux prétentions, ce qui devrait briser la solution admise par
la Cour de cassation dans un arrêt de sa deuxième chambre civile rendu le 7
janvier 1998 (Procédures, avr. 1998, n°
79, obs. Perrot) qui estimait, à juste titre, en raison de la rédaction
initiale de l’article 954, que le défaut de récapitulation des moyens ne
pouvait permettre de considérer que les prétentions étaient aussi regardées
comme abandonnées, en dehors de tout renoncement exprès ou implicite ; le
juge ne pouvait se permettre de ne retenir que les seules prétentions formulées
dans les dernières conclusions. Cette jurisprudence nous semble caduque :
dès lors que des prétentions n’auront pas été reprises dans les dernières
conclusions, elles devront être considérées comme abandonnées ; l’absence
de récapitulation constitue désormais un signe d’abandon, pour les prétentions
comme pour les moyens. Il sera prudent, pour les parties, de reprendre les
prétentions et les moyens dès le deuxième jeu de conclusions, pour éviter toute
contestation sur le sens de l’expression « dernières
conclusions » (the last, but not
the least).
b) Accélérer et améliorer l’instruction des affaires civiles
72 - Instauration d’un juge spécialisé dans le contrôle des mesures
d’instruction confiées à un technicien. L’article 5 du décret introduit,
dans le nouveau code de procédure civile, un article 155-1 qui permet au
président d’une juridiction d’installer un juge spécialisé dans le contrôle de
l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien ;
l’initiative en reviendra au président de chaque juridiction qui jugera si
l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans sa juridiction justifie
la création de ce juge. Si cette décision est prise, cela ne signifie pas que
ce juge se verra confier le contrôle de toutes les mesures d’instruction
confiées à un technicien. En effet, le décret du 28 décembre maintient en
vigueur l’article 155, dont les deux premiers alinéas prévoient que le contrôle
de ces mesures est confié au juge qui a ordonné la mesure (al. 1er)
ou, en cas de mesure ordonnée par un formation collégiale, au juge chargé de
l’instruction et, à défaut au président de cette formation s’il n’a pas été
confié à un membre de celle-ci (al.2, dont la rédaction subit quelques
retouches de rédaction purement formelles). C’est seulement si le juge chargé
de l’instruction ou la formation collégiale le décident que le contrôle sera
confié au juge spécialisé (art. 155, al. 3 nouveau, issu de l’article 4 du
décret). On peut penser que le président qui aura instauré un juge spécialisé
veillera à ce qu’il soit abondamment pourvu en mesures d’instruction à
contrôler !
73 - Encadrement des délais de l’expertise. Plusieurs dispositions
viennent accroître les obligations qui incombent à l’expert ou aux parties dans
le but de rendre l’expertise plus rapide.
- Ainsi, l’expert devra
dorénavant informer le juge non seulement de l’avancement de ses opérations,
mais aussi « des diligences par lui
accomplies » (art. 273 complété par l’article 6 du décret.
- Quant aux parties elles seront
sanctionnées par la juridiction de jugement en cas de défaut de communication
de documents à l’expert ; en effet, la juridiction de jugement pourra « tirer toute conséquence de
droit » de ce défaut de communication (art. 275, al. 2, complété par
l’article 7 du décret).
c) Créer une véritable justice civile de l’urgence
Plusieurs dispositions dessinent,
si on les rapproche, l’ébauche d’une véritable justice civile de l’urgence.
74 - Simplification et accélération de la technique de la passerelle
devant le TGI. L’article 21 du décret rétablit un article 811 qui améliore
sensiblement la technique de la passerelle entre la procédure de référé et la
procédure au fond devant le TGI ; désormais, le juge des référés peut
directement fixer dans son ordonnance de non lieu à référer la date de
l’audience au fond, sans qu’une nouvelle assignation soit nécessaire,
puisque « l’ordonnance emporte
saisine du tribunal ». La passerelle doit être demandée par l’une des
parties et être justifiée par l’urgence ; le juge doit veiller à ce que le
défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense. Pour la
constitution d’avocat par le défendeur et pour le déroulement de l’audience,
l’article 811 renvoie respectivement aux dispositions des articles 790 et 792,
al. 2 à 4. En conséquence de ce nouveau texte, l’article 788, dernier alinéa
est abrogé par l’article 20 du décret, ce qui a pour effet de ne plus permettre
une utilisation d’office de la passerelle ; la technique doit
obligatoirement être demandée par l’une des parties. La technique n’a pas été
étendue au tribunal d’instance, pas plus qu’au tribunal de commerce ; sans
doute une occasion manquée.
75 - L’accélération, en appel, du circuit court de l’article 910, al. 2.
Le décret du 28 décembre crée une audience à bref délai dans le cadre des
dispositions de l’article 910, al. 2 qui, pour l’essentiel, sont maintenues sur
les autres points. Lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou
être en état d’être jugée (le texte ne vise plus le critère de pouvoir être
jugée à bref délai), le président de la chambre saisie, d’office ou à la
demande de l’une des parties, « fixe
à bref délai l’audience à laquelle elle sera appelée ». Le
texte ne se contente donc plus d’une fixation aux « jour et heure auxquels
l’affaire sera appelée ». Il est clair que les rédacteurs du décret ont
voulu renforcer la possibilité offerte aux parties et au président d’accélérer
en appel le jugement des affaires urgentes (en apparence au moins) ou en état
d’être jugée (en apparence aussi). La seule difficulté consistera à trouver une
date d’audience à bref délai pour toutes les affaires qui répondront à l’une de
ces conditions ! A force de créer des procédures accélérées on s’apercevra
vite que tout est urgence et que les disponibilités des juridictions ne
permettront pas de répondre aux demandes. Pour le reste il est procédé selon
les dispositions des articles 760 à 762 (renvoi à l’audience).
76 - La nouvelle complexité de l’appel des ordonnances de référé.
Avec le nouvel article 490-1 que l’article 12 du décret introduit dans le
nouveau code, c’est à un bouleversement du régime de l’appel des ordonnances de
référé auquel on assiste ; le régime de l’appel va désormais dépendre du
fondement textuel du référé, avec un appel à plusieurs vitesses (trois) :
1) pour tous les référés
autres que ceux des articles 808 et 809, al. 1er, et notamment
pour le référé-provision de l’article 809, al. 2 ou pour les référés des
tribunaux d’exception, en l’absence de péril, l’appel suivra les règles du
circuit ordinaire actuel (première vitesse). En revanche, en cas de péril,
l’alinéa 2 du nouvel article 490-1 permet une instruction et un jugement de cet
appel « dans les conditions et selon la procédure de
l’article 917 » (procédure à jour fixe lorsque les droits d’une partie
sont en péril ; deuxième vitesse).
2) Pour les référés des
articles 808 et 809, al. 1er, c’est le régime particulier de
l’audience à bref délai qui jouera (le 910, al. 2 renforcé que nous venons de
présenter), sans que le péril soit nécessaire à la mise en œuvre de cette
procédure (troisième vitesse). L’article 490-1, al. 1er impose
cette procédure au président de la chambre à laquelle l’ordonnance est
distribuée ; l’indicatif (« le
président... fixe à bref délai l’audience à laquelle l’ordonnance sera
appelée ») vaut impératif. Il sera procédé selon les modalités prévues
aux articles 760 à 762 (renvoi à l’audience).
3°) La justice pénale de l’urgence
77 - Célérité et droits de la défense. L’équilibre est ici plus
difficile à tenir entre l’exigence d’une justice pénale rapide, qui participe à
l’efficacité de la répression (cf. Beccaria, point n’est besoin de peines trop
sévères, dès lors que la certitude de la peine et la rapidité de son prononcé
sont acquises) et le respect des droits de la défense, qui constitue l’un des
fondements d’un Etat de droit. La procédure pénale contemporaine répond déjà à
cette exigence, avec notamment l’enquête flagrante qui donne à ceux qui en sont
chargés des pouvoirs de contrainte justifiés par l’urgence et avec la procédure
de comparution immédiate. Il semble difficile d’aller beaucoup plus loin, sauf
à remettre en cause les droits de la défense.
4°) Le traitement de la célérité dans la justice administrative
a) Vers une véritable justice de l’urgence ?
78 - Les insuffisances actuelles de la justice administrative de
l’urgence. Le juge administratif n’était pas habitué, jusqu’à une époque
récente, à statuer dans l’urgence ; cela ne faisait pas partie de sa
culture. Certes, la loi du 22 juillet 1889 sur les Conseils de préfecture,
faisait application de la pratique du constat d’urgence, par laquelle le juge
désigne un expert pour constater des faits sans délai et cette procédure est
aujourd’hui reprise aux articles R. 136 et R. 137 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d’appel (ci-après Code des TA/CAA).
Mais, il faut attendre la loi du 28 novembre 1955 pour constater l’introduction
d’un juge des référés dans le contentieux administratif, avec des pouvoirs
d’ailleurs limités, l’administration ne souhaitant pas voir son action gênée
par un juge administratif trop audacieux ! Aujourd’hui, pour le
contentieux de droit commun et sous réserve de quelques contentieux
particuliers, le référé-instruction, qui permet au juge d’ordonner toutes
mesures utiles d’expertise ou d’instruction, n’est pas lié à l’urgence mais à
l’utilité de la mesure réclamée. Le référé-provision n’existe que depuis le
décret du 2 septembre 1988, rattrapant ainsi un retard considérable sur le
contentieux civil. Le référé conservatoire suppose l’urgence de la mise en
œuvre de la mesure demandée. Par ailleurs, quelques contentieux particuliers
connaissent d’un référé spécifique ; ainsi, du contentieux fiscal pour
accorder au contribuable qui conteste son imposition un sursis au paiement,
sursis que lui refuse l’administration. Ou encore, le référé pré-contractuel
des articles L. 22 et L. 23 qui ne date que de la loi du 4 janvier 1992 (revue
par la loi du 29 janvier 1993) et qui permet de faire censurer des infractions
aux règles de passation des marchés publics (règles de publicité et de mise en concurrence).
Le juge des référés ne peut pas
encore, sauf rares exceptions (par exemple dans la procédure de contrôle de
légalité des arrêtés de reconduite à la frontière), ordonner la suspension
d’une décision administrative ; or, les recours n’étant pas suspensifs et
les délais de jugement devant la juridiction administrative étant longs,
l’exécution provisoire sans possibilité d’agir en référé donne l’avantage à
l’administration sur l’administré. Il a fallut attendre la loi n° 95-125 du 8
février 1995 (loi commune aux trois grands contentieux) pour que soit reconnue
la possibilité de demander au président du tribunal administratif la suspension
provisoire d’exécution d’une décision dont le sursis à exécution est par
ailleurs sollicité de la juridiction administrative (art. L. 10, Code des
TA/CAA). Mais c’est une possibilité aux effets encore limités car les
conditions du prononcé de cette mesure provisoire sont les mêmes que celles qui
doivent être remplies pour obtenir le sursis à exécution, à savoir le risque de
conséquences irréversibles et l’existence d’un moyen sérieux d’annulation.
79 - Les propositions de création d’une véritable justice de l’urgence.
« Les insuffisances du sursis à
exécution et le strict encadrement des pouvoirs d’injonction confiés au juge
administratif dans le cadre des procédures d’urgence » ont été
critiqués par un groupe de travail réuni, en 1998, au Conseil d’Etat et dont le
rapport devrait servir de base à l’élaboration d’une loi[189].
Rejetant la généralisation du mécanisme du recours suspensif, le groupe de
travail a cherché, pour les procédures d’urgence, d’une part à accroître les
pouvoirs du juge des référés et, d’autre part, à adapter la procédure
aux contraintes de l’urgence :
- Sur le premier point, celui des
pouvoirs du juge des référés, on s’orienterait, si ces propositions étaient
adoptées, vers une rénovation du sursis à exécution d’une décision
administrative, à la fois dans ses conditions et dans le pouvoir d’injonction
reconnu au juge. Après avoir envisagé de ne plus le fonder sur les deux
conditions classiques rappelées, mais sur « le
bilan des intérêts en cause : le
juge rechercherait si la décision attaquée est susceptible de porter à la
situation du requérant une atteinte disproportionnée au regard de l’intérêt en
vue duquel la décision a été prise », le groupe de travail s’est
orienté dans une autre voie, estimant que la technique du bilan des intérêts en
cause était trop étrangère aux principes du droit administratif « en ce qu’elle conduirait le juge à
suspendre l’exécution d’une décision administrative abstraction faite de toute
considération touchant à la légalité de cette décision » (p. 7 du
rapport). Finalement, le groupe de travail a préféré proposer une rénovation du
système actuel du sursis à exécution, en essayant de corriger l’interprétation
restrictive de la jurisprudence par l’assouplissement des conditions d’octroi
du sursis et par la modulation des effets d’une décision de sursis. A la
condition de préjudice succéderait une condition d’urgence, appréciée in concreto ; au caractère sérieux
du moyen se substituerait la notion de « moyen propre à créer, en l’état
de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
En conséquence de quoi, le sursis à exécution deviendrait un « référé-suspension ».
Quant aux effets de la décision de suspension ils seraient modulables par le
juge, dans le temps et dans leur étendue, ne pouvant concerner que certains des
effets de la décision administrative. Par ailleurs, les pouvoirs d’injonction du
juge administratif de l’urgence seraient accrus, afin de lui permettre
d’intervenir dans des situations où ne sont pas en cause des décisions
administratives aisément identifiables, c’est à dire dans des situations où la
simple suspension de l’exécution d’une décision administrative ne suffit pas à
garantir les droits des justiciables. « Ce
référé-injonction permettrait au juge administratif d’ordonner à toutes parties
en cause, y compris aux autorités administratives, de prendre toutes mesures
conservatoires utiles ». Mais ce pouvoir d’injonction serait cantonné
aux situations où est en cause une liberté fondamentale, où serait portée, du
fait de l’administration, une atteinte grave et manifestement illégale à une
telle liberté.
- Sur le second point, les adaptations
procédurales nécessaires à l’intervention en urgence du juge administratif, le
groupe de travail propose « de
décloisonner les procédures d’urgence et de définir un régime procédural unique
pour toutes les interventions d’urgence du juge administratif ». On
aurait ainsi une procédure à juge unique, qualifié de juge des référés, sans
intervention d’un commissaire du Gouvernement, avec un calendrier de procédure,
une place importante laissée à l’oralité des débats, la dispense du droit de
timbre. Les voies de recours de cette justice de l’urgence seraient revues,
sans que le groupe de travail ait réussi à trancher entre un système classique
combinant appel et pourvoi en cassation (le système actuel) et un mécanisme
plus novateur, insistant sur le caractère provisoire des mesures ordonnées par
le juge des référés et sur leur éventuelle adaptation par ce même juge, sous un
simple contrôle de cassation. En quelque sorte, le Conseil redécouvre les
mérites de l’absence d’autorité de la chose jugée en référé civil sur le
principal, ce qui autorise ce juge, en cas de circonstances nouvelles, à
revenir sur sa décision et à modifier les mesures ordonnées précédemment.
Si ces réformes étaient acceptées
elles s’accompagneraient de la simplification du droit des procédures d’urgence
par l’abrogation de la suspension provisoire d’exécution et des régimes
particuliers de sursis à exécution.
En tant que juriste familier de
la procédure civile, on reste étonné d’une part, par tant de retard à mettre en
place une véritable justice de l’urgence, d’autre part, par le caractère
souvent byzantin des discussions conduisant somme toute à des propositions
timorées, l’exemple en étant donné par l’incapacité du groupe de travail à se
départager sur le système des voies de recours, alors que d’autres contentieux
connaissent, sans inconvénients, de l’un des deux systèmes, le plus novateur,
depuis des années. Tout ceci tranche aussi, singulièrement, avec le contentieux
des autorités de régulation, qui a su s’adapter très vite à l’exigence de
célérité (v. infra, 5°).
Un projet de loi relatif au
référé devant les juridictions administratives a été déposé en mars 1999. Il
prévoit que le juge des référés pourra ordonner la suspension d’une décision
administrative lorsque les requérants invoquent un argument propre à créer un
doute sérieux quant à sa légalité. La procédure de sursis à exécution
disparaîtra. Le juge des référés pourra ordonner toute mesure de sauvegarde
justifiée par l’urgence lorsqu’un acte de l’administration porte une atteinte
manifestement illégale à une liberté fondamentale ; il statuera dans
l’urgence, selon une procédure publique, simplifiée et contradictoire, où
l’oralité jouera un rôle important. Les requérants pourront se pourvoir en
cassation. Il est prévu qu’un décret organisera un calendrier de la procédure
de telle façon que les justiciables sachent exactement le jour où leur affaire
sera examinée.
b) La célérité dans les affaires non urgentes
80 - Les retards dans la mise en œuvre d’une véritable mise en état,
avec un calendrier de procédure. Il faut attendre le décret n° 97-563 du 29
mai 1997 pour que le contentieux administratif connaisse du calendrier de
procédure, dont l’objet et l’utilité sont tout de même d’accélérer
l’instruction des affaires. L’article R. 142 pour le tribunal administratif et
l’article R. 147 pour la cour administrative d’appel autorisent le président de
la formation de jugement ou de la chambre à fixer la date à laquelle
l’instruction de l’affaire sera close, dès l’enregistrement de la requête et si
les circonstances de l’affaire le justifient et, notamment, en cas de
conclusions à fin de sursis à exécution de la décision attaquée.
5°) En droit processuel économique
81 - Un contentieux qui répond parfaitement à un impératif de rapidité.
Les contentieux des autorités de marché[190]
fournissent un bon exemple de l’adaptation de la procédure à un impératif de
rapidité, que ce soit dans l’organisation réglementaire des recours contre les
décisions de ces autorités ou dans la pratique suivie par la Cour d’appel de
Paris dans l’application de cette réglementation : simplicité des formes
de recours, possibilité pour le juge saisi de suspendre l’exécution de la
décision, tant au fond que dans les mesures conservatoires prises par
l’autorité de régulation, calendrier de procédure fixé dès le dépôt de la
requête, jugement en moins de six mois etc..[191].
Pour s’en tenir, par exemple, au
contentieux de la concurrence, il connaît depuis l’ordonnance du 1er
décembre 1986, une véritable justice de l’urgence, les mesures conservatoires
pouvant être ordonnées soit par le Conseil de la concurrence (art. 12, ord. 1er
déc. 1986), soit par le juge des référés, avec cette particularité que devant
ce dernier juge, l’urgence n’est pas expressément exigée comme condition de son
intervention (art. 36, dernier alinéa, ord. 1er déc. 1986). Dans le
premier cas, l’urgence est la condition nécessaire à la mise en œuvre des
mesures conservatoires, dans le second elle est présumée[192].
Voilà donc un contentieux
d’urgence particulièrement adapté aux nécessités de notre temps.
[1] V. Serge Guinchard,
L’ambition d’une justice civile rénovée : D. 1999, chron. 65.
[2] Sur ces pratiques, Foulon,
in Le NCPC, vingt ans après, colloque
de la Cour de cassation, déc. 1997, Doc.
fr. 1998.
[3] Peter E. Herzog, Le
nouveau code de procédure civile - Quelques appréciations
d’Outre-Atlantique : Justices,
1996-3, p. 445, spéc. p. 446 et 450.
[4] V. pour le droit
américain, le Federal Rules of civil
Procedure, Rule 1 et le New York
Civil Pratice Laws and Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog, Le nouveau
code de procédure civile - Quelques appréciations d’Outre-Atlantique : Justices, 1996-3, p. 445, spéc. p. 446 et
450.
[5] Série A, n° 32.
[6] CEDH, 2 sept. 1998, arrêt Yasa c/ Turquie (§ 64).
[7] Et sur lesquelles, v.
notamment Bruno Genevoix, La jurisprudence du Conseil constitutionnel, STH éd.
1988. - Marie-Luce Pavia, éléments
de réflexion sur la notion de droit fondamental, Les Petites affiches, 6 mai
1994, p. 6. - V. Champeil-Desplats, La notion de « droit
fondamental » et le droit constitutionnel français, D. 1995, chron. 323.
[8] L. Favoreu, Droit de la Constitution et constitution du
droit, RFDC, 1990, p. 71 et s., spéc. p. 81-82 ; Universalité des droits fondamentaux et diversité culturelle, in L’effectivité des droits fondamentaux
dans les pays de la communauté francophone, colloque international de l’Île
Maurice, 29 sept. - 1er oct. 1993, AUPELF/UREF éd., 1994, p. 48. -
L. Favoreu et alii,Droit constitutionnel,
Dalloz, 1998, p. 779 à 794. - V. aussi, J.J. Israël, Droit des libertés fondamentales, LGDJ, 1998, p. 35.
[9] CEDH, 8 février 1996.
[10] V. notamment la
surprenante chronique de Cyril Rojinsky, La
procédure civile, parent pauvre de l’Etat de droit, Le Monde, 2 mars 1999,
qui passe totalement sous silence la constitutionnalisation de la procédure
civile (et son attraction par la Convention européenne), pour en déduire et
regretter que la procédure civile ne soit pas protégée par un statut de nature
législative.
[11] Notamment, L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Dalloz,
1998. E. Zoller, Droit constitutionnel, PUF, 2ème éd., 1999.
[12] L. Favoreu et alii, op. cit., préface par L. Favoreu, p. 6.
[13] L. Favoreu et alii, op. cit., p. 777 à 885 (Le
droit constitutionnel des libertés). E. Zoller, op. cit., p. 499 à 608 (La
garantie des droits).
[14] L. Favoreu et alii, op. cit., n° 481, p. 344.
[15] Sur l’article 62, al. 2,
v. B. Genevoix, La jurisprudence du
Conseil constitutionnel, Principes directeurs, STH 1988,, p. 58. La Constitution de la République française, Economica,
1987. G. Drago, L’exécution des décisions
du Conseil constitutionnel, Economica et PUAM, 1991, préface Y. Gaudemet,
spéc. p. 26 à 40, 276 à 290 et 311 à 324. V. surtout, Favoreu et Philip, Grandes décisions, 9ème éd.
1997, n° 13-23 à 29, spéc. 28 et 29, p. 180-182. Fr. Luchaire, Le Conseil constitutionnel, 2ème
éd. Jurisprudence, 1ère
partie, L’individu, 1998, Economica, p. 1 et s. (autorité et influence du
Conseil).
[16] Décision 62-18 L, 16
janv. 1963, Loi d’orientation agricole.
[17] L. Favoreu, La
constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure pénale, Mélanges Vitu,
Paris, 1989, 194.
[18] Décision 88-248 DC, 17
janvier 1989, Conseil supérieur de
l’audiovisuel, Rec. Litec, I-339 ; Grandes décisions, Dalloz, n°
44 ; RDP 1989, 399, note L. Favoreu ; RFDA 1989, n° 2, p. 215, chron.
Genevois (§ 35 : « il résulte
des dispositions de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République, qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient
respectés ....le principe du respect des droits de la défense » ; §
36 : « ces exigences ne
concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives
mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le
législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non
judiciaire »).
[19] Décision 73-76 L, 20 fév.
1973, Rec. p. 29.
[20] Décision 80-113 L, 14 mai
1980, Rec. p. 61.
[21] Décision préc. 14 mai
1980 (la disposition énonçait que certains jugements rendus en matière fiscale
par le TGI ne pourraient être attaqués que par la voie de la cassation).
[22] Décision 80-119 L, 2
décembre 1980, Rec. p. 74.
[23] Décision 72-75 L, 21 déc.
1972, RJC (par Favoreu, Litec), II, 50, considérants 1 et 3.
[24] Décision 85-142 L, 13
nov. 1985, Rec. p. 116. V. E. Zoller, Droit constitutionnel, PUF, 1998, n° 297.
L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, 1998, n° 1344.
[25] Décision 83-143 DC, 30 juill.
1982, Blocage des prix et des revenus,
Rec. p. 57 ; RDP 1983, 333, note L. Favoreu ; Grandes décisions, n°
33.
[26] L. Favoreu, Le pouvoir normatif primaire du gouvernement
en droit français, Rev. fr. dr. const. 1997-32, spéc. p. 719.
[27] L. Favoreu et Th. Renoux,
Le contentieux constitutionnel des actes
administratifs, Sirey, 1992, extrait du Répertoire de contentieux
administratif, Dalloz. V. aussi Fr. Luchaire, Procédures et techniques de protection des droits fondamentaux, in Cours constitutionnelles européennes
et droits fondamentaux, Economica et PUAM, 1987, p. 62.
[28] L. Favoreu et Th. Renoux,
Le contentieux constitutionnel des actes
administratifs, loc. et op. cit., n° 14, p. 9.
[29] Ibid., n° 17, p. 11.
[30] Ibid., in fine.
[31] Ibid., n° 33, p. 20.
[32] Décision 98-396 DC, 19
fév. 1998,, JCP 1998, II, 10104 et rect. 10158 bis, note A. QUINT ; JCP
1998, I, 179, chron. B. Mathieu et M. Verpeaux, n° 10 ; AJDA 1998, 305,
obs. Schoetti ; Petites affiches 27 nov. 1998, note L.B-P ; Gaz. Pal.
12 dééc. 1998, chron. J.L. Gallet.
[33] Th. Renoux, Le Conseil constitutionnel et le pouvoir
judiciaire en France dans modèle européen de contrôle de constitutionnalité des
lois, Rev. inter. dr. comp. 1994, 891.
[34] Décision du 25 juill.
1989, Dr. social 1989, 627 ; AJDA 1989 ? 796, note F. Benoit-Rohmer.
[35] Décision 89-257 DC, 25
juill. 1989, Rec. p. 59.
[36] V. infra, n° 121.
[37] L. Favoreu, Légalité et constitutionnalité, in Les cahiers du Conseil
constitutionnel, 1997-3, Dalloz, p. 79, colonne de gauche.
[38] L. Favoreu, in La constitutionnalisation des branches du
droit, Economica, 1998, p. 185.
[39] Décision 97-388 DC, 20
mars 1997, JO, 26 mars 1997, p. 4661.
[40] L. Favoreu et Th.Renoux,
Rapport au colloque La cour de cassation
et la Constitution de la République, Doc. fr. 1995. V. aussi le rapport
Jéol sur les techniques de substitution et, pour une application aux
interpellations, Civ. 28 juin 1995, Petites
affiches, 6 oct. 1995, note E. Spitz ; JCP 1995, II, 22504, conclusions
Jerry Sainte Rose. G. Drago, thèse préc., p. 311 à 34 ; Contentieux constitutionnel
français, PUF, 1998, 500.
[41] Cass. Ass. Plénière, 30
juin 1995, D. 1995, 513, note R Drago et concl. Jéol ; JCP 1995, II,
22478, note Perdriau ; Bull. inf. Cass. 1er août 1995, rapport
Ancel.
[42] L. Favoreu et Th. Renoux,
Le contentieux constitutionnel des actes
administratifs, Sirey, 1992, extrait du Répertoire de contentieux
administratif, Dalloz, n° 11, p. 8. L. Favoreu, Légalité et constitutionnalité, in Les cahiers du Conseil
constitutionnel 1997-3, Dalloz, p. 73 et s. Spécialement p. 70, colonne de
gauche : les juges ordinaires
peuvent contrôler la constitutionnalité et la légalité des actes administratifs
et juridictionnels ».
[43] L. Favoreu, Légalité et constitutionnalité, loc. et op.
cités, p. 78, col. de gauche.
[44] Ibid., p. 78, colonne de
droite.
[45] Rev. fr. dr. constitu.,
par Th. Di Manno. Rev. Justices, puis Rev. Gén. des procédures, par G. Drago et
N. Molfessis. JCP, par B. Mathieu et M. Verpeaux.
[46] V. notamment, sur la
justification de cette distinction, la chronique de B. Mathieu et M. Verpeaux,
JCP 1997, I, 4066, n° 1.
[47] V. B. Mathieu et M.
Verpeaux, Avant-propos au colloque sur La
constitutionnalisation des branches du droit, Economica, 1998, p. 7.
[48] Avis du 9 sept. 1997,
§98, AJDA 1998, 990,obs. Flauss.
[49] CEDH, 23 mars 1995, Loizilou : RUDH, 1995, 130 ; D.
1996, som. com. 201, obs. S. Perez. V. J.P. Gridel, Déclin des spécificités
françaises et éventuel retour d’un droit commun européen : D. 1999, chron. 139, spéc. p. 141.
[50] L. Favoreu, Les cours constitutionnelles, Que
sais-je ?, 1992, p. 94 ; La
légitimité du juge constitutionnel, Rev. inter. dr. comp. 1994, 557.
[51] Le lecteur consultera,
avec profit, les ouvrages fondamentaux suivants : L. Favoreu et Th.
Renoux, Le contentieux constitutionnel
des actes administratifs, op. cit. Luchaire, Le Conseil constitutionnel, 2ème éd., t. 1, Organisation et attribution, 1997 ;
t. 2, 1ère partie, L’individu,
1998. B. Genevoix, La jurisprudence du
Conseil constitutionnel, STH éd., 1988, p. 190-207. Th. Renoux et M. de
Villiers, Code constitutionnel, Litec.
[52] Sur la déclaration
elle-même, v. Conac, Debène et Teboul (sous la direction de), Histoire, analyse
et commentaire de cette Déclaration, Economica, 1993. Rev. Droits, 1998-8,
notamment St. Rials, Le mystère des
origines, p. 3 ; M. Thomann, Origines
et sources doctrinales, p. 55.
[53] Th. Renoux, L’évolution du principe d’égalité devant la
justice dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Gaz. Pal. 1er
oct. 1985.
[54] V. Picard, JCP 1992, I,
3621, n° 5.
[55] J. Carbonnier, De la République dont les lois ont engendré
ds principes, Mélanges Jean Foyer, PUF, 1997, 45.
[56] G. Vedel, Le précédent judiciaire en droit public
français, Rev. int. dr. comp. 1984, vol. 6, p. 51.
[57] L. Favoreu et Th. Renoux,
Rapport introductif, colloque de la Cour
de cassation, Doc. fr. 1995.
[58] N. Molfessis, RTDCiv. 1997, 787.
[59] L. Favoreu, Principes généraux du droit et principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, RFDA 1996, 882 (à
propos de l’arrêt Koné, CE 3 juill. 1996). Pour un point de vue plus nuancé, P.
Delvové, RFDA 1996, 908. Pour une synthèse, B. Mathieu et M. Verpeaux, D. 1997,
chron. 219. V. aussi, B. Genevoix, Une
catégorie de principes de valeur constitutionnelle : les principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, RFDA 1998, 477. Fr.
Moderne, Actualité des principes généraux
du droit, RFDA 1998, 495.
[60] Sur l’influence de la
Révolution française sur le droit, Rev.
Droits, 1993-17.
[61] L. Henkin, Droits économiques et constitution
américaine, Rev. Inter. dr. comp. 1993, 421.
[62] Sur le rapprochement des
raisonnements utilisés par les juges constitutionnels et des principes
constitutionnels affirmés par eux au niveau mondial, Michel Rosenfeld (prof. À
la Carduzo School of Law de New York, Le
Monde, 26 juill. 1997.
[63] Sur ces sources communes,
mais aussi leurs différences, J. Robert et J. Duffar, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Domat, 5ème
éd., 1993, p. 38-39. St. Rials, Le
mystère des origines, in La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Rev.
Droits, 1998-8, p. 3, spéc. p. 12 à 14. Sur la justice constitutionnelle dans
la constitution américaine de 1787, la Déclaration de 1789, les constitutions
norvégienne de 1814 et belge de 1831, Eivind Smith, Constitutional justice under old constitution, 1995, compte rendu
par P. Vialle, Rev. Inter. dr. comp. 1996, 972.
[64] M.A. Frison-Roche, RTDCiv. 1997, 1030, n° 3, i fine. La
raison en est simple : l’un est fondé sur une idéologie raciste et
d’extermination, dès l’origine ; l’autre, tout au contraire, est bâti sur
l’idée de rassemblement des hommes et d’égalité entre eux.
[65] Sur ces deux arrêts et la
question plus générale de l’application du droit par la Cour de cassation, v.
Serge Guinchard, Le droit a-t-il encore un avenir à la Cour de cassation ?
Qui cassera les arrêts de la Cour de cassation ? Mélanges Terré, PUF, 1999.
[66] Com. 17 fév. 1998 : D. 1998, note F. Derrida et Perdriau.
[67] Civ. 1ère, 28
avr. 1998 : Procédures, juill. 1998,
n° 165, obs. Perrot ; RG Procédures 1998, vol. 3, obs. Wiederkehr.
[68] F. Sudre, JCP 1998, I, 100, p. 10.
[69]
Crim. 3 juin 1975 : Bull. n° 141.
- 5 déc. 1978 : Bull. n° 346 ;
D. 1979, 50, note Kerhig. - 6 mars 1986 : D. 1986, 315, note Mayer. - Civ. 1ère, 18 mai
1989 : Bull. I, n° 198.
[70] Crim. 30 juin 1976 :
D. 1977, 1, note Coste-Floret ; JCP
1976, II, 18435, rapp. Mongin.
[71] J.P. Gridel, Déclin des
spécificités et éventuel retour d’un droit commun européen : D. 1999, chron. 139, spéc. p. 141.
[72] Crim. 21 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 214, obs.
Buisson ; RSC 1997, 858, obs. Dintilhac (avec Crim. 6 mai 1997).
[73] Crim. 22 nov. 1995 :
Gaz. Pal. 7 mai 1996, som. de jurisp.
Pénale.
[74] TGI Saintes, 21 fév.
1997 : Gaz. Pal. 1997, 1482, note M.
Peisse ; RTDCiv. 1998, 521, obs. Marguénaud ; D. 1999, som. com. 23,
obs. M. L. Niboyet. - Limoges, 19 nov. 1998 : Gaz. Pal. 11 mars 1999 et doctr. (contraire) M. Besserve. -
Contra : Montpellier, 27 janv. 1999 : Gaz. Pal. 11 mars 1999, som. des Cours et Tribunaux, V° Contrats et
obligations.
[75] TGI Paris, 3 mars
1999 : D. 1999, 13 ème cahier,
Flash.
[76] CE 5 déc. 1997 : AJDA 1998, p. 97, chron. Girardot et F.
Raynaud ; p. 149, arrêt et concl. Bergeal ; p. 167, avis ; RG
Procédures 1998, 242, obs. Flauss ; Petites affiches, 15 juin 1998, note
Le Gras.
[77] Cons. Const. 15 janv.
1975 : D. 1975, 529, note Hamon.
[78]
Commission, avis du 9 sept. 1997 (§ 98), affaire Zielinski et Pradal c/
France : AJDA 1999, 990, obs. Flauss
(la loi de validation était intervenue pendant l’instance en cassation d’arrêts
d’appel qui avaient donné tort à l’Etat et raison aux requérants).
[79] Boyer, La notion d’équité et son rôle dans la
jurisprudence des Parlements : Mélanges Maury, 1960, t. 2, p. 257.
[80] Edition Le Robert, sous
la direction d’Alain Rey, V° équité.
[81] Rép. Dr. civil, V°
équité, n° 1.
[82] V° équité, PUF, 1994,
sous la direction de Gérard Cornu.
[83] Civ. 2ème, 19
janv. 1983 : Gaz. Pal. 198, Pan.,
177, obs. Guinchard) ; il ne peut pas non plus se fonder sur l’équité
(Soc. 21 fév. 1980 : JCP 1980 ;
IV, 176. - 11 mai 1994 : D.
1995, 626, note C. Puigelier. - Civ. 3ème, 22 mars 1995 : Gaz. Pal. 16 mai 1996, som. ann. , V°
Preuve, obs. Croze et Moussa). - Revue Justices,
1998-9, L’équité du juge.
[84] v. Dictionnaire Collins, English langage dictionnary, 1992, V°
Equity.
[85]
Serge Guinchard, Le procès équitable,
droit fondamental ? AJDA, n° spécial, juill./août 1998, p. 191. - Le procès équitable, garantie formelle ou
droit substantiel ? Mélanges Farjat, Credeco, Nice, 1999. - Mégacode
de procédurre civile, Dalloz éd. 1999, ss. art. 6, CEDH. - Opinion dissidente
du juge Lopes Rocha, sous CEDH, 20 fév. 1996, arrêt Lobo Machado c/ Portugal : Rec. 1996-I, vol. 3, p. 210.
[86] Déc. 95-360 DC, 2 fév.
1995, Injonction pénale : RJC I,
632 ; D. 1995, chron. 171, Pradel et 201, Volff ; RFDC, 1995-22, 405,
note Th. Renoux ; D. 1997, som. com. 130, obs. Th. Renoux.
[87] RTDCiv. 1928, 371.
[88] Psaume 84-II.
[89] J.Cl. Soyer et M. de
Salvia, in La convention européenne des
droits de l’homme, commentaire article par article, sous la direction de
L.E. Pettiti, E. Decaux et P.H. Imbert, économica,
1995, p. 251.
[90] J.Cl. Soyer, La loi nationale et la Convention européenne
des droits de l’homme, in Mélanges Foyer, PUF, 1997, p. 137.
[91]
Serge Guinchard, Le procès équitable, droit fondamental ? AJDA, n° spécial sur les droits
fondamentaux, juill./ août 1998, p. 193. J. Cl. Soyer La loi nationale et la CEDH : Mélanges Foyer, PUF, 1997, 125. -
Colloque de l’Institut de droit européen des droits de l’homme, Montpellier, 13
et 14 mars 1998, sur l’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme, Bruylant et Nemesis éd., 1998.
[92]
CEDH, 9 déc. 1994, arrêt Ruiz, série A, n° 303-A, § 29 et arrêt Hilani, série
A, n° 303-B, §27, c/ Espagne : Justices,
1996-3, p. 236, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[93]
M. Delmas-Marty, Vers une autre
logique : à propos de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme : D. 1988, chron. 221.
[94] CEDH, 28 juin 1978, arrêt
König, série A, n° 27.
[95] CEDH, 28sept. 1995, arrêt Procola c/Luxembourg (recours
contre un règlement en matière économique qui avait trait au droit de
transformer ou de vendre du lait sans un prélèvement complémentaire). - 20 nov.
1995, arrêt British American Tobacco c/
Royaume Uni.
[96] AJDA 1997, 980, obs. Flauss.
[97]
CEDH, 16 juill. 1971, arrêt
Ringeisen : Rec. série A, n° 13 ; Ann. Fr. dr. inter. 197, 334,
chron. R. Pelloux. - 29 mai
1986 : JDI 1987, 778, note
Tavernier.
[98] CEDH, 8 juin 1976, arrêt Engel c/ Pays-Bas, série A, n° 22, § 81
(application aux poursuites disciplinaires militaires) ; V. Berger, Jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, 5ème, éd. 1996, n° 73, § 572 et s.
[99] CEDH, 22 fév. 1996, Putz c/ Autriche : Rec. 1996-I, vol. 4,
p. 312 ; RSC 1997, 469, obs. R. Koering-Joulin ; RTDH 1997, 493, note
Fl. Massias ; Justices, 1997-5, 191, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. Et
déjà, CEDH, 23 mars 1994, Ravnsborg c/
Suède : RTDH 1994, 515, note Flauss.
[100] CEDH, 21 avr. 1998, Estima Jorge c/ Portugal : D. 1998,
som. com. 369, obs. Fricéro ; RTDCiv. 1998, 993, obs. Marguénaud ;
JCP 1999, I, 105, n° 21, obs. Sudre.
[101] CEDH, 28 oct. 1998, Perez de Rada Cavamilles c/ Espagne :
JCP 1999, I, 105, n° 21, obs. Sudre.
[102] Bruylant éd. 1996, p.
81.
[103] Cohen-Jonathan, Rapport
au colloque du 22 mars 1996 préc., p. 170.
[104] CEDH, 23 fév. 1995,
série A, n° 306-B, AJDA, 1995, 721, obs. Flauss.
[105] Ibid., p. 722.
[106] CEDH, 24 fév. 1995,
arrêt Mc Michaël c/ Royaume Uni, série A, n° 307-B, § 87.
[107] CEDH, 7 août 1996, arrêt
Zubani c/ Italie, AJDA, 1996, 1007, obs. Flauss.
[108] Opinion des juges
Martens et Matscher sous CEDH, 25 avril 1996, arrêt Gustafsson c/ Suède, AJDA,
1996, 1007, obs. Flauss.
[109] Commission, 10 mai 1994,
affaire Saunders c/ Royaume Uni, Justices, 1996-3, p. 244, obs. Cohen-Jonathan
et Flauss. CEDH, 17 déc. 196, même affaire, Rec. 1996-VI, Vol. 24, p. 2024.
[110] CEDH, 20 oct. 1997,
arrêt Serves c/ France, Bull. du greffier de la Cour, p. 6.
[111] CEDH, 24 juin 1993,
série A, n° 253, arrêt Schuler-Zgraggen.
[112] Commission, 19 mai 1994
et CEDH, 23 octobre 1995, affaire Gradinger c/ Autriche, Justices, 1996-3, p.
249, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[113] Crim. 20 juin 1996, D.
1997, 249, note Tixier et Lamulle.
[114] CE, Avis, 4 avril 1997,
Jammet, Req. n° 183658 : Courrier juridique des finances, mai 1997, p.
6 ; D. 1997, IR, 125.
[115] Conseil de la
concurrence, décision n° 95-D-76, 29 novembre 1995, BOCC, 15 mai 1996, 174.
[116] Décision déc. 97, D.21, Appareils de détection des métaux,
BOCCRF, n° 12, 8 juill. 1997 ; Justices, 1997-8, 159, obs. L. Idot.jj
[117] CJCE, 13 février 1969,
arrêt Walt Wilhem, aff. 14/68 : Rec. p. 1.
[118] CEDH, 30 oct. 1998, Oliveira c/ Suisse : AJDA 1998, 992,
obs. Flauss.
[119] M. Delmas-Marty, La mondialisation du droit :
chances et risques : D. 1999, chron.
43.
[120] Corpus juris, Economica, 1997.
[121] J. Cl. Fourgoux, Un
espace judiciaire contre la fraude communautaire : un corpus juris entre
rêve et réalité : D. 1997, chron.
348 ; Espaces judiciaires européens, corpus juris et le reste : Rev. Europe, oct. 1997, Repères. -
Christine Van Den Wyngaert, in Les
systèmes comparés de justice pénale - De la diversité au rapprochement : Actes de la conférence internationale de
droit pénal, Syracuse, 16-20 déc. 1997, Erès éd., 1998, p. 443. - Francesco
de Angelis, Le corpus juris portant dispositions pénales pour la protection des
intérêts financiers de l’Union européenne : origines et
perspectives : D. 1998, chron. 221.
- Rosaria Sicurella, Le corpus juris : proposition d’un modèle d’espace
judiciaire européen : D. 1998,
chron. 223.
[122] Séance du mercredi 24
août 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p. 10.
[123] R Drago, Le juge
judiciaire, juge administratif : RFDA
1990, 757
[124] Code des PTT, art. L.
36-8-IV (recours devant la Cour d’appel de Paris) et L. 36-11-4°) (recours
devant le Conseil d’Etat), réd. L. n° 96-659, 26 juill. 1996.
[125] Karaquilo : D. 1996, chron. 87. - Auneau et
Jacq : JCP 1996, I, 3947.
[126] CE, 22 juill.
1992 : D. 1993, 348, note Anne
Klebes-Pelissier.
[127] V. Agathe Van Lang, Juge
judiciaire et droit administratif, LGDJ, 1996, Biblio. Dr. public, t. 183,
préface Truchet.
[128]
D. Boccara, Légitimité du
référé-diffamation et conditions de ses prescriptions : Gaz. Pal. 7 mars
1995, doctr. - Le régime procédural
de la loi sur la presse aux prises avec les procédures civiles et pénale :
Petites affiches, 24 oct. 1997, p. 8. - E. Durieux, Référé et liberté d’expression : JCP 1997, I, 4053. - A.
Lacabarats, note sous TGI Paris 11 déc. 1996 : JCP 1997, II, 22938. - M.N. Louvet, Le référé en droit de la presse, in Liberté et droit de la personne,
Dalloz, collec. Thèmes et documents, 1997, 87.
[129]
Civ. 2ème, 3 mai 1985 : JCP
1985, IV, 243 : « le juge
des référés est compétent pour interdire sous astreinte, l'exposition, la
diffusion, la distribution et la mise en vente d'une brochure contenant des
propos outrageants à l'égard d'un magistrat à l'occasion de l'exercice de ses
fonctions et cela malgré l'article_46 de la loi du 29_juillet 1881 qui interdit
à la juridiction civile de connaître de l'action civile née des délits de
diffamation commis envers des fonctionnaires publics, à raison de leurs
fonctions ou de leur qualité ».
Civ. 2ème, 5 fév.
1992 : « l’interdiction faite à
la justice civile par les articles 31 et 46 de la loi du 29 juillet 1981 de
connaître de l’action civile née des délits de diffamation commis envers un
membre du gouvernement en raison de ses fonctions n’est pas un obstacle à ce
que le juge des référés prenne les mesures prévues à l’article 809, al. 1er ».
[130]
TGI Nanterre (réf.), 23 sept. 1987 (condamnation à 1F de dommages-intérêts, ce
qui était une première en jurisprudence) : Gaz. Pal. 1987, 673, chron. Bertin ; confirmé par Versailles,
28 janv. 1988 : note 45, sous 809.
[131]
TGI Paris, 11 juin 1990 et Paris, 12 juin 1990 (réf.) : Gaz. Pal. 1990, 378 et chron. Bertin (affaire
J. Chr. Mitterrand).
[132]
TGI Paris, 13 oct. 1997 (affaire Léotard c/ Rougeot et autres) : Gaz. Pal. 14 oct. 1997, note J.G.
Moore ; Bull. inf. Cass., 1er mars 1998, n° 274. - 28 oct.
1997 (même affaire, après le délai de 10 jours) : Gaz. Pal. 8 nov. 1997 ; Bull. inf. Cass. , 1er mars
998, n° 275. - Ensemble : Petites
affiches, 3 nov. 1997, chron. D. Boccara ; D. 1998, 154, note
Burgelin ; JCP 1997, II, 22964 (« dès
lors qu’il apparaît à l’évidence qu’il existe un déséquilibre flagrant entre
une accusation d’une gravité extrême [commandite d’un assassinat] et des éléments d’enquête manifestement
dépourvus de tout lien consistant avec cette accusation, que les défendeurs
sont dans l’incapacité d’apporter la preuve de leurs allégations diffamatoires,
la publication litigieuse cause au demandeur un trouble manifestement illicite
qu’il appartient au juge des référés de faire cesser ».
[133] Cass. Ch. mixte, 3 juin
1998 : Bull. inf. Cass. 15 sept.
1998, concl. Joinet.
[134] Conte et Maistre du
Chambon, Procédure pénale, 2ème éd. 1998, p. 15.
[135] Sur le principe de
dialogue, Mme Patricia Aubijoux. Sur le principe de loyauté, Melle Emma
Boursier.
[136] Motulsky, Mélanges Roubier, n° 13 et s., note 27.
[137] J. Carbonnier, Introduction, PUF, n° 188. Bulletin d’information du Bâtonnier de
Paris, 18 janv. 1994, p. 15 : « la
loyauté dans les relations entre les avocats constitue une impérieuse
nécessité ». V. aussi, A. Leborgne, L’impact de la loyauté sur la
manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand principe, RTDCiv. 1996, 535. Mélanges Cerexhe, La loyauté, Larcier éd., 1997, spéc.,
pour le droit procédural : Ph. Couvreur, La loyauté dans les rapports judiciaires internationaux, p.
67 ; Fr. Delpérée, A la loyale,
p. 116 ; X. Dijon, La loyauté
osmotique, p. 127 ; P. Martens, Sur
les loyautés démocratiques du juge, p. 249. Colloque sur l’obligation, Ass.
Philo. Dr., 9 et 10 avr. 1999, rapport L. Aynès, L’obligation de loyauté.
[138] Civ. 1ère, 19
nov. 1991 : Bull. I, n° 316.
[139] Com. 27 mars 1990 :
D. 1991, 503, note Bonnard.
[140] Crim. 11 juin
1996 : D. 1997, 576, note Agostini.
[141] E. Gaillard, Rev. arbitr. 1985, 241. - Ph. Pinsolle,
Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le
commerce international : Clunet,
1998, 905.
[142] H. Muir Watt, Pour
l’accueil de l’estoppel en droit privé français : Mélanges Loussouarn, Dalloz, 1994, 303. Sur l’estoppel, O.
Moreteau, L’estoppel et la protection de
la confiance légitime, thèse Lyon III, 1990.
[143] H. Muir Watt, préc.
[144] V. Méga code de
procédure civile, commenté par Serge Guinchard, ss. art. 126, n° 012. - Vincent
et Guinchard, Procédure civile, 24ème
éd. 1996, n° 145, c.
[145] Débats du mercredi 24
mars 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p.
10. Les réserves ont notamment été émises par Maître Arnaud de Montebourg...
[146] Ch. réunies, 31 janv.
1888 : S. 1889, 1, 241.
[147] Crim. 9 oct. 1980, arrêt Tournet : JCP 1981, II, 18578, note Di Marino. 28
oct. 1991 : JCP 1992, II, 21952,
note Pannier.
[148] Crim. 23 août
1994 : Bull., n° 291. - 16 déc.
1997 : D. 1998, 537, note Pradel.
[149] CEDH, 24 août 1990, arrêt Kruslin.
[150] Crim. 7 mai 1996 : Procédures, sept. 1996, n° 270, obs. Buisson.
[151] Crim. 6 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 218, obs.
Buisson.
[152] Crim. 27 fév. 1996,
arrêt Schuller/Maréchal : D. 1996, 436, note Guéry ; JCP 1996,
II, 22629, note Rassat. - V. aussi, Crim. 17 oct. 1991 : Dr. pénal, 1992, n° 27.
[153] Crim. 26 avr.
1987 : Bull. 173. - 11 fév.
1992 : Bull., n° 66 ; D. 1993,
som. com. 206, obs. Pradel (avec Crim. 23 juill. 1993).
[154] Crim. 6 avr. 1993 :
JCP 1993, II, 22144, note Rassat. Et
déjà, Crim. 23 juill. 1992 : Bull.,
n° 274. - 6 avr. 1994 : Bull. n°
136.
[155] Crim. 15 juin
1993 : Bull. n° 210.
[156] Paris, 8 avr.
1994 : BOCCRF, 18 mai 1994. -
Paris, 17 mai 1994 : BOCCRF, 7 juin
1994.
[157] E. Putman, Contentieux économique, PUF, 1998, n°
180, p. 175.
[158] Conseil de la
concurrence, décision n° 98-MC 08, 8 sept. 1998 : Contrats-Concurrences-Consommation, fév. 1999, n° 25, obs. M.
Malaurie-Vignal.
[159] Cornu, Rev. hist. Fac. Dr., 1995, vol. 16, p.
241 ; repris in La
codification, Dalloz, collec. Thèmes et
commentaires, 1996, p. 71.
[160] V. Bolard et Flécheux, D 1995, chron. 221.
[161] Commentaire Serge
Guinchard : D. 1999, chron. 65.
[162] Motulsky, La réforme du code de procédure civile par
le décret du 13 octobre 1965 : JCP 1966, I, 1996 et Ecrits, t. 1, p. 130,
n° 68. - Vincent et Guinchard, op.
cit., n° 864.
[163]
Fr. Ruellan, L’office du juge dans le
procès civil (à propos d’une expérience d’un schéma directeur de mise en
état au TGI d’Annecy) : Petites
affiches 12 juill. 1995 p. 23. Sur la pratique du contrat de procédure,
Caratini : Gaz. Pal. 1985, doctr.
639 et 1er fév. 1986. - du Rusquec : JCP 1994, I, 3774. -
Estoup : D. 1985, chron. 195 et Gaz.
Pal. 1985, doctr. 680. - Gaudin : Gaz.
Pal. 1er fév. 1986. - XXX : Gaz. Pal. 1986, doctr. 387. Sur les différentes pratiques de mise
en état, v. Foulon, in Le nouveau code de
procédure civile, vingt ans après, colloque Cour de cassation, 11 et 12
déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 161.
[164] CEDH, 24 nov. 1997, Werner c/ Autriche : Rec. 1997-VII,
Vol. 56, p. 2496.
[165] Civ. 1ère, 20
juill. 1994 : Bull. I, n° 259.
[166] CEDH, 20 fév. 1996, arrêts Vermeulen c/ Belgique et Lobo Machado
c/ Portugal : Rec. 1996-I, vol. 3, 210 ; AJDA 1996, 1028, obs.
Flauss ; RTDCiv. 1996, 1028, obs. Marguenaud ; ibid. 1997, 992, obs.
Perrot et 1006, obs. Marguenaud et Raynard ; RTDEur.1997, 373, note Fl.
Benoît-Rohmer ; Clunet 1997, 203, obs. P.B. ; Justices, 1997-5, 195,
obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; D. 1997, som. com. 208, obs. Fricero.
[167]
CEDH, 25 juin 1997, arrêt Van Orshoven c/
Belgique : Rec. 1997-III, vol. 39, 1039 ; D. 1997, som. com. 359,
obs. Fricero ; AJDA 1997, 988, obs. Flauss ; JDI 1998, 197, obs. P.
Tavernier ; RGDP 1998, 237, obs. Flauss.
CEDH 24 nov. 1997, arrêt Werner c/ Autriche : RGDP 1998,
238, obs. Flauss.
CEDH 27 mars 1998, arrêt
J. J. c/ Pays-Bas, série A, n° 201 (en matière fiscale). - CEDH 27 mars
1998, arrêt K. D. B. c/ Pays-Bas, série
A, n° 202 (en matière civile).
[168] Commission, 10 oct.
1994, affaire Lassauzet et Guillot c/
France : AJDA 1996, 384, obs. Flauss.
[169] V. J.F Burgelin, Allocution du 10 janv. 1997 ; Gaz. Pal.
24 mai 1997.
[170] CEDH 31 mars 1998, arrêt Mme Reinhardt et Slimane Kaïd c/
France : RTDCiv. 1998, 512, obs. Marguenaud et Raynard ; Procédures
juill. 1998, n° 177, obs. Buisson.
[171] En matière domaniale,
administration des eaux et forêts, art. L. 153-2, C. forestier. - En matière de
voirie routière, au profit du ministre chargé de cette voirie, art. L. 116-8,
C. voirie rout. - En matière fiscale et d’infractions douanières et cambiaires,
possibilité pour l’administration des douanes (art. 350, C. douanes) et pour
celle des contributions indirectes (art. L. 248, Livre des procédures fiscales)
de transiger.
[172] Déc. 95-360 DC, 2 fév.
1995, Injonction pénale : RJC I, p.
632 ; D. 1995, chron. 171, Pradel et 201, Volff ; RFDC, 1995-22, 405,
note Th. Renoux ; D. 1997, som. com. 130, obs. Th. Renoux.
[173] CEDH, 8 fév. 1996, arrêt
Murray c/ Roy. Uni : Procédures,
juin 1996, n° 194, obs. Buisson ; RSC 1997, 476, obs. R. Koering-Joulin.
[174] CEDH, 25 fév. 1993, Funke c/ France : JCP 1993, II, 22073,
note R. et A. Garnon ; JCP 1994, I, 3472, n° 13, obs. Sudre ;
Justices, 1996-3, 244, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. - 17 déc. 1996, Saunders c/ Roy. Uni : RSC 1997, 478,
obs. R. Koering-Joulin ; JCP 1997, I, 4000, n° 18, obs. Sudre ; AJDA
1997, 988, obs. Flauss. - 20 oct. 1997, Serves
c/ France : JCP 1998, I, 107, n° 23, obs. Sudre ; RSC 1998, 395, obs.
R. Koering-Joulin.
[175] CEDH, 17 déc. 1996, Saunders : préc. - Opinion
dissidente du juge Martens (§12).
[176] CEDH, 8 fév. 1996 Murray, préc., §47.
[177] CEDH, 17 déc. 1996, Saunders c/ Roy. Uni, préc. § 69, 2ème
phrase.
[178] CJCE, 18 oct. 1989, Orkem, aff. 347/87. - 10 nov. 1993, Otto/ Postbank, aff. C. 60/42.
[179] CEDH, 20 oct. 1997, Serves c/ France, préc.
[180] Crim. 28 sept.
1983 : D. 1984, 156, note Pradel.
[181] Pour le droit américain,
Federal Rules of civil procédure, Rule
1 ; New York Civil Pratice Law and
Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog : Justices, 1996-3, p. 446.
[182]
M.-A. Eissen, La durée des procédures
civiles et pénales dans la jurisprudence de la CEDH : Bull. inf. C. cass.,
1er oct. 1995, p. 3. - Ch. Méral : Gaz. Pal. 1993, doctr. 480.
[183] CEDH 20 fév. 1991 :
D. 1992, somm. 333, obs.
Renucci ; Clunet, 1992, 779, obs. E.D.
[184] Ibid.
[185] CEDH, 25 oct. 1988, arrêt Martins Moreira, série A, n° 143,
§ 44. - 24 mars 1984, arrêt Silva Pontès,
série A, n° 286-A, § 33 : Justices,
1995-1, 170, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. - 23 mars 1993 : Justices 1995, 1, 170, obs. G. Cohen-Jonathan et J.-F. Flauss. - 26 sept.
1996, arrêts Di Pede et Zappia c/ Italie:
JCP 1997, I, 4000, n° 28, obs. Sudre; D. 1997, Som. com. 209, obs.
Fricero ; Rec. 1996-IV, vol. 17, p. 1376 (arrêt Di Pede) et p. 1403 (arrêt
Zappia).
[186] TGI Paris, 6 juill.
1994 : JCP 1994, I, 3805, n° 2, obs.
Cadiet ; Dr. et patrimoine, janv. 1995, p. 9, obs. de La Vaissière. -
5 nov. 1997 : Gaz. Pal. 8 nov.
1997 ; D. 1998, note Frison-Roche.
[187] L. Favoreu, Du déni de justice en droit français, thèse,
LGDJ, 1964, p. 534.
[188] Sur la portée des
récapitulations et leur sanction, v. Serge Guinchard, D. 1999, chron. 65.
[189] Rapport du groupe de
travail sur les procédures d’urgence, 1998, p. 4.
[190] Conseil de la
concurrence, décret n° 87-849, 19 oct. 1987. - Commission des opérations de
bourse, décret n° 90-263, 23 mars 1990. - Conseil des marchés financiers,
décret n° 90-869, 3 oct. 1996. - Autorité de régulation des télécommunications,
décret n° 97-264, 19 mars 1997.
[191] Sur tous ces points, v.
G. Canivet, Le principe d’efficience,
Mélanges Drai, Dalloz, à paraître 1999.
[192] E. putman, Les spécificités
du droit processuel économique de l’urgence : Rev. de la concurrence et de la consommation, ministère de l’économie
et des finances, n° 98, supplément juill./août 1997, p. 35.
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