SOMMAIRE
I – QUESTIONS NATIONALES CONTEMPORAINES
II – QUESTIONS INTERNATIONALES
A)
L’APPARITION D’UN MODÈLE
UNIVERSEL DE PROCÈS
B)
L’APPARITION
DE JURIDICTIONS PÉNALES INTERNATIONALES
a)
Problématique d’une Justice pénale internationale
b)
Entre le devoir d’exister et le droit de pardonner
C)
L’APPARITION
D’UN MODÈLE PÉNAL INTERNATIONAL
III – LA PLACE DES CITOYENS DANS LA JUSTICE PÉNALE
IV – LA PLACE DU PRÉFET
I – QUESTIONS NATIONALES CONTEMPORAINES
Une question récurrente : les relations entre les
organes du procès pénal
La loi n° 2000-516
du 15 juin 2000 abordait ces relations, mais à propos de problèmes
particuliers, sans les replacer dans une perspective d’ensemble du modèle de
procès que la France voudrait pour le troisième millénaire. Au-delà du meilleur
respect de la présomption d’innocence, de l’amélioration des droits des
victimes (L. 15 juin 2000° et des relations du parquet avec le garde
des Sceaux (L. 9 mars 2004), reste le problème de la place et
du rôle du juge d’instruction dans le procès pénal, même si,
quantitativement, le nombre d’affaires soumises à une instruction préparatoire
va en diminuant et n’est pas caractéristique des problèmes de traitement de la
délinquance d’aujourd’hui. La vraie question, par rapport au juge
d’instruction, en attendant sa disparition inscrite dans l’évolution mondiale
du procès pénal,
reste celle de la confusion des pouvoirs que l’institution porte en elle
depuis 1856. Ne faut-il pas introduire une nouvelle et radicale séparation
des pouvoirs à l’intérieur de chaque institution ? Par exemple, le
Parlement ne pourrait pas se transformer en Cour de justice de la République ou
en Haute Cour parce qu’il est législateur. De la même façon, le juge
d’instruction, soit devrait rester ce qu’il était en 1808, un enquêteur,
sans aucun pouvoir juridictionnel, soit devrait perdre ses pouvoirs
d’investigation (qui passerait entièrement au parquet) et ne conserver que ses
pouvoirs juridictionnels de contrôle des enquêtes et de prendre les mesures
restrictives de liberté, auquel cas sa disparition serait actée au profit du
juge des libertés et de la détention. La loi du 15 juin 2000 va dans cette
direction. Celle du 9 mars 2004 n’aborde pas franchement cette question,
mais, indirectement, écarte le juge d’instruction de la scène judiciaire au
profit du parquet (historiquement, sur le mouvement de balancier entre le parquet
et le juge d’instruction et la réforme annoncée de la suppression du juge
d’instruction avait redonné de l’actualité à ce sujet, avant qu’il ne fût
abandonné. C’est sans doute le juge des libertés et de la
détention qui devrait être l’arbitre de ce mouvement de balancier.
Des questions nouvelles
Le droit du procès
bouge, est en fusion, avec un triple mouvement : d’attraction par les
droits fondamentaux, de modélisation dans la mondialisation et d’émergence
de nouveaux principes directeurs tels que le principe de loyauté, de dialogue
et de célérité[1].
Le procès pénal n’échappe pas à ce triple mouvement, mais il connaît des
changements, des évolutions qui lui sont propres. On en évoquera quatre
seulement ici.
a) La question dite des procès de masse s’est
posée récemment avec le jugement des actes de terrorisme mettant en cause de
nombreux accusés[2].
Il a fallu qu’une loi permette que de tels procès aient lieu en dehors des
enceintes judiciaires (L. n° 97-1273, 29 déc. 1997, in CCP,
art. 706-17-1)[3],
mais le choix d’un gymnase, dans l’enceinte d’une prison, ne fut sans doute pas
des plus heureux (symboliquement s’entend) pour une première expérience. En
dehors des affaires de terrorisme, le problème demeure de l’organisation des
procès faisant comparaître de nombreux accusés ou prévenus (procès AZF à
Toulouse puis à Paris par exemple). La solution semble être dans l’aménagement
des salles des pas perdus des palais de justice ; sur l’une des
propositions de la commission Guinchard en ce sens, V. Belles pages XV.
b) La question dite du partage de la gestion
électronique des dossiers en cours d’instruction est un autre de ces
problèmes de procédure que notre droit ne connaissait pas autrefois.
De quoi
s’agit-il ? Les pièces des dossiers d’instruction continuent à être
communiquées aux avocats sous la forme papier, alors que la numérisation de ces
pièces par les greffiers qui assistent les juges d’instruction devrait
permettre un autre mode de transmission. Surtout, des logiciels permettent
d’accéder au dossier par un système de mots clefs qui accélèrent les
recherches. Ce logiciel doit-il être réservé aux juges d’instruction ?
L’égalité des armes ne postule-t-elle pas l’égalité informatique ? Une
lecture plus dynamique de l’article 114, CPP serait de nature à faire
progresser la recherche d’une solution plus satisfaisante pour les droits de la
défense[4].
c) La question de la
déjudiciarisation (avec les formes
larvées de composition pénale, de procédure sur reconnaissance préalable de
culpabilité) et des procédures pénales accélérées. Une étude
(en 2005) du service juridique du Sénat résultant d’une mission
d’information de sa commission des lois sur les systèmes juridiques allemands,
belges, espagnols, italiens et portugais, a montré que l’accélération de la
procédure pénale résulte principalement de trois mécanismes : le
remplacement de la procédure orale par une procédure écrite, la suppression de
l’une des phases du procès et la simplification de la procédure tout au long du
procès[5].
De ce mouvement, on rapprochera ce qu’un auteur a appelé « la
privatisation de la procédure pénale »[6].
– V. Belles pages XV sur les propositions de la commission Guinchard
et sur celles des commissions Marshall et Delmas-Goyon.
d)
La question de la concurrence des procédures pénales, de la diversification des
modes de traitement des délits dans les lois nouvelles.
Excellemment mise en valeur par un auteur[7],
elle doit être vue d’une part en contemplation du développement considérable
des procédures alternatives aux poursuites et, d’autre part, avec en
perspective l’éventuelle redistribution des cartes de la maîtrise des enquêtes
et des instructions entre le parquet et un juge du siège, qu’il soit
d’instruction ou de l’enquête et des libertés.
II – QUESTIONS INTERNATIONALES
La
mondialisation du droit et des procédures
Phénomène marquant de la
fin du xxe siècle
et du début du xxie siècle,
la mondialisation du droit[8] concerne
en tout premier lieu le droit du procès.
- Sous l’effet de
l’attraction, notamment internationale, de la procédure par les droits
fondamentaux, un modèle universel du procès apparaît, quel que soit le type de
contentieux (A).
- Parallèlement, en
matière pénale, des juridictions pénales internationales sont mises sur pied
pour juger les criminels de guerre ou contre l’humanité (B),
- ce qui génère un modèle
pénal international mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire,
un modèle mixte (C).
A)
L’APPARITION D’UN
MODÈLE UNIVERSEL DE PROCÈS
Les garanties
fondamentales d’une bonne justice
C’est autour de l’article 14 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et, surtout, en raison de la jurisprudence de la
Cour EDH sur l’article 6 de la Convention EDH), que se construit ce modèle
universel[9].
Il sera étudié au Titre 3 de cette partie puisqu’il encadre, par ses
standards, la procédure pénale française. Mais l’Union européenne n’est pas en
reste, notamment avec l’élaboration de son Livre vert sur les garanties
procédurales et les directives ou projet de directives qui ont suivi.
a) Le modèle
est universel à un triple titre :
– parce
qu’il s’applique à tous les États démocratiques, au moins européens :
quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe, plus
de 800 millions d’Européens qui disposent d’un droit de recours
direct devant une seule et même juridiction, composée de juges de tous les
États membres et dont la jurisprudence, nécessairement bâtie sur la
connaissance des droits nationaux, forge un droit commun qui tisse entre eux le
meilleur lien qui soit de leur appartenance à une même communauté. C’est en ce
sens qu’il existe un droit commun du procès et que ce droit est aussi un droit
comparé des systèmes nationaux parties de l’ensemble ;
– parce
qu’il transcende la distinction entre le procès civil et le procès pénal, ses
exigences, notamment celle de la garantie d’un procès équitable, valant tant
pour la matière civile que pour la matière pénale, au sens européen du terme,
c’est-à-dire quel que soit la juridiction ou même l’organe non juridictionnel
saisi. En effet, la notion de matière civile, pas plus que celle de matière
pénale, ne recoupe le procès civil ; une matière civile peut faire l’objet
d’un procès devant une juridiction civile, mais aussi devant une juridiction
administrative ou disciplinaire ; même remarque pour la matière pénale,
qui n’appartient pas qu’aux juridictions répressives stricto sensu, qui
déborde sur le contentieux répressif administratif, économique par exemple. Le
modèle européen issu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en est
d’autant plus transversal, par rapport à nos schémas traditionnels. Il est
d’autant plus utile que certains contentieux nouveaux, ceux nés de la
régulation économique par des autorités de marché, n’ont pas toujours disposé,
tout au moins à l’origine, de règles de procédure suffisamment précises pour
que soient respectés les principes fondateurs d’une procédure démocratique et
respectueuse des droits de la défense. C’est ainsi que l’Assemblée plénière de
la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 5 février 1999, que le
principe de la séparation des autorités de poursuite, d’enquête et de jugement
s’appliquait aux procédures répressives des autorités administratives indépendantes,
par exemple devant l’ex-Commission des opérations de Bourse[10] ;
– parce
que ce modèle transcende aussi la distinction des modèles accusatoire et
inquisitoire, en ce sens qu’on s’attachera plus aux exigences de l’équité
procédurale qu’aux caractéristiques traditionnelles des deux modèles, aux
droits de la défense qu’aux finalités d’évitement de l’arbitraire (modèle
accusatoire) ou de recherche de l’efficacité (modèle inquisitoire)[11].
Dans ce rapport crucial entre les quatre composantes de tout procès, son enjeu,
le débat (écrit ou oral), le tiers qui en connaît et la décision qui clôt la
procédure, le modèle du procès équitable est celui qui garantit le mieux le
respect des droits de la défense : parce qu’il privilégie le débat oral
(comme la médiation, mais à la différence de l’inquisition), parce qu’il
accepte l’idée d’un enjeu au sens d’une incertitude (à la différence de
l’inquisition), parce que l’influence du juge se doit d’être impartiale et
respectueuse d’un ordre juridique imposé aux parties (alors que le
médiateur va davantage chercher à concilier les intérêts en présence)[12].
b) Une garantie très étendue
La garantie d’un procès équitable ne concerne pas seulement tous les
contentieux, dès lors que le litige entre dans le champ d’application de
l’article 6 de la Convention EDH, au regard soit de la matière civile, soit
de la matière pénale. Elle concerne aussi toutes les phases d’une procédure, de
l’introduction de l’instance (et même de la mise en cause d’une personne par
une accusation pénale) à l’exécution du jugement. L’équilibre du procès
équitable, on va le retrouver dans tous les apports de la Convention et de la
jurisprudence européennes à la procédure quelle qu’elle soit. Ces apports
arrivent à former un triptyque qui part du droit d’accès à un juge, pour
conduire à l’exécution effective de la décision du juge, en passant par le
droit à une bonne justice, à un bon juge. C’est le fameux triptyque que la Cour
EDH a progressivement dégagé de l’article 6, § 1. Mais le modèle
du procès équitable est aussi menacé, en matière pénale, d’un « contournement »
par le déplacement de la phase d’enquête confié à un juge d’instruction pour
laquelle la loi du 15 juin 2000 avait renforcé les garanties procédurales,
à une enquête entre les mains du parquet qu’instaure la loi du 9 mars 2004[13].
B)
L’APPARITION
DE JURIDICTIONS PÉNALES INTERNATIONALES
a)
Problématique d’une Justice pénale internationale
Les juridictions ad hoc
Brièvement, on se
contentera d’indiquer ici que, après la guerre de 1914-1918, le traité de
Versailles avait prévu de faire comparaître l’empereur d’Allemagne,
Guillaume II de Hohenzollern, « ex-empereur d’Allemagne »,
devant une juridiction ad hoc, « pour offense suprême contre la
morale internationale et l’autorité sacrée des traités » (art. 227,
al. 1er), mais en le soumettant à un procès équitable par le
respect des droits de la défense (« un Tribunal spécial sera constitué
pour juger l’accusé [où est la présomption d’innocence ?] en lui assurant
les garanties essentielles du droit de défense » (al. 2) ;
« le tribunal jugera sur motifs inspirés des principes les plus élevés de
la politique entre les nations avec le souci d’assurer le respect des
obligations solennelles et des engagements internationaux ainsi que de la
morale internationale » (al. 3) ; le refus des Pays-Bas de
livrer l’intéressé aux Alliés rendit caduque la disposition. En revanche, après
la Seconde Guerre mondiale, le tribunal militaire de Nuremberg (accord de
Londres du 8 août 1945) et le tribunal international de Tokyo (déclaration
du commandement suprême des forces alliées du 19 janvier 1946) jugèrent
les perdants pour crimes contre la paix, crimes de guerre et, surtout, crimes
contre l’humanité. Enfin, plus récemment, certains conflits régionaux ont
provoqué une réaction de la communauté internationale des nations sous forme de
l’institution de juridictions ad hoc[14].
a) Ainsi fut créé, non pas
par un traité (trop long à conclure et à ratifier), mais par deux résolutions
du Conseil de sécurité des Nations unies[15]
des 22 février (décision de principe) et 25 mai 1993 (adoption
du statut du tribunal), le Tribunal pénal international (le TPIY) chargé de
connaître des violations graves au droit humanitaire commis sur le territoire
de l’ancienne Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991 ; il
siège à La Haye avec un règlement de procédure adopté le 11 février
1994, mais modifié plusieurs fois (trop souvent au regard de la sécurité
juridique). La France coopère au fonctionnement de cette juridiction
(L. n° 95-1, 2 janv. 1995) ; d’ailleurs le français est,
avec l’anglais, l’une des deux langues officielles des travaux de ce tribunal,
et l’un de ses présidents a été un Français.
b) Un autre Tribunal pénal
international a été institué par une résolution des Nations unies du
8 novembre 1994, pour connaître des actes de génocide ou autres violations
graves du droit humanitaire commis au Rwanda ou par des Rwandais sur des
territoires voisins, entre le 1er janvier et le
31 décembre 1994 ; il siège à Arusha en Tanzanie, mais son parquet
est commun avec celui du TPIY de La Haye. Adaptation à la législation
française par la loi n° 96-432 du 22 mai.
c) Pour ces deux tribunaux,
leur mission devait être temporaire et s’achever en 2010. Le Conseil de
sécurité des Nations unies a constaté, le 22 décembre 2010[16],
que ce n’était pas le cas et qu’il lui fallait à la fois programmer la fin des
travaux (« stratégie d’achèvement des travaux ») et disposer d’un
outil permettant de poursuivre l’action en la rendant encore plus efficace. Cet
outil pour continuer de traduire en justice les personnes mises en accusation
par ces deux tribunaux, c’est un mécanisme international spécial, qui doit être
« une petite entité efficace à vocation temporaire » ; cette
entité reprendra « certaines fonctions essentielles des tribunaux après
leur fermeture, notamment de juger les fugitifs faisant partie des plus hauts
dirigeants soupçonnés de porter la responsabilité la plus lourde des crimes
commis ». Dans cette résolution du 22 décembre, le Conseil décide la
création de ce mécanisme et adopte son statut (en annexe de la
résolution) ; fonctions et taille de la structure iront en diminuant.
Cette résolution a été adaptée au droit français par la loi n° 2013-711 du
5 août :
– dans la loi précitée n° 95-1 du 2 janvier
pour le TPI ex-Yougoslavie (art. 13 de la loi de 2013) ;
– dans la loi précitée n° 96-432 du 22 mai
pour le TPI-Rwanda (art. 14 de la loi de 2013).
Par ailleurs certains de ces crimes sont jugés sur
place par les tribunaux nationaux[17].
d) Un tribunal ad hoc
pour les crimes commis contre la population civile de la Sierra Leone au cours
des dix années de guerre civile a été créé par un traité de janvier 2002
entre l’ONU et le gouvernement de cet État (le TSSL) ; il associe dans la
proportion d’un tiers des personnels sierra-léonais et des étrangers, siège
normalement à Freetown, avec un procureur américain, un règlement inspiré de
celui des deux autres TPI et des poursuites engagées sur le fondement du droit
pénal international[18].
e) Un tribunal spécial pour
le Liban (TSL) connaît, depuis le 1er mars 2009, de
l’assassinat du premier ministre de cet État, M. Rafic Hariri, le
14 février 2005 ; créé le 30 mai 2007 par l’ONU, il siège à
Leidschendam, banlieue de La Haye, avec onze juges libanais et
internationaux. Son fonctionnement pâtit de la conjoncture politique au Liban,
mais le procès s’est ouvert le 10 janvier 2014.
f) Une nouvelle forme de
justice internationale est née, en raison des difficultés à constituer un tribunal
ad hoc : suite à un accord passé en 2003 avec l’ONU, des
chambres extraordinaires ont été instituées en 2007 au sein des tribunaux
cambodgiens pour juger les crimes commis par les Khmers rouges entre 1975
et 1979 ; elles comprennent des juges locaux et des juges
internationaux sur la base du droit interne cambodgien, mais conformément aux
normes internationales, aux standards du modèle universel de procès équitable[19] ;
mais étant donné les obstacles mis à leur fonctionnement, on peut douter de
leur réelle efficacité. Pour autant un ancien responsable khmer rouge,
Kaing Guek Eav (dit Douch) a été condamné, le 26 juillet 2010, à
trente-cinq ans de prison (il a soixante-sept ans au jour de la
sentence)[20] ;
il a fait appel devant la Cour suprême et son procès qui a débuté le
28 mars 2011 s’est terminé le 3 février 2012 par sa condamnation à
une peine d’emprisonnement à perpétuité ; des constitutions de parties
civiles ont été admises, reconnaissance qui trouve sa limite dans la mise en
cause du gouvernement. Quatre autres grands dirigeants encore vivants sont
jugés depuis le 5 décembre 2011[21].
g) Dans la ligne de cette
nouvelle orientation, la Cour internationale de justice a jugé, le
20 juillet 2012, que le Sénégal devait « sans autre délai »
soumettre Hissène Habré, ancien président du Tchad (en exil au Sénégal
depuis 1990), à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale
ou, à défaut, l’extrader[22].
Cet ancien chef de l’État a été condamné par la Justice de ce pays au printemps
2016.
h) Au stade régional africain, il
est prévu de fusionner la Cour de justice de l’Union africaine créée par l’acte
constitutif de l’Union africaine et la Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples créée par le protocole relatif à la Charte du même nom. La nouvelle
juridiction porterait le nom de Cour africaine de justice et des droits de
l’homme et des peuples et trois sections s’intéresseraient au droit pénal
international[23].
Les juridictions
permanentes : la Cour pénale internationale
C’est entre les deux guerres mondiales que se
concrétisa l’idée de créer une juridiction internationale permanente qui serait
compétente pour juger les auteurs de faits de terrorisme ; à cet effet, la
Société des Nations adopta deux conventions le 16 novembre 1937, dont
l’une portait création de la Cour criminelle internationale ;
signées par la France, ces conventions ne furent pas ratifiées et la Cour ne
fut jamais installée.
Le débat fut repris, plus de cinquante après, et sans
doute sous l’influence de la création réussie de juridictions ad hoc,
qui fonctionnent réellement, au sein des Nations unies. Après plusieurs
conférences et autres discussions, c’est à Rome, le 17 juillet 1998, que
furent adoptés les statuts d’une future Cour pénale internationale permanente,
malgré l’opposition des États-Unis d’Amérique, de la Chine, de l’Inde, d’Israël
et de la Russie ; le traité a été signé le 18 juillet. Depuis, les
USA et Israël ont finalement signé le traité le 31 décembre 2000, soit le
dernier jour ouvert à la signature, sans doute pour pouvoir participer aux
négociations sur le statut de la Cour pénale internationale[24].
Mais les USA se sont retirés de la cour en mai 2002. Composée de dix-huit
juges nommés pour neuf ans et issus de pays distincts, elle siège à
La Haye et est compétente, depuis le 1er juillet 2002,
pour juger les personnes accusées de crimes contre l’humanité, de génocide, de
crimes de guerre (y compris dans les conflits internes à un État) et de crimes
d’agression ; la compétence ne s’exerce que si le responsable de l’un de
ces crimes l’a commis sur le territoire d’un État partie au traité ou, si le
crime ayant été commis sur le territoire d’un État non partie au traité, il est
un ressortissant d’un État partie ; en outre, la Cour permanente n’a
qu’une compétence subsidiaire, puisqu’elle ne juge que les criminels dont il
est établi qu’ils ne seront pas jugés dans leur pays. 156 États et
l’Autorité palestinienne en juillet 2014 ont signé le traité (41 ont refusé),
sur lesquels 124 l’ont ratifié à la date du 1er janvier
2017[25].
Le Parlement réuni en congrès à Versailles, le 28 juin 1999 a autorisé la
ratification qui est intervenue par la loi n° 2000-282 du 30 mars
2000[26].
La loi n° 2002-268 du 26 février 2002 organise la coopération avec la
Cour pénale internationale (CPP, art. 627 à 627-30). La loi
n° 2010-930 du 9 août 2010 créé un article 689-11, CPP pour
articuler la compétence française avec celle de la Cour pénale
internationale : toute personne qui a sa résidence habituelle en France et
qui s’est rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant la
compétence de la Cour peut être poursuivie et jugée devant les juridictions
françaises ; mais seul le parquet peut enclencher les poursuites. Jugée
conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel[27],
cette loi a été très critiquée par ses commentateurs[28],
mais pas par tous[29].
L’activité et l’avenir
de la Cour sont menacés par deux évènements : d’abord, l’opposition active
des USA, qui ont entrepris de signer avec nombre d’États des accords bilatéraux
par lesquels ces États s’engagent à ne pas livrer à la Cour des citoyens
américains soupçonnés des crimes relevant de sa compétence. Ces accords ont été
condamnés par le Conseil de l’Europe par une résolution du 25 juin 2003,
un peu moins fermement par l’Union européenne qui se heurtait au fait que des
candidats à l’adhésion avaient signé de tels accords, en contradiction avec
leurs obligations d’États signataires du statut de la Cour et membres de
l’Union européenne. Ensuite, par la menace, courant 2016, de 3 États africains
(Afrique du sud, Burundi, Gambie) de se retirer de la CPI, ce qui plongerait
l’institution dans la crise, car ces départs pourraient être suivis par
d’autres, l’Union africaine ayant voté en janvier 2016, lors de son 26ème
sommet, une motion de retrait de la CPI.
Au 30 janvier 2014, il a été proposé lors d’une réunion
d’organisations environnementales de créer une Cour pénale internationale de
l’environnement et de la santé et un Tribunal pénal européen[30].
Le règlement de procédure de la Cour pénale internationale permanente
traduit une évolution vers un modèle international mixte mi-accusatoire,
mi-inquisitoire.
b) La justice pénale internationale
entre devoir d’exister et droit de pardonner
Rapport de synthèse présenté
aux deuxièmes entretiens d’Aguesseau
limoges, 22 et 23 novembre 2001
publié en avril 2002 aux Presses universitaires
de Limoges, p. 277
et gazette du palais 4 juillet
2002, partie doctrine
Voici venu le temps de la synthèse
et – à la demande des organisateurs de ce colloque, qu’il faut ici remercier
d’avoir choisi ce thème de la Justice
pénale internationale – la conclusion.
Colloque
d’émotions s’il en fut, mais aussi colloque riche de réflexions, de débats et
de propositions. La tâche de votre rapporteur de synthèse en est ainsi à la
fois facilitée et rendue plus ardue :
-
facilitée
car il devrait lui suffire pour répondre à vos attentes de reprendre en les
regroupant, les communications présentées depuis deux jours et les débats qui
les ont ponctuées ;
-
tâche
néanmoins périlleuse, car, sur un thème aussi sensible, qui touche au cœur de
l’homme et de l’Humanité, il ne faut point dénaturer les propos et avancer avec
précaution sur un terrain où l’émotif est souvent plus fort que le juridique,
au risque de perdre nos repères. L’horreur des crimes commis par ceux qui
relèvent (ou devraient relever) de la justice pénale internationale ne doit pas
faire oublier le nécessaire respect des garanties dues à tout justiciable. La
procédure, là encore, est ici au service de la Liberté, celle de se défendre
pour les uns, celle de condamner pour les autres, celle d’obtenir réparation
enfin.
Le
mouvement, en ce début de synthèse, est donc double : émotion et
réflexion.
émotions d’abord et avant tout, tout au long de
ces deux journées, tant il est vrai que plane sur nous tous (ce qui tend à
prouver que nous sommes tous concernés par la justice pénale internationale) et
sur ces entretiens, depuis leur ouverture, l’ombre du drame d’Oradour sur
Glane, le 10 juin 1944 ; Oradour si proche de nous tous, dans l’espace
bien sûr, mais aussi dans le temps, même si presque soixante ans ont passé
depuis l’horrible crime perpétré contre une population civile. On ne peut
oublier ce massacre et ce procès où fut posée la double question, terrible, de
la responsabilité collective et de l’obéissance aveugle aux ordres. Nous avons
tous été bouleversés en entendant, hier matin, la lecture, par Michel Bruzat,
de l’article de Jean-Marc Théolleyre dans Le
Monde du 3 février 1953, article qui retraçait le témoignage de Madame
Marguerite Rouffanche, lors du procès devant le tribunal militaire de Bordeaux
entre le 12 janvier et le 14 février 1953.
émotion aussi
avec le témoignage poignant de l’un de nos intervenants, Monsieur François
Xavier Nsauzuwera sur le drame personnel qu’il a vécu au Rwanda, alors qu’il
est rattaché, doublement, par les liens du sang et par ceux de l’alliance, aux
deux ethnies en conflit. Votre douloureux témoignage m’a rappelé, Monsieur,
quelques souvenirs d’Afrique, liés à la défense des droits de l’homme qui sont
au cœur de la construction d’une justice pénale internationale. A Dakar, en
novembre 1979, lorsque l’une de mes étudiantes, jeune femme de nationalité
chilienne, d’origine suédoise, prénommée Linda-Roxana m’a demandé d’attester de
ses recherches en droit de la famille comparé au Sénégal et au Chili, sous mon
autorité, afin de pouvoir partir au Chili voir son mari, dont elle était sans
nouvelles, mais, surtout, afin de pouvoir revenir ; elle est partie, elle
n’a jamais vu son mari disparu, elle est revenue pour me le dire, je ne l’ai
jamais revue. Ou encore mon ami Guy-Adjaté Kouassigan, docteur en droit
français, secrétaire de celui qui fut à la fois Bâtonnier du Barreau de
Toulouse et Doyen de la Faculté de droit de cette même ville, je veux parler de
Gabriel Marty ; exilé politique à Dakar, professeur à la Faculté de droit
de cette université, lorsque j’y arrive début 1976, en bonne compagnie, avec,
en autres collègues, l’actuel président de la République du Sénégal, Abdoulaye
Wade, puis parti en exil à Genève, il revient au Togo pour y enterrer sa
mère ; il meurt quelques semaines après son retour, vraisemblablement
empoisonné dans son pays natal, à cette occasion. Ces quelques événements
personnels ne sont que la face émergée de l’iceberg de toutes nos vies
traversées par la question des droits de l’homme.
émotion encore
avec la déclaration de cette auditrice cambodgienne qui nous a parlé du
génocide commis par les Khmers rouges à partir d’avril 1975 et qui se plaint
amèrement de ce que son pays aurait été oublié par l’Histoire dans la
construction de cette justice pénale internationale. Rassurez-vous Madame, nous
n’avons pas oublié le peuple cambodgien, malgré les apparences :
-
Je
me souviens, Madame, – et je ne suis sans doute pas le seul ici, en cette fin
d’après-midi – du titre qui faisait la « une » du journal Le Monde, ce jour d’avril 1975 où, nous
disait-on, « Pnom Penh avait été libérée » ; je me souviens
aussi de l’article, sous ce titre, qui racontait l’évacuation, à pied, des
habitants de toute la ville, y compris les malades et les opérés de la veille,
malades et opérés ainsi voués à une mort certaine, mais qui, de toute façon,
nous disait le journaliste, je m’en souviens, seraient morts un jour ! Le
lendemain, le directeur du journal présentait ses excuses aux lecteurs et,
quelques années plus tard, Michel Legris, aujourd’hui décédé, longtemps
journaliste au Monde, racontait cet
événement dans un livre « Le Monde,
tel qu’il est ». Voyez Madame, je n’ai pas oublié, nous n’avons pas
oublié.
-
Je
me souviens, Madame, de ce bâtonnier du Cambodge, qui, en novembre 1999, à Ho
Chi Minh Ville, lors d’un colloque sur les auxiliaires de justice et l’État de
droit au Cambodge, au Laos, en Thaïlande et au Vietnam, avec dignité nous
montrait sa souffrance physique et morale, tout en s’exprimant au nom de son
pays sur cet État de droit.
Je
me contenterai, sur ce terrain-là, celui de la sphère de l’intimité, de la
sphère qui nous est strictement personnelle, de deux remarques seulement, l’une
personnelle, l’autre qui concerne Jean-Marc Théolleyre, mais, vous le verrez,
les deux se rejoignent, curieux destin en boucle des événements qui constituent
nos vies ; j’espère que ces remarques ne vous paraîtront pas hors de propos ;
elles ne visent qu’à souligner le lien profond entre ce dont nous parlons
aujourd’hui et ce qui s’est passé en Europe il y a plus de soixante ans ;
elles ne visent qu’à relativiser l’apport du droit dans ce qui constitue pour
nous un devoir de mémoire ; la charge émotive est ici si forte qu’il faut,
nécessairement, d’entrée, l’évoquer, non pas pour ensuite l’oublier, mais, tout
au contraire, pour qu’elle soit bien présente tout au long de ce qui
constituera la trame de la synthèse.
-
Une
remarque personnelle tout d’abord : originaire des marches de l’Est,
j’avais 14 ans lorsque mes parents m’ont emmené pour la première fois à Oradour
sur Glane, sur la route des vacances qui nous conduisait aux plages océaniques,
Oradour sanctuaire d’une tragédie qui n’avait alors que seize ans et
aujourd’hui mausolée éternel de l’horreur ; je n’ai jamais oublié cette
horrible vision que certains verront et, peut-être, découvriront ou
redécouvriront demain, d’un village qui, tel Pompéï, mais sous l’effet du
déchaînement d’un Vulcain armé et sanguinaire, assoiffé de haine et de
vengeance, s’est trouvé à jamais figé pour l’éternité, dans la cendre de ses
habitants. Devoir de mémoire donc, que l’on ressent aussi en d’autres lieux de
l’horreur nazi, à Dachau, à Auschwitz et dans tous les camps de concentration
et d’extermination ou de ce qu’il en reste, mais aussi sur les plages de
Normandie, dans les émouvants cimetières qui les dominent, au mémorial des
droits de l’homme de Caen, à Verdun pour une autre guerre et en tant d’autres lieux ;
je pense notamment au Centre d’histoire de la Résistance à Lyon, érigé sur les
lieux mêmes où Barbie torturait, Centre qui passe en continu, 24 heures sur 24
et 365 jours par an, un film sur cette triste période de notre histoire. Vous
ignoriez certainement, Madame la Présidente Simone Gaboriau, lorsque vous
m’avez fait l’honneur de me demander d’être votre rapporteur de synthèse, que
derrière le juriste, en apparence compétent pour présenter ce rapport et qui
s’intéresse à cette justice pénale internationale objet de nos travaux, il y
avait le Lyonnais de naissance et de cœur, celui dont le médecin de famille,
bien avant sa naissance et qui a donc perçu ses premiers signes de vie dans le
ventre de sa mère, était le docteur Frédéric Dugoujon, celui-là même dans la
maison duquel, à Caluire-et-Cuire, fut arrêté Jean Moulin, un certain
après-midi de juin 1943, juste en haut de la montée Castellane. À chaque fois
que je me rendais en consultation dans cette maison je ne pouvais m’empêcher de
penser à ce jour de juin 1943 ; ma dernière visite remonte à février 1969
pour la délivrance du certificat médical pro-nuptial, mais je revois ce salon,
ces escaliers menant à l’étage, au lieu de la réunion de ces Résistants. Cet
enfant qui vécut aussi dans le souvenir de Dortan, petit village de l’Ain qui,
à l’instar d’Oradour, fut entièrement incendié par les Allemands, seul
l’instituteur du village ayant pu s’échapper. Souvenir encore d’un cousin,
résistant dans les maquis de l’Ain, et qui fut enterré vivant, à 25 ans, avec
tous ses camarades de combat, dans le Jura. Soixante après la fin de la seconde
guerre mondiale, nous sommes encore nombreux à avoir de tels souvenirs, quand
bien même nous n’aurions pas vécu en direct ces tragiques événements. C’est
d’abord cela l’émotion de ce colloque.
-
Mais
c’est aussi, et surtout, l’évocation de ceux qui ont vécu en direct ces
événements, auxquels nous ne devons pas confisquer leurs souvenirs au profit de
nos anecdotes personnelles. Nous sommes tous concernés, mais, le Président
Robert Savy nous l’a rappelé, ceux qui ont vécu en direct ces événements, plus
que les autres ; lui qui a vu la fumée s’élever au-dessus du village
martyr d’Ouradour. Et c’est l’objet de ma seconde remarque, celle qui concerne
cette fois Jean-Marc Théolleyre, qui fut déporté, ne l’oublions pas, à
Buchenwald, à l’âge de 17 ans. Cela éclaire sans doute ses écrits. Lui aussi né
à Lyon, il n’avait pas encore 29 ans lorsqu’il « couvrit », selon
l’expression consacrée, le procès des crimes commis à Oradour ; il avait
été torturé par la Gestapo, ses doigts écrasés, dramatique symbole, par une
presse d’imprimerie. Il avait aussi couvert, en mai 1950, le second procès de
René Hardy, celui précisément de l’affaire de l’arrestation de Jean Moulin à
Caluire-et-Cuire, Hardy qui s’était enfuit en courant dans cette Montée
Castellane que j’évoquais à l’instant et qui fut acquitté au bénéfice du doute.
Vous le voyez les fils se croisent. C’est sans doute ce qui m’a le plus frappé
au cours de ces deux journées consacrées à la justice pénale internationale.
Pour être internationale, cette justice n’est pas uniforme, ni linéaire. Il
faut l’appréhender en boucle elle aussi, juridiquement parlant.
Quittant
le terrain de l’émotion pour celui du droit,
on perçoit bien cette trajectoire sinueuse de la justice pénale internationale
à travers les trois cycles en trois mouvements chacun décrits par Hervé
Ascensio, mais aussi à travers les trois pôles retenus par les organisateurs de
ces entretiens pour canaliser nos réflexions et nos débats : « entre éthique et politique »,
puis – et si l’un de ces deux mots revient, ce n’est sans doute pas l’effet du
hasard – « entre symbolique et
éthique », enfin le « pardon
et la réconciliation ». Ce n’est pourtant pas autour de ces trois
pôles que je vais essayer de tenter devant vous une difficile synthèse. Comment
nouer les liens nécessaires à celle-ci ? Comment ordonner ce qui est
encore, sinon désordonné, en tout cas dispersé entre ces trois pôles ?
Peut-être faut-il revenir aux fondements de cette justice et s’interroger sur
ses traits caractéristiques, en distinguant ce qui est fonction de juger et
Vertu de justice :
-
Parce qu’elle réalise la fonction de juger, parce qu’elle
est de nature pénale et parce qu’elle est de caractère international, la
justice pénale internationale heurte, à ce triple point de vue, la souveraineté
des Etats : quoi de plus régalien et opposée à toute internationalité en
effet, que la fonction de justice, surtout si elle est pénale ?
Le droit de punir et les forces de police qui l’accompagnent sont d’abord des
éléments clefs de la souveraineté des Etats. Comment concevoir qu’un Etat
puisse abandonner sa souveraineté en ce domaine, surtout lorsque certains de
ses ressortissants pourront un jour relever de cette justice ? C’est toute
la difficulté d’être, d’exister, qu’il faut souligner d’emblée, de la justice
pénale internationale.
-
Mais la Justice c’est aussi une Vertu, une Vertu qui
s’identifie à une certaine éthique et qui transcende les frontières des
Etats ; la Justice-Vertu oscille entre éthique et international :
-
Quoi
de plus éthique et de symbolique en effet, que la Vertu de Justice,
notamment dans le domaine de la sanction de l’horreur ? Il était donc
naturel que nous nous interrogions sur la place de l’éthique, qu’incarne toute
justice, dans un débat qui reste éminemment symbolique.
-
Sous
cet angle aussi, celui de la Vertu, la Justice est marquée par son
internationalité : la justice pénale internationale n’est pas
internationale uniquement parce qu’elle met en cause la souveraineté des Etats
dans la fonction de juger ; elle est aussi une justice internationale,
parce qu’elle touche - et peut-être d’abord –
en tant que Vertu, aux valeurs communes de l’humanité ; les crimes
contre l’humanité et les autres crimes internationaux dépassent l’entendement
et violent ces valeurs communes ; à ce titre, la justice pénale
internationale est une justice partagée entre symbolique et éthique et qui, de
ce fait, a priori, se heurte à l’idée
même de pardon et de réconciliation.
Ainsi,
nous semble-t-il, se détachent deux aspects complémentaires, deux rôles
peut-être, de la justice pénale internationale :
-
Dans
l’appréhension de sa fonction de juger, la justice pénale internationale apparaît
essentiellement comme une justice qui doit être. Elle a le devoir d’exister.
Elle est alors la justice de la sanction de l’horreur et du devoir de mémoire
(I).
-
Dans la perception
de la Vertu qu’elle incarne, la justice pénale internationale se
déplace : elle est alors une justice, non plus du devoir d’exister et du
devoir de mémoire, mais une Justice de l’espoir ; l’espoir, naïf, sans
doute, que rien ne pourra recommencer, que la sanction des crimes du passé
gagera leur non-réitération, que le pardon et la réconciliation sont possibles
; à côté du devoir d’exister, la question du droit de pardonner
doit être posée, avec un grand point d’interrogation (II).
J’étudierai donc
successivement :
-
le
devoir d’exister ou la justice de l’horreur et du devoir de mémoire(I).
-
le
droit de pardonner ou la justice de l’espoir et de la réconciliation ?
(II)
i) le devoir d’exister ou la justice de l’horreur et du devoir de mémoire
La première demie journée de nos débats a bien montré la
difficulté qu’il y a à mettre en place une véritable justice pénale internationale.
De Nüremberg à La Haye, notre jeune collègue Hervé Ascensio, remarquable
connaisseur de ces questions, a bien souligné les cycles faits d’utopie, de
déchaînements de violence et de réalisations concrètes, ainsi que les
réticences des Etats, dont la France, à œuvrer pour l’effectivité de cette
justice pénale internationale. Et notre collègue de Poitiers, le professeur
Jean-François Lachaume, a eu raison d’insister, sans jeu de mots, sur la raison
d’Etat face à un ordre pénal international qui se construit, mais qui serait
plus étatique que raisonnable ; on le voit bien à travers l’exemple de
l’immunité dont bénéficie les chefs d’Etat étrangers. Si le bout du tunnel
apparaît avec la signature du traité sur la Cour pénale internationale, cette
justice a encore bien du mal à exister, tant dans son principe que dans les
garanties qu’elle doit offrir. La justice pénale internationale est d’autant
plus fragile, que ce devoir de la créer est contesté (A) et qu’elle doit être
une justice de qualité, une justice encadrée par les normes, internationalement
admises, du procès équitable (B).
A) Un devoir contesté et une justice difficilement acquise
La justice pénale internationale est d’abord, premier
volet du devoir d’exister, une justice qui a du mal à se constituer, à exister.
Sans reprendre ici tout l’historique de l’installation
progressive de cette justice dans les esprits d’abord, dans les actes ensuite,
je voudrais souligner trois aspects :
a)
En premier lieu, la justice pénale internationale est
passée progressivement, au-delà des cyckes décrits par Hervé Ascencio d’une
justice des vainqueurs sur les vaincus à une vraie justice internationale, qui,
par abandon de souveraineté, permet à la Communauté des Etats d’exercer en
commun la fonction de juger. Du traité de Versailles, dont chacun sait qu’il
prévoyait de juger l’empereur d’Allemagne, Guillaume II, pour « offense suprême contre la morale
internationale et l’autorité sacrée des alliés » (article 227), à la
future Cour pénale internationale, il y a toute la nuance entre une justice a posteriori, imposée par le vainqueur
et une justice consentie par chaque Etat, dans le secret espoir bien souvent
qu’il pourra, le moment venu y échapper, soit par des clauses du traité, soit
par coup de force au moment opportun.
On
l’a bien vu avec le rôle de la France dans la rédaction et l’adoption de
l’article 124 du traité de Rome du 17 juillet 1998 sur la CPI[31].
Certes, Monsieur Pierre-André Lagèze nous a courtoisement expliqué quelle était
la position officielle de l’etat
français dans la mise en place d’une justice pénale véritablement
internationale et nous en a souligné, avec beaucoup de diplomatie, les enjeux.
Il nous a assuré que, d’une part, la France avait pris une part significative
dans la création d’une justice pénale internationale, tant pour les Tribunaux
pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, que pour la Cour
pénale internationale et, d’autre part, qu’elle avait entendu coopérer
activement avec les Tribunaux pénaux internationaux existants, pour assurer
l’efficacité de cette justice pénale internationale. Tout cela est sans doute
vrai.
Mais,
il faut bien le reconnaître ici, tout n’est pas aussi idyllique qu’on pourrait
le croire à entendre la seule voix de Monsieur Lagèze. La raison d’Etat est
encore très présente dans ce domaine, ainsi que l’ont souligné Jean-François
Lachaume et deux intervenants dont je n’ai pas retenu les noms : l’un,
avocat général à Paris, par une remarque d’ordre général, l’autre,
cambodgienne, pour les Khmers rouges. Le souci de beaucoup d’Etats de ne pas
voir leurs militaires et leurs hommes politiques, hauts dirigeants du pays,
être attraits un jour devant cette Cour pénale internationale expliquent en
grande partie la tardiveté des USA à signer le traité et le refus de l’Inde et
de la Chine populaire d’y adhérer, ce qui représente tout de même la moitié de
l’humanité en termes de milliards d’hommes. Ce même souci explique aussi, sans
doute, que la France ait souscrit à la réserve de l’article 124 sur le délai de
sept ans, alors qu’officiellement, elle l’avait proposée pour faciliter
l’adhésion des Etats réticents ! C’est sans doute le même souci qui fonde
l’immunité reconnue aux chefs d’Etat étrangers. Et le docteur Rony Brauman nous
a bien dit que la perception du monde (du tiers monde ?) était que cette
justice pénale internationale était d’abord celle d’une justice des puissants
avec, en –tête, les Etats Unis d’Amérique. Et le professeur Carlo Santulli,
notre collègue de Bordeaux, s’est montré sceptique sur l’effectivité de la Cour
pénale internationale, dans laquelle il voit, avec un esprit provocateur bien
sympathique, un instrument de combat qui permet de frapper à l’extérieur mais
au risque de voir sa légitimité contestée.
b)
Ma deuxième remarque concerne le champ d’application de cette
justice pénale internationale ; et sur ce point l’actualité mondiale nous
bouscule ; nul n’aurait imaginé en lançant l’idée de ce colloque, que le
11 septembre 2001, à New York à Washington et à Philadelphie, une quadruple
attaque terroriste viendrait détruire deux gratte-ciel symboles de la puissance
financière des Etats-Unis d’Amérique, et le Pentagone, symbole de leur
puissance militaire. La question a été posée en d’autres lieux, notamment par
Robert Badinter (dépêche de Associated
Press, le 17 septembre 2001) et Mireille Delmas-Marty (colloque de la
Chaire internationale de recherche Blaise Pascal, 15 octobre 2001). Il me
semble, mais je le dis avec prudence, que les actes de terrorisme pourraient,
sans forcer le trait, être inclus dans la définition des actes criminels que
donne l’article 7 du traité sur la CPI, à propos de la détermination de sa
compétence ; n’y a-t-il pas dans l’action d’une association terroriste
internationale l’objectif de tuer des populations civiles d’une manière
généralisée ? Si cette position devait prévaloir, nous pourrions ainsi
pallier l’inexistence de toute réelle sanction internationale de ces
agissements. Je voudrais souligner, qu’avec une telle interprétation, nous
reviendrons à l’esprit et à la lettre de la Convention de 1937 sur la
répression du terrorisme, qui prévoyait la création d’une Cour pénale
internationale pour juger de tels actes, mais qui ne fut jamais ratifiée. Nous
éviterions aussi de voir juger les auteurs de ces actes par une juridiction
nationale, sans, peut-être, toutes les garanties d’un procès équitable, ainsi
que la perspective semble s’en dessiner en ce mois de novembre 2001.
c)
Ma troisième remarque concerne précisément la question de la compétence
nationale, voire universelle, d’un Etat pour juger de
crimes contre l’humanité qui devraient normalement relever de la compétence d’une justice pénale
internationale. Je pense ici, non pas à la théorie classique de la compétence
dite universelle, lorsqu’un élément de rattachement permet à un Etat de
connaître d’un tel crime, mais à la législation belge de 1993, version de la
loi du 18 février 1999, qui permet aux juridictions de cet Etat de juger des
auteurs de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre, alors même qu’aucun
lien avec la Belgique, pas même ceux que pourraient procurer la nationalité ou
la résidence des victimes, ne peut être invoqué. Monsieur le juge Paul Martens
nous en a parlé savamment, avec compétence et avec beaucoup d’humour ; il
reste que je suis personnellement dubitatif sur ce type de compétence
universelle, en raison de ses effets pervers, même si j’appartiens plutôt au
second courant de pensée décrit par Paul Martens, celui que le droit doit
s’adapter à la vie et non pas l’inverse : risque d’une justice non pas
supranationale, mais extra-nationale, risque d’une justice surréaliste, sans
aucun lien avec les faits et les actes incriminés, complètement déconnectée du
pays sur le territoire duquel les crimes ont eu lieu, donc risque d’absence de
reconnaissance par les autres Etats de cette justice et risque d’une justice
sans aucune légitimité. Je rejoins ici le docteur Rony Brauman qui a relevé la
déconnection entre la justice du TPI-Y à La Haye et les réalités politiques du
pays où les crimes ont eu lieu ; il a insisté sur le risque de transformer
en faits divers cette politique criminelle. On voit bien aujourd’hui les
risques de ce type de justice universelle, avec les plaintes symétriquement
portées devant les tribunaux belges, l’une contre Israël, l’autre contre
l’Autorité palestinienne, sur le fondement de la loi belge de 1993, version
1999. A la plainte de l’une a répondu la plainte de l’autre, mais pour quel
résultat pour l’instant, si ce n’est celui d’exacerber les tensions et les
passions, comme on a pu le constater dans la semaine du 17 novembre 2001 en
Israël, avec l’accueil mouvementé du ministre belge représentant l’Union
européenne. Il faut combattre l’impunité, Monsieur Denys Robillard, Président
d’Amnesty international, nous l’a dit. Une impunité qui ne serait pas réduite à
la définition trop strictement exégétique, me semble-t-il, qu’en a donnée notre
jeune collègue de Bordeaux, le professeur Carlo Santulli ; mais il faut la
combattre avec le souci que la justice rendue en la matière soit légitime et
reconnue comme telle. D’une manière plus générale, mais cette remarque ne vise
pas la justice belge, au-dessus de tout soupçon à cet égard, il faut que la
justice pénale internationale soit une bonne justice, qu’elle corresponde aux
garanties que l’on est en droit d’attendre d’un procès, quand bien même
concernerait-il les pires criminels. Le devoir de créer une justice pénale
internationale est un devoir encadré pour une justice de qualité.
b) un devoir encadré pour une justice de qualité
C’est le second volet de ce devoir d’exister : celui
des difficultés à créer une justice pénale internationale digne de ce nom..
Aucune justice ne peut être reconnue comme légitime, si ses règles
d’organisation et de fonctionnement, ses règles de procédure, ne sont pas
conformes aux exigences les plus fortes et les plus actuelles de ce que nous
appelons le modèle universel du procès équitable. Il ne faut pas oublier que
Nüremberg n’a acquis sa légitimité que dans le respect des règles essentielles
de ce modèle. La justice pénale internationale ne peut prospérer que si ses
membres fondateurs acceptent l’idée que rien de ce qui se déroulera devant ses
tribunaux, ne puisse violer les droits de la défense. Rien ne s’est passé, de
ce point de vue, entre Nüremberg et La Haye, c’est à dire pendant cinquante
ans, mais ce qui se produit, depuis quelques années, à La Haye est
encourageant, même s’il subsiste quelques ombres. A cet égard, l’expérience des
TPI pour les crimes commis soit dans le territoire de l’ex-Yougoslavie, soit au
Rwanda, constituent, si j’ose l’expression, des laboratoires juridiques de
cette justice pénale internationale qui se met en place sous nous yeux. Déjà,
ils n’apparaissent plus tout à fait comme une justice des vainqueurs, dans la
mesure où, potentiellement, les criminels des deux camps peuvent être traduits
devant eux. C’est l’ébauche d’une justice de qualité, l’ébauche seulement, car,
à côté des zones de lumière (1°), subsistent encore bien des zones d’ombre
(2°).
1°) Les lumières d’abord
a)
Les carnets de voyage à La Haye de notre jeune, mais néanmoins brillante
collègue Hélène Pauliat nous ont permis de mieux connaître cette justice qui,
au quotidien, au cœur de l’Europe, juge des criminels de guerre, voire des
criminels contre l’humanité et contribue ainsi à forger l’Histoire. Mais Maître
Xavier de Roux nous a bien dit qu’à vouloir faire l’histoire il fallait, si
j’ose dire, remonter très loin dans le passé et être armé pour cela.
L’expression « pas de liberté pour
les ennemis de la liberté » n’a pas, ne peut pas avoir cours ici.
Quelle que soit l’horreur du crime, quelle que soit l’abjection que nous
inspirent les auteurs de certains actes horribles, il faut garantir à ces
êtres, qui restent des êtres humains, le respect des règles du procès équitable.
Il y va de leur dignité d’homme et, pour ceux qui l’oublieraient, de la nôtre.
b)
Monsieur le juge au TPI-Y, Almiro Simoels Rodrigues, nous a bien montré le choc
des cultures et des valeurs que pouvait constituer le corps de règles
applicables à La Haye ; mais il nous a surtout montré combien ce métissage
des systèmes juridiques était profitable : loin de provoquer une
acculturation, il est à l’origine d’un enrichissement mutuel de ceux qui ont la
chance et l’honneur d’y contribuer et de l’apparition d’une nouvelle procédure,
celle que, personnellement, j’appelle de mes vœux, dans mes écrits et par mes
propos, procédure mi-accusatoire, mi-inquisitoire, pour le plus grand bien du
respect des droits de la défense dans la recherche de la vérité. Le nombre
croissant des accusés, la montée en puissance d’un vrai pouvoir judiciaire à
partir de rien en 1993[32],
constituent le phénomène le plus tangible de la création du TPI-Y.
Bien
des progrès ont été accomplis à La Haye, progrès qui illustrent ce propos
d’inspirer nos législateurs nationaux :
-
Ainsi,
à quand, au nom de l’égalité des moyens et non pas seulement des armes, un
Bureau – et non pas seulement un Barreau – mutualisé de la défense, à Paris et
partout en France ?
-
Ainsi
encore, à quand la possibilité pour les avocats d’être maîtres des témoins
cités, des actes d’investigation, dans une procédure davantage accusatoire
qu’inquisitoire ? Lorsque le vent de folie sécuritaire qui souffle depuis
octobre dernier, et ce mois-ci encore, sur les esprits qui n’ont retenu d’une
mise en liberté que la faute supposée de la chambre d’accusation qui l’avait
ordonnée (car la loi du 15 juin 2000 n’étant pas encore entrée en vigueur, il
n’y avait pas encore de chambre de l’instruction) et d’une loi, qualifiée, un
peu trop rapidement, de « loi pour
les voyous », sans s’interroger sur celle du juge d’instruction qui
n’avait pas bouclé son instruction dans le délai légal de deux ans, alors il
faudra revenir à une plus saine et juste conception de l’architecture du procès
pénal ; alors il faudra poser la question du maintien ou non du juge
d’instruction ; alors il faudra trancher, à supposer qu’il soit maintenu,
entre investiguer et statuer sur les libertés.
-
Et
c’est pourquoi, je ne partage pas l’opinion de Madame Sylvie Pantz sur la loi
du 15 juin 2000 qui serait, selon ses propres termes « un accident » causé au Code de procédure pénale ;
pour moi, c’est ce code qui est un accident dans une démocratie et la loi du 15
juin 2000 n’est qu’un modeste lifting
apporté à une vieille dame qui commençait à devenir sérieusement indigne de
notre démocratie, qui s’auto-proclame pays des droits de l’homme, alors qu’il a
fallu attendre 1982 pour voir reconnu le droit de requête individuelle devant
la Cour européenne des droits de l’homme et, précisément, cette loi du 15 juin
2000, pour voir inscrits au fronton de notre code de procédure pénale, en un
article préliminaire, les droits fondamentaux des victimes et des mis en cause.
Pour avoir été de ceux qui, dès 1983, dès l’installation à Matignon, du Conseil
national de prévention de la délinquance auquel j’ai participé activement, ont
dénoncé un discours fondé sur l’angélisme du tout préventif et du seul
« sentiment sécurité », discours qui a fait le lit du Front national,
pour avoir été celui qui, dans l’exercice d’autres fonctions, a créé
immédiatement après la promulgation de la loi le permettant, vingt postes
d’intérêt général à la Mairie de Lyon, je suis d’autant plus à l’aise
aujourd’hui pour dire qu’en matière répressive, il suffit, sans remettre en
cause les acquis procéduraux d’une loi qui essayait de nous hisser à la hauteur
et au respect de nos engagements internationaux, il suffit donc d’appliquer les
deux grands préceptes de Beccaria : la certitude de la peine et la
célérité de son prononcé par rapport à la date de commission des faits. Point
n’est besoin d’y ajouter la violation des garanties du procès équitable :
la peine sera d’autant mieux appliquée et acceptée que la procédure y
conduisant aura été respectueuse de ces garanties. Cela vaut dans l’ordre
international comme dans l’ordre interne. Vous l’avez deviné, je ne serai pas
celui qui chasse en meute à l’appel du loup contre la loi Guigou, car j’ai trop
peur que de retours en arrière en remises en cause, notre démocratie ne régresse.
Un seul exemple pour montrer que tout se tient : j’entendais dire ces
jours-ci, que le droit de se taire ne devrait plus être notifié aux gardés à
vue ; oui, mais nos engagements internationaux nous y contraignent ;
oui, mais, faut-il, comme l’a dit ce matin Denys Robillard, rejoindre les
policiers américains qui réclament – antinomie du droit de se taire – le droit
de faire parler les terroristes ? Permettez moi de ne pas le penser et de
vous rappeler une anecdote : lors d’une conférence que j’avais prononcée,
à Lyon, au moment du procès Barbie, devant des rotariens, fut évoquée
l’hypothèse où Barbie refuserait de répondre aux questions du président de la
Cour ; certains ont alors suggéré de le forcer à répondre ; comment
ai-je dit ? par la force ? Et où ? Dans les locaux mêmes, les
caves de l’avenue Berthelot où il torturait les Résistants ? Sa victoire
aurait été totale, car il aurait perverti les esprits au point que ses
victimes, en tout cas ceux qui le jugeaient, auraient utilisé les méthodes pour
lesquelles il était traduit en justice. Permettez moi donc de ne pas le penser,
comme Israël, qui, après l’avoir pensé, ne le pense plus, depuis un arrêt
courageux de sa Cour suprême, en 1999, rendu sous la présidence du Président
Barak et la vice-présidence de celui dont je m’honore d’être l’ami, Shlomo
Levine. C’est à cela et à bien d’autres réflexions que nous invite la procédure
suivie devant les TPI et le projet de procédure qui s’appliquera devant la CPI
lorsqu’elle sera installée. Car tout se tient : le national et
l’international, dans des allers et retours quotidiens.
-
Précisément,
à propos de la procédure qui sera suivie devant la Cour pénale internationale –
et Monsieur Lagèze nous a dit que nous le devions à la France – des
dispositions permettront, mieux qu’aujourd’hui devant les deux TPI, la
participation des victimes à la procédure ; des réparations en leur faveur
ont aussi été introduites dans le statut de cette Cour. Ainsi encore, symbole
de ce métissage des types de procédure, la France a pu faire instaurer, devant
la même Cour, une chambre préliminaire, sorte de formation chargée d’apprécier
le sérieux des accusations dont le procureur a été saisi ; elle seule
pourra autoriser ce procureur à ouvrir une enquête sur les faits portés à sa connaissance.
Mais le tableau est loin
d’être totalement idyllique ; des zones d’ombre subsistent.
2°) Les ombres maintenant
Il
ne faut pas être naïf ; il faut, tout au contraire, être conscient que
bien des points restent encore dans l’ombre de ces tribunaux, notamment quant à
leur règlement de procédure et quant à leurs moyens de financement. Ce qui
m’inquiète, monsieur le juge Rodrigues, c’est d’abord l’importance accordée à
l’argent, à l’économie de cette justice pénale internationale qui fonctionne à
La Haye, image d’une justice quelque peu déshumanisée ; c’est aussi,
l’incidence des moyens alloués à cette justice sur son fonctionnement. On a
plus parlé de budget, de moyens et de dollars que de droits de la défense : 600 personnes pour le
Procureur et son bureau, combien pour les avocats ?
a)
Madame Sylvie Pantz nous a montré, à l’inverse, les difficultés de
fonctionnement de la justice au quotidien du Kosovo ; certes, il ne s’agit
pas, au sens propre, d’une justice pénale internationale, mais le soutien, l’aide
internationale à cette justice nationale, nous font mieux comprendre les
difficultés qu’il y a à vouloir rapatrier la justice pénale internationale dans
les pays où les actes ont été commis. L’appropriation de la justice pénale
internationale passe, peut-être, en partie, par cette voie nationale, sous
contrôle international et avec l’aide de la communauté internationale. Et qui
dit appropriation dit justice mieux comprise, mieux acceptée. Mais à quel
prix ? Pas seulement en termes budgétaires, mais aussi en termes de droits
de la défense.
b)
Maître Xavier de Roux a souligné, précisément, avec tout le talent d’un avocat
engagé dans le combat toujours renouvelé des droits de la défense, combien la
défense devant les TPI était toujours en construction. Il nous a décrit
l’organisation de cette défense, en ne nous cachant pas les difficultés liées à
la procédure suivie devant les TPI et dues, notamment, à l’incompréhension de
cette procédure de la part des accusés qui viennent d’une autre culture
juridique ; le phénomène d’acculturation, que je soulignais tout à
l’heure, est ici très présent. L’insécurité juridique serait un autre trait de
cette organisation, avec la pratique, très anglo-saxonne, de l’élaboration, par
le Tribunal lui-même, de son règlement de procédure, et les changements
quasi-permanents ; pratique qui viole le principe de séparation des
pouvoirs, puisque l’autorité chargée de juger est aussi celle qui légifère.
Plus
grave, la détention provisoire demeure la règle et la présomption d’innocence,
pourtant affirmée à l’article 21 du statut du TPI, est contrecarrée par
l’affirmation, à l’article 1er, au mieux d’une présomption de
responsabilité (version française), au pire, d’une responsabilité des accusés
(version anglaise) qui sont présentés, par avance, comme les auteurs des crimes
qui leurs sont reprochés. Le Greffier exerce aussi un certain contrôle sur les
Conseils des accusés puisqu’il doit veiller à ce qu’ils ne discréditent pas le
tribunal ;et il semblerait aussi que les moyens accordés à la Défense ne
soient pas à la hauteur de ceux accordés au Bureau du Procureur, notamment dans
les informations qui lui sont délivrées. La procédure d’appel est encore
imparfaite, avec la pratique du choix de l’appel par le tribunal ; on peut
encore relever des atteintes au principe d’impartialité et les faits
justificatifs qui ne sont pas admis. Surtout, les poursuites, de par le mandat
donné par l’ONU au TPI-Y, sont devenues plus politiques.
Au-delà
de ces insuffisances, peut-être faut-il voir dans cette procédure une étape
intermédiaire entre celle suivie à Nüremberg et à Tokyo et celle qui sera
suivie devant la Cour pénale internationale ; sans vouloir justifier ces
atteintes, réelles, aux droits de la défense, on peut les expliquer comme
participant d’une construction progressive de la justice pénale internationale.
c)
Ces considérations sur la procédure suivie à La Haye et sur les procédures
pénales nationales ne sont pas hors de propos. Non seulement en raison de la
compétence universelle que s’attribuent certains États, mais aussi et surtout,
parce que l’actualité récente du terrorisme porté sur la terre américaine, nous
invite à réfléchir aux inconvénients de l’absence de toute juridiction pénale
internationale pour juger ceux qui ont commis ces actes. N’a-t-on pas appris
que le président Bush, en tant que Commandant en chef des armées américaines,
avait pris, le 13 novembre 2001, un décret de constitution d’une cour militaire
ad hoc, qui jugerait, le moment venu,
les instigateurs de ces actes de terrorisme ? Mais quelle Cour ! Elle
ne serait composée que de militaires, siégerait à huis clos, avec possibilité
de prononcer la peine de mort sans appel et sans réel respect des droits de la
défense. Quel recul de ces droits de la défense dans la démocratie qui se targue
d’avoir la meilleure procédure pénale du monde, qui bénéficie d’un corps
d’avocats parfaitement compétents et organisés, à tel point que cette procédure
accusatoire fascine, ici ou là, certains esprits européens. C’est pourquoi
j’approuve Denys Robillard d’avoir dénoncé ce projet. Si le temps d’une Cour
martiale devait revenir, les terroristes auraient réussi non seulement à tuer
d’innocentes victimes, mais aussi à pervertir les esprits de la plus grande
démocratie du monde. Déjà des voix s’élèvent pour conjurer non pas le sort,
mais les intentions liberticides de leurs dirigeants. On comprend mieux les
difficultés qu’ont soulevées tous les intervenants à la table ronde d’hier, de
mettre sur pied une véritable justice pénale internationale, notamment nos
collègues Ascencio, Andriantsimbazovina et Lachaume, ainsi que Monsieur
Pierre-André Lagèze. L’ordre pénal international est une notion floue qui a du
mal à s’imposer face à la souveraineté des Etats. Oui, on comprend mieux, en
prenant connaissance de ce projet, pourquoi les USA ont attendu le dernier jour
ouvert à la signature, soit le 31 décembre 2000, pour signer le traité du 17
juillet 1998 sur la CPI.
d)
En France même, au recueil Dalloz, en novembre 2001, la question a été posée
par un auteur, de la suppression de la Cour européenne des droits de l’homme,
au motif que depuis quelque temps elle se laisserait aller et que ses arrêts ne
donneraient pas satisfaction aux esprits cartésiens que nous sommes, en
introduisant une logique de l’apparence. Non je n’ai pas rêvé en lisant cet
article ce jour là ; j’ai fait un cauchemar, celui des requérants qui
agissent sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne des droits
de l’homme pour tortures ou traitements dégradants ou inhumains et dont Denys Robillard
nous a rappelé, en marge du thème de ce colloque, que cette pratique existait
sans sanction nationale en Turquie et, ponctuellement, en France (cf. arrêt Salmouni). Pense-t-il sérieusement, ce
commissaire du gouvernement, professeur associé des facultés de droit, ôter à
ces victimes ce remarquable instrument de protection des droits de l’homme que
constitue le droit de requête individuelle, cet instrument unique au monde,
qu’aucun autre ensemble géo-politique ne possède, uniquement parce que les arrêts
Kress et Pellegrin le dérangent et ne lui plaisent pas ? Pense-t-il
sérieusement, que la suppression de cette Cour serait sans conséquences sur
l’état de notre démocratie, de toutes les démocraties de notre continent
européen ? A-t-il pensé aux démocraties naissantes de l’Europe centrale et
de l’Europe orientale ? Quel exemple leur donne-t-on avec une proposition
qui supprime l’institution parce qu’elle dérange ? Mettre le petit doigt
dans cet engrenage infernal, c’est, d’avance, accepter, qu’une Cour martiale
juge aux lieu et place d’une juridiction régulièrement constituée ; c’est
accepter que le terrorisme soit légitimé par l’absence de garanties offertes à
ceux qui sont les ennemis de nos démocraties. C’est accepter l’inacceptable.
Tout
se tient, on le constate :
-
on
ne peut pas être pour la CPI pour les autres et ne signer le traité qui
l’institue qu’en pensant la rejeter dès que l’occasion s’en présentera, par
exemple en introduisant une clause d’exclusion de compétence.
-
On ne peut pas être pour la procédure
accusatoire sur son territoire et la mettre en veilleuse dès que le vent du
terrorisme se lève.
-
On ne peut pas être pour la traduction des
criminels de guerre ou contre l’humanité devant la justice et leur dénier les
droits de la défense les plus élémentaires, toutes les garanties d’une bonne
justice. Au-delà de la technique juridique qui caractérise et soutient la
fonction de juger, la justice pénale internationale confine à l’autre sens de
la justice, à la Vertu qu’elle incarne. Elle a alors une autre mission à
remplir, celle d’une justice de l’espoir et de la réconciliation, ce qui
soulève l’interrogation du droit de pardonner.
II) Le droit de
pardonner ou la justice de l’espoir et de la réconciliation ?
Pourquoi combattre l’impunité, s’est interrogé Denys
Robiliard, que les fonctions de président d’Amnesty
international qualifiaient particulièrement pour cela. Difficile de
reprendre ici la richesse de son propos, mais on peut le synthétiser autour de
deux idées : sanctionner la violation de la norme « droits de
l’homme » et favoriser la paix. Je pense qu’il faut intégrer ce propos
dans le lent processus de réappropriation de l’histoire, de leur histoire, par
ceux qui ont souffert des crimes dont nous parlons : combattre l’impunité,
c’est non seulement écouter la longue plainte des victimes et comprendre leur
solitude et leurs craintes vis-vis de la procédure, c’est aussi les aider à
rechercher, au-delà du procès, une vérité apaisante, comme nous l’a si
bien dit Madame Giselle Donnard (A) ; c’est aussi poser la question de la
place du pardon dans ce processus, cette fois au-delà de la Justice,
comme nous invite à le faire Madame Nadine Poulet-Gibot Leclerc (B).
A) Au-delà du procès : la recherche de la vérité apaisante
a) Les victimes ont une
place à part (et même entièrement à part, sauf devant la future CPI) dans les
procès pour crimes de guerre ou contre l’humanité, pour plusieurs
raisons :
-
d’abord,
parce que trop souvent, elles sont mortes, par milliers, par millions et par
définition ; qui dit génocide par exemple, dit peu de survivants.
-
Ensuite,
parce qu’il y a des préjudices qu’on ne peut compenser, ni en argent, ni en
affection. Il y a des douleurs qu’expriment les yeux des rescapés des camps de
concentration, qu’ils soient nazis ou du goulag, dont on ne peut mesurer
l’immensité à hauteur d’homme. Ce sont ces hauteurs béantes dont nous parlent
Zinoviev à propos du goulag et Soljenitsine dans son Archipel du même goulag.
-
Enfin,
parce que le contexte de ces procès n’offre pas toujours les garanties
suffisantes pour que les témoins témoignent sans crainte et que les victimes se
plaignent publiquement sans risques de représailles.
b) Pour autant, les
victimes ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel des droits de la défense ou
sur celui du pardon ; un juste équilibre doit être trouvé. Il faut se
risquer, comme Giselle Donnard nous y a invités ce matin, « à faire les premiers pas et, peut-être, des faux pas ».
Si la Justice est aussi une Vertu, alors il est nécessaire que soit prise en
compte la solitude des femmes violées dans les conflits ethniques par
application d’une doctrine dite de purification : le procès pénal
international doit avoir cette vertu de « faire
que la victime se voit reconnaître la dignité de victime et que son agresseur
soit reconnu comme criminel ». Le témoignage personnel et émouvant de
François Xavier Nsanzuwera nous l’a rappelé ce matin.
c) Mais le procès pénal,
même international, même expatrié à La Haye, porte en lui-même d’autres
craintes, celle de revivre un cauchemar, celle d’être l’objet de représailles,
celle de la honte, celle de ne pas être crue, celle d’une utilisation de son
témoignage pour des enjeux politiques nationaux et ethniques. Le procès pénal
international porte en lui, procéduralement parlant, deux obstacles :
-
l’impossibilité
de se porter partie civile, qui entraîne cette conséquence que ce procès est
d’abord l’appropriation de la communauté internationale, plus que celle des
victimes ; la victime est témoin, elle n’est pas reconnue comme victime.
Maître William Bourdon rejoint Paul Martens lorsqu’il nous dit que ces victimes
sont des témoins, des leviers, pas des parties au procès pénal international.
N’est-ce pas parce qu’une nouvelle victime apparaît, celle que Paul Martens
voit dans la notion « d’Humanité » ? Mais les deux types de
victimes ne me semblent pas exclusives l’une de l’autre : il peut y avoir
place, dans le même procès, pour ces deux victimes, de la même façon que la
Chambre criminelle de la Cour de cassation a admis, en droit de la concurrence
et de la consommation, en droit du travail aussi, que pouvaient coexister un
intérêt général, un intérêt collectif et un intérêt individuel. Sauf à
distinguer, peut-être, deux types de procès pénaux : le procès pénal
international devant une juridiction internationale où serait débattue de la
responsabilité envers la victime « Humanité », sans que les
victimes-particuliers soient autorisées à intervenir en tant que parties ;
cela supposerait de reconnaître la responsabilité pénale des personnes morales
internationales. Et puis, le procès pénal international devant le juge national
où cette qualité de partie serait reconnue aux victimes-particuliers. Oui,
Maître William Bourdon a raison, nous sommes à un tournant de la place des
victimes dans le procès pénal international.
-
Ensuite,
la procédure accusatoire de « cross
examination » est douloureuse, véritable calvaire qui succède à celui
de l’outrage. D’où les adaptations prises à La Haye dans la procédure de
témoignage et qui sont porteuses d’atteintes aux droits de la défense : On
le voit bien avec les crimes de viols massifs, dans des camps de viols, commis
sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. Il a fallu admettre que la déposition de
la victime puisse être retenue sans être corroborée par des témoignages. Il a
fallu admettre les témoignages anonymes, les témoignages indirects, c’est à
dire par ouï-dire : le témoin est alors celui qui rapporte la déclaration
du véritable témoin (direct) des faits. Il a fallu admettre le constat des
faits par « notoriété publique », sans que la preuve précise de ces
faits soit rapportée ; ce sont des faits connus d’un très grand nombre de
personnes, par exemple l’exercice de très hautes responsabilités politiques par
les personnes accusées de violations du droit international humanitaire ;
et la preuve contraire n’est pas admise ! Enfin, il a fallu admettre la
recevabilité, « dans l’intérêt de la
justice », de la preuve d’une ligne de conduite délibérée dans
laquelle s’inscrivent des violations sérieuses du droit international
humanitaire ; et c’est dans le cadre de cette ligne de conduite que sera
appréciée la responsabilité individuelle de chaque accusé.
On
le voit, l’intérêt porté aux victimes a occulté certaines garanties de la
défense. On atteint alors les limites extrêmes des accommodements nécessaires
avec la garantie d’un procès équitable. Se pose alors la question de
l’insuffisance du procès pénal, de son dépassement. Il faut aller au-delà du
procès.
d) Au-delà du procès et
de ce constat de la place difficile des victimes dans les procès de la justice
pénale internationale, c’est toute la question de la restauration de leur
dignité blessée, outragée, qui est posée. On l’a bien compris en écoutant
Madame Giselle Donnard. Jamais remises de leurs traumatismes, comment
peuvent-elles vivre ces procédures ? Y ont –elles réellement leur
place ?
Madame Giselle Donnard nous a proposé, au-delà du procès
pénal, la création « d’une instance
internationale chargée d’établir, avec toutes les garanties de rigueur
nécessaires, un rapport reconnaissant l’ampleur des faits, l’inscription dans
la mémoire collective et la nécessaire reconnaissance des victimes et leur
prise en charge ». La justice a alors changé de nature : ce n’est
plus la fonction de juger, c’est la Vertu qui recherche une « vérité apaisante », qui se
voudrait apaisante.
C’est
sans doute l’une des raisons de la recherche d’une autre voie, celle du pardon
et de la réconciliation, ultime étape de l’écoute de la longue plainte des
victimes et de leur solitude. Il faut aller plus loin qu’au-delà du
procès : il faut s’interroger, au-delà de la justice, sur l’acceptation du
pardon et de la réconciliation.
B) Au-delà de la justice : l’acceptation du pardon et de la réconciliation
a) C’est Madame Nadine Poulet-Gibot Leclerc qui nous
a remarquablement montré en ce début d’après-midi, ce que pouvaient représenter
des démarches de pardon et de réconciliation, en termes politiques et de
symbolique. L’exemple de l’Afrique du Sud, si j’ai bien compris, est sans doute
exceptionnel ; inspiré des précédents d’Amérique du sud, mais avec de
notables améliorations, il suppose une société qui a besoin de se réconcilier
en interne, dans ses composantes, en l’occurrence multiraciales. Le modèle, si
modèle il y a, n’est sans doute pas exportable partout ; c’est « une solution adaptée à certains types
de conflits », pas à tous.
b) Mais le pardon porte en lui-même ses propres limites.
L’absence de sanction autre que morale qu’il postule peut-il suffire à
exorciser le passé, à permettre de revivre ensemble ? Le pardon ne
passe-t-il pas par une certaine forme de juridictionnalisation, soit du
processus lui-même de réconciliation, soit en-dehors, par le retour aux
tribunaux ? Il faut sans doute des circonstances tout à fait exceptionnelles
comme celles qu’a connues l’Afrique du Sud pour que ce type de processus de
réconciliation réussisse et ne soit pas porteur d’autres violences. Je lisais
l’autre jour que l’Afrique du Sud connaît un taux et une progression inégalés
de sa délinquance, notamment sexuelle sur de très jeunes enfants ; faut-il
y voir un lien ? Je me contenterai de poser la question.
Et
puis, ce pardon suppose une amnistie qui accompagne la reconnaissance de ses
actes par l’auteur des faits criminels et Denys Robillard nous a rappelé, ce
matin, que le Comité des droits de l’homme de l’ONU considère que, pour les
crimes les plus graves, les lois d’amnistie sont contraires aux articles 2, 3
et 7 (sur la torture) du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966, en ce que « les
Etats ne peuvent pas priver les particuliers du droit à un recours utiles quand
leurs droits ont été violés ». La confession est la condition de
l’oubli. La Vertu de justice passe alors par cet acte éminemment religieux, en
tout cas pour certains. Le pardon de la violation des droits de l’homme confine
au religieux, mais la confession s’accompagne généralement d’une punition,
d’actes de contrition. Où sont ces actes ici ?
c)
Dès lors, la question doit être posée : face à l’horreur, le pardon et la
réconciliation sont-ils possibles ? Messieurs Chartier, Ouatara[33],
Nsanzuwera et le Président Vareille en ont débattu. J’en ai retenu l’idée que
si tout est toujours possible entre les hommes, l’abject comme le sublime, le
pardon, pour certains de ces intervenants, serait impossible, mais la
réconciliation le serait. Pour ma part, je pense qu’il revient aux acteurs de
ces drames de pardonner ou non et que, s’il ne nous appartient pas de leur
imposer le pardon, ni par idéologie, ni par complexe de n’avoir pu empêcher ces
crimes, ce pardon reste toujours possible ; n’étant que le préliminaire de
la réconciliation, car on ne peut se réconcilier sans avoir pardonné, comme l’a
souligné le Président Philippe Ardant, il appartient aux particuliers victimes de
ces crimes et à eux seuls de l’accorder ou non ; mais si elles le
souhaitent, le pardon peut être accordé, car l’Humanité dont on nous parle pour
rendre impossible le pardon, victime incorporelle de ces mêmes crimes, ne peut
être le prétexte, l’obstacle en tout cas, au pardon des êtres humains, faits de
chair et de sang et dont l’âme, l’esprit, est apte à l’accorder.
Au final, le processus de pardon et de réconciliation
ne serait qu’une Justice de transition, ainsi que nous l’a dit Madame
Poulet-Gibot Leclerc. Je la crois volontiers, car, je l’ai dit d’emblée, en
introduction à ce propos – et c’est par là que je terminerai – la question dont
nous avons débattu pendant ces deux journées, est une question en boucle. Rien
n’est linéaire dans la Justice des droits de l’homme, qu’elle soit nationale ou
internationale. Le pardon et la réconciliation ne constituent qu’une Justice de
transition, tant qu’il est dit dans un célèbre psaume (84-II) :
« Amour et vérité se rencontrent
Justice et paix s’embrassent »
C’est sur cette note d’espoir, d’amour et de vérité qui
se rencontrent, de Justice et de paix qui s’embrassent, que je vous remercierai
de nous avoir consacré quelques heures de votre temps et de m’avoir si
patiemment écouté en cette fin de journée. Merci infiniment, pour les
organisateurs de ce colloque et pour toutes les victimes des crimes contre
l’humanité et des crimes de guerre.
C)
L’APPARITION
D’UN MODÈLE PÉNAL INTERNATIONAL
L’accusatoire et l’inquisitoire dans la procédure
suivie
devant le Tribunal pénal international de La Haye et celui d’Arusha
En juillet 1998,
les 9 et 10 précisément, il s’est passé à La Haye un événement
important au Tribunal pénal international ad hoc, compétent pour
connaître des crimes contre l’humanité commis dans l’ex-Yougoslavie et qui
préfigurait la Cour pénale internationale. Ces jours-là, le Tribunal a modifié
pour la treizième fois son règlement de procédure (adopté le 11 février
1994, comme un véritable Code de procédure pénale internationale) et, sous la
présidence d’un juge américain, a mis en place un véritable juge de la
mise en état des affaires pénales pour contrôler l’action du procureur pendant
la phase de recherche des preuves ; ce juge est assez proche de son
homonyme en procédure civile française. En d’autres termes, l’inquisitoire a
fait reculer l’accusatoire, la procédure française l’a emporté, à ce stade du
procès, sur la procédure anglo-saxonne, jugée inapte à permettre le
fonctionnement de cette juridiction pendant la phase d’enquête. Dans le même
temps, il était décidé de confier aux magistrats participant à la juridiction
de jugement un pouvoir de direction pour fixer l’ordre des dépositions, pour
intervenir dans l’interrogatoire des parties et pour obliger les parties, dont
le procureur, à produire leurs preuves. On retrouve les mêmes règles devant le
tribunal d’Arusha.
L’accusatoire et l’inquisitoire dans la procédure
suivie
devant la Cour
pénale internationale
La Cour suit une
procédure mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire, mais à dominante largement
accusatoire, le partage n’étant pas moitié-moitié. Il n’en reste pas moins que
le modèle de common law n’a pas été adopté pour l’ensemble de la
procédure[34].
Les poursuites sont engagées à l’initiative du procureur (à condition
qu’il obtienne l’accord de la chambre préliminaire dont il sera question plus
loin) ou à la suite d’une plainte d’un État partie ou du Conseil de sécurité de
l’ONU. Ce dernier peut suspendre des poursuites engagées, pendant un an
renouvelable, afin de permettre à des opérations de maintien de la paix de se
dérouler normalement.
Il y a une phase préalable de mise en état du procès pénal. Celle-ci
est placée sous la domination du procureur qui juge de la nécessité d’ouvrir
une enquête, d’engager des poursuites. S’il décide de ne pas poursuivre, il en
informe les États concernés, le Conseil de sécurité et la chambre
« préliminaire » (= d’instruction) qui ont un pouvoir d’examen
de cette décision de ne pas poursuivre. S’il décide de poursuivre, le procureur
demande la remise de la personne ou sa présentation devant la chambre
préliminaire. C’est lui qui a la charge de la preuve. Commence alors une phase
inquisitoire.
En effet, l’instruction devant la chambre préliminaire est, en partie,
inspirée du modèle français et est conçue comme l’avait souhaité la France avec
une procédure en deux temps. Dans un premier temps, la chambre préliminaire
instruit, c’est-à-dire prend des actes relatifs à la liberté individuelle,
comme le fait jusqu’à présent un juge d’instruction français (mise en
détention, mise en liberté) ; mais la chambre ne fait qu’aider les
personnes à rassembler les preuves ; elle dispose cependant de
prérogatives particulières quand les preuves risquent de disparaître
(exhumation, personnes malades). Mais la chambre n’instruit pas au sens
français du terme, puisqu’il appartient au procureur de rassembler les preuves.
Dans un second temps, la chambre préliminaire organise une audience de
confirmation, au besoin sans la présence de la personne poursuivie, mais selon
une procédure plus proche du modèle anglo-saxon ; au cours de cette
audience, le procureur présente ses charges, que les personnes poursuivies
peuvent contester. L’audience se termine par une décision de renvoi devant la
Cour ou de non-lieu ou de suspension de confirmation ; la majorité simple
est requise et les opinions dissidentes ne sont pas exprimées.
La phase de jugement
doit toujours se faire en présence de l’accusé, la contumace n’étant pas
prévue. La procédure est alors conforme à ce que voulaient les autres États,
c’est-à-dire accusatoire.
III – LA PLACE DES CITOYENS DANS LA JUSTICE PÉNALE
Le rôle respectif des citoyens et des juges
professionnels
dans les juridictions répressives
Autres mouvements de balancier. Il faut
distinguer une vieille tradition aux assises et une nouveauté avec l’idée
d’introduire des « citoyens assesseurs » dans les tribunaux correctionnels
et d’application des peines, ainsi qu’en appel des décisions rendues par ces
juridictions.
a) Aux assises, les hésitations, les
revirements sont patents en deux siècles et deux codes. La raison en est sans
doute à trouver dans cette peur éternelle, chez ceux qui nous gouvernent, du
peuple souverain, ce peuple auquel la Révolution avait voulu donner le pouvoir
judiciaire, avec l’institution généralisée du jury, pas seulement en cour
d’assises et pas seulement au pénal ; en cantonnant le jury aux assises et
en séparant, en cloisonnant le rôle des citoyens jurés et des magistrats
professionnels, le code de 1808 exprime cette méfiance éternelle. C’est
une époque libérale, en 1932, qui revient sur ce cloisonnement avec la
participation des citoyens jurés à la détermination de la peine, après le
verdict sur les faits et les circonstances atténuantes. Il n’est point
surprenant, dans ces conditions, que le régime de Vichy, peu suspect de
libéralisme, soit revenu à une position de méfiance envers les citoyens jurés,
sans oser aller jusqu’à revenir au cloisonnement initial et à ôter au peuple ce
qui lui avait été accordé ; plus subtilement, l’acte dit loi de 1941 réduit
les jurés de douze à six (ce qui traduit bien la méfiance à l’égard du peuple)
et noie ce qu’il reste de ces citoyens jurés dans une formation qui, pour le
verdict sur les faits, comprend désormais les magistrats du siège, moins
suspects, aux yeux de ce régime, de complaisance envers les accusés (et il
n’avait sans doute pas tort, ce régime, sur ce point, compte tenu que tous les
juges, sauf un, avaient prêté serment et fait acte d’allégeance au Maréchal qui
gouvernait le pays). Sur la question du maintien ou non du jury aux assises.
b) En matière correctionnelle et
d’application des peines, cette participation de jurés-citoyens fut d’abord
une idée lancée par le Président de la République début 2011, malgré de
vives oppositions, notamment parmi les magistrats et pour la participation des
citoyens aux juridictions d’application des peines. L’application de la loi
n° 2011-939, du 10 août pour l’essentiel validée par le Conseil
constitutionnel, a pris fin par arrêté du 16 mars 2013. Nous aurions pour
notre part préféré un retour à l’idée émise en 1932 (pour les assises)
d’une séparation entre la constatation de la culpabilité réservée aux
magistrats professionnels et la fixation du quantum de la peine pour laquelle
les citoyens seraient intervenus.
IV – LA PLACE DU PRÉFET
Les
pouvoirs de police judiciaire du préfet
Encore un mouvement de balancier !
Les régimes se suivent mais les ministres de l’Intérieur qui se succèdent ont
toujours la volonté de contrôler le pays, au nom de sa sécurité et de l’ordre
public. À cet égard, les préfets sont les instruments idéaux et il est
tentant alors de transformer ceux-ci en enquêteurs judiciaires. D’où les
pouvoirs de police judiciaire que le Code de 1808 (l’ombre de Vidocq est
par là) attribue aux préfets pour leur permettre de constater les
infractions et d’instruire, comme un juge d’instruction. Il faudra attendre
plus de cent vingt ans avant qu’une République ose revenir sur ces pouvoirs en
les abrogeant, mais pas pour longtemps, deux ans, de février 1933 à
mars 1935, puisque la loi du 7 mars 1935 les rétablissait sous une
forme plus souple (en les cantonnant à des cas précis, par exemple, les
atteintes à la sûreté de l’État, et en les limitant dans le temps), avant que
le décret-loi du 1er juillet 1939 ne les rétablisse dans leur
plénitude. Rétablissement confirmé par l’article 30, CPP. Il faudra
attendre la loi du 4 janvier 1993 pour que ce texte soit abrogé ;
mais cette loi n’a pas supprimé le décret-loi du 1er juillet
1939 qui avait prévu que le préfet disposait de ces pouvoirs judiciaires en cas
d’état de guerre ou de tension extérieure assimilable à l’état de guerre. C’est
donc encore le régime de l’article 10 du Code de 1808 qui s’applique
dans ce cas-là, à vrai dire exceptionnel. Sous la pression de la barbarie des
attentats terroristes de janvier et novembre 2015, le gouvernement (de gauche…)
a fait voter une loi n° 2016-731 du 3 juin, qui donne aux préfets des pouvoirs
considérables de restriction des libertés individuelles sans qu’une infraction
ne soit commise par exemple pour contrôler le retour sur le territoire national
de toute personne dont il existe des raisons sérieuses de penser que ce
déplacement avait pour but de rejoindre un théâtre d’opérations de groupements
terroristes dans des conditions susceptibles de la conduire à porter atteinte à
la sécurité publique lors de ce retour(CSI, art. L. 225-1 à 8).
[1]S. Guinchard,
Vers une démocratie procédurale : Justices 1999-1, p. 91
(version abrégée) et Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire,
in Clefs pour le siècle, Paris-II (version complète), Dalloz, mai 2000. Et
aussi, in Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit.,
Dalloz, nos 5 et 6 sur
les métamorphoses et nos 541
et s. sur les nouveaux principes directeurs.
[2]M. Osiel,
Juger les crimes de masse. La mémoire collective et le droit, Le Seuil, 2006,
préf. A. Garapon ; compte-rendu par M. Jacquelin : Rev. sc.
crim. 2008-3, 767.
[3]Commentaire :
Ch. Jamin : RTD civ. 1998, 206.
[4]A. Bensoussan :
Gaz. Pal. 21 janv. 1999.
[5]Annonces Seine,
21 juill. 2005, p. 9.
[6] Y.
Joseph-Ratineau, thèse Aix, déc. 2013, dirc. M. Giacopelli, présentation in
RSCrim. 2014, 883.
[7]J. Danet, La
concurrence des procédures pénales, in Le procès pénal : Arch. phil. dr.,
vol. 53. ; La justice pénale entre rituel et management, PU Rennes,
2010, postface A. Garapon, p. 109. – V. le panorama de ces modes
depuis 2000 par Ph. Pouget, La mise en place de la diversification du
traitement des délits à travers la législation : AJP 2013, 573.
[8]M. Delmas-Marty,
La mondialisation du droit : chances et risques : D. 1999,
chron. 43.
[9]V.
S. Guinchard, in Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit.,
nos 216 et s.
[10]Sur tout ce
contentieux, V. S. Guinchard, in Précis de droit processuel/Droits
fondamentaux du procès, op. cit., Dalloz.
[11]J. Danet, Défendre,
Pour une défense pénale critique, Dalloz, 2004, p. 35-37.
[12]J. Danet, Défendre,
Pour une défense pénale critique, Dalloz, 2004, p. 38.
[13]H. Dalle, Juges
et procureurs dans la loi Perben II, in Le nouveau procès pénal après la
loi Perben II, Dalloz, 2004. – J. Danet, Défendre, Pour une
défense pénale critique, Dalloz, 2004, p. 54.
[14]F. Fadel, Les
raisons du recours à un tribunal ad hoc : le cas du Liban, in V. Donnier
et B. Lapérouse-Scheneider (ss dir.), L’accès au juge, Bruylant,
2013, 214. Bilan de l’activité de ces TPI de sept. 2012/déc. 2013,
O. Beauvallet et alii, Dr. pén. 2014, chron. 2.
[15]Les deux
résolutions ont été prises sur le fondement des pouvoirs que le
Chapitre VI de la Charte des Nations unies confère au Conseil de sécurité.
[16]Nations unies,
Conseil de sécurité, 22 déc. 2010, rés. 1966 (2010).
[17]O. Cahn et
R. Parizot, Juger en Bosnie-Herzégovine les crimes de guerre commis en
ex-Yougoslavie : quelle loi ? quel juge ? : AJP 2013, 601.
[18]Ce tribunal a déjà
condamné trois anciens chefs rebelles pour crimes contre l’humanité et crimes
de guerre. L’ancien président du Libéria, Charles Taylor a été reconnu
coupable le 26 avril 2012 et condamné à 50 ans de prison le
30 mai 2012. V. A.-Th. Lenassan : D. 2012, 2191.
[19]G. Poissonier,
Les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens : JDI 2007-1.
– H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel, in Droit processuel, Droits
fondamentaux du procès, op. cit. 8e éd.,
2015.
[20]Le Monde 27 juill.
2010, p. 6. – Ch. Delsol, Faut-il juger les khmers
rouges ? : Le Figaro 31 juill. 2010, p. 19.
– G. Sorman, Phnom Penh, le Nüremberg du communisme : Le Monde 10 août
2010.
[21] G. Poissonnier, AJ
Pénal 2014, 474 (sur la condamnation de deux anciens dirigeants khmers rouges
pour crimes contre l’humanité, le 7 août 2014).
[22]G. Poissonnier :
D. 2012, 2184.
[23]O. Beauvallet,
M. Raffray et A. Pasquero : Dr. pén. 2013/1, chron. 1.
[24]V.
P.-M. Martin : D. 2001, 1256.
[25]Site : http://www.icc-cpi.int/fr
[26]JO 31 mars
2000, p. 4950. – P. Nuss, La France et la Cour pénale
internationale : Gaz. Pal. 26 févr. 2000.
[27]Déc. 5 août
2010, n° 2010-612 DC : Gaz. Pal. 7 sept. 2010,
G. Poissonnier.
[28]D. Chilstein :
D. 2010, 1856. – G. Poissonnier : Gaz. Pal. 5 août
2010 et D. 2010, 2728. – H. Ascensio : JCP 2010,
doctr. 910. – Ph. Gréciano, La France et la Cour pénale
internationale : une coopération politique ? : D. 2011,
716.
[29]E. Vergès :
Rec. sc. crim. 2010/4, 896.
[30]V.
J.-M. Maillot, Les sources internationales et mondiales des droits
fondamentaux, in S. Guinchard (ss dir.), Préparation au grand oral des IEJ,
Gaz. Pal. éd., 9e éd., 2014,
n° 1.59.
[31] Article qui prévoit qu’un
Etat peut adhérer au traité de Rome en reportant, pour sept ans au maximum, la
date d’application du traité à son égard.
[32] Dix mille dollars en
1993, cent millions de dollars en 2001. Une heure de salle d’audience, a-t-on
appris au cours de ce colloque, coûte 10 000 dollars.
[33] Mon ancien étudiant au
cours de droit des affaires que j’ai enseigné à Dakar de 1975 à 1980, et que je
suis heureux de retrouver et de saluer ici, alors qu’il est devenu magistrat
dans son pays, le Burkina-Fasso.
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