SOMMAIRE
I – LES SECTIONS SPÉCIALES
II – LES TRIBUNAUX ALLEMANDS EN FRANCE
III – L’ÉPURATION
I – LES SECTIONS SPÉCIALES
Nuit juridique et
brouillard judiciaire dans le régime de Vichy
Période peu glorieuse pour notre pays et sa
magistrature[1]
(un seul magistrat, Paul Didier, refusa de prêter serment au maréchal
Pétain ; certains acceptèrent de siéger cagoulés dans les sections
spéciales),
Loi
du 14 août 1941 crée les sections spéciales compétentes pour juger les
auteurs de toute infraction « commise dans une intention d’activité
communiste ou anarchiste » (instruction en huit jours, ni appel, ni
pourvoi) ; cette loi a permis de rejuger, pour les condamner
rétroactivement à mort, six personnes déjà condamnées, afin de satisfaire la
demande des autorités allemandes qui menaçaient d’exécuter 150 otages
suite à l’assassinat, le 21 août 1941, d’un soldat allemand au métro
Barbès.
La
loi du 7 septembre 1941 crée le « Tribunal d’État », qui
siégeait en deux sections, l’une à Paris, l’autre à Lyon pour les faits
« de nature à troubler l’ordre ou, d’une manière générale, à nuire au
peuple français » ; application rétroactive à des accusés déjà
condamnés et qui furent condamnés à mort. Décret du 20 janvier 1944 qui
crée les Cours martiales de la milice à la discrétion de Joseph Darland qui en
désignait les membres et compétentes pour les attentats terroristes :
c’est la police qui arrêtait, poursuivait et renvoyait devant la cour
martiale ; le Code d’instruction criminelle était suspendu et les
condamnés immédiatement passés par les armes.
Le droit et la justice
avaient abandonné la France[2].
La nuit et le brouillard recouvraient notre pays, son droit et sa justice.
Certains, cependant, surent résister[3].
En parallèle de cette « justice »,
on signalera simplement la multiplication des juridictions d’exception[4],
y compris pour des infractions de droit commun (procédure sommaire, sanctions
lourdes) et l’acte dit loi du 25 novembre 1941 qui réduit le nombre des
jurés d’assises de douze à six et, mouvement inverse de celui de la loi du
5 mars 1932, fait participer les magistrats professionnels au verdict sur
les faits.
II – LES TRIBUNAUX ALLEMANDS EN FRANCE
Une page
d’histoire occultée ou oubliée
On évoquera, phénomène souvent occulté, la présence,
sur le territoire français, de tribunaux militaires allemands chargés de juger
les résistants, le plus souvent pour des actes de sabotage contre les troupes
d’occupation ; dépendant de la Feldkommandatur, ces tribunaux
siégeaient à Angers, Bordeaux, Nancy, Nantes, Rennes, par exemple, et à
Paris 7e, Maison de la Chimie, 28, rue
Saint-Dominique, du 7 au 14 avril 1942[5].
III – L’ÉPURATION
Pour comprendre ce que la Justice de la Libération
peut avoir de surprenant aujourd’hui au regard des garanties du procès
équitable[6],
il faut citer le Général de Gaulle :
« avec le concours de bon nombre
d’officiels et d’une masse de délateurs, excités et applaudis par un ramas de
folliculaires, 60 000 personnes avaient été exécutées, plus
de 200 000 déportées dont à peine 50 000 survivraient. En
outre, 35 000 hommes et femmes s’étaient vus condamnés par les
tribunaux de Vichy ; 70 000 suspects, internés ;
35 000 fonctionnaires, révoqués ; 15 000 militaires,
dégradés sous l’inculpation d’être des résistants. Maintenant, les fureurs
débordaient… sans doute le gouvernement avait-il le devoir de garder la tête
froide. Mais passer l’éponge sur tant de crimes et d’abus c’eût été laisser un
monstrueux abcès infecter pour toujours le pays. Il fallait que la justice
passe. Elle passa »[7].
Sur le châtiment des collaborateurs, on comparera
cette opinion avec celle de l’historien anglo-américain Tony Judt, in Après-Guerre
– Une histoire de l’Europe après 1945, A. Fayard éd.,
coll. « Pluriel », 2007, rééd. 2010, p. 66. Sur l’épuration
des magistrats des sections spéciales à la Libération, A. Bancaud et
J.-P. Jean, Les Cahiers de la Justice 2011/4, 125.
[1]V. La justice
des années sombres, 1940-1944, actes du colloque de Lyon, Doc. fr.,
2001, préf. P. Truche. La tentative de relativisation de l’attitude des
magistrats citée au texte (communication de Jean-Paul Jean) ne nous semble
pas les exonérer de leur responsabilité ; il suffit, pour s’en convaincre,
de lire les communications sur le fonctionnement des sections spéciales.
[2]M. Bourguet, L’anéantissement
des droits de la défense sous Vichy, p. 237, in Regards sur la
défense pénale, Liber amicorum Vincent Durtette, Mare et Martin
éd., coll. « Droit et sc. politique », 2009. – C. Millon, Occupation
allemande et justice française : les droits de la puissance occupante sur
la justice judiciaire, 1940-1944, Dalloz, coll. « Nouvelle bibl. de
thèse », préf. M. Stolleis, 2011.
[3]L. Israël, Robes
noires, années sombres, Avocats et magistrats en résistance
pendant la Seconde guerre mondiale, Fayard, 2005 (ouvrage issu d’une thèse
de doctorat soutenue à l’ENS Cachan en oct. 2003). Assoc. fr. pour
l’histoire de la justice, La Résistance dans la pratique judiciaire,
1940-1944, Doc. fr., 2012, préf. P. Truche.
[4]J.-G. Moore,
La Section spéciale, ou le procès de la docilité, in Les
grands procès de D. et Ch. Amson et J.-G. Moore, PUF, 2007, préf.
J. Verges, p. 381. V. Sansico,
La Justice du pire, Payot, 2002.
[5]V.
P. Le Rolland, Les Français devant la justice allemande, in
Jusqu’au bout de la Résistance, par la FNDIR, l’UNADIF et B. Fillaire,
Stock 1997, p. 408. – V. aussi les mémoires du président du
tribunal militaire allemand de Paris, Ernst Roskothen, tribunal qui jugea
Honoré d’Estienne d’Orves en juillet 1941 et le réseau du Musée de
l’homme, Groosparis, Place de la Concorde 1941-1944. On trouve aussi quelques
pages sur cette justice allemande en France dans le livre d’un auteur américain
sur Le réseau du Musée de l’homme, Le Seuil, 1977.
[6]D. et
Ch. Amson et J.-G. Moore, Les grands procès, PUF, préf.
J. Vergès, 2007, p. 299 et s., « Les procès de la
guerre ».
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