SOMMAIRE
I – LE MODÈLE UNIVERSEL DE PROCÈS ÉQUITABLE 2001-2017
II – LE PROCÈS ÉQUITABLE, DROIT FONDAMENTAL ? 1998
III – LE PROCÈS ÉQUITABLE, GARANTIE FORMELLE OU ENJEU
SUBSTANTIEL ? 1997-1999
I – LE MODÈLE UNIVERSEL DE PROCÈS ÉQUITABLE
2001-2017
Au-delà des projets à vocation
mondiale ou régionale, mais encore à l’état d’ébauche (le projet européen des
règles de procédure civile) ou sans juridiction unificatrice (le code-modèle
latino-américain), ce qui retient finalement l’attention, c’est ce que nous
appelons le modèle universel de procès équitable tel qu’il résulte du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966
(avec la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de l’ONU), de la
Convention EDH de 1950 (avec la jurisprudence de la Cour EDH) et du droit de
l’UE (avec la jurisprudence de la CJCE devenue CJUE et la Charte des droits
fondamentaux de l’UE). C’est en effet, le modèle le plus élaboré (grâce aux juridictions
internationales unificatrices), celui qui couvre le plus d’espace géographique
et qui façonne un type de procès aisément applicable dans tous les pays, car il
correspond aux valeurs universelles qui garantissent une bonne justice. C’est
sans doute la raison pour laquelle ce modèle s’exporte (ou à vocation à
s’exporter) à la fois vers des juridictions mondiales (par exemple, vers les
tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie ou pour le Rwanda ou la
Cour pénale internationale ; ou encore l’organe de règlement des
différends de l’Organisation mondiale du commerce), régionales ou nationales et
vers d’autres horizons, ceux des procès dans les modes alternatifs de règlement
des différends et l’arbitrage. Il conviendra d’ailleurs de confronter la
réalité du modèle avec sa réception par ces juridictions internationales,
régionales et nationales[1]
Justification de l’universalité du modèle
Le
droit à un procès équitable, le « due
process of law » ou encore le « right
to a fair trial », constituent le critère principal d’un État de
droit. Contenu essentiellement dans l’article 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, l’article 6 de la Convention EDH
et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, construit et
même façonné par la jurisprudence des trois organes de contrôle de ces
instruments internationaux, le procès équitable est, à ce titre, un vrai modèle
universel (art. 14 du Pacte) ou à vocation universelle (art. 6 de la
Convention EDH et droit des droits de l’homme de l’UE), même lorsqu’il est
élaboré par la Cour EDH ou la Cour de justice de l’UE, juridictions internationales
à vocation régionale.
a) D’une part,
il ne faut pas oublier, en effet :
– l’origine
commune de tous ces textes, à savoir la Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948 (art. 10 et 11), sans même parler de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont les articles 7, 8 et 9
contiennent des éléments du droit à un procès équitable en matière pénale et
des textes anglais (la Grande Charte de 1215) et américain (le Bills of rights
de 1791) ;
– leur
inspiration universaliste que l’on retrouve dans d’autres textes : la
Déclaration américaine des droits de l’homme (art. XXVI), la Convention
américaine des droits de l’homme (art. 8 et 10), la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples (art. 7 et 26) ;
– et
l’impact considérable que la construction de la notion de procès équitable peut
avoir dans les États soumis à l’emprise du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques ou de la Convention EDH.
b) D’autre
part, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(art. 14) et, surtout, la Convention EDH, avec son article 6,
§ 1 sur le procès équitable, ont beaucoup contribué, sinon au
rapprochement des procédures, tout au moins, au-delà de leur diversité
maintenue, à la construction d’un fonds commun procédural qui s’impose à tous
les États soumis à l’emprise de ces instruments internationaux. Véritable socle
de standards d’une bonne justice ces droits fondamentaux du procès contribuent
déjà à la modélisation des procès, quel que soit d’ailleurs le type de
contentieux, quel que soit le pays. En effet, la notion de matière civile, pas
plus que celle de matière pénale ne recoupe le procès civil ou le procès
pénal ; une matière civile peut faire l’objet d’un procès devant une
juridiction civile, mais aussi devant une juridiction administrative ou
disciplinaire ; même remarque pour la matière pénale, qui n’appartient pas
qu’aux juridictions répressives stricto sensu, qui déborde sur le
contentieux répressif administratif, économique par exemple. Le modèle européen
issu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en est d’autant plus
transversal, par rapport à nos schémas traditionnels. Il est d’autant plus
utile que certains contentieux nouveaux, ceux nés de la régulation économique
par des autorités de marché, n’ont pas toujours disposé, tout au moins à
l’origine, de règles de procédure suffisamment précises pour que soient
respectés les principes fondateurs d’une procédure démocratique et respectueuse
des droits de la défense.
Défense de
l’universalité et de l’utilité du modèle
Il
a été affirmé, au cours d’un colloque au Sénat, le 3 mai 1999, sur le XXVe anniversaire
de la ratification par la France, de la Convention européenne des droits de
l’homme, qu’il était « faux, inutile et dangereux » de parler
de « modèle universel » à propos du procès équitable [2] ;
l’affirmation nous paraît un peu trop rapidement et péremptoirement avancée, car
elle est inexacte aux trois points de vue évoqués :
– le
modèle existe, il suffit de consulter les arrêts de la Cour et les applications
nationales (il n’est donc pas faux) ;
– la
France étant régulièrement condamnée (et d’autres pays), le modèle n’est donc
pas inutile, au moins pour les justiciables ;
– enfin,
il permet d’assurer le respect de garanties d’une bonne justice et d’accroître,
à ce titre, la protection des droits fondamentaux : comment pourrait-il,
dès lors, être dangereux ? Comme l’a écrit Bruno Oppetit, « le
droit à un procès équitable apparaît comme la pièce maîtresse de l’instrument
constitutionnel d’un ordre public européen » [3] qu’est devenue la Convention
EDH ; il traduit « l’ascension d’un pouvoir judiciaire qui entend
s’affirmer face aux pouvoirs législatif et exécutif des États nationaux » [4].
Cette
critique a heureusement été démentie, à quelques années de distance par le
nouveau président du Conseil d’État qui a eu l’occasion de dire combien le
droit du procès est une composante essentielle des droits fondamentaux,
« qu’il n’est pas seulement utile », que la jurisprudence de la Cour
EDH « a enclenché un cycle vertueux de réformes législatives et
réglementaires dans la plupart des pays membres du Conseil de l’Europe » [5].
Une
autre critique se fait jour contre « les thuriféraires du
concept » de procès équitable [6], contre les représentations
proposées du juge et du procès, à partir de ce concept et de lui seul :
« tout un courant théorique,
aujourd’hui, probablement ébloui par les bienfaits tels ou supposés du recours
au concept de procès équitable est prêt à se rallier, s’il ne l’a pas déjà
fait, à ce qu’il appelle une éthique procédurale, qui me paraît confondre
dangereusement justice et procédure judiciaire ».
Ce
courant, qui trouverait sa source dans la Théorie de la Justice de John
Rawls [7],
voudrait substituer une solution procédurale à une solution fondationnelle de
la question du juste ; le juste serait à construire à partir des moyens
purement procéduraux au lieu d’être découvert parce qu’il a été donné. C’est de
la procédure équitable que la Justice dériverait son contenu ; la
rationalité procédurale serait alors la légitimité propre du droit [8]. C’est
ce courant et cette conception du juste et de la justice que Gérard Timsit
critique :
« s’il est admis – et,
évidemment, je l’admets aussi – que le concept de procès équitable est l’un des
concepts les plus importants et les plus protecteurs que le droit ait inventés
pour la sauvegarde des droits, on peut pourtant se demander si l’utilisation du
concept ne donne pas lieu… à un certain activisme judiciaire qui conférerait
aux juges plus que la place qui doit être la leur dans une démocratie ».
Et
l’auteur de conclure que parler, comme nous l’avons fait, de « démocratie
procédurale » [9] est une
illusion, une inversion de l’ordre des facteurs, car « les procédures
ne valent que ce que valent les démocraties qui en font usage ».
Certes, mais qui défend la démocratie contre l’emprise des pouvoirs exécutif et
législatif, si ce n’est ce tiers indépendant et impartial qu’est le juge ?
Où est l’effectivité des droits de chacun s’il n’est pas assuré de la
possibilité, toujours offerte à lui, de recourir à ce tiers ? Au nom de
quoi et de quel principe supérieur, peut-on affirmer que les juges ne doivent
pas se voir conférer plus que la place qui doit être la leur ? Peur
ancestrale du juge dans cette dénonciation de « l’activisme
judiciaire » ou mise en garde contre les excès de certains juges ?
C’est effectivement toute une conception de la vie en société qui est ici en
cause et du rôle que l’on veut bien reconnaître au juge, sans peur et sans
excès.
La notion de
procès équitable
L’attraction de la procédure par les
droits fondamentaux a été grandement facilitée par l’existence, dans
l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques et dans l’article 6 de la Convention EDH, d’une garantie que
l’on résume par l’expression de procès équitable, mais qui rassemble toutes les
composantes d’une bonne justice[10]. Une
jurisprudence audacieuse de la Cour EDH a complètement transformé le sens de
certains mots qui pouvaient paraître bien anodins ou ne traduire qu’un vœu pieu
(par exemple, la notion de délai raisonnable) et a extrait de ce texte, de ce
concept, des exigences non formellement exprimées (par ex. l’égalité des
armes). La Cour de justice des communautés européennes et aujourd’hui la Cour
de justice de l’UE, en s’appropriant le procès équitable au titre des principes
généraux du droit de l’UE, dispose du même outil, dans son champ de compétence.
Aucune étude sérieuse de procédure ne peut négliger aujourd’hui cette dimension
des droits fondamentaux dans les procédures suivies en France (en fait,
essentiellement, une dimension européenne et constitutionnelle), aucun manuel
de procédure, qu’elle soit civile ou administrative, mais encore plus pénale,
ne devrait l’ignorer, au-delà du coup de chapeau qui lui est parfois donné dans
l’exposé des sources de la matière pour ne plus, ensuite, y revenir ; la
garantie d’un procès équitable, non seulement est indispensable dans le
contexte français du procès, mais elle envahit tous les contentieux grâce à une
politique audacieuse et originale de la Cour européenne des droits de l’homme.
a) Dans
l’expression « procès équitable », avant équitable il y a
procès ; pourtant on chercherait vainement l’expression dans les anciens
codes de procédure, qu’ils soient de procédure civile ou d’instruction
criminelle, sans parler des textes qui régissaient le contentieux
administratif. Le mot qui était davantage utilisé sous l’empire des grandes
ordonnances royales, civile et criminelle, de 1667 et 1670, était
celui d’équité, celle de nos Parlements bien sûr, dont Dieu devait nous garder,
(…) à côté de leur arbitraire. Le concept n’était pas formalisé et avait mauvaise
réputation, ce qui explique sans doute que nous l’ayons enfoui au plus profond
de nos institutions judiciaires ; on parlait plutôt d’une « équité
arbitraire » [11], que
d’un procès équitable ! Curieux glissement du vocabulaire juridique qui
doit nous inciter à la prudence dans l’utilisation de cette expression et à
rechercher le sens exact de l’équité pour mieux approcher l’équitable.
b) Les
dictionnaires généraux, qu’ils soient anglais ou français, nous livrent deux
sens de l’équité et conduisent progressivement au procès équitable :
1) Dans le
dictionnaire historique de la langue française [12], l’équité est d’abord
définie comme un emprunt savant (1262) au latin aequitas : égalité,
équilibre moral, esprit de justice, dérivé de aequus, égal, d’où impartial.
On retrouve cette notion d’égalité dans le dictionnaire anglais Collins (English
language dictionnary) : la qualité d’être loyal et raisonnable d’une
manière qui donne à chacun un traitement égal.
2) Ces deux
mêmes dictionnaires voient aussi dans l’équité, pour l’un « la juste appréciation de ce qui est dû à chacun, selon un
principe de justice naturelle, parfois divine », pour l’autre, le
principe qui fera d’un jugement un jugement loyal dans un cas où les lois
existantes n’apportent pas de réponse satisfaisante à un problème (« the principe used in law which allows
a fair judgement to be made in a case where the existing laws do not provide
areasonnable answer to the problem »). C’est ici l’équité dont
Philippe Jestaz nous dit [13],
qu’elle serait tantôt désobéissance à la loi lorsque le juge écarte la règle de
droit pour rendre un jugement « en équité », c’est-à-dire supposé
plus juste que ne l’aurait permis l’application du droit strict, tantôt
adaptation de la règle de droit à un cas particulier, tantôt expression d’une
idée de justice comme fondement du droit[14].
3) Le
Vocabulaire Henri Capitant [15], ne
parle pas de l’équilibre, mais dégage cinq sens dont les quatre derniers
peuvent être regroupés sous l’idée commune d’atténuation de la règle de droit par
des considérations particulières, de dépassement du droit pour tendre à la
justice, justice supérieure au droit positif ; l’autre sens serait
l’égalité.
c) Dès lors, si
l’on revient au procès équitable pour en faire une exigence, à quoi
reconnaît-on qu’un procès donné l’a été ? Quel sens faut-il retenir de
l’équité ?
1) S’il s’agit
d’être juste dans le jugement rendu, chacun sait bien que l’application de la
règle de droit s’accommode mal avec une équité qui serait conçue comme la
recherche systématique de l’humain dans les conséquences que provoque toute
décision de justice ; c’est cette recherche qui conduisit le Président
Magnaud à n’être le « bon juge » de Château-Thierry que pour les
justiciables, pas pour les juristes [16]. L’équité, au sens de la
« sensibilité généreuse et hardie », que dénonçait Gény chez ce juge
n’a pas sa place dans la notion de procès équitable, car les bons sentiments en
matière de justice, la sensiblerie, mènent au déséquilibre et à l’inégalité
entre les justiciables. C’est le sens d’une jurisprudence constante : le
juge ne peut se contenter de se référer à son « arbitraire », même en
invoquant son souci d’apaisement et son impuissance à démêler l’affaire, pour
condamner le débiteur à ne régler que la moitié de la somme déclarée [17].
2) C’est donc
davantage la racine æquus, l’idée
d’équilibre qu’il faut retenir pour comprendre ce que peut représenter
aujourd’hui un procès équitable ; l’idée d’assurer à tout justiciable un
tel procès, se rattache à la notion très générale et générique de garanties
fondamentales d’une bonne justice, dont on trouve des illustrations dans le
caractère public des audiences, dans l’exigence d’un tribunal indépendant et
impartial, ou d’un délai raisonnable, etc. Ce sont ces garanties qui assurent à
chacun, dans un État de droit, le droit à un procès équilibré, loyal, tant il
est vrai que l’on oublie trop facilement que, dans la version anglaise de
l’article 6 de la Convention EDH, l’équivalent du mot français
« équitablement », ce n’est pas « equity », mais
« fair », ce qui, au moins pour un esprit continental, fait
penser au légendaire fair play britannique ; en outre dans le 14e amendement
à la Constitution américaine figure l’exigence d’un procès loyal. Et l’equity,
dans la langue anglaise, c’est d’abord la qualité d’être loyal (fair) et raisonnable dans une voie qui
donne un traitement égal à chacun [18]. C’est sans doute pour
cette raison que l’article 14, § 1 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques met en exergue, dans sa première phrase, la notion
d’égalité de tous devant les tribunaux et les cours de justice.
Il
faut donc ici dissiper toute ambiguïté, l’équité dont il est question n’est pas
celle qui s’oppose au droit ; ce n’est pas le dépassement du droit au nom
de principes supérieurs. Le mot « équité » vient du latin « æquus »,
qui signifie équilibre ; les deux termes sont équipollents [19].
d) On en a une
confirmation dans les décisions du Conseil constitutionnel qui ont
progressivement fait émerger la notion de droit à un procès équitable[20].
Ainsi, dans sa décision du 28 juillet 1989, il consacre implicitement
cette notion en affirmant que le principe du respect des droits de la défense
« implique, notamment en matière pénale, l’existence d’une procédure juste
et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties »
(consid. 44) [21]. Même
formule dans la décision sur l’injonction pénale du 2 février 1995
(consid. 5) [22], ou
formule équivalente (« garanties égales ») en
septembre 1986 [23]. Puis
l’expression « principe du procès équitable » apparaît dans la
décision no 2004-510 DC, 20 janvier 2005. Le 9 août
2007 (déc. no 2007-554 DC) apparaît l’expression d’une
« exigence constitutionnelle relative à l’existence d’un procès
équitable ». Enfin, c’est l’affirmation claire que « le droit à un
procès équitable découle de l’article 16 DDHC » (déc. no 2007-561,
17 janv. 2008 [24]).
Pour conclure,
on
dira que le procès équitable, c’est le procès équilibré entre toutes les
parties. Cela ne signifie pas pour autant que l’idéal de justice soit absent,
bien au contraire, car l’équité au sens d’un équilibre à réaliser, c’est aussi
un idéal de justice ; c’est, selon l’heureuse expression d’Henri Capitant,
en 1928, « l’une des plus radieuses formules de justice dont on ait
depuis la Grèce et Rome, illuminé l’espoir des sociétés modernes » [25]. Le
procès équitable repose sur des garanties qui tendent à faire régner cet idéal
de justice[26].
Comme le notait Bruno Oppetit « la vérification de cette équité, qui
fait peser des contraintes grandissantes sur les États nationaux, procède donc
d’un concept général et prédéterminé qui illustre lui aussi parfaitement le
phénomène de juridicisation de l’équité, notion morale érigée en notion
juridique » [27]. Si
l’équité dans le procès c’est l’équilibre, tendre à assurer le respect de
celui-ci, c’est aussi veiller à promouvoir l’idéal de justice : « Amour
et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » [28].
L’équilibre, qui apparaît en filigrane dans certaines décisions du Comité des
droits de l’homme de l’ONU [29] et dans
presque toutes les décisions de la Cour EDH sur le fondement de
l’article 6, rejoint l’image traditionnelle de la justice, image
symbolique d’une balance aux deux plateaux équilibrés.
Le respect de
l’équité même en matière de terrorisme
Une
tentative d’attentat dans le métro de Londres a donné l’occasion à la Cour EDH
de proclamer solennellement « qu’il
est hors de question que les droits à l’équité du procès soient atténués pour
la seule raison que les personnes concernées sont soupçonnées d’être mêlées à
des actes de terrorisme » (§ 252). Mais après cette proclamation, la
Cour rappelle qu’il « ne faut pas
appliquer l’article 6 d’une manière qui causerait aux autorités de police des
difficultés excessives pour combattre par des mesures effectives le terrorisme
et d’autres crimes graves » (§ 252) et que le respect de l’exigence
d’équité est global, sur l’ensemble du procès. En l’espèce, la Cour considère
que si les auteurs de cet attentat avaient été entendus sans la présence d’un
avocat dès l’enquête de police, des raisons impérieuses avaient motivé le
différé de cette assistance et que l’ensemble de la procédure avait été
équitable à leur égard. En revanche, un témoin avait été entendu sans cette
assistance, si bien qu’il fit des déclarations auto-incriminatoires et que son
interrogatoire se poursuivit sans avocat ; la Cour commence par
relativiser le droit de ne pas témoigner contre soi-même : celui-ci
constituant une protection non pas contre la tenue de propos incriminants en
tant que telle, mais contre l’obtention de preuves par la coercition ou
l’oppression (§ 267) ; mais elle acte une violation du droit à procès
équitable dans le fait que ce témoin n’avait pas été informé de ses droits en
matière de défense (§ 272)[30].
Le droit à un procès équitable s’exprime
aujourd’hui à travers des garanties qui forment un triptyque. La garantie d’un
procès équitable ne concerne pas seulement tous les contentieux, dès lors que
le litige entre dans le champ d’application de l’article 14 du pacte international
ou de l’article 6, § 1 de la Convention EDH, au regard soit de la
matière civile, soit de la matière pénale. Elle concerne aussi toutes les
phases d’une procédure, de l’introduction de l’instance à l’exécution du
jugement. L’équilibre du procès équitable on va le retrouver dans tous les
apports du Pacte international et de la Convention européenne au droit du
procès. Ces apports arrivent à former un triptyque dont les trois volets
constituent la garantie des droits, que nous avons conceptualisée ainsi en
partant de la jurisprudence de la Cour EDH[31] :
garantie qui part du droit d’accès à un tribunal (en abrégé, le droit à un
juge), pour conduire à l’exécution effective de la décision du juge, en passant
par des garanties institutionnelles et procédurales (en abrégé, le droit à une
bonne justice, à un bon juge). C’est le fameux triptyque que la Cour européenne
a progressivement dégagé de l’article 6, § 1 et dont les deux arrêts
phares à chaque bout du triptyque sont l’arrêt Golder c/ Royaume Uni et Hornsby
c/ Grèce.
II – LE DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE, DROIT FONDAMENTAL ?
juillet-août 1998
La
garantie d’un procès équitable est considérée comme un droit fondamental en
raison de la protection dont elle bénéficie en droit international et européen,
du triple point de vue de sa source normative, de l’organe juridictionnel qui
la met en œuvre et de la nature du pouvoir contre lequel elle est amenée à
jouer. Largement assurée par la Cour européenne des droits de l’homme, cette
protection tend à englober tout le procès et un peu plus avec, en amont, le
droit d’accès à un tribunal et, en aval, le droit à l’exécution effective des
décisions de justice. Néanmoins, l’étude de la jurisprudence française atténue
cette vision et tempère cet optimisme ; de fortes résistances se
manifestent à reconnaître au droit à un procès équitable le caractère d’un
droit fondamental sur tous les éléments retenus par les organes européens de
contrôle, malgré, à l’inverse, quelques rares décisions en ce sens sur certains
des aspects de cette garantie. C’est donc un bilan nuancé et contrasté que le
processualiste qui chemine dans les droits fondamentaux du procès est conduit à
établir pour juger du degré de reconnaissance du caractère fondamental ou non
du droit à un procès équitable en droit français. D’où le point d’interrogation
qui figure en tête de cette contribution.
Le point d’interrogation qui clôt le titre de cette
contribution ne doit pas induire en erreur le lecteur, ni sur l’état du droit
positif, au moins européen, ni sur l’opinion du signataire de ces lignes :
nous voulons affirmer d’emblée que nous souscrivons sans réserve à l’opinion
doctrinale et à l’expression jurisprudentielle du droit positif processuel
international et européen, que la garantie d’un procès équitable est un droit
fondamental ; la question est simplement de savoir comment cette
qualification est reçue en France par les tribunaux, comment ils ont pu en
faire progresser l’idée, voire la créer d’une manière autonome ou, au
contraire, la freiner, en n’en épousant pas toutes les applications voulues
notamment par la Commission et la Cour européennes des droits de l’homme[32].
Y a-t-il une autonomie de ce droit fondamental en Droit français ? Mais
reprenons d’abord, rapidement, pour bien fixer les termes et les limites du
débat, ces deux expressions.
Droit
fondamental ? Quelle définition donner ? Quel concept
retenir ? Pour s’en tenir à l’essentiel et pour ne pas entrer dans une
controverse qui dépasserait le cadre de cette étude[33],
nous ferons nôtre la conception organique donnée par l’un des plus éminents
spécialistes de cette question[34],
conception qui retient trois critères, tous tirés de la protection des droits
fondamentaux :
- protection non
seulement contre le pouvoir exécutif, mais aussi contre le pouvoir législatif,
alors que les libertés publiques en droit français traditionnel ne sont
protégées que contre le pouvoir exécutif ;
- protection non
seulement en vertu de la loi, mais aussi et surtout en vertu de la Constitution
et des textes internationaux ou supra-nationaux. On verra qu’à cet égard le
rôle de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence
de ses organes de contrôle est prépondérant. Le caractère fondamental du droit
à un procès équitable est d’autant plus fort en droit processuel européen que,
souvent, la Cour européenne ne se contente pas de censurer la non-conformité
d’une procédure à la loi nationale ; elle juge le texte appliqué par les
instances juridictionnelles nationales par rapport aux normes de la Convention ou
issues de sa propre jurisprudence. Par exemple, dans l’affaire John Murray c/ Royaume Uni c’est le
texte qui est en cause, puisque ce n’est pas la juridiction nationale qui a
fixé le délai de quarante huit heures pendant lesquelles une personne suspectée
de terrorisme n’a pas droit à un contact avec un avocat[35] ;
- protection non
seulement par l’intervention des juges ordinaires, mais aussi par celle d’un
juge constitutionnel et de juges internationaux.
Procès
équitable ? Sans reprendre ici toutes les interrogations que l’on peut
se poser sur le sens à donner au mot équité[36],
on remarquera que cette expression se retrouve dans plusieurs textes
internationaux qui en assurent la garantie. C’est de ce concept que nous
partirons tel qu’il a pu être interprété par la jurisprudence internationale.
Ces instruments internationaux[37]
contribuent à conférer à la garantie d’un procès équitable la qualité d’un
droit fondamental ; sans viser l’exhaustivité, on peut citer :
-
l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948, mais qui n’a que la valeur d’un idéal à défendre ;
-
l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du
19 décembre 1966 et, surtout, son protocole facultatif puisqu’il a permis les
requêtes individuelles ; mais la jurisprudence de son organe de contrôle,
le Comité des droits de l’homme des Nations Unies est peu étudiée par les
juristes français, pour ne pas dire complètement ignorée d’eux, sans doute
parce qu’environ les trois quarts des communications individuelles rendues
jusqu’en juillet 1993 (sur 331) sur le fondement de l’article 14, concernaient
la Jamaïque et l’Uruguay ; pourtant, une chronique est tenue à l’Annuaire français de droit international par
l’un de nos collègues[38],
et une décision récente concerne la France à propos de l’affaire Faurisson[39] ;
en outre, le visa de cet instrument en matière de procès équitable, par les
juridictions françaises est rare, pour ne pas dire inexistant[40] ;
-
et, surtout, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des droits fondamentaux, avec son fameux article 6 §1et la jurisprudence qu’il
a suscitée de la part des organes de la Convention, elle-même confrontée aux
jurisprudences nationales.
Avec
l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, il faudra vraisemblablement tenir
compte de la future jurisprudence de la Cour de Luxembourg en matière de droits
fondamentaux et s’attendre à un contrôle, par cette Cour, de ce que Frédéric
Sudre vient de qualifier de « Charte
communautaire des droits fondamentaux »[41].
C’est
donc l’article 6 §1 de la Convention européenne que nous retiendrons comme
critère d’appréciation de l’effectivité du droit à un procès équitable en droit
positif français, pour partir à la recherche d’une reconnaissance de cette garantie
comme un droit fondamental par la jurisprudence française, à la fois en
application de la norme européenne et, peut-être, en création autonome. Le fil
conducteur sera celui que constituent aujourd’hui les trois volets du triptyque
du droit à un procès équitable au sens large, tel qu’ils viennent d’apparaître
clairement après vingt-deux ans de jurisprudence européenne, de l’arrêt Golder c/ Royaume-Uni du 21 février 1975
à l’arrêt Hornsby c/ Grèce du 19 mars
1997 : droit d’accès à un tribunal (en parallèle ici avec le droit à un
recours effectif de l’article 13), droit à une bonne justice (dans la double
application des exigences institutionnelles relatives au droit à un tribunal
indépendant et impartial et des exigences procédurales d’un procès équitable,
cette fois au sens strict, public et dans un délai raisonnable), droit à
l’exécution effective du jugement.
Protégée
par la Cour européenne, cette garantie d’un procès équitable est
incontestablement, au regard des critères que nous avons donnés, un droit
fondamental. Est-elle pour autant assurée en France par les juridictions
nationales ? à lire certains
arrêts on peut douter de la conformité de leurs solutions avec la jurisprudence
européenne. De cette confrontation il ressort que l’audit du droit positif
français, quant à la réalité pour les justiciables d’un droit fondamental à un
procès équitable, conduit à un bilan pour le moins contrasté. Si l’on situe la
jurisprudence française par rapport à ces exigences, on peut affirmer, sans
exagération :
-
que le domaine d’application de la garantie retenu par les juridictions
nationales n’est pas encore complètement conforme à l’applicabilité de
l’article 6 §1 telle qu’elle est déterminée par la Cour européenne (I) ;
-
qu’en revanche, le droit fondamental à un tribunal est un droit pleinement
consacré (II) ;
-
mais que le droit fondamental à une bonne justice dans le déroulement de
l’instance est encore largement malmené (III) ;
- et que des discussions sont à prévoir quant aux suites
à donner en droit français à l’arrêt Hornsby
c/ Grèce, relatif à l’exécution effective des décisions de justice (IV).
i - le droit fondamental à un procès
équitable :une applicabilité nationale plus restreinte qu’en droit
processuel européen
Peu à peu, le domaine d’application du droit à un procès
équitable en droit interne français, tel que la jurisprudence nationale le
détermine, se rapproche de celui retenu par les organes de la Convention. Mais
la coïncidence n’est pas encore parfaite, même si des progrès importants ont
été accomplis ces dernières années et notamment en 1996. Les domaines restant
encore en creux par rapport à la jurisprudence européenne concernent aussi bien
le contentieux administratif (A), que le contentieux judiciaire (B), les deux
se rejoignant sur le problème du permis de conduire à points (C).
Ces divergences, qui tendent à s’amenuiser, tiennent,
bien évidemment, à la méthode utilisée par la Cour européenne pour fixer le
domaine d’application de l’article 6 §1 et sur lesquelles il n’y a pas lieu ici
de s’attarder, sauf à souligner les conséquences inéluctables, quasiment
automatiques, de cette méthode dite de l’autonomie des notions. Ce que deux
éminents spécialistes de ces questions ont appelé, en termes diplomatiques, « la tendance extensive de la jurisprudence
européenne[42] »,
et qui a conduit l’un d’entre eux à affirmer, en une formule plus directe,
que « le contrôle de la Cour s’étend
jusqu’aux bornes fixées par elles[43] ».Ainsi,
la méthode de la Cour européenne pour déterminer le caractère civil des droits
et obligations sur lesquels portent les contestations, n’implique pas que les
parties au litige soient des personnes privées, l’approche patrimoniale étant
décisive et l’intervention de la puissance publique n’est plus exclusive du
caractère civil de l’obligation. De même, en matière pénale, l’arrêt Engel c/ Pays-Bas[44] a
été le premier à affirmer en 1976 d’une part, que les états ne devaient pas pouvoir disposer à leur guise des
qualifications, par exemple disciplinaire ou lieu de pénale, et, d’autre part,
que la matière pénale dépassait le code pénal par ses trois réactifs que
sont : les indications du droit national, la nature du fait ou du
comportement transgresseur et le but et la sévérité de la sanction.
Jurisprudence confirmée par la suite à propos de sanctions dans le domaine de
l’économie[45], de la
circulation routière[46]
et dans les domaines pénitentiaire[47],
procédural[48],
parlementaire[49] et
fiscal[50].
Il n’est donc pas étonnant que, les mots écrits dans l’article 6 §1 de la
Convention étant lus comme désignant des concepts autres que ceux
traditionnellement admis dans les droits nationaux, cette lecture extensive
puisse ne pas être la même selon la juridiction nationale amenée à en connaître
pour fixer l’applicabilité de l’article 6 à tel ou tel type de contentieux.
D’où des divergences quant au champ d’application de l’article 6 §1. Ce sont
ces divergences que nous voudrions mettre en exergue ici, en ne distinguant pas
selon la matière civile et la matière pénale, mais selon les ordres de
juridictions car tous les deux ont à en connaître, précisément en raison de
l’autonomie des notions. Il nous a donc semblé plus pertinent de montrer en
parallèle (A et B) ou conjointement (C), les réticences françaises à soumettre
certains contentieux aux exigences de l’article 6 §1. La marge nationale
d’interprétation s’amenuise, à tel point que certains commencent à s’interroger
ouvertement sur la cohérence de l’interprétation de la Convention, au-delà de
sa spécificité et de son autorité[51].
a)
zones de résistance dans le contentieux administratif
Elles se réduisent au fur et à mesure que des
contestations sur ces zones de résistance sont portées devant les organes de
contrôle de la Convention pour les raisons qui viennent d’être indiquées et qui
se ramènent à l’idée qu’en matière civile seul l’imperium étatique échappe encore à l’article 6 §1 alors que par
ailleurs la matière pénale, en raison des réactifs retenus s’étend de plus en
plus.
a)
Ainsi, le Conseil d’état a cédé
en 1996 à la jurisprudence européenne[52],
en admettant, après vingt ans de résistance, que le contentieux disciplinaire
relevait du champ d’application de l’article 6 §1, au titre d’un litige « de caractère civil »,
notamment lorsque ces litiges sont portés devant les juridictions ordinales,
telles que les conseils des ordres d’avocats ; l’arrêt Maubleu, du 14 février 1996[53],
rendu au visa de l’article 6 §1, revient sur l’arrêt Debout du 27 octobre 1978, arrêt de principe en la matière[54].
Il est donc prévisible que des solutions acquises antérieurement à l’arrêt Maubleu, dans des contentieux du même
type, seront remises en cause si le Conseil d’état
était amené à connaître de ces litiges ; par exemple pour les poursuites
disciplinaires exercées devant le Conseil supérieur de la magistrature[55]
ou pour le contentieux porté devant la commission bancaire[56].
b) Restent encore en-dehors du champ d’application de
l’article 6, les litiges relatifs à l’acquisition de la nationalité française[57],
ceux ayant trait à la reconduite à la frontière d’un étranger en situation
irrégulière[58], les
contestations soumises à la Commission des recours des réfugiés[59]
ou aux commissions départementales des handicapés[60],
de même qu’autrefois, les demandes adressées à l’ex-commission juridictionnelle
des objecteurs de conscience[61].
c) En revanche, et malgré une jurisprudence défavorable
du Conseil d’état et de la Cour
des comptes[62], les
procédures mises en œuvre devant la Cour des comptes et les Chambres régionales
des comptes entrent désormais dans le champ d’application de l’article 6, mais
de par la volonté du pouvoir exécutif, les garanties du droit à un procès
équitable ayant été étendues à ces contentieux par la voie réglementaire
(décrets des 23 août 1995 et 18 avril 1996).
d) Enfin, par suite de la condamnation de la France par
la Cour européenne, le 18 mars 1997, le droit à un procès équitable a été
étendu à la phase de l’expertise technique dans le contentieux administratif[63].
La jurisprudence administrative devra donc s’incliner.
Le même phénomène d’amenuisement des résistances à
l’application des garanties de l’article 6 §1 à certains contentieux se
manifeste dans la jurisprudence judiciaire.
b) zone de
résistance dans le contentieux judiciaire
Cette résistance quant au principe même de
l’applicabilité de l’article 6 à un type de contentieux a pratiquement disparu
de la jurisprudence judiciaire. On trouve en revanche de nombreux cas dans
lesquels les tribunaux considèrent que telle ou telle garantie n’est pas violée
au regard de ce texte, mais cette jurisprudence ne traduit pas un refus de
principe de soumettre tout un contentieux à l’application des exigences de
l’article 6 ; elles seront étudiées avec l’examen de la jurisprudence
nationale relative à chacune d’elles (infra,
III). Une divergence subsiste encore en matière pénale, à propos de la
phase de l’instruction.
a) Curieusement en effet, la Chambre criminelle semble
considérer, dans un arrêt récent[64],
que la garantie d’un procès équitable et l’article 6 ne s’appliquent pas à la
phase de l’instruction (bien que les droits de la défense y soient très
présents et reconnus par la Chambre elle-même, en tout cas pour l’essentiel, v.
infra III, A, sur ce point). La Cour
européenne a jugé, tout au contraire, que les exigences de ce droit à un procès
équitable pouvaient être invoquées par « tout accusé », avant la
saisine du juge au fond « si et
dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement la caractère équitable du
procès » ; en conséquence, la Suisse fut sanctionnée pour absence
de l’avocat lors de l’instruction préparatoire[65].
D’une manière plus générale, l’accusation commence en matière pénale, selon la
Cour[66],
avec la notification officielle du reproche d’avoir accompli une infraction
pénale ou, selon la Commission[67],
au moment « de répercussions
importantes sur la situation du suspect ». Et pour la Cour, « il existe un lien trop étroit entre
l’appréciation de la nécessité de la détention et celle - ultérieure - de la
culpabilité pour que l’on puisse refuser la communication de pièces dans le
premier cas, tandis que la loi l’exige dans le second... Faute d’avoir garanti
l’égalité des armes, la procédure n’a pas été contradictoire »[68].
La Cour européenne est même allée plus loin très
récemment en considérant qu’une assignation à comparaître peut s’analyser en
une accusation au sens de l’article 6 §1, l’accusation se définissant comme « la notification officielle émanant de
l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction
pénale ». Il est donc fort probable que la Chambre criminelle sera
amenée à revoir sa position et à ne pas se contenter de reconnaître simplement
que les droits de la défense (et encore, pas toujours dans de bonnes
conditions..) doivent être respectés dès la phase de l’instruction
préparatoire.
b) On peut trouver un prolongement de cette résistance de
la Chambre criminelle à l’application des garanties du procès équitable très en
amont de la phase du jugement sur le fond dans l’arrêt qu’elle a rendu le 6
février 1997[69] :
l’attendu qui nous intéresse ici concernait la distraction d’un document dont
un membre du Parquet était soupçonné d’en être l’auteur ; ce document,
s’il n’avait pas été dissimulé, aurait permis à une personne de bénéficier d’un
privilège de juridiction (privilège d’ordre public à l’époque des faits,
article 679, CPP), dès lors qu’elle était susceptible d’être inculpée. Or le
bordereau d’enregistrement de ce document portait la mention « mis en cause », suivie de
l’énumération des noms de deux personnes physiques. La Chambre criminelle
considère que dès lors que ce document, qui mettait en cause cette personne,
n’avait pas été versé à l’information déjà ouverte, il ne pouvait y avoir motif
d’annulation de la procédure, le juge d’instruction n’en n’ayant pas eu
connaissance. La décision est pour le moins surprenante, puisque par hypothèse
la dissimulation de ce document avait pour objectif d’interdire au juge
d’instruction d’en connaître et donc d’être obligé de se dessaisir. A bien
comprendre la Chambre criminelle la situation aurait pu déboucher sur une
annulation si le juge d’instruction avait été complice de l’agissement en
cause, ce qui est tout de même beaucoup pour un seul tribunal ! De plus,
la jurisprudence européenne est très claire à cet égard : l’accusation
pénale, permettant de bénéficier du droit à un procès équitable, commence en
amont du procès, dès qu’une autorité publique dénonce un suspect comme
coupable, avant toute inculpation
officielle et la Commission retient l’idée de « répercussions importantes sur la situation du suspect »[70]. On ne peut s’en tenir, au regard de la
jurisprudence européenne, à la notion stricte d’inculpation pour considérer
qu’une personne est l’objet d’une accusation ; l’article 679, dans sa
rédaction alors applicable, visait d’ailleurs, une notion plus large et plus
floue que celle d’inculpation, bien dans l’esprit européen, à savoir « susceptible d’être inculpée », ce
qui, en bon français, n’a jamais voulu dire « être
inculpé ». Dès lors qu’une personne est mise en cause dans un
bordereau informatique du Parquet et que quelques jours plus tard elle sera
mise en examen, n’était-elle pas dès ce jour là « susceptible d’être inculpée », surtout si la pièce qui
aurait permis son inculpation immédiate si elle avait été transmise
immédiatement au juge d’instruction, ne l’a pas été, non pas pour quelques
hésitations du Parquet, mais parce qu’un membre de celui-ci aurait soustrait la
pièce ! Y a-t-il eu procès équitable ? Certainement pas au niveau de
la délocalisation de la procédure qui était inhérente à ce genre de situation et
au regard des critères de la Cour européenne.
C’est la matière pénale qui est encore l’occasion de
résistances à l’applicabilité de l’article 6 §1, mais cette fois dans des
contentieux communs aux juridictions administratives et judiciaires.
c) zones de résistance communes aux
juridictions administratives et judiciaires
Elles concernent la règle non bis in idem (a) et le permis de conduire à points (b).
a) Contradictions
quant au champ d’application de la règle non bis in idem
1)
La Commission et la Cour ont consacré, au nom du droit à un procès équitable un
droit qui n’est garanti qu’à titre optionnel dans la Convention, au Protocole
n° 7, article 4 §1, à savoir le principe non bis in idem[71].
Le rapport de la Commission et l’arrêt sont riches d’enseignements pour la
France, car bien que l’affaire concerne l’Autriche, la solution est
transposable, les réserves émises par la France et par l’Autriche l’étant en
termes identiques. Il s’agissait de savoir si une personne ayant été poursuivie
et condamnée par un tribunal pénal autrichien, pouvait ensuite être condamnée
par une autorité administrative, mais dans des conditions telles que les
sanctions administratives relevaient de la matière pénale au sens de la
Convention. Or, l’Autriche, comme d’ailleurs la France, ont ratifié le
Protocole avec des réserves d’interprétation et notamment que le principe non bis in idem ne serait applicable que
pour des poursuites engagées à propos d’infractions relevant « dans le sens du Code pénal
autrichien » ou « en droit
français » de la matière pénale. A suivre ces réserves et le sens que
leur donnait l’état autrichien,
les poursuites devant l’autorité administrative ne relevant pas de la matière
pénale au sens national autrichien elles pouvaient être engagées pour les mêmes
infractions. Ce n’est pas l’avis de la Commission, ni la décision de la Cour
qui considère « qu’en excluant
toutes les procédures qui ne seraient pas pénales au sens du code pénal
autrichien, la déclaration [autrichienne] n’offre pas à un degré suffisant la
garantie ; qu’elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement
écartées par l’Autriche ». En invalidant les réserves autrichiennes la
Cour fait entrer le principe non bis in
idem dans la matière pénale au sens
de la Convention, dans les procédures pénalisées de l’article 6, celles
pour lesquelles le droit à un procès équitable est applicable. Ce dernier
consacre ainsi un droit optionnel, en faisant tomber des réserves
d’interprétation. En outre, la Commission avait considéré que le principe non bis in idem jouait pour les mêmes
faits à la base des deux poursuites autrichiennes, quand bien même elles ne
concernaient pas « formellement »
la même infraction ; la Commission insiste sur le fait que le Protocole n°
7, article 4 §1, ne fait pas référence à une « même infraction », mais à des poursuites et à une
condamnation portant « à
nouveau » sur une même infraction, c’est à dire sur les mêmes faits.
2)
Or, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère, en méconnaissance
totale de la jurisprudence de la Cour européenne pourtant antérieure de huit
mois à son arrêt, que « la règle non
bis in idem, consacrée par l’article 4 du protocole n° 7, additionnel à la
CEDH, ne trouve à s’appliquer, selon les réserves faites par la France en marge
de ce protocole, que, pour les infractions relevant en droit français de la
compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas la
prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le
juge répressif »[72].
3)
Le Conseil d’état retient la même
solution au regard de l’article 14-7 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques : « cet
article, pour lequel la France n’a formulé aucune réserve d’interprétation, ne
fait pas obstacle à ce qu’un contribuable condamné ou relaxé des poursuites du
chef de fraude fiscale se voie appliquer, s’il y a lieu, par l’administration
fiscale, les pénalités pour mauvaise foi ou pour manoeuvres frauduleuses ou les
pénalités prévues en cas d’absence de déclaration ou de déclaration
tardive »[73].
4)
Même solution pour le Conseil de la concurrence à propos des articles 7 de
l’ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du Traité CEE : pas
d’applicabilité de ce principe en cas d’application conjointe de ces deux
articles (infractions distinctes selon le Conseil, car l’article 85 suppose que
le commerce entre les états
membres soit concerné)[74].
Ou encore, pour des poursuites pénales pour publicité mensongère (articles L.
121-1, L. 121-5 et 6, code de la consommation), leur existence ne saurant faire
échec ni à la compétence du Conseil, ni à son pouvoir de sanction, le principe non bis in idem n’ayant pas lieu de
jouer[75].
5)
Pour être complet, signalons que la Cour de justice des Communautés européennes
retient la même solution que le Conseil de la concurrence[76],
mais ajoute dans son arrêt qu’une « exigence
générale d’équité...implique qu’il soit tenu compte de toute décision
antérieure pour la détermination d’une éventuelle sanction ». N’est-ce
pas le cas lorsqu’il y a application simultanée
des deux règles par la même autorité ?
b) Les mesures de
retrait de points du permis de conduire
Le problème de l’applicabilité de l’article 6 §1 au
contentieux des sanctions administratives (et sur lequel v. supra, A) trouve un prolongement dans
les mesures de retrait de points du permis de conduire[77].
L’harmonisation entre la position des juridictions nationales et celle de la
Cour européenne n’est pas encore réalisée en ce domaine, mais la question n’est
pas tranchée définitivement. En réalité le problème se dédouble :
-
Il y a d’abord celui du retrait de points, prononcé par le juge pénal, suite à
une condamnation principale. Le Conseil d’état[78]
et la Cour de cassation[79]
convergent pour considérer, d’une manière constante, que ce retrait ne présente
pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation, bref
qu’il n’y a pas « matière pénale » au sens de l’article 6 §1. La
mesure serait donc purement administrative et la garantie d’un procès équitable
n’aurait pas lieu de s’appliquer ici. Mais dans cette hypothèse, la Commission
a donné son avis le 29 mai 1997 et a reconnu l’applicabilité de l’article 6 §1
aux mesures de retrait de points du permis de conduire, compte tenu de la
nature et du degré de gravité de cette sanction[80].
Il s’agit bien d’une accusation en matière pénale. Pour autant - et malgré
l’opinion dissidente de neuf commissaires dont le commissaire français M. J.-
Cl. Soyer - la Commission considère que dans une telle hypothèse, le retrait
des points étant la conséquence de la décision pénale de condamnation prononcée
à l’encontre de l’automobiliste (et non pas du paiement spontané de l’amende,
sans passer par un tribunal), « un
contrôle suffisant au regard de l’article 6 §1 se trouve incorporé dans [cette] décision, sans qu’il soit besoin de
disposer d’un contrôle séparé supplémentaire de pleine juridiction portant sur
le retrait de points ; par ailleurs le requérant pourra introduire un
recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin de
faire contrôler que l’autorité administrative a agi à l’issue d’une procédure
régulière et notamment que le titulaire du permis de conduire a été mis à même
de saisir le juge pénal. Dans ces conditions, la Commission est d’avis que le
requérant a, dès à présent, bénéficié dans l’ordre interne d’un contrôle
juridictionnel suffisant concernant la mesure litigieuse au regard de l’article
6 §1 ».
-
En outre, second aspect du problème, la Chambre criminelle est même allée
jusqu’à affirmer, dans les trois arrêts précités du 26 juin 1996, que lorsque
la personne concernée par le retrait des points préfère ne pas demander que son
dossier soit examiné par le tribunal de police, elle « renonce à la garantie d’un procès équitable en s’acquittant
d’une amende forfaitaire », parce qu’elle se reconnaît une part de responsabilité.
La formule est pour le moins contestable, car elle est trop générale, englobant
tout le procès, alors que la Cour européenne n’accepte la renonciation du
justiciable dans une matière d’ordre public - et c’est le cas de la garantie
d’un procès équitable[81]
- qu’à certaines conditions tenant à ses caractères et à son objet, conditions
qui ne semblent pas réunies ici :
-
la renonciation doit être libre, sans contrainte ; l’automobiliste
n’est-il pas contraint de choisir la solution du paiement, alors que tout
l’incite dans la rédaction du procès-verbal qu’il reçoit à choisir cette
solution ? Son attention est attirée sur les peines plus fortes qui sont
encourues devant le tribunal s’il a l’audace de s’y présenter ; il devra
se déplacer jusqu’au tribunal compétent, qui peut être très éloigné de son
domicile habituel, choix d’un avocat pour mieux se défendre, etc..
-
Surtout, on ne peut renoncer à n’importe quelle garantie ; l’objet de la
renonciation est variable et si, pour tel ou tel aspect de la garantie d’un
procès équitable, on peut admettre la renonciation, par exemple pour la
publicité de l’audience[82],
la Cour européenne a en revanche déjà jugé que le droit à un tribunal
impartial, le droit à un tribunal établi
par la loi ne peut faire l’objet d’une renonciation car « un tel droit offre une importance
capitale et son exercice ne peut dépendre des seuls intéressés[83] ».
En admettant la renonciation « à la
garantie d’un procès équitable » sans aucune restriction, la Chambre
criminelle semble bien admettre la renonciation à un tribunal établi par la
loi, puisqu’après le paiement de l’amende valant reconnaissance de
responsabilité, aucun recours ne sera plus possible.
L’affaire
est donc à suivre sur ces deux aspects et notamment celui de la validité de la
renonciation à la garantie d’un procès équitable. On aborde ainsi le droit à un
recours juridictionnel devant un tribunal.
ii - le droit fondamental à un tribunal, droit
pleinement consacré
Le caractère fondamental de ce droit est établi, au
niveau du critère des sources supranationales, par plusieurs
dispositions : l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme (« toute personne a droit à
un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les
actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution
ou par la loi ») ; les articles 2 §3 (droit à un recours utile)
et 14 §1 (droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal...) du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques ; les articles 6 §1
(droit à un tribunal etc..) et 13 (droit à un recours effectif devant une
instance nationale) de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est
l’article 6 §1 qui a servi de fondement à la reconnaissance, par la Cour de
Strasbourg, d’un droit d’accès à la justice, du droit à un recours de nature
juridictionnelle ; le droit d’agir en justice ne constitue, selon les
termes mêmes de l’arrêt Golder
« qu’un aspect » du droit à un procès équitable[84].
Ce caractère fondamental est conforté, en droit interne,
par le Conseil d’état qui a
reconnu que le droit d’agir en justice entrait dans la catégorie des garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques[85].
Quant au Conseil constitutionnel, après avoir admis, en 1993, la valeur
constitutionnelle du droit à un recours juridictionnel[86],
il l’a ensuite rattaché, en 1994, à l’article 16 de la Déclaration des droits
de l’homme de 1789 qui assure « la
garantie des droits »[87]
et l’a définitivement consacré en 1996[88].
Ces soubassements internationaux et constitutionnels
expliquent sans doute que le droit d’accès à un tribunal soit assez largement
reconnu par les juridictions françaises, administratives et judiciaires, encore
que quelques réticences se soient manifestées chez les premières (A), alors que
les secondes ont su, au contraire, développer une jurisprudence audacieuse,
n’hésitant pas à créer des recours prétoriens (tels que le recours-nullité)
lorsque la loi avait supprimé toute possibilité de recours ou ne les avait pas
expressément prévus (B).
a)
la consécration du droit à un recours dans la jurisprudence administrative
La proposition se dédouble, en fonction des deux articles
contenus dans la Convention européenne, l’article 13 et l’article 6, dont les
deux ont donné lieu à des applications en matière administrative.
a) La disposition
de l’article 13 de la Convention européenne, (droit à un recours effectif devant une instance nationale), n’est
pas totalement absorbée par celle de l’article 6 qui consacre le droit
fondamental à un recours juridictionnel. Deux décisions au moins ont visé ce
texte pour estimer d’ailleurs qu’il n’avait pas été violé :
- dans le contentieux de
la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, le rejet
du moyen étant fondé sur les garanties offertes par la loi et, notamment
l’effet suspensif du recours ouvert aux intéressés[89] ;
- en matière de permis de
conduire à points, le retrait des points étant jugé conforme aux droits et
libertés reconnus par la Convention[90]
(supra, I, C, b).
Peut poser problème en revanche, la théorie dite des
actes de gouvernement, le droit à un recours effectif n’étant pas assurée dans
cette hypothèse, même s’il est vrai que la Cour européenne n’exige pas une voie
de recours « pour toute doléance, si
justifiée soit-elle »[91] et
si, sur le terrain cette fois de l’article 6 §1, elle considère que le droit à
un tribunal n’est pas un droit absolu, les états
pouvant le réglementer[92].
Sous cette réserve, le droit à un recours effectif paraît assuré par la
jurisprudence administrative. Mais avec l’article 6 §1 on est passé au droit à
un recours de nature juridictionnelle.
b) Au regard de
l’article 6 §1 et du droit à un recours de nature juridictionnelle
lorsqu’il y a contestation sur des droits et obligations de nature civile ou
accusation en matière pénale, la jurisprudence administrative a d’abord
contesté l’applicabilité de l’article 6 §1 à certains types de contentieux,
notamment le contentieux disciplinaire, la question pouvant lui être posée à propos
de l’une ou l’autre des garanties prévues à ce texte (publicité des audiences,
impartialité du tribunal etc.., v. supra
I). Sous le seul angle du droit à un recours de nature juridictionnelle qui
nous intéresse ici, le Conseil d’état
a dû céder aux exigences européennes et reconnaître finalement, en 1995[93],
après des années de fortes résistances[94],
que les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des détenus et des
militaires ne constituent pas des mesures d’ordre intérieur et que par
conséquent, faisant grief, elles sont susceptibles d’un recours pour excès de
pouvoir.
b) la création de recours de nature
juridictionnelle, par les juridictions judiciaires
Le droit fondamental à un recours de nature
juridictionnelle est largement consacré par la jurisprudence judiciaire, à
travers d’une part, le rétablissement d’un recours, dit recours-nullité,
lorsque la loi l’a expressément supprimé en matière civile (a) et, d’autre
part, l’ouverture d’un pourvoi en cassation en matière pénale même lorsque la loi
ne l’a pas spécialement envisagé (b).
a) Le droit
fondamental à un recours-nullité en matière civile
Le droit à un recours de nature juridictionnelle devient,
pour l’appel, la tierce-opposition et même le pourvoi en cassation, un
véritable droit fondamental dans la mesure où la jurisprudence judiciaire ouvre
de tels recours alors que la loi les avait expressément supprimés (1). Apparaît
ainsi un droit fondamental d’origine jurisprudentielle interne (2).
1)
Domaine. - C’est d’abord pour l’appel que la jurisprudence
a créé, ce qu’il est convenu d’appeler un appel-nullité, lorsque toutes
les voies de recours sont fermées[95].
Cet appel-nullité n’est admis par la Cour de cassation que lorsqu’un excès de
pouvoir a été commis (par exemple un défaut de pouvoir juridictionnel) ou,
évolution récente, lorsqu’un principe fondamental de procédure a été violé.
L’hypothèse a été étendue aux jugements avant-dire droit, c’est à dire aux cas
où l’appel n’est pas totalement interdit mais simplement différé au jour où un
jugement sur le fond sera rendu ; la jurisprudence rend alors l’appel
possible immédiatement car, admettre un différé lorsqu’un excès de pouvoir a
été commis ou un principe juridique fondamental violé, revient à accepter les
graves conséquences, souvent irréversibles, de ce jugement, donc à supprimer, en fait, le droit d’appel[96].
Les applications les plus fréquentes se rencontrent dans le droit des
procédures collectives car si le législateur a eu le souci d’accélérer ces
procédures en limitant le plus possible les voies de recours ou en les
différant, les juridictions d’appel ne pouvaient admettre que de graves
irrégularités puissent perdurer sans sanction immédiate.
La même jurisprudence a
été élaborée pour la tierce-opposition[97]
et pour le pourvoi en cassation[98].
2)
Portée. - Ces créations prétoriennes, lorsqu’elles concernent
l’appel-nullité et la tierce opposition-nullité, constituent un véritable « substitut au pourvoi en cassation[99], »
substitut qui pallie les inconvénients d’une fermeture de toutes les voies de
recours par le législateur. Ces recours ont « pour
raison d’être de corriger ou d’atténuer une anomalie légale, non de perturber
ou bouleverser l’organisation des voies de recours et leur hiérarchie de droit
commun. C’est pourquoi sans doute, toute voie de recours, quand elle a été
supprimée par dérogation au droit commun des voies de recours, peut accueillir
un recours-nullité ou revivre en recours-nullité[100] ».
Les recours-nullité sont ainsi le moyen d’assurer à ceux
qui ont été parties ou représentés à une instance, mais pour lesquels le
recours est, a priori, fermé par le
législateur, le bénéfice du droit
fondamental à un procès équitable, celui-là même qui est visé à l’article 6
§1 de la Convention européenne et pris dans son sens large de droit d’accès à
un tribunal. Parce qu’il est ouvert contre la volonté législative, ce recours
suppose que le premier juge a violé un principe juridique fondamental ou excédé
ses pouvoirs. C’est cette violation ou cet excès qui légitiment le recours et
font de lui un droit fondamental qu’un législateur national ne peut supprimer
totalement. émerge ainsi « un droit fondamental du justiciable
de critiquer le jugement irrégulier[101] »,
notamment pour excès de pouvoir.
b) Le droit
fondamental à un pourvoi en cassation en matière pénale
C’est une affaire un peu particulière et très médiatisée
qui a donné l’occasion à la Chambre criminelle de la Cour de cassation de
préciser pour la première fois que « les
décisions juridictionnelles des Chambres d’accusation, statuant sur le fondement
des articles 224 à 230, C. pr. pén., [c’est à dire sur les erreurs ou
manquements pouvant être reprochés à un officier de police judiciaire] sont susceptibles d’un pourvoi en cassation[102] ».
La décision nous semble très importante au regard du droit (fondamental) à un
recours et la solution n’allait pas de soi[103].
En effet, si l’arrêt d’une Chambre d’accusation sanctionnant un officier de
police judiciaire présente tous les caractères de l’acte juridictionnel et si
l’article 567 du code de procédure pénale précise que sont susceptibles de
pourvoi en cassation « les arrêts de
la chambre d’accusation et les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en
matière criminelle, correctionnelle et de police », la Cour de
cassation considère, dans le même arrêt, que lorsque la chambre d’accusation
statue dans les conditions prévues aux articles 224 à 230 précités, elle « ne se prononce ni sur des
contestations relatives à des droits ou des obligations de caractère civil, ni
sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale » et, par
conséquent, le requérant n’a pas droit au bénéfice de la garantie d’un procès
équitable ; le requérant invoquait, non sans pertinence, le fait que le
président de la chambre d’accusation avait participé à une enquête sur les
faits reprochés et saisi lui-même la juridiction ; il y avait en somme
confusion des fonctions - et des pouvoirs - de poursuite, d’instruction et de
jugement. D’une manière péremptoire et sans donner de justifications la Cour de
cassation affirme simplement que de telles décisions n’entrent pas dans le
champ d’application de l’article 6 §1. Mais comment peut-il y avoir en même
temps proclamation solennelle d’un droit d’accès à un tribunal de cassation et
refus, en première instance, des garanties inhérentes à ce procès, alors que le
pourvoi tend précisément à faire contrôler par la juridiction supérieure les
conditions dans lesquelles a été prononcée l’interdiction d’exercer les
fonctions d’officier de police judiciaire ? En outre et surtout, cette
interdiction est bien fondée sur une accusation et constitue, au regard des
critères de la matière pénale posés par la Cour européenne, une sanction grave
pour celui qui était le chef national de tous les OPJ, puisqu’en perdant cette
qualité il perd le fondement même de sa fonction, sa raison d’être. La
distinction qu’esquisse la Cour de cassation entre le retrait de cette qualité
qui entraînerait l’applicabilité de l’article 6 §1 et l’interdiction d’en
exercer les fonctions qui ne soumettrait pas la procédure à l’article 6 §1,
paraît artificielle, car il est des interdictions qui s’apparentent bien à un
retrait pour un temps déterminé. Le droit à un recours juridictionnel est donc
ici, non sans contradiction, déconnecté du droit à un procès équitable au sens
de l’article 6 §1 de la Convention européenne.
Le caractère fondamental du droit à un recours est ici
d’autant plus symbolique que la Chambre criminelle ne nous avait pas habitués à
de telles audaces en faveur des requérants et autres justiciables[104].
Cette chambre rejoint ainsi la position de principe de la Cour de cassation qui
a jugé il y a bien longtemps, au début du XIXème siècle, que
l’exercice du pourvoi ne peut cesser qu’en cas d’exception expresse et formelle
de la loi[105].
à l’inverse,
les résistances à la reconnaissance d’un droit fondamental à un procès
équitable se manifestent dès que l’on quitte le terrain du droit d’accès à un
tribunal pour celui des autres composantes de ce droit, telles les exigences
institutionnelles d’un tribunal indépendant et impartial ou l’égalité des armes
et bien d’autres éléments dont l’ensemble constitue les garanties d’une bonne
justice.
iii - le droit fondamental à une bonne justice, droit
encore largement méconnu
Par garanties d’une bonne justice, composantes du procès
équitable, nous entendons d’une part, les exigences institutionnelles relatives
aux tribunal (indépendance et impartialité), et, d’autre part, les exigences
procédurales (droits de la défense et égalité des armes ; caractère public
des audiences, délai raisonnable ; motivation). Le bilan est ici très
contrasté : en dégradé, on passe de la consécration récente, par les
juridictions du fond, du droit fondamental à obtenir une décision dans un délai
raisonnable (A), à des résistances de la Cour de cassation elle-même, quant aux
droits fondamentaux de la défense (B) et à des réticences, de la part du
Conseil d’état et de la Cour de
cassation, sur certaines des autres garanties d’une bonne justice (C).
a) la consécration d’un droit fondamental à un
délai raisonnable
C’est bien sûr la jurisprudence du tribunal de grande
instance de Paris qui retient l’attention, avec notamment un jugement du 5
novembre 1997[106]. Il
faut dire que la France, à l’instar de l’Italie, est fréquemment condamnée, de
ce chef, par la Cour européenne, y compris en matière administrative[107].
à vrai dire, aucune juridiction
n’a vraiment contesté le caractère fondamental du droit d’obtenir une décision
de justice dans un délai raisonnable, mais jusqu’ici les tribunaux ont toujours
subi, sinon avec passivité, en tout cas avec fatalisme, le poids de
l’encombrement des rôles et les conséquences en résultant pour les justiciables
quant à l’allongement de la durée des procès. La réaction du tribunal de grande
instance de Paris vaut surtout par sa motivation (l’appel à la notion de déni
de justice) et par les conséquences plus lointaines qu’il laisse
entrevoir :
a)
La motivation, déjà rencontrée dans un jugement du 6
juillet 1994[108], vaut
surtout par l’emprunt de la notion de déni de justice à notre collègue Louis Favoreu,
emprunt que nous avions tenu à souligner dans l’annotation de cette décision[109] :
« le déni de justice s’entend non
seulement du refus de répondre aux requêtes ou du fait de négliger de juger les
affaires en l’état de l’être, mais aussi plus
largement, de tout manquement de l’état
à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu[110] ».
b)
La portée de ces deux jugements est considérable
puisqu’ils tendent à contraindre l’état
à donner à la Justice les moyens de son fonctionnement en le condamnant à
indemniser les justiciables victimes de retard dépassant le raisonnable. Ne
nous y trompons pas en effet, derrière la satisfaction immédiate donnée à un
justiciable, c’est toute la communauté judiciaire qui est concernée car, en
condamnant l’état pour faute
lourde, le tribunal de Paris sait bien qu’il peut provoquer un appel d’air pour
d’autres procès de ce type, appel d’air qui pourrait très vite, à son tour,
contribuer à l’engorgement des tribunaux ! Comme les magistrats qui ont
rendu ces décisions le savent, il faut voir dans ces jugements le souci de
signifier aux responsables politiques une sorte de « stop, on ne joue
plus », on ne continuera plus à évacuer tant bien que mal les litiges dans
les conditions actuelles.
L’autre
apport de ces décisions c’est la référence à la notion de devoir de protection
juridictionnelle de l’état,
expression forte, d’inspiration doctrinale, nous l’avons dit, mais à
connotation européenne, avec l’idée de l’efficacité des droits fondamentaux du
procès. Ce devoir de protection couvre un champ plus large que celui du délai
raisonnable. On peut envisager des extensions à d’autres aspects de la garantie
d’un procès équitable, par exemple à la protection des citoyens contre les
procès médiatiques, contre les procès hors les murs[111].
N’y a-t-il pas dans cette expression, quelque chose qui rappelle la protection
des personnes affaiblies dans les conditions permettant de leur accorder une
mesure de sauvegarde de justice ? Les citoyens pourraient ainsi venir à la
Justice, non seulement en cas d’affaiblissement de leur capacités physiques et
mentales, mais aussi et surtout, en cas de difficultés de toute sorte qui
nécessiteraient l’intervention de l’état.
b) lumière et ombres sur les droits
fondamentaux de la défense
Les droits de la défense font l’objet d’une
reconnaissance forte en jurisprudence européenne souvent au titre du principe
de la contradiction qui en constitue l’une des principales applications. C’est
dans l’arrêt Borgers c/Belgique[112],
que la Cour européenne a considéré, dans le domaine de la procédure pénale, que
« les droits de la défense sont des
éléments de la notion, plus large, de procès équitable », donc entrent
dans le champ d’application de la garantie de l’article 6. Quand on connaît la
force de cette garantie en droit positif, on peut considérer que le principe de
la contradiction acquiert une valeur supranationale qui devrait le mettre à
l’abri de toute tentative législative pour en restreindre la portée. Quant au
principe de la contradiction, sa valeur européenne a été affirmée dans l’arrêt Engel c/ Pays-Bas, du 8 juin 1976, (déjà
cité) à propos de sanctions disciplinaires contre des soldats. Jurisprudence
confirmée par la Cour, notamment dans son arrêt Östurk c/ RFA, du 21
février 1984 (déjà cité).
Le droit interne n’est pas toujours aussi net : on
trouve une zone de lumière (1°) que viennent contrecarrer quelques zones
d’ombres traduisant des résistances à tirer toutes les conséquences de la
garantie des droits de la défense (2°).
1°) lumière
a) En droit interne, le principe des
droits de la défense est passé de la valeur d’un principe général du droit au
stade de principe à valeur constitutionnelle.
1)
Principe général :
- En tant que partie
intégrante des droits de la défense, le principe de la contradiction a très tôt
fait l’objet d’une reconnaissance par le Conseil d’état, en matière de contrôle des actes administratifs de
sanction : il y a vu d’abord, en 1964[113]
et en 1968[114], « une règle générale de
procédure », c’est à dire une règle qui s’impose en l’absence de
texte, mais que le pouvoir réglementaire peut écarter. Il faudra attendre 1980[115]
pour que le Conseil d’état y voit
« un principe général du
droit », dont ce pouvoir ne peut s’émanciper.
- La chambre criminelle
de la Cour de cassation a aussi reconnu le caractère de principe général du
droit au principe de la contradiction, en jugeant que le droit de faire appel
d’une ordonnance de mise en détention ne pouvait être réservé à une seule
partie, en l’occurrence le mis en examen, mais que toute autre partie pouvait
l’exercer[116]. Pour
reconnaître cette extension du droit d’appel, au-delà du Code, l’arrêt se fonde
sur l’article 185, du code de procédure pénale, mais aussi sur les principes
généraux du droit.
2)
Principe à valeur constitutionnelle :
- Toute une série de
décisions du Conseil constitutionnel ont affirmé solennellement que les droits
de la défense découlent directement « des
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République »,[117]
y compris dans la matière pénale, en l’occurrence le droit administratif
répressif de la concurrence[118].
C’est parfois au principe d’égalité que se réfère le Conseil constitutionnel
pour assurer le respect des droits de la défense : ainsi, lorsqu’il
censura les dispositions de la loi du 24 août 1993 sur la présence de l’avocat
pendant la garde à vue, en estimant que s’il était possible de différer le
moment de l’intervention de l’avocat pour des infractions très graves, telles
que le trafic de stupéfiants, on ne pouvait « dénier
à toute personne tout droit à s’entretenir avec un avocat pendant une garde à
vue à raison de certaines infractions, alors que ce droit est reconnu à
d’autres personnes dans le cadre d’enquêtes sur des infractions différentes
punies de peines aussi graves et dont les éléments de fait peuvent se révéler
aussi complexes ». C’était appliquer l’idée que « soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment
quant au respect des droits de la défense »[119].
Désormais « les droits de la défense
constituent pour toutes les personnes.......un droit fondamental à caractère
constitutionnel ».
- C’est cette expression
que la Cour de cassation elle-même a repris dans un arrêt de son assemblée
plénière à propos du droit à l’assistance d’un avocat : « la défense constitue pour toute
personne un droit fondamental à caractère constitutionnel[120] ».
Dès lors le Conseil de l’Ordre des avocats aux Conseils n’était pas fondé à
refuser de désigner d’office un avocat pour la présentation d’une requête en
rabat d’arrêt, même si la requête lui paraissait manifestement infondée. Il
faut dire que la France avait déjà été condamnée dans une telle hypothèse parce
que l’auteur d’un pourvoi devant la Chambre criminelle n’avait pas pu obtenir
l’assistance d’un avocat devant la Chambre criminelle[121].
Cela n’a pas empêché la Cour de cassation de ne pas viser le droit européen
dans l’arrêt de son assemblée plénière ! Ce silence est d’autant plus
curieux que, dès le 5 décembre 1978[122],
la Chambre criminelle avait consacré l’application directe de l’article 6 §3,
a), sans passer par un texte interne, pour annuler, au seul visa du texte
européen, un arrêt de Cour d’assises dont il résultait que le jury avait
modifié les peines encourues par l’accusé en répondant à des questions
complémentaires qui lui avaient été posées sans que l’accusé en ait été
préalablement informé ; la violation de l’article 6 §3, a) était patente,
puisque selon ce texte « tout
prévenu a droit à être informé d’une manière détaillée de la nature et de la
cause de la prévention dont il est l’objet ».
- La cour d’appel de Pau
a elle aussi invoqué la valeur constitutionnelle de ce principe qui « s’impose à toutes les juridictions,
judiciaires ou administratives et à toute autorité administrative appelée à
prendre une décision ayant le caractère d’une sanction », pour sanctionner
l’obligation faite à cette autorité d’indiquer à un étranger, en situation
irrégulière et en état de rétention administrative qu’il a droit à un avocat[123].
b) Les applications
tirées des droits fondamentaux de la défense
- C’est au nom du droit à
un procès équitable et dans le domaine des droits de la défense, que la Cour de
cassation a estimé, en matière de diffamation par voie de presse et
d’utilisation de la voie du référé, que le juge des référés devait s’assurer,
bien que saisi sur le fondement de l’article 809 du nouveau code de procédure
civile, que le journaliste avait été en mesure de rapporter la preuve de la
vérité des faits allégués et qu’il avait bénéficié du délai de dix jours que
lui accorde à cette fin, la loi du 29 juillet 1881[124].
- En dehors du procès, la
Chambre commerciale a considéré que la révocation d’un directeur général de
société est abusive si le principe de la contradiction n’a pas été respecté[125].
On voit ainsi apparaître une extension des droits de la défense hors du champ du
procès.
2°) les ombres
Quant
au respect des droits de la défense, notre vieille tradition inquisitoriale et
un ordre public omniprésent font parfois douter de la conformité de notre
procédure pénale aux exigences de la Convention européenne des droits de
l’homme, alors que certains en sont encore à regretter que l’efficacité de la
répression puisse pâtir du respect des droits de la défense, du fait que l’on
met une personne en mesure de se défendre[126].Or,
tout au contraire, n’est-ce pas lorsque l’accusation est la plus lourde, la
culpabilité la plus certaine aux yeux des enquêteurs, que le principe de la
contradiction doit être le mieux respecté ? Le respect de ce principe est
un hommage au doute. Les difficultés d’application en droit français ne manquent
pas : de l’accès au dossier (a), au respect de l’égalité des armes par le
contradictoire imposé à toutes les parties (c) et à l’exécution d’un jugement
étranger (d) en passant par le droit à l’assistance d’un avocat (b).
a) La première
difficulté concerne l’accès direct au dossier :
1) Reconnu en matière
civile à propos de l’assistance éducative par la Cour européenne[127]
il ne l’est pas par la Cour de cassation française[128].
Celle-ci juge en effet, que sont compatibles avec le droit à un procès
équitable, les dispositions des articles 1186 et 1187, alinéa 2, du nouveau
code de procédure civile, dans la mesure où le père des enfants n’allègue pas
avoir été mis dans l’impossibilité d’être assisté d’un avocat[129] ;
or, ces articles n’organisent la consultation du dossier d’assistance éducative
qu’au profit du conseil des personnes concernées (ou de la personne ou service
à qui l’enfant a été confié). En l’occurrence, le père qui n’alléguait pas
avoir été mis dans l’impossibilité d’être assisté d’un avocat, n’avait pas eu
accès au dossier. Est-ce équitable ? Certainement pas au regard de la
jurisprudence de la Cour européenne qui a jugé, sept mois auparavant, qu’en
matière d’assistance éducative, les pièces du dossier devaient être
communiquées aux parents, au titre de l’article 6[130] !
2) En matière pénale, il
a fallu attendre l’année 1996 pour voir progresser, d’une manière sensible, le
droit d’accès direct du mis en examen ou de l’accusé au dossier de la
procédure :
. d’abord, par une décision de la Chambre
criminelle du 12 juin 1996[131],
confirmée le 2 octobre 1996[132],
au visa cette fois de l’article 6 §3 de la Convention, décisions reconnaissant
ce droit à l’accusé dans la phase du jugement ;
. ensuite, par une loi du 30 décembre 1996,
modifiant l’article 114, CPP, pour autoriser le mis en examen à consulter
directement son dossier, sous certaines conditions encore bien restrictives.
Dix-huit mois auparavant la Cour de cassation, en Assemblée plénière, le 30
juin 1995, avait refusé au mis en examen le droit de se faire délivrer des
copies du dossier pour son usage direct, celles-ci étant réservées à son
avocat.
Pour autant, la France a encore été condamnée par la Cour
européenne dans un arrêt du 18 mars 1997 : une personne avait été invitée
à comparaître par voie de citation directe devant le tribunal de police, sans
avoir pu prendre connaissance du dossier ; en effet, le Procureur avait
refusé de lui donner accès au dossier, au motif que seul un avocat peut avoir
accès direct à un dossier pénal, alors que l’intéressé avait décidé de se
défendre seul. La Chambre criminelle française rejeta le pourvoi et la France
est condamnée par la Cour européenne : « il
est important pour le requérant d’avoir accès à son dossier et d’obtenir la
communication des pièces le composant, éléments d’une bonne défense, afin
d’être en mesure de contester la procès-verbal dressé à son encontre et sur
lequel repose exclusivement sa condamnation »[133].
b) La deuxième
difficulté concerne la mise en œuvre du droit à l’assistance d’un avocat.
Bien que la Cour de cassation, en Assemblée plénière, entende lui reconnaître
la qualité d’un droit fondamental à caractère constitutionnel (v. supra, 1°), de nombreuses décisions de
sa Chambre criminelle vont à l’encontre de cette affirmation.
1) Ainsi, la Chambre
criminelle refuse de se soumettre à la décision de condamnation de la France
par la Cour européenne le 23 novembre 1993. Il s’agit de la jurisprudence Poitrimol, lorsque le prévenu est jugé
par défaut et qu’il lui est refusé le droit de se faire représenter par un
avocat ; condamné, au motif que la représentation ne saurait s’appliquer
aux prévenus en fuite, son pourvoi est déclaré irrecevable, parce qu’un
condamné n’ayant pas obéi à un mandat d’arrêt n’est pas en droit de se faire
représenter. Telle est du moins l’opinion de la Cour de cassation, condamnée
par la Cour européenne qui y voit une atteinte au procès équitable, la sanction
étant disproportionnée. Il est vrai que c’est une opinion de vieille
jurisprudence française que le prévenu qui se dérobe à l’exécution d’un mandat
de justice n’est pas en droit de se faire représenter, que ce soit pour le
pourvoi en cassation[134],
l’appel[135],
l’opposition[136] ou une
requête en difficulté d’exécution.[137]
La Chambre criminelle a maintenu sa position par d’autres arrêts des 15 février
1994, 8 mars et 21 juin 1995. De son côté la Cour européenne a aussi maintenu
sa position en condamnant la Hollande[138].
Il est vrai que, pour la Chambre criminelle, la situation de la victime doit
aussi être envisagée (en l’occurrence la mère privée de son enfant, le père de
celui-ci, prévenu de non-représentation d’enfant, étant en fuite). La
jurisprudence de la Cour européenne n’est pas acquise à l’unanimité de ses
membres, des opinions dissidentes ont été émises. Un mouvement de certaines juridictions
du fond semble se dessiner en faveur de l’application de la jurisprudence
européenne ; ainsi, la Cour de Versailles vient-elle de juger « que le principe du double degré de
juridiction, application particulière des droits de la défense, conduit à
déclarer recevable l’appel, voie de recours ordinaire, formé par un avocat
représentant un prévenu à l’égard duquel un mandat de justice délivré par la
juridiction de jugement de première instance n’a pas pu être exécuté, lorsque,
comme en l’espèce, ne sont pas établies les circonstances propres à
l’intéressé, qui ont fait échec aux diligences effectives accomplies en vue de
cette exécution[139] ».
2) Ou encore, l’arrêt du 13 février 1996, par lequel la Chambre criminelle[140]
affirme que « l’article 63-4, CPP, qui impose à l’officier de police
judiciaire d’informer, par tous moyens, le bâtonnier, que la personne gardée à
vue demande à s’entretenir avec un avocat désigné d’office, lorsque vingt
heures se sont écoulées depuis le début de celle-ci, ne lui fait pas obligation de rendre effectif l’entretien avec cet
avocat ». La formule est audacieuse, surtout avec l’allusion au
caractère effectif du droit, quand on sait que la Cour européenne s’attache
essentiellement au caractère effectif des droits, même s’il est vrai que
certains barreaux sont bien négligents sur la présence de quelqu’un derrière le
poste téléphonique dont ils donnent le numéro ! Faut-il rappeler ici la
célèbre formule de l’arrêt Airey du 7
octobre 1979 : « la Convention
protège des droits, non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et
effectifs » ? Le contrôle d’effectivité constitue « l’inspiration maîtresse de la
jurisprudence européenne ». Si l’on compare l’attendu de l’arrêt du 13
février 1996 avec une autre situation, déjà soumise à la CEDH, on peut penser
que la Chambre criminelle a été bien imprudente à utiliser cette formule ;
voici ce que décidait la Cour européenne dans l’affaire Artico c/ Italie, le 13 mai 1980, à propos de l’impéritie d’un
avocat désigné d’office : « deux
solutions s’offrent aux autorités compétentes : remplacer (l’avocat
d’office) ou l’amener à s’acquitter de sa tâche... Elles en ont choisi une
troisième, la passivité, alors que le
respect de la Convention appelait de leur part des mesures positives »[141].
La comparaison par citation se passe de commentaires.
c) La troisième
difficulté est relative au droit de réponse de l’accusé au Ministère
public : la Cour européenne a eu l’occasion d’affiner le champ
d’application du principe de la contradiction, en l’étendant aux relations des
parties avec le Ministère public, tant en matière civile qu’en matière pénale,
alors que la Cour de cassation française s’y refuse.
1) En matière
civile et au nom de l’égalité des armes, expression du droit à un procès
équitable, la Cour européenne a décidé, dans deux arrêts du 20 février 1996,
que « l’impossibilité pour une
partie de prendre connaissance de l’avis du Ministère public et de répondre à
ses conclusions avant le prononcé de l’arrêt, a méconnu son droit à une
procédure contradictoire »[142].
Il s’agissait de la Cour suprême du Portugal et de la Cour de cassation belge.
Par ces mêmes arrêts, la Cour abandonne l’exigence de la double condition pour
sanctionner la violation du droit à un procès équitable ; il n’est plus
besoin qu’à la fois le Ministère public n’ait pas transmis ses conclusions et
ait participé au délibéré, même à titre consultatif ; il suffit qu’il
n’ait pas transmis ses observations à la partie pour qu’il y ait violation du
principe de l’égalité des armes. En l’occurrence, la Cour ne doute pas que le
Ministère public belge près la Cour de cassation soit un magistrat indépendant,
impartial et objectif mais, dans la mesure où il émet un avis qui est destiné à
influencer la Cour, les parties doivent en avoir connaissance. Ce n’est pas son
objectivité qui est en cause mais le contradictoire qui doit être respecté
entre toutes les parties. La Cour européenne va donc au-delà de la
jurisprudence Borgers c/ Belgique en
matière pénale, puisqu’il n’est plus nécessaire que le Parquet soit considéré
comme l’allié ou l’adversaire de la partie (selon qu’il demande sa relaxe ou sa
condamnation) ; jurisprudence confirmée le 25 juin 1997[143].
Mais la réserve introduite par la Cour européenne contient en elle-même la
possibilité d’échapper à la critique de ne pas respecter le
contradictoire ; il suffira que la partie ait été en mesure de déposer des
notes en délibéré pour répondre au Parquet, pour que la France échappe à une
éventuelle condamnation de ce chef[144].
2) En matière
pénale, c’est l’arrêt Borgers c/
Belgique du 30 octobre 1991 qui avait jugé que la garantie du procès
équitable n’était pas assurée lorsque la partie privée ne pouvait pas répondre
au Parquet ; mais il s’y ajoutait cette considération que le Ministère
public participait au délibéré, ce qui constituait une circonstance aggravante
à cette violation. Jurisprudence confirmée le
22 février 1996, arrêt qui reprend la solution des arrêts rendus en matière
civile deux jours plus tôt[145],
c’est à dire sans qu’il soit question de la présence du Parquet au délibéré.
Or,
la Chambre criminelle maintient sa jurisprudence de refus de communiquer aux
parties privées les réquisitions écrites du Parquet, au motif que :
- d’une part, le Parquet
émet un avis objectif et que son rôle n’est pas, au niveau de la Cour de
cassation, de soutenir l’accusation mais de veiller, en toute indépendance, à
l’application de la loi pénale
- et, d’autre part, ce
qui semble plus sérieux comme argument, que les avocats aux conseils présents à
l’audience, sont invités par le président, à reprendre la parole après
l’intervention de l’avocat général[146].
Il
reste que, contrairement à la jurisprudence européenne, qui fait de la
communication de toute pièce et observation aux parties un droit fondamental
(arrêt Nideröst-Huber c/Suisse du 18
fév. 1997[147] et
arrêt Werner c/Autriche, 24 nov. 1997[148]),
la Cour de cassation française se contente d’une réponse verbale à des
observations qui, pour être présentées oralement peuvent être écrites et
transmises à la Chambre criminelle.
On
peut s’interroger sur ce que serait la position de la Cour européenne si la
question lui était soumise du respect de la contradiction dans le procès en
correctionnel, l’accusé n’ayant pas connaissance, à l’avance, des arguments
développés à l’audience par le représentant du Parquet et ne pouvant y
répondre, sur le champ, que par l’éloquence de son avocat. En effet, les mêmes
principes européens s’appliquent, devant les juridictions inférieures :
ainsi la Cour européenne a-t-elle jugée que la communication aux parties des
observations remises à une cour d’appel par le Parquet général, dans le cadre
d’une procédure d’indemnisation pour détention provisoire injustifiée s’impose
car « le droit à une procédure
contradictoire implique, pour une partie, de prendre connaissance des
observations ou pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter. Peu
importe, à cet égard, que l’affaire relève du contentieux civil, car il ressort
de la jurisprudence en la matière que les exigences découlant du droit à une
procédure contradictoire sont en principe les mêmes au civil comme au
pénal »[149].
d) Une dernière difficulté concerne
l’exécution d’un jugement étranger
La Cour de cassation a, en effet, une conception très
particulière des droits de la défense lorsqu’il s’agit de l’exécution d’un
jugement dans le cadre de la Convention de Bruxelles. Elle admet dans ce cas,
sur le fondement de l’article 27-2°) de la Convention, que l’irrégularité dont
serait affectée la signification du jugement émanant d’un état membre quant au respect des droits
de la défense, ne prive pas ce jugement de sa libre circulation dans l’espace
judiciaire[150]. C’est
admettre « une géométrie variable
des droits fondamentaux de la procédure[151] »,
ce qui est tout à fait critiquable.
c) les réticences des juridictions quant à
certaines garanties du droit fondamental à un procès équitable
a) Le droit à un
tribunal impartial n’est pas toujours respecté
1)
En procédure civile, c’est la jurisprudence contestée et
contestable des première et deuxième chambres civiles[152]
qui admettent que le conseiller de la mise en état puisse participer à la
formation collégiale de la chambre saisie du déféré de l’une de ses
ordonnances. On soulignera l’absence totale de motivation sérieuse pour
justifier cette solution (et pour cause !) avec une rédaction qui laisse
perplexe : après avoir rappelé la règle selon laquelle « le déféré d’une des ordonnances du
conseiller de la mise en état mentionnées à l’article 914, al.2, NCPC, saisit
de l’incident la formation collégiale de la chambre à laquelle l’affaire a été
distribuée », la Cour ajoute un « il
s’ensuit... », dont on ne voit pas très bien le lien de causalité
qu’il semble vouloir introduire entre cette distribution à une chambre et la
possibilité pour le conseiller de la mise en état d’y siéger, alors qu’il a
rendu l’ordonnance. C’est par une pure pétition de principe que la Cour de
cassation conclut que ce conseiller « peut
valablement faire partie de cette formation collégiale », en violation
de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Au regard de la jurisprudence européenne la position de
la Cour de cassation en matière de jugement sur opposition peut poser problème.
La deuxième chambre civile considère en effet, conformément aux dispositions du
nouveau code de procédure civile, que ce procès peut valablement revenir devant
les mêmes juges, sans atteinte à l’impartialité du tribunal, puisqu’il s’agit
de faire respecter le contradictoire a
posteriori[153]. Or, la Cour européenne est plus
nuancée : il y a atteinte à l’exigence d’impartialité du tribunal si
celui-ci est présidé par le magistrat qui a rendu la décision et n’est pas soumis au contrôle d’un
organe judiciaire apte à décider lui-même de l’issue du litige[154].
En revanche, le recours en révision n’est pas contraire à l’exigence d’un
tribunal impartial car c’est une voie de rétractation qui, par essence, doit
revenir devant les mêmes juges[155],
mais le juge qui a participé au jugement de première instance ne peut ensuite
siéger en révision de l’arrêt d’appel[156].
2)
En procédure pénale -
et les conséquences sont bien plus graves pour les libertés des justiciables -
c’est un arrêt rendu le 29 avril 1996 par la chambre criminelle qui prête le
flanc à la critique[157].
Voilà un président de chambre d’accusation qui tout à la fois instruit et -
sans se poser de questions, puisqu’il ne se déporte pas (ce qui laisse songeur
sur sa conception de l’impartialité au regard de sa déontologie..) - préside la
formation qui statue sur la régularité des actes d’instruction qu’il a accomplis ;
pourvoi ; rejet, avec une motivation qui laisse pantois : « aucune règle légale ne fait obstacle
à ce que la Chambre d’accusation apprécie la régularité d’actes d’instruction
effectués par un de ses membres... » : certes, et personne ne
conteste cette affirmation, mais ce n’est pas la question qui était
posée ! La vraie question, celle de la présence du magistrat dont les
actes sont contrôlés dans la formation chargée du contrôle, n’est pas
posée ; la Cour de cassation « botte en touche », ajoutant que
la décision de la Chambre d’accusation « qui
ne préjuge pas de la culpabilité des personnes poursuivies, relève du contrôle
de la Cour de cassation » ; certes, mais où est-il écrit que le
droit à un tribunal impartial ne s’appliquerait que lorsque la culpabilité
d’une personne est en cause ? Et en quoi le fait qu’un contrôle de la Cour
de cassation est possible, soustrait-il la juridiction qui rend la décision
objet du contrôle, à l’obligation de respecter le principe d’impartialité,
surtout si celle-ci ne sanctionne pas cette violation ? Faut-il y voir le
seul souci de sauver l’arrêt de condamnation au fond, l’annulation risquant de
tout remettre en cause, au détriment de la répression ? Cela n’aurait rien
d’étonnant quand on connaît les réticences de la Chambre criminelle à admettre
des causes de nullité de procédure et si l’on rapproche l’arrêt du 29 avril
1996 d’un autre rendu deux mois auparavant qui casse un arrêt de chambre
d’accusation confirmant une ordonnance de non-lieu, au motif que l’un des conseillers
de la chambre ayant rendu l’arrêt était le conjoint du substitut qui, au degré
inférieur, avait requis en vue de l’ordonnance du juge d’instruction[158] ;
laxisme et violation manifeste de l’article 6 §1 dans le premier cas, sévérité
excessive dans le second puisqu’il ne s’agissait pas du même magistrat, ni des
mêmes fonctions ; la cohérence de cette double jurisprudence ne doit-elle
pas être recherchée ailleurs que dans l’appréciation de l’impartialité au
regard de l’article 6 §1 (auquel cas il n’y a pas de cohérence), mais dans la
constatation que la Chambre criminelle n’a qu’une politique pénale, à savoir la
répression ? On remarquera que dans le premier cas la condamnation au fond
est sauvée du risque d’annulation de la procédure et que, dans le second, le
non-lieu est remis en cause...
C’est encore l’appel contre une ordonnance de non-lieu
qui a donné l’occasion à la Chambre criminelle de juger que des magistrats
s’étant prononcés sur la recevabilité d’une plainte avec constitution de partie
civile pouvaient ensuite faire partie de la composition de la même chambre
lorsqu’elle est amenée à connaître de l’appel contre une ordonnance de non-lieu[159].
Décision critiquable car, en statuant sur cette recevabilité, les juges ont dû
se demander quelles étaient la réalité du préjudice allégué et sa relation
directe avec une infraction pénale, c’est à dire émettre une appréciation sur
les faits[160].
3)
En matière disciplinaire, les articles 181 et 189 du décret du
27 novembre 1991 relatif à la profession d’avocat, autorisent le Bâtonnier à
saisir la juridiction disciplinaire, après avoir procédé à une enquête sur le
comportement de l’avocat mis en cause et, ensuite, à présider cette
juridiction. Le Conseil d’état
n’y a vu aucune atteinte à l’équité du procès, ni aux principes d’indépendance
et d’impartialité des juridictions, au motif que ces dispositions ne
conduisaient pas le bâtonnier à exercer les fonctions du ministère public, ni à
agir comme partie à l’instance[161].
Il n’est pas certain que la Cour européenne serait du même avis, compte tenu de
ses propres critères quant à l’impartialité des juges et que l’on résume
parfois par l’expression anglaise « justice
must not only be done, it must also be seen to be done », apparue pour
la première fois dans l’arrêt Delcourt c/
Belgique du 17 janvier 1970[162],
à propos de la présence d’un avocat général au délibéré de la Cour de
cassation. N’aurait-on pas pu concevoir que lorsque le Bâtonnier est à
l’origine de la saisine de la juridiction disciplinaire, il désigne un membre
du Conseil de l’ordre pour procéder à l’enquête sur le comportement et
s’abstienne de présider, quitte à exercer devant celui-ci le rôle de
poursuivant ?
4)
En contentieux administratif, dans le prolongement de
l’arrêt Procola c/ Luxembourg de la
Cour européenne[163],
le Conseil d’état a implicitement
abandonné sa jurisprudence Gadiaga du
25 janvier 1980[164],
dans un arrêt Syndicat des avocats de
France du 5 avril 1996[165],
à propos de la compatibilité entre un avis et un jugement émanant du même
tribunal ; il ne reprend plus l’affirmation de 1980 selon laquelle le juge
administratif peut statuer sur un recours pour excès de pouvoir formé contre
une décision administrative, alors qu’il a préalablement donné un avis sur la
légalité de cette décision ; il se contente, suivant en cela les
conclusions de son commissaire du gouvernement, d’affirmer que les dispositions
attaquées du code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel « ne portent, par
elles-mêmes, aucune atteinte aux principes généraux relatifs à la composition
des juridictions », puisqu’il est vrai que ces dispositions laissent
aux juridictions la possibilité de statuer dans une formation différente de
celle qui a rendu l’avis. Dès lors que cette modalité est suivie, la condition
d’impartialité est respectée.
b) La publicité des audiences
C’est un principe fondamental que celui de la publicité
des audiences, encore rappelé par la Cour européenne dans un arrêt du 24 nov.
1997, au motif qu’il convient de protéger « les
justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public[166] ».
Mais cette garantie s’apprécie au regard de l’ensemble du procès mené dans
l’ordre juridique interne et dépend des particularités de l’instance. Ainsi, un
défaut de publicité en première instance peut être corrigé par « un organe judiciaire de pleine
juridiction[167] ».
Ces nuances laissent une marge d’appréciation non négligeable aux juridictions
nationales.
1)
Il est vrai que le Conseil d’état
n’a pas, jusqu’à présent, souhaité consacrer la publicité des audiences en
matière administrative comme une règle générale de procédure, mais des textes
sont intervenus pour les médecins (décret n° 93-181 du 5 février 1993) et pour
les chambres régionales des comptes et la Cour des comptes lorsqu’elles
prononcent une amende à titre définitif (décrets des 23 août 1995 et 18 avril
1996). En outre, pour les juridictions administratives de droit commun, des
textes imposaient le respect de cette publicité depuis fort longtemps
(ordonnance du 2 février 1831 pour le Conseil d’état, décret du 31 décembre 1862 pour les Conseils de
préfecture). La matière disciplinaire avait donné lieu à des difficultés devant
le Conseil d’état, du fait du
refus de celui-ci de reconnaître en cette matière le jeu de l’article 6 §1.
Cette controverse est maintenant dépassée, le Conseil d’état s’étant finalement aligné, dans son arrêt Maubleu du 14 février 1996, sur la
jurisprudence européenne reconnaissant ainsi l’applicabilité de l’article 6 §1
à ces procédures (v. supra, I, A, a).
2) Quant à la Cour de cassation elle reconnaît, bien sûr,
ce principe en matière civile et en matière pénale, d’autant plus que des
textes internes le consacrent (article 22 du nouveau code de procédure civile,
article 400 du code de procédure pénale pour les audiences du tribunal
correctionnel, article 306 pour la Cour d’assises, article 535 pour le tribunal
de police). Mais, en matière disciplinaire, la position de la Cour de
cassation, reste moins catégorique que celle de la Cour européenne, même si la
question a perdu de son intérêt en raison de textes qui ont réglé la question
pour la discipline des avocats (décret du 27 novembre 1991) et celle des
médecins (décret précité du 5 février 1993) :
- d’une part, elle a
solennellement réaffirmé, en Assemblée plénière, que la publicité des débats ne
constituait pas un principe général du droit, à propos de la discipline de
magistrats consulaires[168] ;
- d’autre part, pour les
avocats, antérieurement aux textes introduisant formellement cette publicité,
elle avait considéré que les intéressés devaient la demander mais que le refus
de la Cour de la leur accorder ne pouvait être motivé par des considérations
générales sur la dignité de la profession d’avocat, ce qui était une manière de
se plier à la jurisprudence européenne[169] ;
le décret du 27 novembre 1991 reprend le principe d’une audience non-publique
devant la Cour d’appel, sauf demande de l’intéressé (article 16) ;
- enfin, les différentes
chambres de la Cour de cassation n’ont pas toujours la même position sur le
sujet ; en matière de récusation de juges, la première chambre civile se
prononce contre cette publicité[170],
alors que la deuxième l’admet[171].
c) La motivation
des décisions
Garantie d’un procès équitable, la Cour européenne admet
cependant que le tribunal ne réponde pas d’une manière détaillée à chaque
argument[172] et que
l’étendue de cette obligation puisse varier selon la nature de la décision et
doit s’analyser à la lumière des circonstances[173].
Garantie contre l’arbitraire, elle implique que les juges aient lu les pièces
essentielles du dossier, condition qui a valu à la France une condamnation pour
violation de cette exigence par la Cour de cassation elle-même, l’arrêt de
rejet d’un pourvoi affirmant le contraire de ce que le requérant avait écrit
dans ses écritures d’appel[174].
Pour autant la Cour de cassation adopte quelques
positions qui prêtent le flanc à la critique au regard de l’exigence de
motivation :
-
en matière civile, la deuxième chambre civile juge sans
discontinuité que « l’utilisation,
dans la rédaction d’une décision judiciaire, de motifs établis d’avance sur un
formulaire n’est prohibée par aucun texte et ne saurait être considérée comme
incompatible avec l’article 6 de la CEDH[175] ».
Le recours à cette solution de facilité n’est sans doute pas la garantie que
les juges auront étudié attentivement le dossier et elle devrait être condamnée
par la Cour européenne si celle-ci était saisie de la question ;
-
en matière disciplinaire, l’assemblée plénière elle-même
n’échappe pas à la critique. Dans un arrêt du 1er juillet 1994[176],
elle juge que « les décisions de la
Commission compétente en matière de retrait ou de suspension de l’habilitation
des OPJ n’ayant pas, en vertu de la loi, à être motivées sur le fond,
n’enfreignent pas les principes généraux du droit, en ce qu’ils touchent
notamment aux droits de la défense ». En quelque sorte, c’est parce
que la loi ne dit rien que les principes généraux du droit ne sont pas
violés ! Curieuse conception de la notion de principes généraux qui sont
faits, au contraire, pour s’appliquer en l’absence de dispositions légales. Et
c’est faire fi de l’arrêt précité de la Cour européenne rendu quelques semaines
plus tôt, le 19 avril 1994, qui posait très clairement l’exigence d’une
motivation, même si le tribunal n’a pas l’obligation de répondre à tous les
arguments d’une manière détaillée ;
-
en matière pénale, outre la pratique déplorable de ne pas
motiver les jugements correctionnels tant qu’il n’a pas été fait appel de la
décision, de telle sorte que l’intéressé ne connaît pas exactement ce qui est
retenu contre lui[177],
il faut citer un arrêt de la Chambre criminelle du 13 novembre 1996 qu’il faut
rapprocher d’un arrêt d’Assemblée plénière rendu en matière de référé pour en
apprécier la singularité. La Chambre criminelle juge que « les décisions des juridictions d’instruction, portant sur une
demande de confrontation, ne relèvent que d’une appréciation des faits qui
échappe au contrôle de la Cour de cassation »[178]. Oui...
mais, le 28 juin 1996, l’Assemblée plénière juge qu’en matière de référé la
Cour de cassation peut apprécier le caractère manifestement illicite ou non du
trouble invoqué[179].
On est en droit de se demander si, de contentieux à contentieux, en comparant
les deux décisions qui concernent toutes les deux l’appréciation de faits, la décision
de la Chambre criminelle conduit à un procès équitable, globalement, au niveau
de l’ensemble de la procédure, puisque la décision de la juridiction
d’instruction sera souveraine et ne permettra pas à un accusé d’obtenir une
confrontation.
Autre
exemple de décision qui nous semble peu compatible avec l’exigence d’une
motivation : un arrêt de la Chambre criminelle du 19 juin 1996, selon lequel l’article 206, du code de
procédure pénale, n’impose pas à la Chambre d’accusation saisie de l’entier
dossier, d’indiquer expressément, dans sa décision, qu’elle a examiné la
régularité de la procédure qui lui est soumise[180].
Mais alors comment savoir, autrement que par une analyse minutieuse de l’arrêt,
point par point, qu’elle l’a fait ?
iv - le droit fondamental à l’exécution d’une
décision de justice et ses incidences en droit français
En vingt-deux ans, entre l’arrêt Golder du 21 février 1975 et l’arrêt Hornsby du 19 mars 1997, la Cour européenne a finalement construit
un droit au procès équitable extrêmement large, droit qui comprend désormais
trois volets : celui de l’accès au tribunal (supra, II), celui d’une bonne justice (supra, III) et celui de l’exécution effective des décisions de
justice. Ce droit à l’exécution n’a d’abord été envisagé que comme un aspect du
délai raisonnable, ce dernier devant inclure la phase d’exécution du jugement[181].
Puis, la Cour a considéré que l’absence prolongée d’exécution de jugements
d’expulsion de locataires engageait la responsabilité de l’Etat, pour violation du droit à un procès
équitable[182].
La Commission a ensuite estimé que l’effectivité du droit à un recours
juridictionnel supposait un droit à l’exécution des décisions de justice[183] ;
son avis a été confirmé par arrêt de la Cour européenne le 19 mars 1997[184].
Dans cet arrêt Hornsby c/Grèce qui fera date, la Cour consacre un véritable droit
substantiel à l’exécution effective des jugements. La Cour européenne juge en
effet que l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt, de quelque juridiction que
ce soit doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès
équitable au sens de l’article 6 §1 ; Le droit d’accès à un tribunal « serait illusoire si l’ordre juridique
interne d’un état contractant
permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante
au détriment d’une partie. En effet, on ne comprendrait pas que l’article 6 §1
décrive en détail les garanties de procédure (équité, publicité et célérité)
accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en œuvre des décisions
judiciaires ; si cet article devait passer pour concerner exclusivement
l’accès au juge et le déroulement de l’instance, cela risquerait de créer des
situations incompatibles avec le principe de la prééminence du droit que les états contractants se sont engagés à
respecter en ratifiant la Convention....L’exécution d’un jugement ou arrêt, de
quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie
intégrante du procès au sens de l’article 6 » (§ 40).
Pour autant doit-on considérer avec nos collègues Olivier
Dugrip et Frédéric Sudre que cet arrêt introduit « le doute sur la conformité des refus légaux de concours de la
force publique[185] »
et qu’il « paraît condamner les
jurisprudences Couiteas et Cartonnerie Saint-Charles[186] »,
c’est à dire l’indemnisation pour faute lourde si le refus n’est justifié par
aucun motif d’ordre public et l’indemnisation pour rupture de l’égalité des
citoyens devant les charges publiques dans le cas contraire et si le préjudice
né de l’inexécution présente les caractères de spécialité et d’anormalité
exigés pour ce type de responsabilité ?
Nous ne le pensons pas car, lorsque le refus de l’autorité administrative de
donner suite à des demandes d’expulsion a été sanctionné par la Cour
européenne, en raison de l’inertie de l’Administration compétente[187],
c’est bien, au final, d’une responsabilité de l’état dont il s’est agi, c’est à dire d’une indemnisation par
équivalent. Le fondement pourra en être l’article 6 §1 au lieu de la loi du 9
juillet 1991 (dont l’article 16 consacre les jurisprudence précitées) si la
partie condamnée est une partie privée, ou des lois du 16 juillet 1980 et 8
février 1995 si cette partie est l’Administration, mais rien ne laisse penser
qu’en cas de risque de troubles à l’ordre public et passé un délai raisonnable
pour que l’Administration ait le temps d’envisager la situation et les mesures
à prendre, celle-ci ait néanmoins l’obligation impérieuse de procéder à une
exécution en nature. Dans l’arrêt Hornsby
en effet, on conçoit que l’état
grec n’ait bénéficié d’aucune cause d’exonération de son obligation d’exécution
puisqu’il s’agissait de délivrer une autorisation d’ouverture d’une école à des
ressortissants britanniques ; les troubles à la sécurité et à l’ordre
public n’étaient pas en jeu et on comprend alors mieux la sévérité du
considérant 41 de la décision : « en
introduisant un recours en annulation devant la haute juridiction
administrative de l’état,
celui-ci vise à obtenir non seulement la disparition de l’acte litigieux, mais
aussi et surtout la levée de ses effets. Or, la protection effective du
justiciable et le rétablissement de la légalité impliquent l’obligation pour
l’Administration de se plier à un jugement ou arrêt prononcé par une telle
juridiction ». Considérer que l’arrêt « ne fait bénéficier l’état
d’aucune cause d’exonération de son obligation d’exécution[188] »,
ne permet pas pour autant de remettre en cause les jurisprudences internes
précitées car, en matière d’obligation de faire, nul ne peut être contraint
d’exécuter, surtout pas lorsque l’ordre public et la sécurité sont en
cause ; à l’impossible nul n’étant tenu, c’est bien en termes
d’indemnisation, donc de jurisprudence Couiteas
et Cartonnerie Saint-Charles qu’il faudra raisonner, même si l’arrêt Hornsby « élève l’exigence d’exécution
en principe de l’état de
droit ». Tout au plus pourra-t-on être plus sévère dans l’appréciation
des causes d’exonération invoquées par l’état
et accorder une indemnisation plus forte, ce que permet déjà l’article 16 de la
loi du 9 juillet 1991, puisqu’il est rédigé en termes très généraux et
parfaitement en harmonie avec l’arrêt Hornsby :
« l’état est tenu de prêter son concours à l’exécution des
jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’état de prêter son concours ouvre droit
à réparation ». En d’autres termes, le droit fondamental à l’exécution
d’une décision de justice existe déjà en droit français, en conformité avec la
jurisprudence européenne.
S’il fallait conclure sur ce voyage d’un processualiste
au pays du droit à un procès équitable, on pourrait dire que la jurisprudence
française, souvent réticente à l’applicabilité de l’article 6 §1 de la
Convention européenne, a finalement cédé sur l’essentiel, ses combats
d’arrière-garde ne concernant plus que quelques aspects particuliers de cette garantie
dans le déroulement de l’instance. Et, dans des domaines aussi essentiels à un état de droit que le droit d’accès à un
tribunal, les droits de la défense et le droit à l’exécution d’une décision de
justice, il n’est pas inexact d’affirmer que la garantie d’un procès équitable
a bien la valeur d’un droit fondamental
III – LE PROCÈS ÉQUITABLE : GARANTIE FORMELLE OU DROIT
SUBSTANTIEL ?
Conférence prononcée à la Cour de cassation le 8 mars
1997,
publiée aux mélanges Gérard Farjat, 1999
Procès
équitable : avant équitable
il y a procès ; pourtant on chercherait vainement l’expression dans les
anciens codes de procédure, qu’ils soient de procédure civile ou d’instruction
criminelle, sans parler des textes qui régissaient le contentieux
administratif. Le mot qui était davantage utilisé sous l’empire des grandes
ordonnances royales, civile et criminelle, de 1667 et 1670, était celui d’équité, celle de nos Parlements bien
sûr, dont Dieu devait nous garder, ... à côté de leur arbitraire. Le concept
n’était pas formalisé et avait mauvaise réputation, ce qui explique sans doute
que nous l’ayons enfoui au plus profond de nos institutions judiciaires ;
on parlait plutôt d’une « équité
arbitraire »[189]
que d’un procès équitable ! Curieux glissement du vocabulaire juridique
qui doit nous inciter à la prudence dans l’utilisation de cette expression et à
rechercher le sens exact de l’équité pour mieux approcher l’équitable.
Les
dictionnaires généraux, qu’ils soient anglais ou français, nous livrent deux
sens de l’équité et conduisent progressivement au procès équitable :
- Dans le dictionnaire
historique de la langue française,[190]
l’équité est d’abord définie comme un emprunt savant (1262) au latin aequitas : égalité, équilibre
moral, esprit de justice, dérivé de aequus,
égal, d’où impartial. On retrouve cette notion d’égalité dans le dictionnaire
anglais Collins[191] :
la qualité d’être loyal et raisonnable
d’une manière qui donne à chacun un traitement égal.
- Ces deux mêmes
dictionnaires voient aussi dans l’équité, pour l’un « la juste appréciation de ce qui est dû à chacun, selon un
principe de justice naturelle, parfois divine », pour l’autre, le
principe qui fera d’un jugement un jugement loyal dans un cas où les lois
existantes n’apportent pas de réponse satisfaisante à un problème[192].
C’est ici l’équité dont Philippe Jestaz nous dit[193]
qu’elle serait tantôt désobéissance à la loi lorsque le juge écarte la règle de
droit pour rendre un jugement « en
équité », c’est à dire supposé plus juste que ne l’aurait permis
l’application du droit strict, tantôt adaptation de la règle de droit à un cas
particulier, tantôt expression d’une idée de justice comme fondement du droit.
Le
Vocabulaire Henri CAPITANT[194],
ne parle pas de l’équilibre, mais dégage cinq sens dont les quatre derniers
peuvent être regroupés sous l’idée commune d’atténuation de la règle de droit
par des considérations particulières, de dépassement du droit pour tendre à la
justice, justice supérieure au droit positif ; l’autre sens serait
l’égalité.
Dès lors, si l’on revient au procès
équitable pour en faire une exigence, à quoi reconnaît-on qu’un procès donné
l’a été ? Quel sens faut-il retenir de l’équité ?
- S’il s’agit d’être juste dans le jugement rendu, chacun sait bien
que l’application de la règle de droit s’accommode mal avec une équité qui
serait conçue comme la recherche systématique de l’humain dans les conséquences
que provoque toute décision de justice ; c’est cette recherche qui
conduisit le Président MAGNAUD à n’être le « bon juge » de Château-Thierry
que pour les justiciables, pas pour les juristes. L’équité, au sens de la « sensibilité généreuse et
hardie », que dénonçait GENY chez ce juge n’a pas sa place dans la
notion de procès équitable, car les bons sentiments en matière de justice, la
sensiblerie, mènent au déséquilibre et à l’inégalité entre les justiciables.
C’est le sens d’une jurisprudence constante : le juge ne peut se contenter
de se référer à son « arbitraire », même en invoquant son souci
d’apaisement et son impuissance à démêler l’affaire, pour condamner le débiteur
à ne régler que la moitié de la somme déclarée[195] ;
il ne peut pas non plus se fonder sur l’équité[196].
- C’est donc davantage la racine equus, l’idée d’équilibre qu’il faut
retenir pour comprendre ce que peut représenter aujourd’hui un procès
équitable ; l’idée d’assurer à tout justiciable un tel procès, se rattache
à la notion très générale et générique de garanties
fondamentales d’une bonne justice, dont on trouve des illustrations dans le
caractère public des audiences, dans l’exigence d’un tribunal indépendant et
impartial, ou d’un délai raisonnable, etc.. Ce sont ces garanties qui assurent
à chacun, dans un État de droit, le droit à un procès équilibré, je dirais loyal, tant il est vrai que l’on oublie
trop facilement que, dans la version anglaise de l’article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
l’équivalent du mot français « équitablement »,
ce n’est pas « equity »,
mais « fair », ce qui, au
moins pour un esprit continental, fait penser au légendaire fair play britannique ; en outre
dans le 14ème amendement à la Constitution américaine figure
l’exigence d’un procès loyal.
Cela
ne signifie pas pour autant que l’idéal de justice soit absent car l’équité au sens d’un équilibre à réaliser,
c’est aussi un idéal de justice ;
c’est, selon l’heureuse expression d’Henri CAPITANT il y a maintenant 70 ans, « l’une des plus radieuses formules de
justice dont on ait depuis la Grèce et Rome, illuminé l’espoir des sociétés
modernes »[197].
Le procès équitable repose sur des
garanties qui tendent à faire régner cet idéal de justice. Si l’équité dans
le procès c’est l’équilibre, tendre à assurer le respect de celui-ci, c’est
aussi veiller à promouvoir l’idéal de justice : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix
s’embrassent »[198].
Les
instruments d’approche du procès équitable sont internationaux[199]
et, sans viser l’exhaustivité, on peut citer :
-
d’abord l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948, mais qui n’a que la valeur d’un idéal à défendre ;
-
ensuite l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 19 décembre 1966 et, surtout, son protocole facultatif puisqu’il
a permis les requêtes individuelles ; mais la jurisprudence de son organe
de contrôle, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies est peu étudiée
par les juristes français, pour ne pas dire complètement ignorée d’eux, sans
doute parce qu’environ les trois quarts des communications individuelles
rendues jusqu’en juillet 1993 (sur 331) sur le fondement de l’article 14,
concernaient la Jamaïque et l’Uruguay ; pourtant, une chronique est tenue
à l’Annuaire français de droit
international par l’un de nos collègues[200],
et une décision récente concerne la France à propos de l’affaire Faurisson[201] ;
-
surtout il faut retenir la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des droits fondamentaux, avec son fameux article 6 §1et la
jurisprudence qu’il a suscitée de la part des organes de la Convention, elle-même
confrontée aux jurisprudences nationales.
-
Avec l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, il faudra vraisemblablement
tenir compte de la future jurisprudence de la Cour de Luxembourg en matière de
droits fondamentaux et s’attendre à un contrôle, par cette Cour, de ce que
Frédéric Sudre vient de qualifier de « Charte
communautaire des droits fondamentaux »[202].
Mais
la nature internationale et conventionnelle de cet instrument, son origine
culturelle davantage anglo-saxonne que continentale, la flexibilité du concept,
son caractère flou issu d’une logique de gradation[203]
qui n’est pas la logique juridique française, sans parler de l’impossibilité de
recourir directement aux organes de la Convention jusqu’en 1981, éclairent tant
l’explosion de cette garantie comme norme de référence d’une justice
démocratique, sous les coups de butoir de la Cour européenne des droits de
l’homme, qu’à l’inverse, les difficultés de son adoption en droit national, par
les juridictions françaises.
- Hier, et jusqu’à ces dernières
années, c’est en envisageant le droit à un procès équitable comme l’exigence
d’une garantie formelle, celle de la simple régularité de la procédure,
que les organes de la Convention ont pu, par une volonté créatrice peu commune
et irrésistible, imposer aux autorités juridictionnelles nationales le respect
des dispositions de la Convention et, surtout, leur propre jurisprudence. En
quelques décennies, le procès équitable,
véritable Univers en expansion (au sens de la théorie d’Einstein), est
devenu une norme processuelle de référence qui envahit tous les contentieux, la garantie formelle de la régularité
d’une procédure, la garantie que le procès sera joué loyalement, comme sur un terrain de jeu.
- Mais
aujourd’hui, le procès équitable c’est plus qu’une garantie formelle, c’est aussi, par une jurisprudence de
plus en plus audacieuse de la Cour européenne des droits de l’homme, un enjeu substantiel et, à ce titre aussi,
un droit fondamental qui tend à l’emporter sur toute autre considération. Cette
évolution est encore peu perçue par les juristes, à l’exception de ceux qui
suivent de très près la jurisprudence de la Cour[204],
évolution dont les autorités françaises, tant législatives que
juridictionnelles, n’ont pas du tout pris conscience ou n’ont pas encore mesuré
l’importance de son impact sur notre système juridique. Nous sommes, sur ce
terrain de l’enjeu substantiel, à la veille d’une révolution juridique
considérable, d’une explosion comparable, pour reprendre la comparaison avec
l’Univers, au big bang qui serait,
selon les scientifiques, à l’origine du monde.
- Demain en effet, le procès
équitable, par le passage d’une fonction de garantie
formelle à une fonction d’enjeu substantiel, deviendra l’instrument d’une prise de pouvoir politique par les organes
de la Convention et, en raison du traité d’Amsterdam, par la Cour de justice de
Luxembourg, le moyen pour eux, au-delà du combat pour la prééminence du
Droit dans les États adhérents à la Convention et à l’Union européenne,
d’assurer leur prééminence sur les autorités nationales et, au-delà, sur les
organes exécutifs et législatifs du Conseil de l’Europe et de l’Union
européenne. Le procès équitable va
devenir un instrument de pouvoir.
C’est
donc une approche en trois temps du procès équitable, de son rôle, que je me
propose de dresser devant vous :
De garantie formelle (I), le droit à
un procès équitable est devenu un enjeu substantiel (II), avant d’apparaître
comme un instrument de pouvoir (III).
I - hier, GARANTIE FORMELLE
Le
procès équitable, garantie formelle de la régularité d’une procédure, participe
de l’effectivité des droits. « Pour
réaliser la protection efficace des droits de l’homme, il ne suffit pas de
consacrer des droits matériels. Encore faut-il des garanties fondamentales de
procédure de nature à renforcer les mécanismes de sauvegarde de ces
droits »[205].
Selon la formule célèbre de l’arrêt Airey,
il s’agit « de protéger des droits
non pas théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs »[206].
- Cette effectivité, les organes de la Convention l’ont
considérablement accrue, tout au long des décennies qui viennent de s’écouler
et, singulièrement, au cours des dernières années. Il est donc nécessaire de
porter un premier regard, descriptif, sur
leur jurisprudence pour connaître l’état du droit quant au domaine et au
contenu de la garantie (A).
- Il nous faudra ensuite comprendre, par un regard critique cette fois, pourquoi
les juridictions nationales françaises hésitent, pour ne pas dire résistent, à
reconnaître la garantie d’un procès équitable dans certaines hypothèses qui
entrent pourtant dans le champ d’application de la Convention (B).
- Enfin, soumettant certaines de nos règles procédurales
à un regard prospectif, nous nous
demanderons si elles n’exposent pas la France à des condamnations pour non
respect du droit à un procès équitable, pour peu qu’un justiciable porte un
jour ces questions devant les organes de la Convention ( C ).
A
- REGARD DESCRIPTIF (sur la jurisprudence européenne)
L’objet de ce regard n’est pas de reprendre en détail,
point par point, toute la jurisprudence européenne qui s’est construite au fil
des ans pour rendre effectifs les droits procéduraux des justiciables. Il
s’agit plutôt d’en dégager les grandes tendances, qui peuvent se ramener à deux
idées simples, comme d’autres l’ont déjà souligné[207] :
l’extension considérable du domaine (1°) et la fortification de la garantie
(2°).
C’est au nom de l’autonomie des notions conventionnelles
mais aussi en tenant compte de la globalité d’appréciation du caractère
équitable du procès, que la Commission et la Cour ont construit le domaine
positif et négatif de la garantie et fixé son contenu.
1°) L’extension du domaine de la garantie du procès
équitable
Il
convient d’en souligner à la fois les lumières, c’est à dire le domaine positif de la garantie (a)
et les zones d’ombre, c’est à dire le
domaine négatif, celui qui reste encore en dehors du champ d’application de
l’article 6 (b).
a) Le domaine positif de
la garantie
L’autonomie
des notions conventionnelles par rapport aux qualifications retenues dans les
États membres, a permis d’élargir considérablement le domaine de la garantie
d’un procès équitable.
Si le domaine de la garantie en effet, est limité par les
termes de la Convention d’une part, « aux
contestations sur les droits et obligations de caractère civil » et,
d’autre part, « au bien-fondé de
toute accusation en matière pénale », la Cour de Strasbourg a su
habilement tirer parti du principe qu’elle a elle-même posé, de l’existence de
notions autonomes, c’est à dire de notions qui sont définies par les organes de
la Convention indépendamment des qualifications retenues en droit interne. Nous
l’illustrerons par quelques exemples récents et démonstratifs, tirés de la
jurisprudence européenne dans ces deux domaines.
1) pour la première catégorie visée par la Convention dans
l’article 6 (contestation portant sur un droit civil), la CEDH a précisé successivement la
notion de « droit défendable » et
celle de « décision déterminante
pour l’issue portant sur un droit civil ».
- la notion de droit défendable
retenue par la CEDH soulève quelques difficultés : selon la cour en effet,
« pour que l’article 6-1 sous sa rubrique civile trouve à s’appliquer, il
faut qu’il y ait « contestation » [dispute dans le texte anglais] sur un droit que l’on peut
prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit
s’agir d’une contestation réelle et sérieuse : elle peut concerner aussi
bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice.
Il eût sans doute mieux valu que la CEDH utilisât le
terme de droit « revendiqué » plutôt que reconnu ; cela lui
aurait évité de se livrer à des analyses hasardeuses et peu opportunes parfois,
des droits nationaux pour y trouver confirmation qu’un droit y est effectivement
reconnu et non pas seulement revendiqué par le requérant.
- la notion de décision déterminante pour l’issue
du litige est aussi un moyen pour la CEDH de fixer arbitrairement
son domaine d’intervention. Selon cette exigence en effet, il faut qu’un lien
existe entre la décision attaquée au titre de la garantie du procès équitable
et le droit substantiel revendiqué par les requérants ; cela laisse une
marge de manoeuvre à la Cour et il semble se dessiner une distinction
inquiétante entre les petits et les grands contentieux avec l’arrêt Bahmer-Schafroth c/ Suisse, du 26 août
1997 [208]:
lorsque le contentieux est modeste la Cour est plus encline à y voir une
décision déterminante pour la victime (permis de construire) ; lorsque le
contentieux est très important, met en cause la souveraineté d’un état, l’interprétation est plutôt contra victima, ainsi du contentieux
nucléaire dans l’affaire précitée. Selon que vous serez grand et
puissant... !
- Toutes les procédures dont l’issue est
déterminante pour un droit civil sont donc soumises à l’exigence d’un procès
équitable, quelle que soit la nature de la loi selon laquelle la
contestation doit être tranchée (civile, commerciale, sociale, administrative)
et quelle que soit la nature de l’autorité compétente en la matière, de droit
privé ou de droit public :
· l’application la
plus célèbre concerne la procédure
disciplinaire, la jurisprudence de la Cour européenne inaugurée le 23 juin
1983[209]
ayant finalement fait céder la Cour de cassation le 10 janvier 1984[210]
et le Conseil d’Etat le 14 février 1996[211].
· le contentieux constitutionnel lui-même
n’échappe pas à l‘exigence d’un procès équitable, la Cour de Strasbourg ayant
jugé qu’une procédure de ce type relève de la garantie de l’article 6, lorsque,
portée par voie d’exception préjudicielle (en Espagne), elle est déterminante
pour les droits et obligations de caractère civil[212].
En outre, une divergence est apparue entre la Commission et la Cour quant à
l’applicabilité de l’article 6 au contentieux français des élections parlementaires :
pour la Commission la garantie d’un procès équitable est applicable lorsque
l’inéligibilité est prononcée pour dépassement du plafond des dépenses
électorales autorisées [mais pas lorsque cette inéligibilité est prononcée pour
non-respect des règles substantielles relatives à l’établissement des comptes
de campagne[213]] ;
pour la Cour, dans l’affaire Jean-Pierre
PIERRE BLOCH[214],
jugée le 21 octobre dernier, l’article 6 est inapplicable à la procédure suivie
devant le Conseil constitutionnel pour contester l’élection d’un député au
motif qu’il s’agit d’un mandat « de
caractère politique et non civil » et qu’il n’y a pas « d’accusation en matière
pénale » :
- la démonstration pour exclure le
caractère civil n’est pas très convaincante, la Cour se livrant à de véritables
contorsions sur l’enjeu patrimonial de la procédure litigieuse, la notion de
patrimonialité comme critère d’identification de la matière civile. Elle
commence par reconnaître que cette procédure avait un enjeu patrimonial puisque,
d’une part, le candidat doit verser au Trésor une somme égale au montant du
dépassement des dépenses autorisées si son élection est invalidée et que,
d’autre part, le remboursement (total ou partiel) des dépenses retracées dans
le compte de campagne n’est possible qu’après l’approbation de ce compte par la
commission nationale. Mais la Cour ajoute aussitôt que cet « cet aspect patrimonial de la procédure litigieuse ne confère pas
pour autant à celle-ci une nature civile au sens de l’article 6 §1 » ;
en quelque sorte, la seconde n’est pas le corollaire inéluctable du premier
pour la raison que « l’impossibilité
d’obtenir le remboursement des dépense de campagne lorsqu’un dépassement du
plafond est constaté et l’obligation de verser au Trésor public une somme
équivalente à celui-ci sont les corrolaires de l’obligation de limiter les
dépenses électorales ; comme celle-ci, elles relèvent de l’organisation de
l’exercice du droit litigieux ». La Cour revient ainsi à son
affirmation préliminaire de principe, sans rien ajouter d’autre qu’un argument
de corrélation : le droit de se porter candidat à une élection à
l’Assemblée nationale et de conserver son mandat est un droit de caractère
politique, de sorte que ce qui relève de l’organisation de l’exercice de ce droit
sort du champ d’application civil au sens de l’article 6 §1 ; les deux
conséquences indiquées entrant dans cette organisation, elles sortent de
l’applicabilité de l’article 6 car, bien que patrimoniales, elles ne sont pas
civiles ; le politique exclut le civil et attrait à lui une patrimonialité
pour la sortir du champ civil. L’affirmation relève plus de la pétition de
principe que de la démonstration.
- pour le volet pénal, la Cour européenne exclut de sa
sphère l’inéligibilité et l’obligation de verser au Trésor une somme égale au
montant du dépassement, par le moyen d’une analyse classique des trois critères
de la matière pénale : la qualification juridique de l’infraction
litigieuse en droit national ; la nature même de cette qualification ;
la nature et le degré de sévérité de la sanction[215].
Toujours
en matière constitutionnelle, la Cour vient de nuancer sa jurisprudence, en
précisant que les exigences de l’article 6 ne peuvent s’apprécier de la même
façon que devant une juridiction ordinaire, compte tenu du rôle et du statut
d’une Cour constitutionnelle[216],
notamment quant au respect du délai raisonnable.
· Le contentieux de la fonction publique, subit les mêmes
fluctuations que le contentieux électoral entre la Commission et la Cour.
Celle-ci avait, initialement, fixé sa jurisprudence quant à l’applicabilité ou
non de l’article 6 au contentieux de la fonction publique par la formule
suivante : « les contestations
concernant le recrutement, la carrière et la cessation d’activité du champ
d’application de l’article6 » ; cela lui permettait de tenir
compte de l’imperium de l’état, des prérogatives discrétionnaires
de celui-ci pour rejeter l’application des garanties d’un procès équitable, dès
lors que ces prérogatives étaient en cause. Cette même formule lui avait, à
l’inverse, permis d’attraire à l’article 6, les contestations de pensions au
motif qu’elles ne mettaient pas en cause les prérogatives de l’état, puisqu’elles visaient seulement à
la revendication d’un droit strictement patrimonial, l’état étant ici comparé « à
l’employeur partie à un contrat de travail régi par le droit privé »[217].
La Commission était allée
au-delà en mettant l’accent sur le caractère patrimonial du litige et en
retenant l’applicabilité de l’article 6 au contentieux du refus de réintégration
d’un agent contractuel de droit public, maintenu en position de détachement
sans traitement[218].
La Cour est d’un avis contraire et soustrait ce litige au jeu de l’article 6,
au motif qu’il s’agissait avant tout d’un refus de réintégration entrant dans
le champ d’application de la formule précitée sur le « le recrutement, la carrière.. » ; la demande
indemnitaire du requérant n’est que la conséquence du refus de réintégrer et
n’entraîne pas que le litige porte sur un droit civil[219].
La Commission s’est alignée sur cette jurisprudence tout au long de l’année
1997[220].
· Le contentieux de droit public, hors champ de la
fonction publique, n’échappe pas à cette extension de la garantie d’un procès
équitable ; ce sont les jurisprudences Périscope
et Procola :
- la première, qui
concernait la France, attrait dans le champ des obligations à caractère civil,
du fait de leur caractère patrimonial, les recours en indemnité contre
l’administration pour faute de celle-ci, dans le refus, discriminatoire,
d’avantages fiscaux et postaux (à une entreprise de presse)[221] ;
- la seconde, qui
concernait le Luxembourg, attrait dans le domaine de la garantie le contentieux
de l’excès de pouvoir, tout au moins si le litige concerne l’activité économique du demandeur, dès lors que ce litige avait
des « répercussions » sur le droit de caractère patrimonial, sans
exiger qu’il ait des « conséquences déterminantes » sur ce droit[222].
· Le contentieux social, qu’il s’agisse des
aides ou des cotisations entre aussi dans le champ d’application de l’article
6, tout au moins si les aspects de droit privé l’emportent sur ceux de droit
public[223]. Ce
contentieux subit l’emprise croissante de l’article 6, mais si la Cour entend
bien l’assujettir à ce texte elle va mesurer, peser, la part respective des
éléments relevant du droit public et ceux relevant du droit privé, dans la
nature juridique de l’obligation, pour se déterminer. En procédant ainsi elle
donne tout son sens à l’étymologie d’équitable, puisque la racine equus évoque l’égal, l’équilibre.
· Le contentieux fiscal échappe en
principe au domaine de la garantie en matière civile (v. infra, b, 2), mais la restitution de sommes versées au trésor
public au titre de l’impôt sur le revenu entre dans le champ d’application de
l’article 6, la nature patrimoniale de l’action en restitution étant certaine[224].
· La constitution de partie civile, bien que portée
devant une juridiction répressive et comportant un aspect de vindicte, relève
de la matière civile conventionnelle, car elle correspond à un « droit à
l’indemnité » qui dépend de l’issue de la plainte[225] ;
pour la même raison mais appliquée à l’envers, si cette constitution de partie
civile n’a pas en vue une réparation pécuniaire, elle échappe à la garantie (v.
infra, 2°).
· Enfin, la garantie
a été étendue à la phase de l’expertise
technique dans le contentieux administratif[226].
Au
final, la matière civile au sens de l’article 6 s’est considérablement
développée ces dernières années, en raison :
- d’une part, de la prise
en considération de plus en plus forte du caractère personnel et patrimonial de
la réclamation dans la détermination du caractère civil de la contestation,
- et, d’autre part, de
l’idée que l’intervention de la puissance publique n’est pas exclusive de ce
caractère civil, qu’il y a place pour une contestation de caractère civil en
concours avec cette intervention, dès lors que l’on n’est pas au cœur du
pouvoir discrétionnaire de l’administration. On retrouve, au niveau européen,
la notion bien française d’actes d’autorité, de prérogatives de la puissance
publique.
2) la matière pénale a subi le même
type de démarche. Appartiennent désormais à cette matière, par la méthode de
l’autonomie des concepts, toutes les sanctions qui, sans se fondre dans le
moule strict d’un droit pénal national, présentent les caractéristiques de
sanctions pénales ; une matière peut ne pas être pénale au sens d’un droit
national, mais le devenir au sens de l’exigence d’un procès équitable formulée
à l’article 6 de la Convention, dès lors que certaines caractéristiques, certains
réactifs, prédominent. Afin d’éviter une « babélisation » de la
notion de matière pénale, variable selon les États membres, la Cour de
Strasbourg a autonomisé cette notion en droit européen.
· C’est la fameuse
méthode du faisceau d’indices qui a attrait successivement à la matière pénale,
à la notion d’accusation au sens de l’article 6, pour ne retenir que les
exemples les plus récents :
-
les pénalités fiscales qui ont un caractère « essentiellement
punitif et dissuasif[227] »
comme celles de l’article 1729 du CGI[228]
ou celles de l’article 1840 N quater du CGI[229],
mais pas celles qui tendent à la réparation pécuniaire d’un préjudice ; à
ces occasions la Cour a précisé que le critère de la nature de l’infraction et
celui du degré de gravité de la sanction étaient des critères « alternatifs et non cumulatifs »,
mais l’approche cumulative est possible si l’analyse de chaque critère ne
permet pas d’aboutir à un conclusion claire[230].
-
les sanctions douanières[231] ;
-
les sanctions disciplinaires[232],
-
la contrainte par corps[233]
-
et, selon la Commission et elle seule, « eu
égard à leur nature et à leur degré de sévérité », les sanctions
pécuniaires prononcées à l’occasion de délits d’audience[234].
Mais la Cour européenne des droits de l’homme est revenue sur cette solution de
la Commission dans son arrêt du 22 février 1996, en relevant toutefois que
« le genre de comportements prohibés pour lesquels le requérant s’est vu
infliger les amendes sont en principe du
domaine de l’article 6 » ; c’est en raison du troisième critère,
celui de la gravité de la sanction que la Cour européenne ne retient pas
l’applicabilité de l’article 6[235].
· Parmi les indices
de la matière pénale c’est incontestablement celui de la gravité de la sanction
encourue qui joue un rôle déterminant, ainsi en matière de sanctions des délits
d’audience. Ainsi, dans l’arrêt Putz précité du 22 février 1996, la Cour
européenne relève que les peines d’amende n’étaient convertibles en peine de
prison qu’en cas de non-paiement, avec appel possible et que la durée maximale
de la détention était de 10 jours.
· La jurisprudence
française et celle de la Cour européenne divergent quant à l’application de
l’article 6 et de la garantie d’un procès équitable à la phase de
l’instruction. Alors que la Cour de cassation semble considérer, dans un arrêt
de 1993[236], que
cette garantie et ce texte ne s’appliquent pas à cette phase, bien que les
droits de la défense y soient très présents, la Cour européenne a jugé que les
exigences de ce droit à un procès équitable pouvaient être invoquées par
« tout accusé », avant la saisine du juge au fond « si et dans la mesure où leur
inobservation initiale risque de compromettre
gravement la caractère équitable du procès » ; en
conséquence, la Suisse fut sanctionnée pour absence de l’avocat lors de
l’instruction préparatoire[237].
D’une manière plus générale, l’accusation commence en matière pénale, selon la
Cour[238],
avec la notification officielle du reproche d’avoir accompli une infraction
pénale ou, selon la Commission[239],
au moment « de répercussions importantes sur la situation du
suspect ». Et pour la Cour, « il
existe un lien trop étroit entre l’appréciation de la nécessité de la détention
et celle - ultérieure - de la culpabilité pour que l’on puisse refuser la
communication de pièces dans le premier cas, tandis que la loi l’exige dans le
second... Faute d’avoir garanti l’égalité des armes, la procédure n’a pas été
contradictoire »[240].
· L’extension la
plus considérable du droit à un procès équitable en matière pénale est sans
doute celle qui a concerné, au nom du respect de la présomption d’innocence
visée à l’article 6 §3, les accusations portées par toute autorité publique
contre quelqu’un. C’est l’arrêt Allenet
de Ribemont du 10 février 1995 qui condamne la France pour les propos tenus
par son ministre de l’intérieur de l’époque, au cours d’une conférence de
presse, à l’encontre d’une personne présentée comme l’instigateur d’un meurtre,
alors qu’elle n’avait pas encore été inculpée, mais simplement gardée à vue[241].
On sort du Palais pour atteindre les procès hors les murs[242].
· Dans le même ordre
d’idée, une assignation à comparaître comme témoin peut s’analyser en une « accusation » au sens de
l’article 6 §1[243],
l’accusation se définissant comme « la
notification officielle émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir
accompli une infraction pénale[244] ».
b) Le domaine négatif, en
creux, de la garantie d’un procès équitable,
tient lui aussi aux critères d’application de l’article 6
que nous venons d’indiquer, quant aux obligations de caractère civil ou quant à
la notion d’accusation en matière pénale.
L’autonomie
des notions conventionnelles ne permet pas de tout attraire au procès
équitable.
Restent
finalement en dehors de l’emprise de l’article 6, en zone d’ombre en quelque
sorte, les procès qui, soit mettent en cause l’imperium de l’administration soit pour lesquels le caractère
patrimonial de la contestation n’est pas considéré comme suffisant :
1) l’imperium
de l’administration peut faire échec à la garantie d’un procès
équitable :
· Il en est ainsi, pour le Conseil d’Etat tout au
moins, des litiges relatifs à l’acquisition de la nationalité française[245]
ou de ceux ayant trait à la reconduite d’un étranger à la frontière[246].
· En matière
fiscale, la Cour[247]
ne soumet pas à l’article 6, contrairement à la Commission[248],
la phase précontentieuse devant la commission des infractions fiscales, dont
l’avis lie le Ministre des finances, puisque, s’il est favorable, il doit engager des poursuites. La Cour ne
rejette pas, dans son principe, l’applicabilité de l’article 6 aux procédures
suivies devant cette commission, mais elle évite de se prononcer sur le respect
du contradictoire durant cette phase, en retenant la conventionnalité de la
procédure prise « dans son ensemble » et en concluant à la
non-violation de l’article 6.
· On peut aussi
rattacher à ce critère l’exclusion par la Cour des délits d’audience (v. supra).
· Un doute subsiste encore pour l’applicabilité de
l’article 6, volet pénal, aux investigations menées par des organes
administratifs dans le domaine du droit économique[249].
2) L’insuffisance du caractère patrimonial de
la contestation constitue le second critère d’exclusion de la
garantie
*
La constitution de
partie civile,
en principe soumise aux exigences d’un procès équitable (v. supra), y échappe,
selon la Cour européenne, dès lors que la victime de l’infraction ne fait pas
valoir son droit à l’obtention d’une réparation pécuniaire, se contente de
rechercher l’établissement de la culpabilité de l’accusé. L’issue de la
procédure n’apparaît pas alors comme déterminante pour un droit de caractère
civil[250].
*
Le contentieux
fiscal
lui-même n’est pas attrait tout entier dans le champ d’application de la
garantie d’un procès équitable. Si les sanctions fiscales peuvent être
considérées, sous certaines conditions, comme ressortissant à la matière
pénale, à la notion d’accusation, le volet civil échappe, en principe, à la
notion de contestation civile au sens de l’article 6, la Commission comme la
Cour étant opposées à la soumission du contentieux fiscal de l’imposition à ce
texte[251]. Néanmoins,
un litige fiscal peut ressortir pour partie à la matière pénale et pour partie
à la matière civile, au sens de l’article 6[252].
2°) Le contenu de la garantie a
été marqué par quelques décisions récentes, extrêmement importantes.
Les illustrations du droit à un procès équitable sont
très nombreuses au niveau de la Commission ou de la Cour européennes. Il est
hors de question de les traiter toutes ici. En revanche, il nous a paru utile
de mettre l’accent sur les décisions les plus récentes qui révèlent une
attention toute particulière aux règles suivies dans les contentieux devant les
cours suprêmes (a), mais applicables aux autres juridictions (b) et sur les
méthodes suivies par les organes de la Convention pour apprécier le respect de
l’équité dans une procédure ( c ).
a)
Curieusement en effet, de nombreuses décisions concernent la procédure suivie
devant les Cours suprêmes nationales,
comme si les justiciables souhaitaient soumettre au feu de la Cour européenne
l’activité de leurs propres gardiennes des droits garantis par la Convention.
Si l’on essaye de comprendre la
jurisprudence européenne et de la synthétiser, on peut la présenter selon les
principes que la Commission et la Cour souhaitent protéger.
1) Premier principe,
très en mode aujourd’hui pour les Cours suprêmes, celui de l’égalité des armes, à propos du contradictoire :
· Ainsi, c’est au nom de l’égalité des armes, expression du
droit à un procès équitable, que la Cour a décidé, dans deux arrêts du 20
février 1996, que « l’impossibilité
pour une partie de prendre connaissance de l’avis du Ministère public et de
répondre à ses conclusions avant le prononcé de l’arrêt, a méconnu son droit à
une procédure contradictoire »[253].
Il s’agissait de la Cour suprême du Portugal et de la Cour de cassation belge.
Par ces mêmes arrêts, la Cour abandonne l’exigence de la double condition pour
sanctionner la violation du droit à un procès équitable ; il n’est plus
besoin qu’à la fois le Ministère public n’ait pas transmis ses conclusions et
ait participé au délibéré, même à titre consultatif ; il suffit qu’il
n’ait pas transmis ses observations à la partie pour qu’il y ait violation du
principe de l’égalité des armes. En l’occurrence la Cour ne doute pas que le
Ministère public belge près la Cour de cassation soit un magistrat indépendant,
impartial et objectif mais, dans la mesure où il émet un avis qui est destiné à
influencer la Cour, les parties doivent en avoir connaissance. Ce n’est pas son
objectivité qui est en cause mais le contradictoire qui doit être respecté
entre toutes les parties. La Cour européenne va donc au-delà de la
jurisprudence Borgers c/ Belgique en matière pénale, puisqu’il n’est plus
nécessaire que le Parquet soit considéré comme l’allié ou l’adversaire de la
partie (selon qu’il demande sa relaxe ou sa condamnation) ; jurisprudence
confirmée le 25 juin 1997[254].
Mais la réserve introduite par la Cour européenne contient en elle-même la
possibilité d’échapper à la critique de ne pas respecter le
contradictoire ; il suffira que la partie ait été en mesure de déposer des
notes en délibéré pour répondre au Parquet, pour que la France échappe à une
éventuelle condamnation de ce chef[255].
· On rapprochera de
ces deux décisions celle rendue deux jours plus tard, le 22 février 1996, qui reprend la même solution en matière pénale[256].
2) Le contradictoire est
affirmé par la Cour comme un droit à caractère fondamental : c’est la
procédure suivie devant le Tribunal fédéral suisse qui donne la mesure de la
force de ce principe en droit processuel européen ; le droit suisse
connaît une pratique qui permet à la juridiction dont la décision est attaquée,
de présenter ses propres observations. Pour la Cour européenne, il n’y a pas là
atteinte à l’égalité des armes car « cette juridiction indépendante ne
saurait passer pour l’adversaire de l’une des parties », mais « la
notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties
à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au
juge et de la discuter »[257].
3) Le droit à l’assistance à un
avocat, droit à caractère constitutionnel, est affirmé au
niveau des cours suprêmes, la France ayant été condamnée pour refus du
Président de l’ordre des avocats aux conseils de commettre d’office un avocat
alors même que la procédure était dispensée de représentation obligatoire[258].
Depuis, la Cour de cassation, en Assemblée plénière, a affirmé le droit à
l’assistance d’un défendeur pour faire valoir ses droits dans les conditions
d’un procès équitable, mais sans faire référence à la norme européenne; en
effet, la Cour de cassation se fonde sur le caractère constitutionnel du droit
fondamental de toute personne à l’assistance d’un défenseur[259].
Ce n’est finalement que l’application en cassation d’un principe valable pour
toutes les juridictions, puisqu’il déjà été jugé que « le
droit à un procès équitable commande d’accorder au requérant l’assistance
gratuite d’un avocat en cause d’appel »[260]
4) Les organes de la
Convention ont aussi sanctionné l’erreur
de fait commise par la Cour de cassation dans l’examen d’un moyen soulevé
par une partie en considérant qu’elle constituait une violation du procès
équitable, dans la mesure où elle avait conduit la Cour de cassation a rejeté
le pourvoi ; la Cour européenne a donné acte à la France le 31 janvier
1996 qu’elle avait accepté l’indemnisation de 150 000 F proposée par la
Commission (affaire Fouquet). La motivation de l’avis et de l’arrêt est sévère
pour la Cour de cassation française : « l’obligation
de motivation perd tout son sens si la motivation elle-même démontre que les
juges n’ont pas lu les pièces essentielles du dossier[261].
5) Les conditions d’accès à la Cour
de cassation ou au Conseil d’Etat ont permis à la Cour
européenne ont permis de préciser quatre
aspects:
· d’abord, que la
motivation des décisions de la Commission d’admission des pourvois devant le
Conseil d’Etat n’apparaît pas contraire
aux exigences d’un procès équitable pour la Commission européenne, dès lors
qu’elle est fondée sur l’un des motifs prévus par le texte applicable à cette
procédure[262].
· Ensuite en matière
pénale, La France, cette fois, a été condamnée, le 17 décembre 1996, parce
qu’aucun délai n’est imparti, en cette matière pour produire un mémoire
ampliatif devant la Cour de cassation et qu’en l’espèce, le requérant, faute
d’avoir été avisé de la date de l’audience, n’avait présenté ses observations
que huit jours après le rejet du pourvoi. La Cour développe l’idée qu’il faut
tenir compte du rôle joué par la Cour de cassation, des particularités de la
procédure, pour en tirer une décision de condamnation[263].
· En matière civile,
la Cour européenne a eu l’occasion de dire si l’irrecevabilité du pourvoi en
cassation, relevée d’office sur la base de l’article 979 du nouveau Code, pour
défaut de production de la décision attaquée, est ou non contraire aux
exigences d’un procès équitable. La Cour européenne ne le pense pas, dans sa
décision du 23 octobre 1996 en raison d’une part, de la prise en considération
des particularités de la procédure sur l’ensemble du procès et le rôle qu’y a
joué la Cour de cassation, les conditions de recevabilité d’un pourvoi pouvant
être plus rigoureuses que pour un appel (§ 45), et, d’autre part, de la
spécificité du rôle joué par la Cour de cassation dont le contrôle est limité
au respect du droit, le formalisme pouvant dès lors être plus grand que dans
une procédure sans représentation obligatoire (§ 48) ; enfin, la Cour ne
manque pas de souligner à nouveau (§ 48 in fine) que la procédure en cassation
succédait, en l’occurrence, à l’examen de la cause de la requérante par un
tribunal de commerce puis une cour d’appel, tous deux disposant de la pleine
juridiction[264]. Il
est probable que le fait qu’il s’agissait d’une procédure avec représentation
obligatoire a beaucoup joué, car le premier devoir d’un auxiliaire de justice
n’est-il pas de connaître les textes et la jurisprudence y afférent ? Or,
ici, cette jurisprudence était accessible aisément.
· Toujours au niveau
des Cours suprêmes, on se contentera de signaler que la Commission considère
que l’article 1009-1, NCPC, n’est pas contraire aux exigences du procès
équitable[265].
b)
Les mêmes principes s’appliquent, a fortiori, devant les juridictions
inférieures :
La
communication aux parties des observations remises à une cour d’appel par le
Parquet général, dans le cadre d’une procédure d’indemnisation pour détention
provisoire injustifiée s’impose car « le
droit à une procédure contradictoire implique, pour une partie, de prendre
connaissance des observations ou pièces produites par l’autre, ainsi que de les
discuter. Peu importe, à cet égard, que l’affaire relève du contentieux civil,
car il ressort de la jurisprudence en la matière que les exigences découlant du
droit à une procédure contradictoire sont en principe les mêmes au civil comme
au pénal »[266].
égalité des armes encore dans un arrêt
du 18 mars 1997, une personne ayant été invitée à
comparaître par voie de citation directe devant le tribunal de police, sans
avoir pu prendre connaissance du dossier ; en effet, le Procureur refuse
de lui donner accès au dossier, au motif que seul un avocat peut avoir accès
direct à un dossier pénal, alors que l’intéressé avait décidé de se défendre
seul. La Chambre criminelle française rejette le pourvoi et la France est
condamnée par la Cour européenne : « il
est important pour le requérant d’avoir accès à son dossier et d’obtenir la
communication des pièces le composant, éléments d’une bonne défense, afin
d’être en mesure de contester la procès-verbal dressé à son encontre et sur
lequel repose exclusivement sa condamnation »[267].
Enfin le 23 octobre 1996,
la Cour européenne avait rappelé que l’exigence de l’égalité des armes « vaut aussi dans les litiges opposant
des intérêts privés ; elle implique alors l’obligation d’offrir à chaque
partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves
dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage
par rapport à son adversaire. Une différence de traitement dans l’audition
de témoins peut donc être de nature à enfreindre ledit principe »[268].
c)
Les méthodes d’appréciation des organes de la Convention méritent d’être
soulignées[269]
1)
Le contrôle européen de la qualification de la loi nationale se réalise par des
notions autonomes, indépendantes des qualifications nationales et
les organes européens contrôlent non seulement la matérialité des faits, mais
aussi la finalité de la mesure prise, l’effectivité de la garantie et la
proportionnalité des atteintes légitimes à certaines libertés[270].
2)
En deuxième lieu, la Commission et la Cour ne se contentent jamais d’un examen
formel du respect de chacune des garanties énumérées à l’article 6.
Une décision peut être sanctionnée pour procès non équitable, alors même que
toutes les garanties formelles auraient été respectées ; ainsi de
l’obligation de motiver les décisions de justice[271].
3)
En troisième lieu, c’est l’ensemble de la procédure qui permet d’apprécier et
de retenir le caractère équitable du procès au niveau de celles-ci. La Commission et
la Cour se livrent en effet, à une approche globale du procès équitable, ne se
contentant jamais d’un seul stade de la procédure. Il faut soupeser l’ensemble
du procès, rejoignant ainsi l’étymologie du mot équité, aequus signifiant équilibre, un peu comme la pesée des âmes dans la
mythologie égyptienne.
4)
Enfin, la Cour affirme le principe de l’indivisibilité des garanties du procès
équitable en matière pénale : « les exigences générales d’équité consacrées à l’article 6
s’appliquent aux procédures pénales concernant tous les types d’infractions
criminelles de la plus simple à la complexe »[272].
Avec de telles méthodes d’interprétation on est loin du
raisonnement juridique traditionnel français, qui ne se satisfait guère de
pesées ! Nous sommes dans une autre logique, celle des concepts flous ou
« logique de gradation » comme le relevait un auteur[273]
il y a bientôt dix ans. Tout n’est pas tranché en droit européen ; on peut
appartenir à deux catégories à la fois. C’est une démarche pragmatique,
anglo-saxonne certainement, à laquelle nous devons nous habituer. Est-ce cette
difficulté à adopter cette logique qui explique les réticences des juridictions
françaises à appliquer la garantie d’un procès équitable ?
B
- REGARD CRITIQUE (sur la jurisprudence française)
à côté de
quelques avancées spectaculaires quant à la qualification de droits
fondamentaux pour certains aspects du droit à un procès équitable,
essentiellement le droit d’accès à un tribunal, la Cour de cassation française
est plutôt très en retard dans l’application de la jurisprudence européenne,
dans la garantie d’un procès équitable. Pour tout dire, elle traîne les pieds
et n’avance que contrainte et forcée.
Les réticences de la jurisprudence française quant au
contenu de la garantie d’un procès équitable contrastent singulièrement avec la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg et placent la France en situation
difficile par rapport aux exigences du procès équitable, quel que soit le type
de contentieux. Et nous ne partageons pas sur ce point l’opinion et l’optimisme
de notre collègue M. le Professeur Gérard Cohen-Jonathan qui voit « de larges convergences entre la Cour
de cassation et la jurisprudence européenne sur le droit à un procès
équitable »[274].
Certes, de nombreux arrêts sont compatibles avec les exigences du procès
équitable au sens de la Convention, sans d’ailleurs qu’il soit nécessaire que
l’article 6 §1 figure au visa des arrêts, mais comme le note M. Cohen-Jonathan
lui-même, les « convergences
avec la Cour européenne pourraient être plus prononcées ». Outre les
condamnations de la France déjà signalées, on s’interrogera à titre critique
sur les résistances ou les probabilités fortes de condamnation de la France
pour violation de l’article 6 § 1 les plus criantes.
a)
C’est la jurisprudence de la chambre criminelle qui pose le plus de problèmes,
- d’une part parce qu’en
matière pénale les décisions de justice mettent toujours en cause la liberté et
l’honneur des justiciables, quel que soit le niveau de juridiction ;
- d’autre part, parce que
la motivation est le plus souvent très elliptique, du style « attendu que
...telle règle, telle pratique, n’est pas contraire à l’article 6 de la
Convention ». Une telle motivation par pétition de principe tranche
singulièrement avec les arrêts, fortement étayés de solides arguments
juridiques, de la Cour européenne. La comparaison des deux types de décisions
offre un contraste frappant.
1) L’exemple de résistance le plus fort est
celui de la juriprudence de la Chambre criminelle qui refuse de se soumettre à
la décision de condamnation de la France par la Cour européenne le 23 novembre
1993. Il s’agit de la jurisprudence Poitrimol
en matière pénale lorsque le prévenu est jugé par défaut et qu’il lui est
refusé le droit de se faire représenter par un avocat; condamné, au motif que
la représentation ne saurait s’appliquer aux prévenus en fuite, son pourvoi est
déclaré irrecevable, parce qu’un condamné n’ayant pas obéi à un mandat d’arrêt
n’est pas en droit de se faire représenter. Telle est du moins l’opinion de la
Cour de cassation, condamnée par la Cour européenne qui y voit une atteinte au
procès équitable, la sanction étant disproportionnée. La Chambre criminelle a
maintenu sa position par des arrêts des 19 janvier et 15 février 1994, 8 mars
et 21 juin 1995. De son côté la Cour européenne a maintenu sa position en
condamnant la Hollande[275].
Il est vrai que pour la Chambre criminelle, la situation de la victime doit
aussi être envisagée (en l’occurrence la mère privée de son enfant, le père de
celui-ci, prévenu de non-représentation d’enfant, étant en fuite. La
jurisprudence de la Cour européenne n’est pas acquise à l’unanimité de ses
membres, des opinions dissidentes s’étant manifesté.
2) Pour s’en tenir aux seules années 1996 et
1997 et sans que l’inventaire soit exhaustif, les arrêts suivants,
dans l’ordre chronologique retiennent l’attention :
· l’arrêt du 13 février par lequel la
Chambre criminelle[276]
affirme que « l’article 63-4, CPP, qui impose à l’officier de police
judiciaire d’informer, par tous moyens, le bâtonnier, que la personne gardée à
vue demande à s’entretenir avec un avocat désigné d’office, lorsque vingt
heures se sont écoulées depuis le début de celle-ci, ne lui fait pas obligation de rendre effectif l’entretien avec cet
avocat ». La formule est audacieuse, surtout avec l’allusion au
caractère effectif du droit, quand on sait que la Cour européenne s’attache
essentiellement au caractère effectif des droits, même s’il est vrai que
certains barreaux sont bien négligents sur la présence de quelqu’un derrière le
poste téléphonique dont ils donnent le numéro ! Faut-il rappeler ici la
célèbre formule de l’arrêt Airey du 7
octobre 1979 : « la Convention
protège des droits, non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et
effectifs » ? Le contrôle d’effectivité constitue « l’inspiration maîtresse de la
jurisprudence européenne ». Si l’on compare l’attendu de l’arrêt du 13
février 1996 avec une autre situation, déjà soumise à la CEDH, on peut penser
que la Chambre criminelle a été bien imprudente à utiliser cette formule ;
voici ce que décidait la Cour européenne dans l’affaire Artico c/ Italie, le 13 mai 1980, à propos de l’impéritie d’un
avocat désigné d’office : « deux
solutions s’offrent aux autorités compétentes : remplacer (l’avocat
d’office) ou l’amener à s’acquitter de sa tâche... Elles en ont choisi une
troisième, la passivité, alors que le
respect de la Convention appelait de leur part des mesures positives »[277].
La comparaison par citation se passe de commentaires.
· Un arrêt du 29 avril est encore plus surprenant car
l’affaire mettait en cause un membre important du corps judiciaire. Un
président de Chambre d’accusation accomplit, ainsi qu’il y est autorisé dans
certains cas, certains actes d’instruction ; un recours en annulation est
présenté devant la Chambre d’accusation dont il est le président ; il ne
soupçonne en lui aucune cause pouvant laisser suspecter son impartialité
puisqu’il ne s’abstient pas de présider (ce qui laisse songeur sur sa
conception de l’impartialité pour quelqu’un qui occupe une fonction aussi
importante pour la protection de la liberté individuelle...) ; il statue
donc sur la régularité de ses propres actes ; pourvoi en cassation ;
rejeté au motif « qu’aucune règle
légale ou conventionnelle ne fait obstacle à ce que la Chambre d’accusation
apprécie la régularité d’actes d’instruction effectués par un de ses membres,
sa décision, qui ne préjuge pas de la culpabilité des personnes poursuivies,
relevant du contrôle de la Cour de cassation... »[278].
C’est un peu court, puisque la Chambre criminelle se contente d’affirmer une
évidence - le droit de contrôle de la Chambre d’accusation sur les actes
accomplis par l’un de ses membres - en occultant l’essentiel, à savoir, qu’en
l’espèce, celui qui avait accompli les actes soumis au contrôle de la Chambre,
participait à la formation de la Chambre qui en appréciait la régularité. Quant
à la seconde partie de l’attendu elle est sans lien avec la question posée et
qu’il n’est dit nulle part que le droit à un tribunal impartial, donc à un
procès équitable, est limité aux hypothèses où le tribunal statue sur la culpabilité !
· Par trois arrêts rendus le 26 juin 1996, la Chambre
criminelle décide, qu’en matière de permis à points, l’automobiliste renonce à
la garantie du procès équitable en acceptant de payer l’amende forfaitaire[279].
C’est le problème plus général de l’applicabilité de l’article 6 §1 aux mesures
de retrait de points du permis de conduire[280].
L’harmonisation entre la position des juridictions nationales et celle de la
Cour européenne n’est pas encore réalisée en ce domaine, mais la question n’est
pas tranchée définitivement. En réalité le problème se dédouble :
-
Il y a d’abord celui du retrait de points, prononcé par le juge pénal, suite à
une condamnation principale. Le Conseil d’état[281]
et la Cour de cassation[282]
convergent pour considérer, d’une manière constante, que ce retrait ne présente
pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation, bref
qu’il n’y a pas « matière pénale » au sens de l’article 6 §1. La
mesure serait donc purement administrative et la garantie d’un procès équitable
n’aurait pas lieu de s’appliquer ici. Mais dans cette hypothèse, la Commission
a donné son avis le 29 mai 1997 et a reconnu l’applicabilité de l’article 6 §1
aux mesures de retrait de points du permis de conduire, compte tenu de la
nature et du degré de gravité de cette sanction[283].
Il s’agit bien d’une accusation en matière pénale. Pour autant - et malgré
l’opinion dissidente de neuf commissaires dont le commissaire français M. J.-
Cl. Soyer - la Commission considère que dans une telle hypothèse, le retrait
des points étant la conséquence de la décision pénale de condamnation prononcée
à l’encontre de l’automobiliste (et non pas du paiement spontané de l’amende,
sans passer par un tribunal), « un
contrôle suffisant au regard de l’article 6 §1 se trouve incorporé dans [cette] décision, sans qu’il soit besoin de
disposer d’un contrôle séparé supplémentaire de pleine juridiction portant sur
le retrait de points ; par ailleurs le requérant pourra introduire un
recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin de
faire contrôler que l’autorité administrative a agi à l’issue d’une procédure
régulière et notamment que le titulaire du permis de conduire a été mis à même
de saisir le juge pénal. Dans ces conditions, la Commission est d’avis que le
requérant a, dès à présent, bénéficié dans l’ordre interne d’un contrôle
juridictionnel suffisant concernant la mesure litigieuse au regard de l’article
6 §1 ».
-
En outre, second aspect du problème, la Chambre criminelle est même allée
jusqu’à affirmer, dans les trois arrêts précités du 26 juin 1996, que lorsque
la personne concernée par le retrait des points préfère ne pas demander que son
dossier soit examiné par le tribunal de police, elle « renonce à la garantie d’un procès équitable en s’acquittant
d’une amende forfaitaire », parce qu’elle se reconnaît une part de
responsabilité. La formule est pour le moins contestable, car elle est trop
générale, englobant tout le procès, alors que la Cour européenne n’accepte la
renonciation du justiciable dans une matière d’ordre public - et c’est le cas
de la garantie d’un procès équitable[284]
- qu’à certaines conditions tenant à ses caractères et à son objet, conditions
qui ne semblent pas réunies ici :
-
la renonciation doit être libre, sans contrainte ; l’automobiliste n’est-il
pas contraint de choisir la solution du paiement, alors que tout l’incite dans
la rédaction du procès-verbal qu’il reçoit à choisir cette solution ? Son
attention est attirée sur les peines plus fortes qui sont encourues devant le
tribunal s’il a l’audace de s’y présenter ; il devra se déplacer jusqu’au
tribunal compétent, qui peut être très éloigné de son domicile habituel, choix
d’un avocat pour mieux se défendre, etc..
-
Surtout, on ne peut renoncer à n’importe quelle garantie ; l’objet de la
renonciation est variable et si pour tel ou tel aspect de la garantie d’un
procès équitable, on peut admettre la renonciation, par exemple pour la
publicité de l’audience[285],
la Cour européenne a en revanche déjà jugé que le droit à un tribunal
impartial, le droit à un tribunal établi
par la loi ne peut faire l’objet d’une renonciation car « un tel droit offre une importance
capitale et son exercice ne peut dépendre des seuls intéressés[286] ».
En admettant la renonciation « à la
garantie d’un procès équitable » sans aucune restriction, la Chambre
criminelle semble bien admettre la renonciation à un tribunal établi par la
loi, puisqu’après le paiement de l’amende valant reconnaissance de
responsabilité, aucun recours ne sera plus possible.
L’affaire
est donc à suivre sur ces deux aspects et notamment celui de la validité de la
renonciation à la garantie d’un procès équitable.
· Il est vrai que si
l’article 6 est d’ordre public, selon l’opinion de la Cour européenne[287],
les parties au procès ont la faculté, toujours selon la Cour, de renoncer aux
garanties du procès équitable, pourvu que ce soit librement[288].
La question est donc de savoir si la renonciation de l’automobiliste français
est libre ou non ! N’est-il pas contraint de choisir la solution du
paiement, alors que tout l’incite dans la rédaction du procès-verbal qu’il
reçoit, à choisir cette solution ; son attention est attirée sur les
peines plus fortes qui sont encourues devant le tribunal s’il a l’audace de s’y
présenter, etc.. La Commission européenne vient d’émettre un avis contraire à
celui du Conseil d’état français[289]
et à la Cour de cassation, en considérant que le retrait de points avait le
caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation et non pas celui
d’une mesure purement administrative[290].
· Autre exemple : arrêt du 19 juin 1996, selon lequel
l’article 206, CPP, n’impose pas à la Chambre d’accusation saisie de l’entier
dossier, d’indiquer expressément, dans sa décision, qu’elle a examiné la
régularité de la procédure qui lui est soumise[291].
Mais alors comment savoir, autrement que par une analyse minutieuse de l’arrêt,
point par point, qu’elle l’a fait ?
· Ou encore, l’arrêt du 13 novembre qu’il faut
rapprocher d’un arrêt d’Assemblée plénière rendue en matière de référé pour en
apprécier la singularité. La Chambre criminelle juge que « les décisions des juridictions d’instruction, portant sur une
demande de confrontation, ne relèvent que d’une appréciation des faits qui
échappe au contrôle de la Cour de cassation »[292]. Oui...
mais, le 28 juin 1996, l’Assemblée plénière juge qu’en matière de référé la
Cour de cassation peut apprécier le caractère manifestement illicite ou non du
trouble invoqué[293].
On est en droit de se demander si, de contentieux à contentieux, en comparant
les deux décisions qui concernent toutes les deux l’appréciation de faits, la
décision de la Chambre criminelle conduit à un procès équitable, globalement,
au niveau de l’ensemble de la procédure, puisque la décision de la juridiction
d’instruction sera souveraine et ne permettra pas à un accusé d’obtenir une
confrontation.
· Avec un arrêt du 18 décembre[294] la
Chambre criminelle
termine l’année 1996 en confirmant sa jurisprudence sur le refus de communiquer
à un requérant devant la Cour de cassation, avant l’audience, les réquisitions
écrites du Parquet au motif que :
- d’une part, le Parquet émet un avis
objectif et que son rôle n’est pas, au niveau de la Cour de cassation de
soutenir l’accusation mais de veiller, en toute indépendance, à l’application
de la loi pénale
- et, d’autre part, ce qui semble plus
sérieux comme argument, que les avocats aux conseils présents à l’audience,
sont invités par le président, à reprendre la parole après l’intervention de
l’avocat général.
Il reste que, contrairement à la
jurisprudence européenne, qui fait de la communication de toute pièce et
observation aux parties un droit fondamental (v. supra arrêt Nideröst-Huber c/Suisse du 18 fév. 1997 et arrêt Werner
c/Autriche, 24 nov. 1997), la Cour de cassation française se contente d’une
réponse verbale à des observations qui , pour être présentées oralement peuvent
être écrites et transmises à la Chambre criminelle . Le 5 novembre dernier,
(1997), la Chambre criminelle vient de confirmer cette jurisprudence[295].
· Pour 1997, un arrêt du 6 février, rendu célèbre par
la personnalité de ses protagonistes et sa portée, retient l’attention quant à
l’alignement du régime de la prescription du recel d’abus de biens sociaux sur
celui de ce délit[296]
(sur ce point, v. infra) ;
l’attendu qui nous intéresse ici concernait l’hypothèse d’un document ayant été
distrait d’un Parquet par un membre du corps judiciaire, document qui aurait
permis à une personne de bénéficier d’un privilège de juridiction (privilège
d’ordre public à l’époque des faits, article 679, CPP), dès lors qu’elle était
susceptible d’être inculpée. Or le bordereau d’enregistrement de ce document
portait la mention « mis en
cause », suivie de l’énumération des noms de deux personnes physiques.
La Chambre criminelle considère que dès lors que ce document, qui mettait en
cause cette personne, n’avait pas été versé à l’information déjà ouverte, il ne
pouvait y avoir motif d’annulation de la procédure, le juge d’instruction n’en
n’ayant pas eu connaissance. La décision est pour le moins surprenante, puisque
par hypothèse la dissimulation de ce document avait pour objectif d’interdire
au juge d’instruction d’en connaître et donc d’être obligé de se dessaisir. A
bien comprendre la Chambre criminelle la situation aurait pu déboucher sur une
annulation si le juge d’instruction avait été complice de l’agissement en
cause, ce qui est tout de même beaucoup pour un seul tribunal ! De plus,
la jurisprudence européenne est très claire à cet égard : l’accusation
pénale, permettant de bénéficier du droit à un procès équitable, commence en
amont du procès, dès qu’une autorité publique dénonce un suspect comme
coupable, avant toute inculpation
officielle, (arrêt Allenet de
Ribemont du 10 février 1995, précité) et la Commission retient l’idée de « répercussions importantes sur la
situation du suspect »[297]. On ne peut s’en tenir, au regard de la
jurisprudence européenne, à la notion stricte d’inculpation pour considérer
qu’une personne est l’objet d’une accusation ; l’article 679 visait
d’ailleurs, une notion plus large et plus floue que celle d’inculpation, bien
dans l’esprit européen, à savoir « susceptible
d’être inculpée », ce qui, en bon français, n’a jamais voulu dire « être inculpé ». Dès lors
qu’une personne est mise en cause dans un bordereau informatique du Parquet et
que quelques jours plus tard elle sera mise en examen, n’était-elle pas dès ce
jour là « susceptible d’être
inculpée », surtout si la pièce qui aurait permis son inculpation
immédiate si elle avait été transmise immédiatement au juge d’instruction, ne
l’a pas été, non pas pour quelques hésitations du Parquet, mais parce qu’un
membre de celui-ci a soustrait la pièce ! Y a-t-il eu procès
équitable ? Certainement pas au niveau de la délocalisation de la
procédure qui était inhérente à ce genre de situation.
· Ce même arrêt
viole le principe de légalité à propos de la prescription du recel d’abus de
biens sociaux : à preuve les visas retenus pour justifier la cassation qui
n’ont aucun lien avec le dispositif. En visant les articles 203 du code de
procédure pénale et 321-3 à 321-5 du code pénal, la Chambre criminelle les
viole allègrement puisque, comme l’ont relevé certains commentateurs « aucun n’autorise à affirmer
péremptoirement que le délit de recel de choses ne peut commencer à se
prescrire avant que l’infraction dont il procède ne commence elle-même à se
prescrire[298] »
ou encore « ces textes, qui existent
depuis longtemps, sont à l’évidence, insusceptibles de justifier un retard dans
la prescription du recel[299] »
et « la solution nouvelle nous
paraît donc condamnable au nom du principe de la légalité[300] ».
Jurisprudence malheureusement confirmée, au visa des mêmes articles, dans
l’arrêt Carignon[301].
b)
Dans le contentieux civil,
les zones de conflits commencent seulement à apparaître, le procès civil ayant
échappé à l’action des justiciables à Strasbourg, jusqu’à une époque récente,
exception faite des cas déjà signalés dans l’analyse de la jurisprudence
européenne.
· On retiendra tout
de même un arrêt de la première chambre qui juge compatible avec le droit à un
procès équitable les dispositions des articles 1186 et 1187, alinéa 2, NCPC,
dans la mesure où le père des enfants n’allègue pas avoir été mis dans
l’impossibilité d’être assisté d’un avocat[302] ;
or, ces articles n’organisent la consultation du dossier d’assistance éducative
qu’au profit du conseil des personnes concernées (ou de la personne ou service
à qui l’enfant a été confié). En l’occurrence, le père qui n’alléguait pas
avoir été mis dans l’impossibilité d’être assisté d’un avocat, n’avait pas eu
accès au dossier. Est-ce équitable ? Certainement pas et la Cour
européenne en avait d’ailleurs jugé ainsi sept mois auparavant, jugeant qu’en
matière d’assistance éducative, les pièces du dossier devaient être
communiquées aux parents, au titre de l’article 6[303] !
· Aussi surprenant
que cela puisse paraître, la Cour de cassation n’a pas sanctionné la violation
de la garantie d’un tribunal impartial dans une hypothèse où, pourtant, on ne
peut avoir aucun doute sur les conditions objectives de cette violation. C’est
la jurisprudence contestée et contestable des première et deuxième chambres
civiles[304] qui
admettent que le conseiller de la mise en état puisse participer à la formation
collégiale de la chambre saisie du déféré de l’une de ses ordonnances. On
soulignera l’absence totale de motivation sérieuse pour justifier cette
solution (et pour cause !) avec une rédaction qui laisse perplexe :
après avoir rappelé la règle selon laquelle « le
déféré d’une des ordonnances du conseiller de la mise en état mentionnées à
l’article 914, al.2, NCPC, saisit de l’incident la formation collégiale de la
chambre à laquelle l’affaire a été distribuée », la Cour ajoute un « il s’ensuit... », dont on ne
voit pas très bien le lien de causalité qu’il semble vouloir introduire entre
cette distribution à une chambre et la possibilité pour le conseiller de la
mise en état d’y siéger, alors qu’il a rendu l’ordonnance. C’est par une pure
pétition de principe que la Cour de cassation conclut que ce conseiller « peut valablement faire partie de
cette formation collégiale », en violation de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme.
c) L’assemblée
plénière n’échappe pas à la critique. Dans un arrêt du 1er
juillet 1994[305], elle
juge que « les décisions de la
Commission compétente en matière de retrait ou de suspension de l’habilitation
des OPJ n’ayant pas, en vertu de la loi, à être motivées sur le fond,
n’enfreignent pas les principes généraux du droit, en ce qu’ils touchent
notamment aux droits de la défense ». En quelque sorte, c’est parce
que la loi ne dit rien que les principes généraux du droit ne sont pas
violés ! Curieuse conception de la notion de principes généraux qui sont
au contraire faits pour s’appliquer en l’absence de dispositions légales. Et
c’est faire fi de l’arrêt de la Cour européenne rendu quelques semaines plus
tôt, le 19 avril 1994, qui posait très clairement l’exigence d’une motivation,
même si le tribunal n’a pas l’obligation de répondre à tous les arguments d’une
manière détaillée[306].
Avec ce regard critique on est déjà dans une autre perspective,
celle qui consiste à analyser les dispositions qui pourraient poser problème au
titre du droit à un procès équitable si, un jour le cas était porté à
Strasbourg. Simplement, c’est la législation qui est en cause et non pas la
jurisprudence.
C
- REGARD PROSPECTIF (sur la législation française)
Certes, les organes de la Convention ne jugent pas les
textes de droit interne pour apprécier leur validité au regard de la
Convention, mais des situations particulières dans lesquelles des particuliers se
trouvent placés en raison de ces textes et de leur application par les
tribunaux, pour juger de l’effectivité de leurs droits au regard de la
procédure et de son équité. Selon une jurisprudence constante « lorsque le requérant se plaint d’une
entrave au droit d’accès à un tribunal, les organes de la Convention doivent se
borner à examiner les problèmes soulevés dans le cas concret dont ils sont
saisis en se gardant d’apprécier en soi le droit national applicable et les
modalités d’exercice des recours qu’il ménage ». Il n’en demeure pas
moins que les deux organes sont conduits, en fait, à juger les textes de droit
interne, puisque c’est en modifiant certains d’entre eux, qu’un État arrivera
le plus souvent à supprimer, pour l’avenir, le caractère inéquitable d’un
procès pour lequel il a été condamné en raison de la situation dans laquelle se
trouvait une partie par rapport à l’application à son cas de ce texte. Ainsi,
suite à l’arrêt Union Alimentaria
Sanders, l’Espagne a revu toute l’organisation de son système judiciaire
pour respecter l’exigence d’un procès équitable.
On peut ainsi recenser toute une série de dispositions
qui nous semblent poser problème, sans prétendre à l’exhaustivité. Et l’un des
meilleurs spécialistes de ces questions a pu écrire que la loi « se trouve donc tenue en lisière par
le droit de la Convention européenne, tel que l’interprètent de façon
évolutive, impérieuse, envahissante, les juridictions dites organes de
Strasbourg »[307].
a) En matière pénale, les dispositions exposant la France à
un risque de condamnation sont nombreuses:
1) Ainsi, de
l’impossibilité de faire juger, par la Cour de cassation, les moyens de nullité
de la procédure rejetés par la Chambre d’accusation, avant le procès au fond,
si le Président de la Chambre criminelle ne déclare pas le pourvoi admissible
immédiatement. Deux aspects paraissent contraires au droit à un procès
équitable : que la décision d’examen immédiat dépende d’un tiers, qui plus
est directement concerné par le procès ; que cette décision soit sans
recours. On ajoutera, selon la méthode d’appréciation globale de la Cour
européenne, que le procès au fond qui va se dérouler avant que l’incident sur
les moyens de nullité ne soit vidé, est inéquitable en ce sens qu’on voit mal
la Cour de cassation annuler aisément, sans restrictions mentales fortes, toute
une procédure, alors que la personne aura été condamnée en première instance et
en appel ; on l’a bien vu dans l’arrêt du 6 février 1997, à propos du
moyen de nullité tiré de la soustraction de pièce dans une procédure en cours,
pièce qui aurait conduit à une délocalisation de la procédure ; était-il
envisageable un seul instant que la Chambre criminelle puisse annuler plusieurs
années après, la prescription ayant entre-temps couru, toute la procédure,
alors que de lourdes condamnations avaient été prononcées ? Poser la
question c’est y répondre et il y a procès inéquitable à être jugé dans ces
conditions.
2) On peut aussi se
demander si, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet
1996[308],
à propos de la loi du 22 juillet sur les perquisitions de nuit en matière de
terrorisme, certains actes du juge d’instruction ne seraient pas à l’origine
d’un procès inéquitable, celui-ci étant, en quelque sorte, à la fois juge et
partie. C’est bien en tout cas le sens de la motivation de la décision du
Conseil, décision qui pourrait venir à l’appui d’une requête invoquant le fait
qu’un accusé aurait été soumis à une juridiction d’instruction ne présentant
pas toutes les garanties d’une bonne justice, que sa liberté n’était pas
garantie.
3) De la même façon, le
régime procédural de la mise en examen ne correspond pas aux exigences d’un
procès équitable : pas de débat contradictoire avant la notification par
lettre recommandée, pas de motivation et pas d’appel ! Cela fait beaucoup
pour un acte d’une telle importance, une accusation au sens pénal en droit
européen.
4) En matière de présence
de l’avocat au cours de la garde à vue, l’arrêt John Murray c/ Royaume Uni, du 8 février 1996, nous expose à une
condamnation identique à celle de la Grande Bretagne. La Cour a en effet jugé
que le fait pour un suspect de terrorisme d’être privé de tout contact avec un
avocat pendant les 48 premières heures de sa garde à vue constituait la
violation de la garantie d’un procès équitable, tout accusé devant pouvoir
bénéficier d’un avocat « dès les
premiers stades de l’interrogatoire de police ». Les articles 63-4,
dernier alinéa et 706-23, CPP en matière de terrorisme et les articles 63-4,
dernier alinéa et 706-29, CPP, en matière de trafic de stupéfiants nous expose
à une condamnation, lorsqu’on sait que ces textes ne prévoient la présence de
l’avocat qu’à partir de 73ème heure de garde à vue, sans même parler
de la garde à vue de droit commun où la présence de l’avocat n’est autorisée
qu’à partir de la 21ème heure.
5) Ou encore, la
procédure suivie devant la Commission d’indemnisation à raison d’une détention
provisoire, commission installée près la Cour de cassation (articles 149 à150,
CPP), dans la mesure où l’article 149-2 prévoit dans son alinéa 2 que les
débats et le prononcé de la décision ont lieu en chambre du conseil. Or, la
Cour européenne vient de rendre deux arrêts contre l’Autriche, considérant que
devant ce type de juridiction (et l’article 149-2, alinéa 3 du texte français
dispose que cette commission a le caractère d’une juridiction) les débats et le
prononcé du jugement doivent être publics. Elle précise même qu’on ne peut
reprocher au requérant de n’avoir pas formulé une demande de publicité des
débats, dès lors qu’il savait qu’elle n’avait aucune chance d’aboutir, en
l’état actuel de la loi et de la jurisprudence en Autriche, sur ce point ;
il n’a donc pas renoncé à son droit à une audience publique[309].
b) En matière civile, la prospective est
moins riche.
1) On peut penser à
l’inégalité de situation des parties en matière prud’homale par exemple,
puisque l’employeur peut récupérer la TVA sur les honoraires d’avocat, pas le
particulier, c’est à dire le salarié. Y-a-t-il procès équitable, alors que
l’accès au juge est l’un des principes fondateurs de la jurisprudence
européenne et que l’un des obstacles les plus combattus par les organes de la
Convention, c’est précisément l’obstacle financier (cf. l’arrêt Airey) ?
2) Il faut aussi
considérer que l’usage, devant la Cour de cassation française, que le Parquet
assiste au délibéré, sans prendre la parole ni voter, est contraire à l’égalité
des armes, malgré un vibrant plaidoyer du Procureur général près cette
juridiction lors de la séance solennelle de rentrée de janvier 1997[310].
La deuxième moitié du XXème siècle
aura donc connu une montée en puissance considérable de la notion de droits
fondamentaux, avec la création d’un fonds commun procédural d’origine
européenne[311], un « jus commune ». Un droit
processuel nouveau apparaît, véritable bloc de droits fondamentaux, de
garanties fondamentales d’une bonne justice qui ont vocation à s’appliquer dans
tous les contentieux, notamment dans les contentieux récents et spécifiques
portés devant les autorités administratives indépendantes. Ce fonds commun
procédural que la territorialité très marquée de la procédure ainsi que la
dualité de nos ordres de juridictions ont longtemps masqué, ressort aujourd’hui
par l’inspiration commune de quelques grands principes issus des idéaux du
siècle des Lumières et transposés dans nos engagements internationaux ainsi que
dans la jurisprudence européenne ou constitutionnelle.
La garantie formelle que représente aujourd’hui le droit
à un procès équitable est acquise, même si elle reste encore largement
perfectible en France, notamment en matière pénale. Mais c’est à une autre
évolution que l’on assiste, l’apparition du procès équitable comme enjeu
substantiel.
II
- Aujourd’hui, ENJEU SUBSTANTIEL
Le procès équitable devient un enjeu substantiel à un
triple point de vue :
- d’abord, parce qu’il
est devenu le critère d’appréciation du respect, par les États adhérents, des
droits substantiels garantis par la Convention (A) ;
- ensuite parce qu’il a
permis, par la force de ses exigences, de protéger par les garanties de la
Convention, des droits qui n’entrent pas dans le champ d’application de
celle-ci (B) ;
- enfin, parce qu’il est
lui-même devenu un droit substantiel ( C ).
Ces trois aspects ont été heureusement et remarquablement
mis en valeur par notre collègue J.F. Flauss dans sa contribution au procès
équitable lors du colloque organisé le 22 mars 1996, par l’Université Robert
Schuman de Strasbourg et la Cour de cassation[312].
Mais il est vrai que tous les auteurs n’en partagent pas toutes les audaces[313]!
A - LE PROCèS éQUITABLE, CRITèRE D’APPRéCIATION DU
RESPECT, PAR LES éTATS, DES DROITS SUBSTANTIELS GARANTIS PAR LA CONVENTION
La notion processuelle de procès équitable est amenée à
jouer un rôle encore plus important à l’avenir, dans la mesure où la Cour
européenne considère, dans son contrôle de la proportionnalité des ingérences
des États dans les droits substantiels des citoyens, que le respect du droit à
un procès équitable par l’Etat, est l’un des critères d’appréciation de la
proportionnalité des restrictions apportée par ces États à l’exercice des
droits substantiels garantis par la Convention.
a) Par exemple, si
le tiers, dont le bien a été saisi par l’administration fiscale, a pu faire
contrôler par un tribunal, dans le cadre d’une procédure satisfaisant aux
conditions de l’article 6 §1, l’usage qui a été fait des pouvoirs reconnus à
cette administration, l’exercice de ce droit de saisie satisfait à l’exigence
de proportionnalité[314].
Le droit au procès équitable devient ainsi, par ses interférences avec la
protection des droits substantiels, « la pierre angulaire du droit de la
Convention »[315].
b) En matière de
respect de la vie privée ou familiale, l’article 8 de la Convention qui
protège ce droit ne prévoit aucune condition de procédure. Pour autant, la Cour
décide que les mesures d’ingérence dans ce droit doivent non seulement
respecter les intérêts protégés par l’article 8, mais aussi être prises après
un processus décisionnel qui respecte le droit au procès équitable de l’article
6 §1[316].
c) D’une manière plus générale,
la Cour sanctionne la violation de droits procéduraux, à travers le non-respect
de droits substantiels[317].
Et certains juges émettent l’opinion dissidente qu’il faut aller plus loin et
reconnaître l’existence de garanties procédurales dans les droits substantiels
garantis par la Convention[318].
B - LE PROCèS éQUITABLE, PROTECTEUR DE DROITS
SUBSTANTIELS NON GARANTIS PAR LA CONVENTION
a) C’est encore le droit au procès équitable
visé à l’article 6 §1 - et non pas l’article 6 §2 - qui
sert de critère d’appréciation au droit de ne pas s’auto-incriminer,
droit non garanti formellement par la Convention, alors que l’article 6 §2 est
plus en rapport avec cette question, puisqu’il garantit le respect de la
présomption d’innocence. Or, la Commission et la Cour considèrent que ce droit, non formellement garanti par la
Convention, constitue une garantie accordée aux accusés au nom du droit à un
procès équitable. Elles le rattachent d’ailleurs à deux dispositions de
l’article 6 :
- à celle du §2, parce
qu’il lui est « intimement
lié », en ce qu’il reflète ce que l’on attend d’un État : qu’il
prenne en charge l’établissement de la culpabilité d’un accusé, l’accusé étant « en droit de ne pas être amené à
fournir la moindre aide sous forme d’aveu lors de cette procédure ».
- Mais, surtout, au §1,
au procès équitable : « le
fondement d’un procès équitable présuppose qu’il soit offert à l’accusé la
possibilité de se défendre contre les charges portées à son encontre. La
position de la défense est ébranlée si l’accusé est ou a été contraint de
s’accuser lui-même »[319].
En revanche, la Cour a précisé, le 20 octobre 1997, que
si le droit de se taire avait pour but de protéger les accusés contre une
coercition abusive des autorités, ce qui présuppose que l’accusation cherche à
fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la
contrainte ou les pressions, au mépris de sa volonté, « les condamnations à une amende en raison du refus du requérant
de prêter serment et de déposer devant le juge d’instruction qui l’avait
convoqué comme témoin, ne s’analyse pas en une violation du droit de
l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination ». En
l’espèce, le requérant pouvait redouter, selon la Cour, que par le biais de
certains de ses propos, il témoigne contre lui-même ; il eût été ainsi
admissible qu’il refuse de répondre à celles des questions qui auraient été de
nature à le pousser dans cette direction. Mais, il résultait des P.V.
d’audition, qu’il refusa d’emblée de prêter serment ; or, le serment est
un acte solennel par lequel son prestataire s’engage à dire la vérité, mais que
la vérité ; la coercition vise donc à garantir la sincérité des
déclarations faites et non à obliger l’intéressé à déposer[320].
b) De la même façon, et alors que la
Convention ne garantit pas un droit à des prestations invalidité, la Commission
et la Cour ont admis qu’une requérante pouvait faire valoir l’existence d’une
discrimination fondée sur le sexe dans le refus du Tribunal des assurances de lui
accorder une telle rente ; le Tribunal en effet avait motivé son refus sur
l’idée que les femmes cessaient généralement toute activité professionnelle
lorsqu’elles devenaient mères de famille, argument qui ne pouvait être opposé
aux hommes ! La Cour y voit une motivation discriminatoire injustifiée en
violation du droit à un procès équitable[321].
c) Enfin, la Commission et la Cour ont
consacré, au nom du droit à un procès équitable un droit qui n’est
garanti qu’à titre optionnel dans la Convention, au Protocole n° 7, article 4
§1, à savoir le principe non bis in idem[322].
Le rapport de la Commission et l’arrêt sont riches d’enseignements pour la
France, car bien que l’affaire concerne l’Autriche, la solution est
transposable, les réserves émises par la France et par l’Autriche l’étant en
termes identiques. Il s’agissait de savoir si une personne ayant été poursuivie
et condamnée par un tribunal pénal autrichien, pouvait ensuite être condamnée
par une autorité administrative, mais dans des conditions telles que les
sanctions administratives relevaient de la matière pénale au sens de la
Convention. Or, l’Autriche, comme d’ailleurs la France, ont ratifié le
Protocole avec des réserves d’interprétation et notamment que le principe non bis in idem ne serait applicable que
pour des poursuites engagées à propos d’infractions relevant « dans le sens du Code pénal
autrichien » ou « en droit
français » de la matière pénale. A suivre ces réserves et le sens que
leur donnait l’Etat autrichien, les poursuites devant l’autorité administrative
ne relevant pas de la matière pénale au sens national autrichien elles
pouvaient être engagées pour les mêmes infractions. Ce n’est pas l’avis de la
Commission, ni la décision de la Cour qui considère « qu’en excluant toutes les procédures qui ne seraient pas pénales
au sens du code pénal autrichien, la déclaration [autrichienne] n’offre pas à
un degré suffisant la garantie qu’elle ne va pas au-delà des dispositions
explicitement écartées par l’Autriche ». En invalidant les réserves
autrichiennes la Cour fait entrer le principe non bis in idem dans la matière pénale au sens de la Convention, dans les procédures pénalisées de
l’article 6, celles pour lesquelles le droit à un procès équitable est
applicable. Ce dernier consacre ainsi un droit optionnel, en faisant tomber des
réserves d’interprétation.
En
outre, la Commission avait considéré que le principe non bis in idem jouait pour les mêmes faits à la base des deux
poursuites autrichiennes, quand bien même elles ne concernaient pas « formellement » la même
infraction ; la Commission insiste sur le fait que le Protocole n° 7,
article 4 §1, ne fait pas référence à une « même
infraction », mais à des poursuites et à une condamnation portant « à nouveau » sur une même
infraction, c’est à dire sur les mêmes faits. Ne peut-on transposer cette
opinion dans l’affaire du sang contaminé et considérer, d’ores et déjà, que les
poursuites engagées une seconde fois sous une qualification différente violent
le principe non bis in idem ? Il
est vrai qu’une telle transposition n’a guère de chances d’aboutir aujourd’hui,
la Chambre criminelle de la Cour de cassation considérant, en méconnaissance
totale de la jurisprudence de la Cour européenne pourtant antérieure de huit
mois à son arrêt, que « la règle non
bis in idem, consacrée par l’article 4 du protocole n° 7, additionnel à la
CEDH, ne trouve à s’appliquer, selon les réserves faites par la France en marge
de ce protocole, que, pour les infractions relevant en droit français de la
compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas la
prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le
juge répressif »[323].
Le Conseil d’état retient la même
solution au regard de l’article 14-7 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques : « cet
article, pour lequel la France n’a formulé aucune réserve d’interprétation, ne
fait pas obstacle à ce qu’un contribuable condamné ou relaxé des poursuites du
chef de fraude fiscale se voie appliquer, s’il y a lieu, par l’administration
fiscale, les pénalités pour mauvaise foi ou pour manoeuvres frauduleuses ou les
pénalités prévues en cas d’absence de déclaration ou de déclaration
tardive »[324].
Même solution pour le Conseil de la concurrence à propos des articles 7 de
l’ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du Traité CEE : pas
d’applicabilité de ce principe en cas d’application conjointe de ces deux
articles (infractions distinctes selon le Conseil, car l’article 85 suppose que
le commerce entre les états
membres soit concerné)[325].
Ou encore, pour des poursuites pénales pour publicité mensongère (articles L.
121-1, L. 121-5 et 6, code de la consommation), leur existence ne saurant faire
échec ni à la compétence du Conseil, ni à son pouvoir de sanction, le principe non bis in idem n’ayant pas lieu de
jouer[326]. Pour
être complet, signalons que la Cour de justice des Communautés européennes
retient la même solution que le Conseil de la concurrence[327],
mais ajoute dans son arrêt qu’une « exigence
générale d’équité...implique qu’il soit tenu compte de toute décision
antérieure pour la détermination d’une éventuelle sanction ». N’est-ce
pas le cas lorsqu’il y a application simultanée
des deux règles par la même autorité ?
On remarquera que la
France a émis les mêmes réserves sur le principe du double degré de
juridiction, en matière pénale, principe énoncé à l’article 2 §1, Protocole n°
7 (décret n° 89-37, 24 janvier 1989). La CEDH peut demain écarter cette réserve
d’interprétation.
C - LE PROCèS éQUITABLE, DROIT SUBSTANTIEL
En vingt-deux ans, entre l’arrêt Golder du 21 février 1975 et l’arrêt Hornsby du 19 mars 1997, la Cour européenne a finalement construit
un droit au procès équitable extrêmement large, droit qui comprend désormais
trois volets :
- le droit d’accès à un
tribunal ;
- le droit à une bonne
justice dans sa double composante d’organisation du tribunal (indépendance,
impartialité) et de droit à garanties dans le déroulement de l’instance (droit
à un procès équitable au sens strict, publicité de l’audience et délai
raisonnable) ;
- droit à l’exécution des
décisions de justice.
Dans les trois
cas, il s’agit bien d’un véritable droit substantiel, à caractère fondamental.
a) S’agissant tout d’abord du droit à un
tribunal, il a été consacré
par la Commission dans son rapport dans l’affaire Bellet contre la France. En
considérant qu’un hémophile contaminé ayant accepté l’offre de
« réparation » du Fonds de garantie créé à cet effet, pouvait
néanmoins poursuivre une action en justice en réparation de ce même préjudice,
la Commission envisage le droit à un tribunal comme un droit substantiel[328].
Toute interdiction d’agir en réparation au-delà de la limitation légale de
responsabilité, contrevient à l’exigence d’un droit d’accès « effectif et
concret » à un tribunal. Bref, le droit à un procès équitable crée un
droit à réparation, alors même que celui-ci avait été exclu par le législateur
national.
b) Il est inutile de revenir sur
le contradictoire et l’égalité des armes,
véritables droits substantiels consacrés notamment dans les arrêts
Vermeulen et Lobo Machado.
c)
Le droit à l’exécution des décisions de justice
n’a d’abord été envisagé que comme un aspect du délai raisonnable, ce dernier
devant inclure la phase d’exécution du jugement[329].
Puis, la Cour a considéré que l’absence prolongée d’exécution de jugements
d’expulsion de locataires engageait la responsabilité de l’Etat, pour violation du droit à un procès
équitable[330].
La Commission a ensuite estimé que l’effectivité du droit à un recours
juridictionnel supposait un droit à l’exécution des décisions de justice[331] ;
son avis a été confirmé par arrêt de la Cour européenne le 19 mars 1997[332].
Dans cet arrêt Hornsby c/Grèce qui fera date, la Cour
consacre un véritable droit substantiel à l’exécution effective des jugements.
La Cour européenne juge en effet que l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt,
de quelque juridiction que ce soit doit être considérée comme faisant partie
intégrante du procès équitable au sens de l’article 6§1 ; on ne
comprendrait pas, en effet, que l’article 6§1 décrive en détail les garanties
de procédure (équité, publicité et célérité) accordées aux parties et qu’il ne
protège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires ; cet article ne
peut pas passer pour concerner exclusivement l’accès au juge et le déroulement
de l’instance. Désormais, le droit à un procès équitable au sens large forme un
tout, un triptyque dont le premier volet est le droit d’accès à un tribunal, le
deuxième, le droit à une bonne justice dans ses deux aspects d’organisation du
tribunal et de procès équitable au sens strict ; le troisième volet, droit
à l’exécution, est désormais détaché de l’exigence du respect du délai
raisonnable pour devenir un droit autonome.
Dans ces conditions, quelle sera l’évolution
demain ? Quelles seront les nouvelles orientations de la Cour européenne,
avec ses méthodes d’interprétation qui lui permettent d’aller très loin ?
La réponse à cette question dépend pour une large part de la place des organes
de la Convention dans l’organisation des pouvoirs en Europe, par rapport aux
États adhérents et par rapport aux autres pouvoirs du Conseil de l’Europe. A ce
titre, le procès équitable devient un instrument de pouvoir.
III
- DEMAIN, INSTRUMENT DE POUVOIR
Le procès
équitable peut devenir un formidable instrument de pouvoir entre les mains des
organes de la Convention pour deux raisons :
- d’une part, il peut
faire exploser des situations bien acquises aujourd’hui en droit national et
pour lesquelles on ne penserait pas à l’application des prescriptions de la
Convention, provoquant la mainmise des organes de la Convention sur la libre
détermination de nos règles juridiques ;
- d’autre part, il est le
révélateur, par ses extensions sans limites, d’un conflit de pouvoirs entre
plusieurs organes juridictionnels, d’une forme de crise de la justice à
l’échelle européenne, de la place de la justice européenne dans l’équilibre des
pouvoirs.
Et cette crise peut être aggravée à terme si, comme vient
de le souligner Frédéric Sudre dans le premier numéro de la semaine juridique
en 1998, on assiste, avec le Traité d’Amsterdam, à un basculement du régime de
protection des droits fondamentaux, le Conseil de l’Europe s’affaiblissant en
raison de l’adhésion d’états sans
grandes traditions démocratiques, la Cour de Luxembourg, au contraire, montant
en puissance dans ce domaine. La démonstration vaut, à terme, pour cette Cour.
Il faut d’ailleurs observer que les juges nationaux
peuvent aussi utiliser ces dispositions comme d’un instrument de pouvoir, mais
cette perspective est faible, d’une part parce que l’examen critique de la
jurisprudence française a montré que les juridictions - et singulièrement la
Chambre criminelle de la Cour de cassation - sont plutôt réticentes à appliquer
la garantie du procès équitable ; d’autre part, elles n’ont pas la même
disponibilité des méthodes d’interprétation de la convention que la Commission
et la Cour européennes. Il ne faut cependant pas la négliger, ainsi que le
montre, au niveau des juges du fond, la jurisprudence très créatrice, mais
aussi protectrice des libertés, de la Cour d’appel de Paris, section économique
et financière, dans le contentieux généré par les recours contre certaines
décisions du Conseil de la concurrence et de la Commission des opérations de
bourse.
A
- DES EXPANSIONS SANS LIMITES ? (Un peu de science-fiction)
En vue d’assurer
son contrôle sur l’application de la loi nationale, le juge européen tient
compte des circonstances de l’espèce et des dispositions invoquées de la
Convention « ce qui rend audacieuse
toute systématisation » et permet d’affirmer que « le contrôle de la Cour s’étend jusqu’aux bornes fixées par
elle »[333].
Peut-on rêver ou faire un cauchemar, selon sa sensibilité
à l’univers en expansion que constitue la jurisprudence européenne ?
Peut-on imaginer demain la consécration de droits procéduraux nouveaux,
inspirés de l’effectivité du droit à un recours juridictionnel et du droit à un
procès équitable ?
a) Imagine-t-on, par exemple que demain la Cour, dans le
prolongement de sa jurisprudence Allenet
de Ribemont sur l’atteinte à la présomption d’innocence par toute autorité
publique, étende cette protection aux atteintes à la présomption d’innocence
portées dans la presse, aux procès médiatiques, en condamnant l’Etat qui
n’aurait pas su, pas pu ou pas voulu s’y opposer et mettre en œuvre les moyens
qui s’imposaient ?
La
même extension de la présomption d’innocence, envisagée dans l’interprétation
qu’en a donnée l’arrêt Allenet de
Ribemont, pourrait consacrer le droit de tout justiciable à ce qu’aucune
autorité judiciaire ne s’exprime sur une affaire, quand bien même elle ne
serait pas encore individualisée et qu’aucun responsable d’une infraction
faisant l’objet des dites déclarations ne soit identifié. Et cela au nom du
droit à un procès équitable qui suppose qu’il n’y ait ni préjugement exprimé
publiquement de la part de ceux qui pourraient un jour connaître de l’affaire,
ni pression sur les juridictions inférieures pour qu’elles adoptent une
solution souhaitée par le représentant d’une juridiction d’un ordre supérieur.
Où serait le procès équitable si l’on devait accepter, sans réagir, que demain
ce représentant laisse entendre que sa juridiction ne serait pas insensible à
ce que les juges du fond adoptent telle solution plutôt que telle autre et
qu’il pourrait bien y avoir un revirement de jurisprudence[334] ?
Déjà, d’autres autorités publiques ont été condamnées pour des propos portant
atteinte à la présomption d’innocence, en l’occurrence le président de la
Commission des opérations de bourse[335].
On en trouve une première illustration, au demeurant tout
à fait conforme à ce que l’on est en doit d’attendre du juge judiciaire en
matière de protection des libertés individuelles, dans les décisions de la Cour
d’appel de Paris qui ont vu dans les propos tenus par le président de la COB
sur une affaire une atteinte à l présomption d’innocence, au motif que « le respect de la présomption
d’innocence exige qu’aucun représentant de l’état
ou autorité publique ne déclare une personne coupable d’une infraction avant
que sa culpabilité ne soit légalement établie »[336].
b) Imagine-t-on que demain la Cour consacre un droit à
l’oubli et juge que l’équité, le procès équitable, c’est aussi la possibilité
de pouvoir bénéficier effectivement et
concrètement du droit substantiel à la prescription, droit qu’elle dégagerait
de la nécessité, pour garantir un procès équitable, d’apaiser les passions et
de ménager à tout accusé la possibilité de bénéficier de preuves encore
existantes[337] ?
la même remarque peut être faite lorsqu’un acte interruptif de la prescription
est pris tous les trois ans, uniquement pour refaire partir le délai, sans
qu’ensuite, pendant trois ans, aucun acte d’instruction ne soit accompli.
En réalité, sur ce terrain de la prescription la Cour
européenne penche plutôt contre la prescription de toutes les infractions au
nom du droit d’accès à un tribunal. Néanmoins, elle accepte les règles de
prescription qui d’une part, poursuivent un but légitime, par exemple garantir
la sécurité juridique et empêcher les plaintes tardives et, d’autre part, sont
proportionnées à ce but[338].
c) Imagine-t-on que demain la Cour consacre un droit à la
sécurité juridique et remette en cause les revirements de jurisprudence, la
requalification des faits et condamne les États dont les juges auraient violé
des normes juridiques établies ?
On pourrait continuer longtemps, mais l’intérêt est
ailleurs ; il est dans les raisons qui conduisent la Cour européenne à
repousser toujours plus loin les frontières du champ d’application du procès
équitable. C’est peut-être dans un jeu de pouvoir qu’il faut en trouver
l’explication, jeu qui ne fait que traduire la crise de la justice et de la
place du juge dans notre société.
B - PROCèS éQUITABLE ET éQUILIBRE DES POUVOIRS
L’équilibre des pouvoirs est remis en cause tant au
niveau du juge national (a), encore qu’il n’en abuse pas, qu’à celui des
organes de la Convention (b).
a) Le juge national et le jugement porté sur
certains textes de droit processuel économique au regard de l’exigence d’un
procès équitable
C’est dans les contentieux boursiers et de la concurrence
que le juge national, en tout cas la Cour d’appel de Paris, fait preuve du plus
d’audace, n’hésitant pas à déclarer des procédures non conformes aux exigences
du procès équitable, malgré leur respect des texte les régissant. Ainsi, dans
l’arrêt Oury, du 7 mai 1997
(précité), la Cour d’appel de Paris n’a pas hésité à déclarer inéquitable au
regard de l’article 6 de la convention européenne la procédure suivie devant la
Commission des opérations de bourse, malgré le respect des dispositions du
décret du 23 mars 1990 alors applicable, au motif que le même organe de
décision cumulait des fonctions de poursuite, d’instruction et de déclaration
de culpabilité, que les raisons du maintien des poursuites n’avait pas été
communiquées à l’intéressé et que celui-ci n’avait jamais été entendu par le
rapporteur, lequel avait pris part au délibéré, qui plus est dans des
conditions douteuses (23 décisions rendues sur deux dossiers comportant plus de
3000 cotes, en une seule séance). Ce sont les textes qui sont en cause et la
Cour de Paris n’est peut-être pas mécontente de rappeler aux pouvoirs publics
que les juges judiciaires, tant décriés pour leur méconnaissance supposée des
choses de la vie économique, sont en tout cas soumis à des règles de procédure
qui n’encourent pas ces reproches. Ces contentieux confiés aux autorités
administratives indépendantes manquent de tradition, de bases juridiques
solides et leur mixité (un tiers de civil, un autre de pénal et un dernier
d’administratif) altèrent les concepts du droit processuel et portent souvent
atteinte aux droits fondamentaux du procès. Il n’est pas dit que la procédure
issue du décret du 31 juillet 1997 échappe à toutes les critiques, malgré
quelques améliorations notables (notification du rapport et audition par le
rapporteur).
b) Les organes de la Convention portent
ombrage aux juridictions nationales, notamment aux Cours suprêmes qui ont
perdu, d’une certaine façon, de leur souveraineté. La Convention n’est-elle pas
selon leur propre expression « l’instrument
constitutionnel d’un ordre public européen »[339] ?
La jurisprudence de la Cour européenne est ainsi l’occasion de s’interroger sur
la place du juge européen dans notre démocratie, sur son rôle ; en effet,
à l’aide d’une notion aussi élastique que le procès équitable, il peut beaucoup
s’il veut redessiner la place du droit dans notre démocratie. Et apparemment,
c’est ce qu’il fait.
1) Le juge européen semble ainsi se placer comme gardien
des valeurs de liberté et d’égalité, à l’encontre des autres pouvoirs, y
compris les législateurs nationaux. Par sa jurisprudence audacieuse, toujours
en expansion, sans frontières, le juge européen s’affirme par rapport aux
autres pouvoirs comme l’organe qui peut évaluer la fidélité aux valeurs
démocratiques de base des finalités concrètes de l’action sociale qui
appartiennent, elles, aux pouvoirs législatif et exécutif. L’Etat national
n’est plus le maître de son droit.
2) Ce faisant le juge européen traduit une évolution de
notre organisation sociale[340] :
- à la fin du XVIIIème
siècle serait apparue une période d’affirmation du pouvoir législatif fondé sur
le concept démocratique de volonté générale ;
- à la fin du XIXème
siècle se serait affirmée une période de valorisation du pouvoir exécutif en
vue d’une meilleure prise en compte des exigences de l’égalité ;
- et nous vivrions une
troisième période qu’illustre parfaitement le juge européen ; celle d’un
pouvoir judiciaire qui s’affirme par rapport aux deux autres, ce qui suppose
une meilleure conception du rapport du juge à la règle, un instrument, en
l’occurrence la Convention, avec sa supériorité normative et ses concepts
élastiques, dont celui de procès équitable.
Ainsi,
se concrétiserait l’opinion d’Adrien Duport, l’un des rédacteurs de la
déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et notamment de son article 8,
qui affirmait en 1789, que « la
justice, l’humanité et la politique ne sont qu’une même chose[341] ».
3) Une telle évolution n’est pas sans danger, car alors
il faut s’interroger sur les limites à l’immixtion du juge européen dans le
contrôle du respect des valeurs démocratiques de base aux finalités concrètes
de l’action sociale. Le danger d’un véritable gouvernement des juges n’est pas
national ; il est européen. Il est dans le maniement inconsidéré de
concepts flous, qui constituent des instruments politiques de prise du pouvoir.
Et, surtout, dans le fait qu’il n’y a personne pour contrôler les organes de la
Convention, alors qu’ils se sont auto-attribués des moyens très puissants pour
soumettre le droit national à leur conception des libertés et des droits
fondamentaux.
Cette évolution doit être rapprochée de l’éventuelle
création, au niveau de l’Union européenne, d’un Ministère public européen,
sorte de F.B.I. du Parquet, qui protégerait les intérêts financiers de l’Union[342].
A ce titre, le procès équitable, recherche d’un équilibre
au profit d’une plus grande sécurité juridique est lui-même facteur
d’insécurité, nous l’avons vu par les exemples de science-fiction que nous
venons de donner.
Le paradoxe c’est que la recherche à tout prix d’une
extension des frontières du procès équitable soit elle-même source
d’insécurité, de tentation totalitaire et, finalement, d’inéquité. Trop
d’équité dans le procès peut tuer l’équitable et n’est-ce pas, peut-être,
demain, trop d’atteintes à des cultures nationales enracinées dans des siècles
d’histoire ? N’y a-t-il pas le risque de provoquer chez les citoyens
européens le sentiment que leur sort est entre les mains d’un gouvernement de
juges qui seraient perçus comme des technocrates et non pas comme des sages,
sans aucun contrôle démocratique sur leur action ?
[1] C.
Picheral et F. Sudre, La diffusion du modèle européen de procès équitable, Doc.
Fr. 2003.
[2]. J.-Cl.
Bonichot, le 3 mai 1999, en réponse à l'intervention de Serge Guinchard sur le
rôle et les pouvoirs du juge judiciaire dans l'application de la Conv. EDH.
[3]. CEDH, 23
mars 1995, Loizidou, série A, no 310, § 75.
[4]. B. Oppetit,
Philosophie du droit, Dalloz, 1999, no 109, p. 124.
[5]. J. M. Sauvé,
« Propos introductifs » au colloque sur L’influence de la Convention
EDH sur l’organisation et le fonctionnement des cours suprêmes, Journée d’étude
Soc. lég. comp. Paris 7 mars 2008, Annonces de la Seine, 31 mars 2008.
« Le juge administratif et la protection des libertés et droits
fondamentaux », Mélanges S. Guinchard, Dalloz 2010, 545.
[6]. G.
Timsit, « Le concept de procès équitable », in Le procès équitable en
droit processuel comparé, Séminaire 2000-2001 de l'École doctorale de droit
comparé de Paris 1, Variations autour d’un droit commun, Travaux de
Paris 1, Soc. Lég. comp. éd., déc. 2002, p. 25.
[7]. J.
Rawls, Théorie de la justice, Le Seuil, coll. Points, 1997.
[8]. D.
Salas, « État et droit pénal, le droit pénal entre Themis et dike »,
Droits, no 15, p. 77 s., spéc. p. 86.
[9]. S.
Guinchard, « Vers une démocratie procédurale », Justices, nouvelle
série, 1999/1, p. 91 s. V. aussi les écrits de Habermas.
[10] Sur cette
garantie : M. Douchy-Oudot, « Le procès équitable », in
Préparation au grand oral – Protection des libertés et des droits fondamentaux,
[dir. S. Guinchard], Lextenso éd., 9e éd. 2014. N. Fricero et Ph.
Pedrot, « Les droits spécifiques au procès civil », in Libertés et
droits fondamentaux, Dalloz, 2013, 19e éd.
[11]. Louis
Boyer, « La notion d'équité et son rôle dans la jurisprudence des
Parlements », Mélanges Maury, 1960, t. 2, p. 257. V. Bolard,
L’équité dans la réalisation méthodique du droit privé – Principes
pour un exercice rationnel et légitime du pouvoir de juger, thèse (dacty.)
Paris 1, dir. P. Mayer, mars 2006.
[12]. Édition
Le Robert, sous la direction d'Alain Rey, v. équité.
[13]. Rép. Dr.
civil, v. équité, no 1.
[14] B. Garnot
et B. Lemesle [dir.], La Justice entre droit et conscience du XIIIème au
XVIIIème siècel, Éditions universitaires de Dijon, collec. Histoires, 2014,
compte-rendu par L. Cazaux, in Criminocorpus, Rev. d’histoire de la justice,
des crimes et des peines, 2015, p. 477.
[15]. Vo
équité, PUF, 1994, sous la direction de G. Cornu.
[16]. Il
relaxa une prévenue de vol d’un pain dans un boulangerie, le 4 mars 1898, au
motif que « la faim est susceptible d’enlever à à tout être humain son
libre arbitre et d’amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion de bien
et du mal ». Sur ce juge, V. Y. Ozanam, « Le bon juge
Magnaud : l’équité face à la loi », Culture Droit, mai-juin 2006,
p. 64.
[17]. Civ. 2e,
19 janv. 1983 : Gaz. Pal. 198, Pan., 177, obs. S. Guinchard ; il ne
peut pas non plus se fonder sur l'équité, Soc. 21 févr. 1980 :
JCP 1980, IV, 176. – 11 mai 1994 : D. 1995. 626, note
C. Puigelier. – Civ. 3e, 22 mars 1995 : Gaz. Pal. 16
mai 1996, somm. ann., Vo Preuve, obs. Croze et Moussa). Justices,
1998/9, L'équité du juge.
[18]. V.
Dictionnaire, Collins, English langage dictionnary, 1992, v. Equity.
[19]. S.
Guinchard, « Le procès équitable, droit fondamental ? » AJDA, no spécial,
juill.-août 1998, p. 191. – « Le procès équitable, garantie
formelle ou droit substantiel ? » Mélanges Farjat,
1999. – Opinion dissidente du juge Lopes Rocha, ss CEDH 20 févr.
1996, Lobo Machado c/ Portugal : Rec. 1996-I, vol. 3, p. 210.
[20] P.
Spinosi, « Quel regard sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur
le procès équitable ? », Nouv. Cah. Cons. const., 2014/44, p. 23.
[21]. Déc. no 89-260
DC, 28 juill. 1989, COB : RFDA 1989. 671, note B. Genevois.
[22]. Déc. no 95-360
DC, 2 févr. 1995, Injonction pénale : D. 1995, chron. 171, J. Pradel et 201, Volff ; RFD const.
1995-22, 405, note Th. Renoux ; D. 1997, somm. 130, obs. Th. Renoux.
[23]. Déc. no 86-215
DC, 3 sept. 1986, Lutte contre la criminalité (consid. 18) : RSC
1987. 567, chron. Loloum et Nguyen Huu ; RD publ. 1989, 399, note L.
Favoreu.
[24]. RD publ.
2009/1, 248, obs. D. Rousseau et P.Y. Gahdoun.
[25]. RTD civ.
1928. 371.
[26] M. H. Evans,
« Les vertus criminologiques de l’équité processuelle : le modèle
LJ-PJ-TJ », AJPénal 2016, 129 [LJ = légitimité de la Justice ; PJ =
procedural justice ; TJ = therapeutic justice].
[27]. B. Oppetit,
Philosophie du droit, op. cit., no 109, p. 124.
[28]. Psaume
84-II. V. aussi dans la Bible, Ezéchiel, 18, 5 et 8-9 : « si un homme
est juste, s’il agit selon l’équité et la justice ; [...] s’il détourne sa
main de l’iniquité et s’il rend un jugement équitable entre deux hommes qui
plaident ensemble : celui-là est juste ».
[29]. Par ex.,
décision du 23 oct. 1993, Arvo Karttunen c/ Finlande, no 387/1989,
rapport du comité, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II,
p. 134.
[30] CEDH, gr.
ch., 13 sept. 2016, n° 50541/08, 50571/08, 40351/09, Ibrahim et alii c/
Roy-Uni, JCP 2016, 1010, L. Milano.
[31]
Présentation reprise par S. Amrani-Mekki, in « La fondamentalisation du
droit du procès, Rev. dr. Assas, 2015/11, p. 72.
[32] Cette
question n’a jamais été traitée sous cet angle pour l’ensemble des trois
contentieux, tout au moins à notre connaissance. Néanmoins, on peut consulter,
sur certains aspects ou certains contentieux les études suivantes :
- pour le contentieux administratif, R.
Abraham, Les incidences de la CEDH sur le contentieux administratif français,
RFDA, 1990, 1053. - F. Moderne, Le juge administratif français et les règles du
procès équitable, RUDH, 1991, 352. - L. Sermet, CEDH et contentieux
administratif français, économica,
1996.
- pour la procédure civile, Vincent
et Guinchard, Procédure civile, 24 éd., 1996, Dalloz éd., n° 22 et les renvois
de l’index, V° Droit processuel européen ; G. Rouhette, La procédure
civile et la CEDH, colloque de la Cour de cassation, Le nouveau code de
procédure civile : vingt ans après, 18 et 19 déc. 1997, à paraître, Doc.
fr.
- pour la procédure pénale, Les
nouveaux développements du procès équitable au sens de la CEDH, colloque
organisé par la Cour de cassation et l’Université de Strasbourg, 22 mars 1996,
Bruylant éd. 1996, spéc. rapport introductif par R. Koering-Joulin. - F.
Boulan, La conformité de la procédure pénale française avec la CEDH, Mélanges
Larguier, PUF, 1993, p. 21. - V. aussi les Mélanges Levasseur, Gaz. Pal. et
Litec, 1992 (notamment articles R. Koering-Joulin, p. 205 ; D. Mayer, p.
239 ; Pettiti, p. 249).
[33] Et sur
lesquelles, v. notamment Bruno Genevoix, La jurisprudence du Conseil
constitutionnel, STH éd. 1988. - Marie-Luce Pavia, éléments de réflexion sur la notion de droit fondamental, Les
Petites affiches, 6 mai 1994, p. 6. - V. Champeil-Desplats, La notion de
« droit fondamental » et le droit constitutionnel français, D. 1995,
chron. 323.
[34] L.
Favoreu, Droit de la Constitution et constitution du droit, RFDC, 1990, p. 71
et s., spéc. p. 81-82 ; Universalité des droits fondamentaux et diversité
culturelle, in L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la
communauté francophone, colloque international de l’Île Maurice, 29 sept. - 1er
oct. 1993, AUPELF/UREF éd., 1994, p. 48. - V. aussi, J.J. Israël, Droit des
libertés fondamentales, LGDJ, 1998, p. 35.
[35] CEDH, 8
février 1996.
[36] Et sur
lesquelles v. Serge Guinchard, Le procès équitable, garantie formelle ou droit
substantiel ? à paraître Mélanges Farjat.
[37] Régis de
Gouttes, L’enchevêtrement des normes internationales relatives au procès
équitable : comment les concilier ? Rapport au colloque organisé par
l’Université de Strasbourg et la Cour de cassation, Les nouveaux développements
du procès équitable au sens de la CEDH, 22 mars 1996, Bruylant éd. 1996, p.
139.
[38] Chronique
tenue par Jean Dhommeaux. - V. aussi pour une synthèse des 331 décisions
rendues en matière de communications individuelles à la date de juillet 1993,
P. Tavernier, Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence du Comité
des droits de l’homme des Nations Unies - Les communications individuelles,
Rev. trim. dr. hom., 1996, n° 25, p. 3.
[39] Décision
du 8 novembre 1996, affaire R. Faurisson c/France, Rev. jur. Ouest, 1997/3,
251, chron. J. Dhommeaux (Liberté d’expression et négationnisme. La loi Gayssot
et le pacte international...).
[40] En mars
1996 et sur les cinq dernières années, M.Régis de Gouttes, op. et loc. cit.,
relevait seulement deux arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
intéressant le procès équitable et visant l’article 14 du Pacte international,
7 mars 1990 et 4 février 1991, l’un et l’autre sur l’application de la règle
non bis in idem. Les juridictions du fond ne sont guère prolixes, un jugement
du tribunal administratif de Strasbourg du 8 décembre 1994 (RUDH 1995, n° 4-6),
un arrêt de la Cour de Douai et un jugement du tribunal d’instance de Caen,
sans aucune référence à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme.
[41] Fr.
Sudre, JCP 98, I, 100, p.10.
[42] J.Cl.
Soyer et M. de Salvia, in La convention européenne des droits de l’homme,
commentaire article par article, sous la direction de L.E. Pettiti, E. Decaux
et P.H. Imbert, économica, 1995,
p. 251.
[43] J.Cl.
Soyer, La loi nationale et la Convention européenne des droits de l’homme, in
Mélanges Foyer, PUF, 1997, p. 137.
[44] CEDH, 8
juin 1976, arrêt Engel c/ Pays-Bas, série A, n° 22, § 81 ; V. Berger,
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 5ème, éd.
1996, n° 73, § 572 et s.
[45] CEDH, 27
fév. 1980, arrêt Deweer c/ Belgique, série A, n° 35 ; V. Berger, op. cit.,
n° 43, § 352 et s. - 27 fév. 1992, arrêt Stenuit c/ France, série A, n° 232-A.
[46] CEDH, 21
fév. 1984, arrêt Öztürk c/ Allemagne, série A, n° 73 ; Clunet, 1986, 1051,
obs. P. Tavernier ; V. Berger, op. cit., n° 99, § 736 et s.
[47] CEDH, 28
juin 1984, arrêt Campbell et Fell c/ Royaume Uni, série A, n° 80 ; V.
Berger, op. cit., n° 59, § 454 et s.
[48] CEDH, 22
mai 1990, arrêt Weber c/ Suisse, série A, n° 177.
[49] CEDH, 27
août 1991, arrêt Demicoli c/ Malte, série A, n° 210 ; V. Berger, op. cit.,
n° 60, § 466 et s.
[50] Rapport
de la Commission, 8 oct. 1987, rapport 31, affaire Von Sydow c/ Suède.
[51] V. le
colloque organisé par l’Institut de Droit européen des Droits de l’homme,
Montpellier, 13 et 14 mars 1998.
[52] CEDH, 8
juin 1976, arrêt Engel c/ Pays-Bas, série A, n° 22 ; V. Berger op. cit.,
n° 73, spéc. §577, p. 216.
[53] CE, 14 fév.
1996, AJDA, 1996, 403, note Stahl et Chauvaux ; JCP 1996, II, 22669, note
Lascombe et Vion, RFDA, 1996, 399 et concl. Sanson, p. 1186.
[54] CE, 27
oct. 1978, arrêt Debout, Rec., p. 395, concl. Labetoulle.
[55] CE, 5 mai
1982, arrêt Bidalou, D. 1984, 103, note F. Hamon.
[56] CE, 26
mai 1995, arrêt Helle.
[57] CE, 7
juill. 1995, arrêt Mbaye, Rev. crit. dr. inter. pr. 1996, 83, note (crit.)
Lagarde ; RFDA 1995, 1072.
[58] CE, Prés.
Sect. Cont., 22 mars 1991, arrêt Sti, Rec., p. 100, D. 1991, IR, 113, RFDA,
1991, 530. - 25 mars 1996, Clunet, 1996, 937, note F. Julien-Laferrière.
[59] CE, 20
juill. 1990, arrêt Mbuta, Les Petites affiches, 19 sept. 1990. - 7 nov. 1990,
arrêt Mme Serwaah, AJDA, 1990, 867, chron. E. Honorat et R. Schwartz ;
RFDA, 1990, 1099.
[60] CE, 22
nov. 1985, arrêt Bonamour, D. 1986, IR, 147, obs. Llorens, JCP 1986, II, 20664,
concl. Latournerie, Rev. dr. san. soc., 1986, 330, note Lévy.
[61] CE, 21
déc. 1979, arrêt Vimare, D. 1980, 225, note Madiot.
[62] CE, 19
déc. 1980, arrêt Roques, Rev. adm. 1981, 146, concl. B. Genevois (problème de
la compatibilité avec la Convention de la non-publicité des audiences. - 19
juin 1991, Ville d’Annecy, qui rejette le moyen tiré de la non-publicité des
audiences devant la Cour, AJDA, 1992, 150, concl. R. Abraham ; RFDA, 1991,
700. - CE, 6 janv. 1995, arrêt Nucci, AJDA, 1995, 161, JCP 1996, II, 22592,
note Degoffe : les arrêts condamnant les ordonnateurs pour gestion de fait
ne sont rendus, ni en matière pénale, ni en matière civile.
Cour
des comptes, 11 mars 1993, arrêt Carignon et autres, D. 1993, 534, note J.
Magnet. - 4 nov. 1993, arrêt Commune de la Ciotat, JCP 1994, I, 3736, n° 1,
obs. Picard.
[63] CEDH, 18
mars 1997, arrêt Mantovanelli c/ France, D. 1997, Somm. com. 361, obs. S.
Perez ; AJDA, 1997, 987, obs. Flauss ; RTDCiv. 1997, 1007, obs.
Marguenaud et Raynard ; JCP 1998, I, 107, n° 24, obs. Sudre.
[64] Crim. 26
oct. 1993, Bull. n° 312.
[65] CEDH, 24
nov. 1993, arrêt Imbrioscia c/ Suisse, série A, n° 27, § 36.
[66] CEDH, 27
fév. 1980, arrêt Deweer, série A, n° 35 ; V. Berger, op. cit., n° 43, §
352 et s.
[67]
Commission, affaire Huber c/ Autriche, Annuaire de la Convention, vol. 18, §
67. Affaire Hätti c/ RFA, Annuaire de la Convention, vol. 19, § 50.
[68] CEDH, 30
mars 1989, arrêt Lamy, série A, n° 151 ; V. Berger, op. cit., n° 34, § 285
et s.
[69] Arrêt
Mouillot, Noir, Patrick Poivre d’Arvor et autres, D. 1997, 334, note
Renucci ; JCP 1997, II, 22823, note Pralus, Dr. pénal, 1997, comm. 63,
obs. J.-H. Robert ; Dr. affaires, 1997, 780, note H. Matsopoulou ;
Rev. sociétés, 1997, 156, obs ? Bouloc ; RTDCom. 1997, 693, obs.
Bouloc ; Justices, 1997-7, 193, obs. D. Rebut..
[70]
Commission, affaire Huber, c/ Autriche, Annuaire de la Convention, vol. 18,
§67.- Affaire Hätti c/ RFA, Annuaire de la Convention, vol. 19, § 50.
[71]
Commission, 19 mai 1994 et CEDH, 23 octobre 1995, affaire Gradinger c/
Autriche, Justices, 1996-3, p. 249, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; V.
Berger, op. cit., n° 103, § 762 et s.
[72] Crim. 20
juin 1996, D. 1997, 249, note Tixier et Lamulle.
[73] CE, Avis,
4 avril 1997, affaire Jammet, Req. n° 183658 : Courrier juridique des
finances, mai 1997, p. 6 ; D. 1997, IR, 125.
[74] Conseil
de la concurrence, décision n° 95-D-76, 29 novembre 1995, BOCC, 15 mai 1996,
174.
[75] Décision
déc. 97, D.21, Appareils de détection des métaux, BOCCRF, n° 12, 8 juill. 1997 ;
Justices, 1997-8, 159, obs. L. Idot.
[76] CJCE, 13
février 1969, arrêt Walt Wilhem, aff. 14/68 : Rec. p. 1.
[77] Sur ce
problème, v. R. Abraham, Les incidences de la CEDH sur le contentieux
administratif français, RFDA, 1990, 1061. - J.- M. Woerling Le juge
administratif et les dispositions de la CEDH relatives aux accusations en
matière pénale, RFDA, 1994, 41 - Ravanas, note au D. 1994, 387.
[78] CE, 8
déc. 1995, arrêt Mouvement de défense des automobilistes, JCP 1996, IV, p.
44 ; RFDA, 1996, 166.
[79] Crim. 26
juin 1996, Bull. n° 277.
[80]
Commission, 29 mai 1997, affaire J. Malige c/ France, Gaz. Pal. 29 juill. 1997,
note G. Rio et Th. Berthelot ; ibid. 24 janv. 1998, note XXX ;
AJDA, 1997, 981, obs. Flauss.
[81] CEDH, 27
fév. 1980, arrêt Deweer c/ Belgique, série A, n° 35, § 49 : « en un
domaine qui relève de l’ordre public des états
membres du Conseil de l’Europe, une mesure ou une solution dénoncées comme
contraire à l’article 6 appellent un contrôle particulièrement
attentif » ; V. Berger, op. cit., n°43, §352 et s.
[82] CEDH, 10
fév. 1983, arrêt Albert et Le Compte, série A, n° 58,§35 ; V. Berger, op.
cit. n° 48, p. 155.
[83] CEDH, 25
fév. 1992, arrêt Pfeifer et Plankl, série A, n° 227, §38.
[84] CEDH, 21
février 1975, arrêt Golder, série A, n° 18, §36 ; V. Berger, op. cit., n°
38, § 315 et s.
[85] CE 7
janv. 1972, Rec. p. 26, concl. Théry.
[86] Décision
n° 93-325 DC, 13 août 1993, Rev. fr. dr. adm. 1993, 871, note Genevoix ;
Rev. fr. dr. const. 1993-15, 587, note Favoreu ; RDP 1994, 1, note
Luchaire ; Dr. social, 1994, 69, note Dupeyroux et Prétot.
[87] Décision
93-335 DC, 21 janv. 1994, JCP 94, I, 3761, n° 9 et 35, obs. Picard ; Rev.
fr. dr. const. 1994, 364, obs. Mélin-Soucramanien ; D. 1995, Som. com.
302, obs. Gaïa ; Justices, 1995-1, 204, obs. Molfessis ; Rev. fr. dr.
adm. 1995, 7, obs. Hocreitère ; RDP 1995, 91, obs. Rousseau.
[88] Décision
96-373 DC, 9 avril 1996, AJDA 1996, 371, obs. Schrameck ; RDP 1996, 953,
note Luchaire et 1997, 18, obs. D. Rousseau ; Rev. fr. dr. adm. 1996, 584,
obs. Renoux ; Justices, 1997-5, 247, obs. G. Drago et N.
Molfessis ;Rev. fr. dr. const. 1996-27, 596, obs. Th. Renoux.
[89] CE, Prés.
Sect. cont., 29 juin 1992, arrêt Madame Ghunsun, Rec. p. 981.
[90] CE 8 déc.
1995, arrêt Mouvement de défense des automobilistes, RFDA 1996, 166 ; JCP
96, IV, 44.
[91] CEDH, 27 avril
1988, arrêt Boyle et Rice c/ Royaume Uni, Clunet, 1989, 801, obs. Rolland et
Tavernier ; V. Berger, op. cit., n° 102, § 754 et s., p. 279.
[92] V. par
ex. CEDH ; 23 octobre 1997, arrêt National et Provincial Building Society
et alii c/ Royaume Uni, JCP 1998, I, 107, n° 25, obs. (crit.) Sudre, qui admet
qu’un état, partie prenante à un
procès pendant devant les juridictions, puisse valider rétroactivement des
dispositions fiscales objet de cette procédure.
[93] CE 17
janvier 1995, arrêts Marie (détenus) et Hardouin (militaires) Les Petites
affiches, 28 avril 1995.
[94] CE 11
juill. 1947, arrêt Dewawrin, Rec. 307. - 13 juill. 1963, arrêt Chenal, Rec.
446. - 4 mai 1979, arrêt Comité d’action des prisonniers, Rec. 182.
[95] Civ. 2ème,
27 juin 1984, JCP 1984, IV, 288 ; RTDCiv. 1984, 775, obs. Perrot. -
Versailles, 26 oct. 1989, Gaz. Pal. 1990, Som. 193. - Paris, 13 déc. 1996, Gaz.
Pal. 27 fév. 1997, Som., concl. B. Ghizardin. - V. Bolard, L’appel-nullité, D.
1988, chron. 177 ; Justices, 1996-4, 119, Les recours-nullité en procédure
civile. - O. Barret, L’appel-nullité dans le droit commun de la procédure
civile, RTDCiv. 1990, 199. - Honorat et Mas, Les perspectives de
l’appel-nullité, rapport au colloque sur les procédures collectives, Nice, 28
mars 1987, Les Petites affiches, 1er, juill. 1987.
[96] V. les
références citées in Vincent et Guinchard, Procédure civile, Dalloz, 24ème
éd., 1996, n° 1388, p. 846, en note.
[97] En
matière commerciale, Com. 25 janv. 1994, D. 1994, 325, rapport Pasturel et 379,
note Derrida. - 26 avr. 1994, 542, note Derrida et chron. Vasseur, 317. - 11
oct. 194, D. 1994, 297, rapport Réméry. - En matière civile, pour un recours
contre un changement de régime matrimonial, Aix, 15 nov. 1993, Justices,
1995-1, 250, note G. Wiederkehr.
[98] Civ. 2ème,
17 juin 1987, D. 1987, Som. 359, obs. Julien. - Civ. 1ère, 9 oct.
1990, D. 1991, 571, note M. Santa-Croce ; RTDCiv. 1991, 603, obs.
Perrot ; Rev. arb. 1991, 305, note Noboyet-Hoegy ; 6 nov. 1991, 73 et
chron. Delbecque, p. 19 ; Gaz. Pal. 1991, Somm. 348, obs. Croze et Morel.
[99] Serge
Guinchard, Le second degré de juridiction, rapport de synthèse, colloque pour
le XXème anniversaire de la Cour d’appel de Versailles, 22 mai 1996,
Gaz. Pal. 10 sept. 1996.
[100] G.
Bolard, loc. cit. Justices, 1996-4.
[101] N.
Fricéro, L’excès de pouvoir, à paraître, Rev. générale des procédures, Dalloz,
1998-1, spéc. n° 4 et 20 et s.
[102] Crim. 26
fév. 1997, Bull. n° 78 ; D. 1997, 297, note Pradel ; JCP, 1997, II,
22865, note Haritimi Matsopoulou.
[103] Contra,
Pradel, note préc., p. 301, col. Gauche, pour qui « la solution n’est pas
douteuse ».
[104] V. notre
conférence sur Le procès équitable, garantie formelle ou droit
substantiel ? Entretiens de Nanterre, 8 mars 1997 et l’article qui en est
issu aux Mélanges Farjat, à paraître.
[105] Cass. 12
mai 1812, Juris. Gén., V° Cassation, n° 94.
[106] TGI
Paris, 1ère chambre 5 novembre 1997, Gaz. Pal. 8 nov. 1997 ; D.
1998, 8, note M.A. Frison-Roche.
[107] CEDH, 24
oct. 1989, arrêt H. c/ France, RFDA, 1990, 203.
[108] TGI
Paris, 1ère chambre, 6 juill. 1994, Gaz. Pal. 1994, 37, obs.
Petit ; JCP 1994, I, 3805, n° 2, obs. Cadiet ; Dr. et Patrimoine,
1995, p. 9, obs. F. de la Vaissière.
[109]
Annotation du Code de l’organisation judiciaire, sous l’article L. 781-1, in
Code de procédure civile, Litec éd. 1997-1998, note 15, p. 915.
[110] Phrase
extraite de la thèse de Louis Favoreu, Du déni de justice en droit public
français, LGDJ 1964, p. 534.
[111] Sur
lesquels, v. Serge Guinchard, Mélanges G. Cornu, PUF, 1994.
[112] CEDH, 30
oct. 1991, arrêt Borgers c/ Belgique, série A, n° 214-A ; V. Berger, op. cit.,
n°70, §553 et s.
[113] CE 18
nov. 1964, arrêt Rainaut, AJDA, 1965, 408, note Paulin.
[114] CE 13
déc. 1968, arrêt Association syndicale des propriétaires de
Champigny-sur-Marne, RDP 1969, 512, note Walin.
[115] CE 31
oct. 1980, arrêt FNUJA et FEN, D. 1991, 111, obs. Delvolvé ; JCP 1983, II,
20003, note Auby.
[116] Crim. 6
juill. 1993, D. 1993, 430.
[117] Décisions
76-70 DC, 2 déc. 1976, RDP 1978, 817, note Favoreu ; RSC 1978, 274, obs.
Reinhard. - 81-127 DC, 19-20 janv. 1981 ,JCP 1981, II, 19701, note Franck,
Grandes décisions Favoreu et Philip, 9ème éd. 1997, n°31. - 325 DC,
12-13 août 1993 : Rec. p. 224 ; Justices, 1995-1, 201, note
Molfessis ; Grandes décisions par Favoreu et Philip, 9ème éd.
1997, n° 47, p. 829 ; RFDC 1993-15, p. 587, note Favoreu ; RFDA,
1993, p. 871, note Genevoix ; RDP, 1994, 5, note Luchaire ; Dr.
social, 1994, 69, note Dupeyroux et X. Pretot.
[118] Décision
86-224 DC, 23 janv. 1987, considérant 19, Rec. p. 8 ; D. 1988, 117, note
Luchaire ; JCP 1987, II, 20854, note Sestier.
[119] Décision
93-326 DC, 11 août 1993, JO, 15 août ; D. 1993, 299, note Pradel ;
JCP 1993, I, 3720, F. Le Gunehec ; RFDC 1993-16, 849, note Renoux ;
Les Petites affiches, 5 janv. 1994, note B. Mathieu et M. Verpeaux.
[120] Cass.
Ass. Plénière, 30 juin 1995, D. 1995, 513, concl. Jéol, note R. Drago ;
JCP 1995, II, 22748, note Perdriau et Bull. inf. Cass. 1er août
1995, rapport Ancel.
[121] CEDH, 25
sept. 1992, arrêt Pham Hoang c/ France, n° 243.
[122] Crim. 5
déc. 1978, D. 1979, 50, note R. Koering-Joulin.
[123] Pau
(Premier président), 27n juill. 1992, Clunet, 1993, 913, obs. Fr.
Julien-Laferrière.
[124] Civ. 2ème,
5 fév. 1992, D. 1992, 442, note Burgelin et D. 1993, 53, note Waschmann ;
Gaz. Pal. 1992, Doct. 242, Bertin et concl. Dubois de Prisque, p. 216.
[125] Com. 3
janv 1996, JCP 1996, II, 22658, note Gibirila ; RTDCom. 1996, 485, obs.
Champaud et Danet.
[126] Decheix,
Droits de la défense et défense des droits, Petites affiches, 3 avril 1996.
[127] CEDH, 24
fév. 1995, arrêt Mc Michel c/ Royaume-Uni, série A, n° 308, D. 1995, 449, note
Huyette.
[128] Civ. 1ère,
24 oct. 1995, D. 1996, 513, note Massip.
[129] Ibid..
[130] CEDH, 24
fév. 1995, Mc Michel c/ Royaume Uni, série A, n° 308, D. 1995, 449, note M.
Huyette.
[131] RSC 1996,
878, note Dintilhac.
[132] D. 1997,
Som. com. 149, obs. Pradel.
[133] CEDH, 18
mars 1997, arrêt Fourcher c/ France, D. 1997, Som. com. 360, obs. Renucci.
[134] Crim. 19
sept. 1895, Bull. 243. - 9 mars 1976, JCP 19780, II, 19437, note A. Mayer-Jack.
- 10 déc. 1986, D. 1987, 165, note D. Mayer. - 19 janv. 1994, Dr. pénal, 1994,
comm. 97, concl. Perfetti et chron. 94, rapport Verdun.
[135] Crim. 5
juin 1989, Bull. n° 232.
[136] Crim. 13
mai 1985, Bull. 180.
[137] Crim. 14
avril 1992, Bull. n° 161.
[138] CEDH, 22
sept. 1994, arrêts Lala et Pelladoah c/ Pays-Bas, série A, n° 297, A et B.
[139]
Versailles, 24 sept. 1996, Dr. pénal, janv. 1998, n° 11, obs. Maron.
[140] Crim. 12
fév. 1996, D. 1996, Som. com. 260, obs. Pradel.
[141] CEDH, 13
mai 1980, arrêt Artico c/ Italie, série A, n° 37, § 36 ; V. Berger, op.
cit. n° 91, § 681 et s.
[142] CEDH, 20
fév. 1996, arrêt Lobo Machado c/ Portugal, § 31 et arrêt Vermeulen c/ Belgique,
§ 33, AJDA, 1996, 1013, note Flauss, JCP 1997, I, 4000, n° 19, obs. Sudre,
Petites Affiches, 2 oct. 1996, note W. Sabete ; Recueil 1996-I, vol. 3, p.
195 et 224 ;RTDCiv. 1996, 1028, obs. Marguenaud ; 1997, 992, obs.
Perrot et 1006, obs. Marguenaud et Raynard ; RTDEurop. 1997, 373, note Fl.
Benoît-Rohmer, D. 1997, Som. com., 208, obs. Fricéro. Sur les rapports de la
Commission dans les mêmes affaires, Justices, 1996-3, 233, obs. Cohen-Jonathan
et Flauss. Et déjà, Commission, 28 juin 1995, avis Alkin c/ Autriche, AJDA,
1996, 384. Ces deux arrêts ont été analysés sous l’angle de la pratique
française par M. le Procureur général BURGELIN dans son allocution de rentrée
de la Cour de cassation le 10 janvier 1997 : Rapport de la Cour de cassation
1996, Doc. fr. 1997, 47.
[143] CEDH, 25
juin 1997, arrêt Van Orshoven c/ Belgique, D. 1997, Som. com. 358, obs.
Fricéro ; AJDA, 1997, 988, obs. Flauss. V. aussi les avis rendus par la
Commission contre la Belgique et qui vont dans le même sens : 4 sept., 16
oct. 1996 ; 15 janv. et 21 mai 1997, cité par Flauss, AJDA, 1997, 988.
[144]
Commission, 10 oct. 1994, affaire Lassauzet et Guillot c/ France, AJDA, 1996,
384, obs. Flauss.
[145] CEDH, 22
février 1996, arrêt Bullut c/ Autriche, AJDA, 1996, 1013, note Flauss, JCP,
1997,I, 4000, n° 10, obs. Sudre ; Recueil, 1996-II, Vol. 5, p. 346.
[146] Crim. 18
déc. 1996, Dr. pénal, juin 1997, n° 86, obs. Maron. - 5 nov. 1997, D. 1998, IR,
27.
[147] CEDH, 18
fév. 1997, Nideröst-Huber c/ Suisse, § 23, Rec. 1997-1, Vol. 29, p. 101 ;
AJDA, 1997, 987, obs. Flauss.
[148] CEDH, 24
nov. 1997, Werner cAutriche, n° 682, Bulletin du greffier, 24-28 nov.
1997 ; JCP 1998, I, 107, n° 7, obs. Sudre.
[149] CEDH, 24
nov. 1997, arrêt Werner c/Autriche, n° 682, Bull. du greffier, 24-28 nov.
1997 ; JCP 1998, I, 107, n° 7, obs. Sudre.
[150] Civ. 1ère,
3 mars 1986, Bull., I, n° 149. - 6 mars 1996, Justices, 1996-4, 329, obs. H.
Muir Watt (Contre une géométrie variable des droits fondamentaux de la
procédure).
[151] H. Muir
Watt, op. et loc. cit.
[152] Civ. 1ère,
3 mars 1992, Bull. I, n° 73 ; JCP 1993, II, 21997, note (crit.) E. du
Rusquec ; RTDCiv. 1993, 199, obs. (crit.) Perrot et 881, obs. (crit.)
Normand. - Civ. 2ème, 13 mars 1996, D. 1996, Som. com. 356, obs.
(crit.) Julien. - E t déjà, Viatte sous Civ. 2ème, 7 mai 1980, Gaz.
Pal. 1980, 669. - Rives, RTDCiv. 664, n° 46. - Vincent et Guinchard, op. cit.
n° 527, c), 3, in fine, p. 399.
[153] Civ. 2ème,
5 fév. 1997, D. 1997, IR, 63.
[154] CEDH, 26
août 1987, arrêt de Haan c/ Pays-Bas, AJDA, 1997, 987, obs. Flauss ; JCP
1998, I, 107, n° 26, obs. Sudre.
[155] Civ. 2ème,
5 fév. 1997, D. 1997, IR, 63 ; Procédures, avr. 1997, obs. Perrot ;
RTDCiv. 1997, 513, obs. Perrot.
[156] Civ. 2ème,
3 nov. 1993, D. 1994, IR, 32.
[157] Crim. 29
avril 1996, Bull. n° 170 ; JCP 1996, II, 22700, note (réservée) P.
Chambon.
[158] Crim., 29
fév. 1996, Bull. n° 99.
[159] Crim. 8
oct. 1996, Bull. inf. Cass., 1er mars 1997, n° 181.
[160]
Jurisprudence constante depuis Crim., 9 fév. 1961, JCP 1961, II, 12004, rapport
Combaldieu.
[161] CE, 14
fév. 1996, D. 1996, IR, 69.
[162] CEDH, 17
janv. 1970, arrêt Delcourt c/ Belgique, série A, n° 11.
[163] CEDH, 28
sept. 1995, arrêt Procola c/ Luxembourg, D. 1996, 301, note F.
Benoit-Rohmer ; JCP 1996, I, 3910, n° 23, obs. Sudre ; RFDA, 1996,
777, Annexe à la chronique Autin et Sudre.
[164] CE, 25
janv. 1980, arrêt Gadiaga, Rec. p. 44, concl. Rougevin-Baville ; D. 1980,
270, note Peiser ; AJDA, 1980, 283, note Robineau et Feffer.
[165] CE, 5
avr. 1996, arrêt Syndicat des avocats de France, RFDA 1996, 1195, concl.
Bonichot ; JCP 1996, IV, 1672, obs. M.-Ch. Rouault.
[166] CEDH, 24
nov. 1997, arrêt Werner c/ Autriche, § 45, JCP 1998, I, 107, n° 27, obs. Sudre.
[167] CEDH, 10
fév. 1983, arrêt Albert et Le Compte c/ Belgique, série A, n° 58, § 29 ;
V. Berger, op. cit. n° 48, § 391-401.
[168] Cass.
Ass. Plénière, 8 fév. 1993, D. 1993, Som., 190, obs. Julien.
[169] Civ. 1ère,
10 janv. 1984, JCP 1984, II, concl. Gulphe ; Gaz. Pal. 1984, 702, note
A.D. ; RTDCiv. 1984, 771, obs. Perrot ; D. 1985, IR, 105, obs.
Brunois. - 22 janv. 1985, Gaz. Pal. 1985, Pan. 179, obs. Guinchard et Moussa
(avocats). - 10 déc. 1985, JCP 1987, II, 20749, note Pillebout (médecins).
[170] Civ. 1ère,
5 nov. 1991, D. 1992, IR, 37.
[171] Civ. 2ème,
20 nov. 1991, D. 1992, IR, 11.
[172] CEDH, 19
avr. 1994, arrêt Van de Hurk, AJDA, 1995, 138, obs. Flauss. - 9 déc. 1994,
arrêt Ruiz Torija c/ Espagne, JCP 1995, I, 3825, n° 19, obs. Sudre ;
Justices, 1996-3, 235, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[173] CEDH, 9
déc. 1994, arrêts Ruiz Torija et Hiro Balani c/ Espagne, D. 1996, Som. com.
202, obs. N. Fricéro ; Justices, 1996-3, 235, obs. Cohen-Jonathan et
Flauss.
[174] CEDH, 31
janv. 1996, arrêt Fouquet c/ France, (jugement de donné acte), Justices,
1997-5, 200, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; sur l’avis de la Commission,
12 oct. 1994, Rec. 1996-I, Vol. 1, p. 27.
[175] Civ. 2ème,
31 janv. 1985, Gaz. Pal. 1985, Pan. 124, obs. Guinchard. - 14 fév. 1990, Gaz.
Pal. 1990, Som. 490, obs. Guinchard et Moussa.
[176] Bull.
Assemblée plénière, juillet 1994, p. 9.
[177] Sur cette
pratique et ses conséquences déplorables en matière fiscale, J. Lamarque, Le
procès du procès, Mélanges J.-M. Auby, Dalloz, 1992, p. 149 et s., spéc. note 8
bis, p. 153.
[178] Crim. 13
nov. 1996, D. 1997, IR, 13.
[179] Cass.
Ass. Plénière, 28 juin 1996, JCP 1996, I, 3972, obs. Périnet-Marquet ;
ibid., II, 22 712, note Mémeteau ; D. 1996, 497, concl. Weber et note J.M.
Coulon.
[180] Crim. 19
juin 1996, Bull. n° 263.
[181] CEDH, 25
oct. 1988,arrêt Martins Moreira, série A, n° 143, § 44 ; 24 mars 1994,
arrêt Silva Pontès, série A, n° 286-A, § 33 ; Justices 1995-1, p. 170,
obs. Cohen-Jonathan et Flauss. 26 sept. 1996, arrêts Zappia et Di Pedde c/
Italie, JCP 97, I, 4000, n° 28, obs. Sudre ; D. 1997, Som. com. 209, obs.
Fricéro.
[182] CEDH, 28
sept. 1995, arrêt Scollo c/ Italie, série A, n° 315-C, § 44 ; Justices,
1996-3, p. 238, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; RTDCiv. 1996, 1021, obs.
Marguenaud.
[183]
Commission, affaire D. et AAH (Hornsby) c/ Grèce, rapport du 23 octobre 1995,
AJDA, 1996, 381, obs. Flauss.
[184] CEDH, 19
mars 1997, arrêt Hornsby c/ Grèce, série A, n° 147, Dr. adm. mai 1997, n°
185 ; AJDA, 1997, 986, obs. Flauss ; JCP 97, II, 22949, note Dugrip
et Sudre ; RTDCiv. 1997, 1009, obs. Marguenaud et Raynard.
[185] Dugrip et
Sudre, note préc., intitulé du B en seconde partie.
[186] Ibid., n°
24.
[187] CEDH, 28
sept. 1995, arrêt Scollo c/ Italie, série A, n° 315-C ; Justices, 1996-3,
p. 238, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; RTDCiv. 1996, 1021, obs.
Marguenaud.
[188] Dugrip et
Sudre, note préc., n° 21.
[189] Boyer, La
notion d’équité et son rôle dans la jurisprudence des Parlements, Mélanges
Maury, 1960, t. 2, p. 257.
[190] édition Le Robert, sous la direction
d’Alain Rey, V° équité.
[191] English
language dictionnary, V° équity.
[192]
« The principe used in law which allows a fair judgement to be made in a
case where the existing laws do not provide a reasonnable answer to the
problem ».
[193] Jestaz,
Rép. Droit civil, V° Équité, n° 1.
[194] V°
équité, PUF, 1994, sous la direction de G. CORNU.
[195] Civ. 2ème
19 janv. 1983, Gaz. Pal. 1983, Pan. 177, obs. Guinchard.
[196] Soc. 21
fév. 1980, JCP, 1980, IV, 176. 11 mai 1994, D. 1995, 626, note C. Puigelier.
Civ. 3ème, 22 mars 1995, Gaz. Pal. 16 mai 1996, somm. ann., V°
Preuve, obs. Croze et Moussa.
[197] Rev.
trim. dr. civ. 1928, 371.
[198] Psaume
84-II.
[199] Régis de
Gouttes, L’enchevêtrement des normes internationales relatives au procès
équitable : comment les concilier ? Rapport au colloque organisé par
l’Université de Strasbourg et la Cour de cassation, Les nouveaux développements
du procès équitable au sens de la CEDH, 22 mars 1996, Bruylant éd. 1996, p.
139.
[200] Chronique
tenue par Jean Dhommeaux. - V. aussi pour une synthèse des 331 décisions
rendues en matière de communications individuelles à la date de juillet 1993,
P. Tavernier, Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence du Comité
des droits de l’homme des Nations Unies - Les communications individuelles,
Rev. trim. dr. hom., 1996, n° 25, p. 3.
[201] Décision
du 8 novembre 1996, affaire R. Faurisson c/France, Rev. jur. Ouest, 1997/3,
251, chron. J. Dhommeaux (Liberté d’expression et négationnisme. La loi Gayssot
et le pacte international...).
[202] Fr.
Sudre, JCP 98, I, 100, p.10.
[203] Et sur
laquelle v. M. Delmas-Marty, D. 1988, chron. 221.
[204]
Notamment, sans que la liste soit exhaustive et pour s’en tenir aux rapporteurs
du colloque précité du 22 mars 1996 à la Cour de cassation, G. Cohen-Jonathan
(rapport de synthèse), J. Fr. Flauss et Jean Barthélémy, tous les trois auteurs
de remarquables rapports sur les nouvelles frontières du procès équitable.
[205] J. VELU
et R. ERGEC, La CEDH, Bruylant éd. Bruxelles, 1990, 435.
[206] CEDH, 9
octobre 1979, arrêt Airey, § 24.
[207] R.
Koering-Joulin, Introduction générale au colloque précité sur les nouveaux
développements du procès équitable, 22 mars 1996, p. 10.
[208] AJDA,
1997, 980, obs. Flauss.
[209] Gaz. Pal.
1981, 2, 775, note Delamarre (avocats). 26 sept. 1995, JCP 1996, I, 3910, n°
25, obs. Sudre.
[210] JCP 1984,
II, 20210, concl. Gulphe.
[211] AJDA,
1996, 403, note Stahl et Chauvaux ; JCP 1996, II, 22669, note Lascombe et
Vion.
[212] CEDH, 19
avril 1993, AJDA, 1993, 490, obs. Flauss. 23 juin 1993, arrêt Ruiz Matéos,
AJDA, 1994, 19, obs. Flauss ; RFD cons. 1994, 175, obs.
Cohen-Jonathan ; Clunet, 1994, 799, obs. P. Tavernier ; Justices,
1995-1, 152, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; Gaz. Pal. 19 juill. 1994,
note Clément.
[213]
Commission, 30 juin 1995, req. n° 24194/93, Justices 1996-3, 265, obs.
Cohen-Jonathan et Flauss.
[214] CEDH, 21
oct. 1997, Bull. p. 11, AJDA, 1997, 982, obs. Flauss ; JCP 98, I, 107, n°
18 (volet civil) et n° 19 (volet pénal), obs. Sudre.
[215] Obs.
Sudre, JCP, 1998, I, 107, n° 19.
[216] CEDH, 16
sept. 1996, arrêt Süssman c/ Allemagne, JCP 1997, I, 4000, n° 15, obs.
Sudre ; Rev. fr. dr. const. 1997, 383, obs. Flauss, AJDA, 1997, 985, obs.
Flauss : « son rôle de gardien de la Constitution rend
particulièrement nécessaire pour une cour constitutionnelle de prendre parfois
en compte d’autres éléments que le simple ordre d’inscription au rôle d’une
affaire, telle le nature de celle-ci et son importance sur le plan politique et
social ».
[217] CEDH, 26
nov. 1992, deux arrêts : Francesco Lombardo c/ Italie, série A, n° 249, B§
17 (gendarme réclamant un complément de pension) ; Giancardo Lombardo c/
Italie, série A, n° 249-C, § 16 (magistrat) ; AJDA, 1992, 109 et 1993, 20,
obs. Flauss.
[218]
Commission 1er octobre 1994 et 17 oct. 1995, affaire F.N. c/ France,
AJDA, 1996, 378, Flauss ; Justices, 1996-3, 252, obs. Cohen-Jonathan et
Flauss.
[219] CEDH, 17
mars 1997, arrêt Neigel c/ France, AJDA, 19977 984, obs. Flauss ; JCP
1998, I, 107, n° 16, obs. Sudre.
[220] Par ex.,
refus de réintégration d’un fonctionnaire annulé par le juge administratif,
rapport du 20 mai 1997, affaire Peltier c/ France, AJDA, 1997, 984, obs.
Flauss.
[221] CEDH, 26
mars 1992, éd. Périscope c/ France.
[222] CEDH, 28
sept. 1995, Procola c/ Luxembourg (recours contre un règlement en matière
économique qui avait trait au droit de transformer ou de vendre du lait sans un
prélèvement complémentaire). 20 nov. 1995, British American Tobacco c/ Royaume
Uni.
[224] CEDH, 23
oct. 1997, arrêt National et Provincial Building Society et alii c/ Royaume
Uni, JCP 1998, I, 107, n° 17, obs. Sudre.
[225] CEDH, 27
août 1992, arrêt Tomasi, JCP 1993, I, 3654, n° 11, obs. Sudre.
[226] CEDH, 18
mars 1997, arrêt Mantovanelli c/ France, D. 1997, Som. com. 361, obs. S.
Perez ; AJDA, 1997, 987, obs. Flauss ; RTDCiv. 1997, 1007, obs.
Marguenaud et Raynard ; JCP 1998, I, 107, n° 24, obs. Sudre.
[227] Pour une
amnde fiscale suisse en raison de son montant non négligeable et de son
caractère « essentiellement punitif et dissusasif » (§ 46), CEDH, 29
août 1997, arrêt E.L., R.L., J ;O ;.-L., c/ Suisse, JCP 1998, I, 107,
n° 21, obs. Sudre. Et aussi, CEDH, 24 sept. 1997, arrêt Garryffalou Aebe c/
Grèce, ibid.
[228] CEDH, 24
février 1994, arrêt Bendenoun, AJDA 1994, 512-515, obs. Flauss ; Justices,
1995-1, 154, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; JCP 1995, I, 3823, n° 16,
obs. Sudre.
[229] Com. 29
avril 1997, arrêt Ferreira c/ Directeur général des impôts, Gaz. Pal. 15 mai
1997, Flash ; JCP 97, II, 22935, note Sudre.
[230] Arrêts
Bendenoun et Garryfallou Aebe, préc.
[231] Pour la
contrainte par corps en matière douanière, CEDH 8 juin 1995, arrêt Jamil c/
France, série A, n° 320, AJDA, 1995, 727, obs. Flauss. Pour une amende
douanière , CEDH, 24 sept. 1997, arrêt Carafyllou AEBE c/ Grèce, AJDA, 1997,
982, obs. Flauss.
[232] V. supra,
a).
[233]
Commission, 29 nov. 1994, affaire Benham c/ Royaume Uni, Justices 1996-3, 242,
obs. Cohen -Jonathan et Flauss.
[234]
Commission, 11 oct. 1994, affaire Putz c/ Autriche, Justices 1996-3, 246, obs.
Cohen-Jonathan et Flauss, qui assouplit la position de CEDH, 23 mars 1993,
Ransvsborg c/Suède.
[235] CEDH, 22
février 1996, arrêt Putz c/ Autriche, Recueil 1996-I, Vol. 4, p. 312 ; RSC
1997, 469, obs. R. Koering-Joulin ; RTDH 1997, 493, note Fl.
Massias ; Justices, 1997-5, 191, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. Et déjà,
23 mars 1994, affaire Ravnsborg c/ Suède, RTDH, 1994, 515, note Flauss.
[236] Crim. 26
oct. 1993, Bull. n° 312.
[237] CEDH, 24
nov. 1993, arrêt Imbrioscia c/ Suisse, série A, n° 27, § 36.
[238] CEDH, 27
fév. 1980, arrêt De Weer, série A, n° 35.
[239]
Commission, affaire Huber c/ Autriche, Annuaire de la Convention, vol. 18, §
67. Affaire Hätti c/ RFA, Annuaire de la Convention, vol. 19, § 50.
[240] CEDH, 30
mars 1989, arrêt Lamy, série A, n° 151.
[241] CEDH, 10
fév. 1995, arrêt de Ribemont, Justices, 1996-3, 248, obs. Cohen-Jonathan et
Flauss.
[242] Sur
lesquels, v. Serge Guinchard, Les procès hors les murs, Mélanges Cornu, PUF,
1994.
[243] CEDH, 20
oct. 1997, arrêt Serves c/ France, (§42), JCP 1998, I, 107, n° 20, obs. Sudre.
[244] CEDH, 27
fév. 1997, arrêt Dewers, série A, n° 35, §42.
[245] C. État,
7 juill. 1995, Rev. crit. dr. inter. pr. 1996, 83, note (crit.) P. Lagarde.
[246] C État,
25 mars 1996, Clunet, 1996, 937, note F. JULIEN-LAFERRIERE.
[247] CEDH, 26
sept. 1996, arrêt Miailhe c/ France, Justices, 1997-5, 193, obs. Cohen-Jonathan
et Flauss ; AJDA 1997, 989, obs. Flauss. Dans l’attente de cet arrêt, v.
les espérances, déçues, de J.P. Le Gall, à
quel moment le contradictoire ? in Les nouveaux développements du procès
équital, colloque préc. 22 mars 1996, p. 55.
[248]
Commission, 6 avr. 1994, Justices, 1996-3, 236, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[249] CEDH, 17
déc. 1996, arrêt Saunders c/ Roy. Uni, AJDA, 1997, 988, obs. Flauss.
[250] CEDH, 7
août 1996, arrêt Hamer c/ France, Recueil, 996-III, Vol. 13, p. 1029JCP 1997,
I, 4000, n° 16, obs. Sudre ; RSC 1997, 468, obs. R. Koering-Joulin ;
D. 1997, Som. com. 205, obs. Renucci.
[251]
Commission, 15 avril 1996, AJDA, 1996, 1010, note Flauss ; Justices,
1997-5, 191, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. CEDH, 9 déc. 1994, AJDA, 1995, 133,
obs. Flauss. CEDH, 26 sept. 1996, Bull. d’inf. C. Cass. 15 janv. 1997, n° 1.
[252]
Commission, 10 avril 1996, E.L., R.L. et J.O.L c/ Suisse, 18 avril 1996, A.P.,
M.P. et T.P. c/ Suisse, AJDA, 1996, 1010, obs. Flauss.
[253] CEDH, 20
fév. 1996, arrêt Lobo Machado c/ Portugal, § 31 et arrêt Vermeulen c/ Belgique,
§ 33, AJDA, 1996, 1013, note Flauss, JCP 1997, I, 4000, n° 19, obs. Sudre,
Petites Affiches, 2 oct. 1996, note W. Sabete ; Recueil 1996-I, vol. 3, p.
195 et 224 ;RTDCiv. 1996, 1028, obs. Marguenaud ; 1997, 992, obs.
Perrot et 1006, obs. Marguenaud et Raynard ; RTDEurop. 1997, 373, note Fl.
Benoît-Rohmer, D. 1997, Som. com., 208, obs. Fricéro. Sur les rapports de la
Commission dans les mêmes affaires, Justices, 1996-3, 233, obs. Cohen-Jonathan
et Flauss. Et déjà, Commission, 28 juin 1995, avis Alkin c/ Autriche, AJDA,
1996, 384. Ces deux arrêts ont été analysés sous l’angle de la pratique
française par M. le Procureur général BURGELIN dans son allocution de rentrée de
la Cour de cassation le 10 janvier 1997 : Rapport de la Cour de cassation
1996, Doc. fr. 1997, 47.
[254] CEDH, 25
juin 1997, arrêt Van Orshoven c/ Belgique, D. 1997, Som. com. 358, obs.
Fricéro ; AJDA, 1997, 988, obs. Flauss. V. aussi les avis rendus par la Commission
contre la Belgique et qui vont dans le même sens : 4 sept., 16 oct.
1996 ; 15 janv. Et 21 mai 1997, cité par Flauss, AJDA, 1997, 988.
[255]
Commission, 10 oct. 1994, affaire Lassauzet et Guillot c/ France, AJDA, 1996,
384, obs. Flauss.
[256] CEDH, 22
février 1996, arrêt Bullut c/ Autriche, AJDA, 1996, 1013, note Flauss, JCP,
1997,I, 4000, n° 10, obs. Sudre ; Recueil, 1996-II, Vol. 5, p. 346.
[257] CEDH, 18
fév. 1997, arrêt Nideröst-Huber c/ Suisse, §23, Rec. 1997-1, Vol. 29, p.
101 ; AJDA, 1997, 987, obs. Flauss.
[258] CEDH, 25
septembre 1992, arrêt Pham Hoang c/ France, cité par Micel Jéol, Bull. inf.
Cass. 1 août 1995, P. 8.
[259] Cass.
Ass. plénière, 30 juin 1995.
[260] CEDH, 28
mars 1990, Clunet, 1991, 782, note P. T.
[261] CEDH 31
janv. 1996, Justices, 1997-5, 200, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; JCP 97,
I, 4000, n° 5, obs. Sudre. Avis de la Commission, 12 oct. 1994, Rec. 1996-I, p.
25.
[262]
Commission, 8 janv. 1993 et 2 mars 1994, Justices, 1996-3, 265, obs.
Cohen-Jonathan et Flauss.
[263] CEDH, 17
déc. 1996, série A, n° 722, arrêt Vacher c/ France ; Commission, 5 avril
1995, Justices 1996-3, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[264] CEDH, 23
oct. 1996, Levages prestations services c/ France, série A, n° 580, JCP 1997,
I, 4000, n° 23, obs. Sudre ; Justices, 1997-5, 197, obs. Cohen-Jonathan et
Flauss. Contra, Commission, 5 avril 1996, même affaire, Justices, 1996-3, 241,
obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; Clunet, 1997, 251, obs. P.B.
[265]
Commission, 9 janvier 1995, M. M. c/ France, Justices, 1996-3, 240, obs.
Cohen-Jonathan et Flauss. M. Santa-Croce, Le droit, l’honnête homme et
l’article 1009-1, D. 1997, chron. 239.
[266] CEDH, 24
nov. 1997, arrêt Werner c/Autriche, n° 682, Bull. du greffier, 24-28 nov. 1997.
[267] CEDH, 18
mars 1997, arrêt Foucher c/ France, D. 1997, Som. com. 360, obs. Renucci ;
RSC, 1997, 891, obs. Pettiti.
[268] CEDH, 23
oct. 1996, arrêt Ankerl c/ Suisse, Rec. 1996-V, Vol. 19, p. 1553.
[269] V.
L’interprétation de la CEDH, colloque organisé par l’Institut de Droit européen
des Droits de l’homme, Montpellier, 13-14 mars 1998.
[270] J. Cl.
Soyer, La loi nationale et la CEDH, Mélanges Foyer, PUF, 1997, 125 et s.
[271] CEDH, 9
déc. 1994, arrêt Ruiz, série A, n° 303-A, § 29 et arrêt Hilani, série A, n°
303-B, § 27, c/ Espagne, Justices, 1996-3, p. 236, obs. Cohen-Jonathan et
Flauss.
[272] CEDH, 17
déc. 1996, arrêt Saunders c/ Roy. Uni, § 74, AJDA, 1997, 988, obs. Flauss.
[273] M.
Delmas-Marty, Vers une autre logique juridique : à propos de la
jurisprudence de la CEDH, D. 1988, chron. 221.
[274] Rapport
précité, colloque du 22 mars, p. 180.
[275] CEDH, 22
sept. 1994, arrêts Lala et Pelladoah, série A, n° 297, A et B.
[276] Crim. 12
fév. 1996, D. 1996, Som. com. 260, obs. Pradel.
[277] CEDH, 13
mai 1980, arrêt Artico c/ Italie, série A, n° 37, § 36.
[278] Crim. 29
avril 1996, JCP 1996, II, 22 700, note (réservée) P. Chambon.
[279] Crim. 3
juin 1996, Bull. n° 277.
[280] Sur ce
problème, v. R. Abraham, Les incidences de la CEDH sur le contentieux
administratif français, RFDA, 1990, 1061. - J.- M. Woerling Le juge
administratif et les dispositions de la CEDH relatives aux accusations en
matière pénale, RFDA, 1994, 41 - Ravanas, note au D. 1994, 387.
[281] CE, 8
déc. 1995, arrêt Mouvement de défense des automobilistes, JCP 1996, IV, p.
44 ; RFDA, 1996, 166.
[282] Crim. 26
juin 1996, Bull. n° 277.
[283]
Commission, 29 mai 1997, affaire J. Malige c/ France, Gaz. Pal. 29 juill. 1997,
note G. Rio et Th. Berthelot ; ibid. 24 janv. 1998, note XXX ;
AJDA, 1997, 981, obs. Flauss.
[284] CEDH, 27
fév. 1980, arrêt Deweer c/ Belgique, série A, n° 35, § 49 : « en un
domaine qui relève de l’ordre public des états
membres du Conseil de l’Europe, une mesure ou une solution dénoncées comme
contraire à l’article 6 appellent un contrôle particulièrement attentif »
[285] CEDH, 10
fév. 1983, arrêt Albert et Le Compte, série A, n° 58,§35 ; V. Berger, op.
cit. n° 48, p. 155.
[286] CEDH, 25
fév. 1992, arrêt Pfeifer et Plankl, série A, n° 227, §38.
[287] CEDH, 27
fév. 1980, série A, n° 35, §49.
[288] CEDH, 12
fév. 1985, arrêt Colozza c/ Italie, série A, n° 89, § 27. Commission, rapport
du 5 mai 1983, série B, n° 72.
[289] CE 8 déc.
1995, Mouvement de défense des automobilistes, JCP 1996, IV, 44 ; RFDA,
1996, 166.
[290]
Commission, rapport du 29 mai 1997, affaire Maligue c/ France, Gaz. Pal. 29
juill. 1997, Doctr. G. Rio et Th. Berthelot ; AJDA, 1997, 981, obs.
Flauss.
[291] Crim. 19
juin 1996, Bull. n° 263.
[292] Crim. 13
nov. 1996, D. 1997, IR, 13.
[293] Cass.
Ass. Plénière, 28 juin 1996, JCP 1996, I, 3972, obs. Périnet-Marquet ;
ibid., II, 22 712, note Mémeteau ; D. 1996, 497, concl. Weber et note J.M.
Coulon.
[294] Crim. 18
déc. 1996, Dr. pénal ; juin 1997, n° 86, obs. Maron.
[295] Flash
Dalloz, 1998, 1er cahier.
[296] Arrêt
Mouillot, Noir, Patrick Poivre d’Arvor et autres, D. 1997, 334, note
Renucci ; JCP 1997, II, 22823, note Pralus ; Justices-1997-3, 193,
obs. D. Rebut ; Dr. pénal, 1997, comm. 63, obs. J.-H. Robert ; Rev.
sociétés, 1997, 693, obs. Bouloc ; RTDCom. 1997, 693, obs. Bouloc ;
Dr. affaires, 1997, 780, note H. Matsopoulou.
[297]
Commission, affaire Huber, c/ Autriche, Annuaire de la Convention, vol. 18,
§67.- Affaire Hätti c/ RFA, Annuaire de la Convention, vol. 19, § 50.
[298] Didier
Rebut, obs. préc. p. 193.
[299] B.
Bouloc, obs. préc. p. 156.
[300] Ibid.
[301] Crim. 27
oct. 1997, Les Petites affiches, 1997, n° 134, note C. Ducouloux-Favard ;
JCP 1998, II, 10017, note Pralus.
[302] Civ. 1ère,
24 oct. 1995, D. 1996, 513, note Massip.
[303] CEDH, 24
fév. 1995, X. c/ Royaume Uni, série A, n° 308, D. 1995, 449, note M. Huyette.
[304] Civ. 1ère,
3 mars 1994, Bull. I, n° 73 ; JCP 1993, II, 21997, note (crit.) E. du
Rusquec ; RTDCiv. 1993, 199, obs. (crit.) Perrot et 881, obs. (crit.)
Normand. - Civ. 2ème, 13 mars 1996, D. 1996, Som. com. 356, obs.
(crit.) Julien. - Vincent et Guinchard, op. cit. n° 527, c), 3, in fine, p.
399.
[305] Bull.
Assemblée plénière, juillet 1994, p. 9.
[306] CEDH, 19
avr. 1994, AJDA, 1995, 138, obs. Flauss ; 9 déc. 1994, JCP 1995, I, 3823,
n° 19, obs. Sudre.
[307] J. Cl.
Soyer, La loi nationale et la CEDH, Mélanges Foyer, PUF, 1997, 127.
[308] Décision
DC 96-377, 16 juill. 1996, J.O. 23 juillet 1996, p. 11 110.
[309] CEDH, 24
nov. 1997, arrêts Szücs c/Autriche et Werner c/Autriche, n° 681 et 682, Bull.
du greffier, 24-28 nov. 1997.
[310] J.Fr.
Burgelin, in Rapport de la Cour de cassation pour 1996, Doc. fr. 1997, p. 47.
[311] Vincent
et Guinchard, Procédure civile, 24ème éd. 1996, n° 11.
[312] Bruylant
éd. 1996, p. 81.
[313]
Cohen-Jonathan, Rapport au colloque du 22 mars 1996 préc., p. 170.
[314] CEDH, 23
fév. 1995, série A, n° 306-B, AJDA, 1995, 721, obs. Flauss.
[315] Ibid., p.
722.
[316] CEDH, 24
fév. 1995, arrêt Mc Michaël c/ Royaume Uni, série A, n° 307-B, § 87.
[317] CEDH, 7
août 1996, arrêt Zubani c/ Italie, AJDA, 1996, 1007, obs. Flauss.
[318] Opinion
des juges Martens et Matscher sous CEDH, 25 avril 1996, arrêt Gustafsson c/
Suède, AJDA, 1996, 1007, obs. Flauss.
[319]
Commission, 10 mai 1994, affaire Saunders c/ Royaume Uni, Justices, 1996-3, p.
244, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. CEDH, 17 déc. 196, même affaire, Rec.
1996-VI, Vol. 24, p. 2024.
[320] CEDH, 20
oct. 1997, arrêt Serves c/ France, Bull. du greffier de la Cour, p. 6.
[321] CEDH, 24
juin 1993, série A, n° 253, arrêt Schuler-Zgraggen.
[322]
Commission, 19 mai 1994 et CEDH, 23 octobre 1995, affaire Gradinger c/
Autriche, Justices, 1996-3, p. 249, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[323] Crim. 20
juin 1996, D. 1997, 249, note Tixier et Lamulle.
[324] CE, Avis,
4 avril 1997, Jammet, Req. n° 183658 : Courrier juridique des finances,
mai 1997, p. 6 ; D. 1997, IR, 125.
[325] Conseil
de la concurrence, décision n° 95-D-76, 29 novembre 1995, BOCC, 15 mai 1996,
174.
[326] Décision
déc. 97, D.21, Appareils de détection des métaux, BOCCRF, n° 12, 8 juill.
1997 ; Justices, 1997-8, 159, obs. L. Idot.jj
[327] CJCE, 13
février 1969, arrêt Walt Wilhem, aff. 14/68 : Rec. p. 1.
[328] Rapport
du 19 janv. 1995, AJDA, 1995, p. 140, obs. Flauss ; Justices, 1996-3, p.
230, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[329] CEDH, 25
oct. 1988,arrêt Martins Moreira, série A, n° 143, § 44 ; 24 mars 1994,
arrêt Silva Pontès, série A, n° 286-A, § 33 ; Justices 1995-1, p. 170,
obs. Cohen-Jonathan et Flauss. 26 sept. 1996, arrêts Zappia et Di Pedde c/
Italie, JCP 97, I, 4000, n° 28, obs. Sudre ; D. 1997, Som. com. 209, obs.
Fricéro.
[330] CEDH, 28
sept. 1995, arrêt Scollo c/ Italie, série A, n° 315-C, § 44 ; Justices,
1996-3, p. 238, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[331]
Commission, affaire D. et AAH (Hornsby) c/ Grèce, rapport du 23 octobre 1995,
AJDA, 1996, 381, obs. Flauss.
[332] CEDH, 19
mars 1997, série A, n° 147, Dr. adm. mai 1997, n° 185 ; AJDA, 1997, 986,
obs. Flauss ; JCP 97, II, 22949, note Dugrip et Sudre ; RTDCiv. 1997,
1009, obs. Marguenaud et Raynard.
[333] J. Cl.
Soyer, loc. cit., p. 137.
[334] Voy. À
propos des déclarations du président de la Chambre criminelle dans l’affaire du
sang contaminé : « nous ne sommes pas capable de dire s’il y a
empoisonnement. Le problème reste entier. La tromperie et l’empoisonnement sont
deux faits juridiques distincts » (déclaration du 22 juin 1994). Un mois
après un médecin déjà poursuivi pour tromperie était mis en examen pour
empoisonnement...Sur l’ensemble de cette question, v. Maurice Peyrot, Le Monde,
17 janvier 1997.
[335] Com. 18
juin 1996 : Rev. Sc. Crim. 1997, 137, note J. Riffault-Tréca (qui casse
Paris, 6 avril 1994, sur le fondement de l’article 6).- Paris, 15 janvier 1993
et 7 mai 1997 : Gaz. Pal. 29 mai 1997, Flash.- Contra, Paris, 10 sept.
1996 : Petites affiches, 23 octobre 1996, note Ducouloux-Favard ;
Rev. Sc. Crim. 1997, 137, note J. Riffault-Tréca (les faits reprochés ne
permettaient pas de les identifier aux manquements reprochés et la décision de
poursuivre et celle de sanctionner le dirigeant de société ont été prises par
un collège autrement composé).
[336] Paris, 7
mai 1997, affaire Oury, RD bancaire 1997, mai/juin, n° 61 ; Justices,
1997-8, 161, obs. L. Idot. Et déjà, Paris, 15 janv. 1993, arrêt Derveloy, RD
bancaire, 1993, 93.
[337] V. pour
et contre la prescription des crimes contre l’humanité, J. Boré, Le Fiagaro, 6
octobre 1997 et, en réponse, A. Lyon-Caen, Le Figaro, 20 oct. 1997.
[338] CEDH, 22
oct. 1996, arrêt Stubbings et autres c/ Royaume Uni, Rec. 1996-IV, Vol. 18, p.
1487.
[339] CEDH, 23
mars 1995, arrêt Loizidou, série A, n° 310, § 75.
[340] V.
Lenoble, in La crise du juge, LGDJ et Story scientia éd.1990.
[341] Cité par
Pierrette Poncela, Adrien Duport, fondateur du droit pénal moderne, Droits,
1993, n° 17.
[342] Corpus
juris, sous la direction de Mireille Delmas-Marty, économica, 1997. Antoinette Perrodet, Étude comparée des
Ministères publics anglais, gallois, écossais, français et italien, Vers un
Ministère public de type européen, thèse (dacty.) Paris 1, 1997, spéc. la
conclusion.
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