SOMMAIRE
I – LES TROIS APPROCHES DU DROIT PROCESSUEL
II – DROIT PROCESSUEL CLASSIQUE, NÉO-CLASSIQUE OU EUROPÉANISTE ?
III – DROIT PROCESSUEL EUROPÉEN ET DROIT PROCESSUEL NATIONAL
I – NOTION ET CONTENU DU DROIT PROCESSUEL
JANVIER 2017
section 1 - notion et
évolution du droit processuel
Méthodologie
des approches du droit processuel
Nous
procéderons par approches successives, par petites touches impressionnistes, en
partant des analyses doctrinales en vigueur à la naissance de ce droit, en
portant ensuite notre regard sur une brève analyse étymologique de
l’expression, avant de terminer par une approche plus contemporaine, fondée sur
l’observation des grandes mutations du droit du procès, telles que
conceptualisées par la doctrine processualiste la plus moderne et nourrie de
l’idée de garantie des droits fondamentaux[1] :
– approche
historique en premier lieu, pour constater que le droit processuel fut
d’abord envisagé comme une simple comparaison des trois principales procédures,
administrative, civile et pénale ;
– approche
étymologique ensuite, pour essayer de dégager ce que l’expression porte en
elle intrinsèquement et symboliquement, dans la force des mots tels que la
langue française nous permet de les comprendre et de les prononcer ;
– approche
socio-juridique contemporaine enfin, pour ne pas dire plus moderne et
mondialiste, en ce sens que l’observation (par la doctrine essentiellement,
mais pas exclusivement) de l’évolution des sources de toutes les procédures,
qu’elles soient civiles, pénales, administratives ou autres, laisse apparaître
l’émergence d’un nouveau droit processuel, envisagé, sous le bénéfice d’une
attraction par les droits fondamentaux, comme un droit commun (et comparé) du
procès équitable, qui transcende tous les contentieux.
§ 1. Approche
historique
Le droit
processuel traditionnel envisagé comme le droit comparé interne des procédures :
une vision du passé et dépassée
a) Exposé. C’est l’approche
la plus classique, celle qui a inspiré, au milieu des années 1960, la création,
portant l’intitulé de « droit processuel », d’un cours de procédure
comparée dans le cursus des Facultés de droit qui conduisait au
« Certificat de droit processuel[2] », cours généralement
confié aux Centres d’études judiciaires [3], ancêtres des Instituts
d’études judiciaires et dont il subsiste, ici ou là, quelques exemples de son
enseignement, en master 1 de carrières judiciaires. Ce cours s’intégrait dans
une réforme du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat, dont le
programme fut revu en 1965 afin d’y inclure, par une proposition d’Henri
Motulsky à Jean Foyer, garde des Sceaux du Général de Gaulle, sous le nom de
droit processuel, « une synthèse des grands types de procédures suivies
en France devant nos trois ordres de juridiction » [4].
Accueilli « d’enthousiasme » [5], le projet consistait à
comparer trois contentieux, administratif, civil et pénal, dans les trois
grandes théories qui illustrent chacun d’eux : l’action en justice,
l’activité juridictionnelle (juridiction et acte de juger), l’instance. Chemin
faisant, au-delà de la comparaison des techniques procédurales communes ou
propres à chacun, étaient introduits des éléments de réflexion sur la nature du
droit d’agir en justice, les critères de l’acte juridictionnel et la notion
d’instance. Pour ceux qui ont suivi cet enseignement et qui s’en souviennent,
point n’était question de droits fondamentaux d’origine constitutionnelle ou
internationale !
b) Une vision du passé. C’est Visioz qui,
le premier, a parlé en France, en 1927 de « droit de la procédure »
[6], tout
en convenant que l’expression « droit processuel » serait peut-être
préférable ; et il ajoutait que « l’expression [droit de la procédure] n’est pas encore
reçue en France et aura sans doute de la peine à s’y acclimater » [7]. Mais
elle était déjà connue en Italie [8]. Motulsky[9], dans
son célèbre cours de « droit processuel », publié post-mortem,
assignait comme objectif au droit processuel : « approfondir et
comparer ou approfondir en comparant » [10]. S’interrogeant sur ce
néologisme que constitue le mot « processuel » Motulsky le
jugeait « défendable », pour trois raisons : l’absence,
en droit français, d’adjectif pouvant être accolé au mot « droit »,
l’adjectif « procédural » n’étant pas plus reçu que celui de
« processuel » ; l’acclimatation du terme de
« processualiste », en provenance de l’italien « processuale »
(on n’oubliera pas que les Italiens sont, depuis le droit romain, les maîtres
de la procédure) ; enfin, la comparaison avec le mot
« consensuel », autrefois considéré comme un néologisme et
aujourd’hui admis dans tous les dictionnaires : Motulsky prédisait au
néologisme « processuel » le même avenir qu’au néologisme
« consensuel ». L’avenir lui a donné raison, même si le contenu qu’il
envisageait relève d’une vision dépassée [11].
c) Une vision dépassée. L’ambition de
Motulsky de comparer les trois « grands » contentieux est louable,
mais c’était il y a plus de cinquante ans et, très vite, elle a rencontré ses
limites, d’ordre pratique et conceptuel.
- Sur le plan pratique, comment en effet, comparer des contentieux
qui sont, par nature, par culture, extrêmement différents, à tel point qu’on
peut se demander si leur comparaison présente un intérêt autre qu’archéologique ?
Bien sûr, on peut toujours comparer tout à tout et à son contraire, mais dans
quel but si, au final, les institutions sont si différentes qu’on ne peut en
tirer aucun enseignement d’ordre théorique et aucune utilité pratique ? Si
l’on prend, par exemple le principe de la contradiction, il n’a pas le même
sens dans une procédure répressive où il y a un accusé et un accusateur, et en
procédure civile où cette opposition n’existe pas ; quant à la procédure
administrative, elle est restée trop longtemps empreinte de prérogatives de la
puissance publique pour avoir pu fournir un élément satisfaisant de
comparaison, mais ce dernier trait tend à disparaître sous la double influence
de la réception de la jurisprudence de la Cour EDH et du Conseil constitutionnel
(par le filtrage des questions prioritaires de constitutionnalité qui lui sont
posées) et du dynamisme prospectif que le Président Jean-Marc Sauvé a su donner
au Conseil d’État.
- Sur un plan plus théorique, la même remarque a été faite par l’un
de ceux qui, pourtant, défendent avec talent, la notion classique de droit
processuel ; à propos de l’office du juge – et après avoir regretté que la
démarche processuelle comparatiste soit « aujourd’hui injustement
ringardisée », l’auteur relève, pour conclure sur la restitution par
le juge de l’exacte qualification des faits, que « le droit comparé
doit aussi respecter et révéler les différences » et qu’une « procédure
est d’abord le reflet d’une matière substantielle », que si « le
juge civil, comme le juge pénal, est tenu de restituer aux faits leur exacte
qualification… derrière cette similitude formelle il y a une différence de
nature » [12]. On ne
saurait mieux dire que la conception classique du droit processuel (à base de
comparaison des procédures internes) débouche sur une impasse [13],
malgré un vibrant plaidoyers en sa faveur et le vœu (pieu ?) d’un « retour vers le futur »[14], plaidoyer qui
occulte complètement la nouvelle summa
divisio du droit du procès, qui aujourd’hui passe entre la matière civile
et la matière pénale, quelle que soit la
procédure utilisée ; il faut tout de même ne pas oublier que la
matière pénale relève aujourd’hui de cinq catégories de juridictions ou
d’autorités : les juridictions répressives, bien évidemment, mais aussi les
juridictions administratives (par exemple pour les contraventions de grande
voirie et sur recours des décisions de certaines autorités administratives
indépendantes), l’administration lorsqu’elle est habilitée à prononcer des
sanctions pénales, les autorités administratives indépendantes et, sur recours,
les juridictions civiles statuant en « matière pénale » ; c’est
le cœur du sujet de la controverse : le centre de gravité n’est plus
« procédure pénale » ou « procédure civile » ou
« procédure administrative » (ou financière, disciplinaire, etc.),
mais matière civile et matière pénale sous la protection de la garantie des
droits fondamentaux ; c’est ce déplacement du centre de gravité qui
explique que le droit de l’Union européenne est en train de passer, en droit du
procès, de la pure technique juridique procédurale des instruments de
coopération internationale aux principes qu’il entend imposer aux états membres pour garantir les droits
fondamentaux. Comment ne pas voir ce mouvement qui crève les yeux, sauf à être
aveuglé par sa lumière ? On cherche vainement dans les ouvrages
contemporains qui se réfèrent encore à cette tradition, la traduction concrète
de cette ambition de tirer des enseignements utiles de la comparaison des
contentieux internes ; la juxtaposition de leurs règles techniques
l’emporte sur la fusion de leurs concepts. La raison en est sans doute dans
l’absence d’une clef d’utilisation des comparaisons procédurales par ceux qui
se contentent de comparer les contentieux entre eux, sans posséder cette
clef ; comme l’a justement noté un auteur, la comparaison des procédures
n’est guère utile « si l’on ne s’en
sert pas comme une entrée pour accéder à une culture juridique »[15], à
base de droits fondamentaux comme nous allons le préciser. La comparaison des
techniques procédurales ne sert à rien si elle ne s’enracine pas dans la
recherche d’un sens à donner aux mécanismes procéduraux. Il reste cependant, et
il ne faut donc pas condamner totalement ces efforts de comparaison [16], que
ce que l’une des procédures connaît au plus haut niveau peut inspirer des
réformes pour d’autres contentieux ; ainsi, pour reprendre l’exemple du
principe de la contradiction, les principes développés en procédure civile
peuvent aider la procédure administrative à s’émanciper de ses traditions
issues de l’idée, toujours sous-jacente dans ce type de contentieux, que « juger
l’administration, c’est encore administrer ». Encore que les standards
internationaux du procès équitable permettent de passer directement de
l’impulsion à la réalisation concrète dans tel ou tel contentieux, sans passer
par le prisme d’un autre contentieux national !
En
effet, le droit processuel d’aujourd’hui dépasse la simple comparaison des
trois principaux contentieux et se trouve irrigué par des standards communs à
tous les procès, nationaux ou internationaux, peu important qu’ils relèvent de
la matière civile ou de la matière pénale, standards provenant de sources
internationales, pour l’essentiel européennes, mais aussi de sources constitutionnelles,
notamment depuis l’instauration de la question prioritaire de
constitutionnalité. Le droit processuel a changé de dimension ; il n’est
plus le droit des procéduriers qui
réfléchissent sur leur discipline en comparant les divers contentieux dans leur
pure technique procédurale[17], mais
le droit de ceux qui s’intéressent aux sources communes d’inspiration de tous
les contentieux, à leurs fondements, aux principes de droit naturel qui
s’imposent dans la conduite de tous les procès [18]. Le droit processuel, dans
une approche plus moderne, qui complète la première sans l’exclure totalement
(mais en la marginalisant), c’est le droit du procès, de tous les procès, c’est
l’étude des droits fondamentaux du procès, comme on va le préciser dans un
instant, après avoir dit quelques mots sur l’étymologie de l’expression.
§ 2. Approche
étymologique
Le droit
processuel, droit du procès. Dans « processuel », il y a
procès et le droit processuel, c’est, tout naturellement et brièvement parlant,
le droit du procès, de tous les procès. Mais il y a aussi dans
« processuel », une prolongation de la racine « procès »
par une terminaison dont l’analyse littérale apporte quelques
éclaircissements :
– le
suffixe « el » souligne une ambition en laissant le mot en
suspension ; il marque une sorte d’élévation de l’idée de procès. Cela n’a
rien de surprenant si l’on veut bien se souvenir que, dans les langues
sémitiques, « El » désigne Dieu : Dieu du ciel et
créateur dans les religions des anciens sémites occidentaux ; père des
dieux dans les poèmes d’Ougarit ; l’un des noms du Dieu d’Israël dans la
Bible ; il entre fréquemment dans la composition des noms propres
hébraïques (cf. Samuel, Bethel, Emmanuel) [19].
– la
syllabe « ssuel » fixe un objectif à atteindre dans la durée
et le double « s » souligne cette langueur en laissant traîner
la langue sur les deux dernières syllabes, sur « cessuel » ;
– quant
à la consonance finale (« uel ») elle laisse entendre une
certaine noblesse (comme dans « conceptuel »), sans doute pour
compenser la mauvaise réputation de la procédure, qui, qu’elle soit civile,
pénale, administrative ou autre, est toujours considérée comme l’apanage des plaideurs mesquins,
sans doute en raison de son caractère aride
et complexe. Si la procédure est vraiment comme on a pu l’écrire d’une
manière imagée et provocatrice, une
fille de Thémis à la mauvaise réputation, le droit processuel lui
apporte sa composante scientifique, la transforme de simple technique
d’organisation du procès en fils de
Janus à la hauteur de notre devise républicaine et de la protection de nos
droits fondamentaux. C’est ce volet « protection des droits
fondamentaux » qui a aujourd’hui considérablement transformé la technique
procédurale, quelle qu’elle soit ; ce volet c’est le nouveau droit
processuel ainsi envisagé comme la science de la procédure et non plus
seulement comme le « droit de la procédure » [20].
Progressivement, tout un droit commun du procès se construit sous nos yeux, par
l’impulsion que donnent à tous les contentieux, au-delà de leurs divergences
congénitales, les sources supra-législatives de ce droit.
§ 3. Approche
socio-juridique contemporaine
Une évolution
moderne et mondialiste. Les mutations du droit du procès à l’époque
contemporaine (A) traduisent et induisent une nouvelle conception du droit
processuel, complètement attrait, par les instruments internationaux de
protection des droits de l’homme, à la garantie des libertés et droits
fondamentaux (B).
A. Un constat : les mutations
du droit du procès
Les trois changements
qui affectent le droit du procès. Si l’on s’interroge sur les changements
intervenus dans le droit du procès ces dernières années [21], on
peut mettre en perspective, au-delà des réformes ponctuelles propres à chaque
type de contentieux[22], trois
mouvements qui ne peuvent se réduire à l’étude des changements de textes, même
si ceux-ci restent importants, le passage obligé de toute réflexion sur le
droit du procès.
a) Les
changements dans les textes de procédure. L’étude de ces textes permet de
mieux appréhender les grandes évolutions, conscientes ou non, de notre justice.
Par exemple, la loi no 95-125 du 8 février 1995 est la
première loi commune aux trois principaux contentieux, ce qui aurait pu traduire
l’émergence d’un fonds commun procédural, en tout cas de préoccupations
communes à toutes les justices, au-delà de simples problèmes d’organisation
judiciaire ; mais sa structure révèle bien, au-delà des questions de
conciliation, le particularisme de chacun. De même, le décret no 98-1231
du 28 décembre 1998, d’apparence très austère et d’une grande technicité,
par sa rédaction formelle, par les matières concernées, traduisait-il un triple
besoin (toujours d’actualité) : une justice civile plus proche du
justiciable par des mesures de simplification de l’accès au juge, plus
consensuelle par la création d’une nouvelle cause de suspension de l’instance
en vue de favoriser les pourparlers entre les parties engagées dans un procès
(le retrait conventionnel de rôle), la simplification du recours à la conciliation
devant le juge d’instance, la possibilité de demander au président du TGI de
conférer la force exécutoire à une transaction privée ; une justice plus
rapide, avec des dispositions tendant à faciliter le travail du juge
(assignation qualificative, conclusions qualificatives et récapitulatives,
rédaction simplifiée du jugement), l’accélération et l’amélioration de
l’instruction des affaires civiles et la création d’une véritable justice de
l’urgence [23]. Les
textes issus des travaux de la commission Guinchard
(du nom de son président) sur la réorganisation des contentieux et la
déjudiciarisation traduisent bien ce souci d’un équilibre entre d’ambitieuses
réformes, souvent irréalisables parce qu’irréalistes, et le besoin accru de
mettre le justiciable au centre des réformes, ce que porte l’intitulé du
rapport L’ambition raisonnée d’une justice apaisée,
remis à la garde des Sceaux le 30 juin 2008[24] (v. infra, ce numéro, c). Les propositions des commissions Delmas-Goyon et Marshall (2013), qui reprennent et prolongent les propositions de
la commission Guinchard, en
constituent le contre-exemple : expression d’un travail de qualité, mais trop
ambitieuses, elles n’ont, pour l’instant, produit que le projet déposé le 31
juillet 2015, pompeusement intitulé « Justice
du XXIème siècle » et en voie d’être voté sous un nouvel intitulé plus
conforme à son contenu « action de
groupe et organisation judiciaire ». Ces analyses législatives et ces
synthèses doctrinales doivent, bien sûr, être menées pour mesurer les changements
intervenus dans notre procédure, mais elles ne sauraient suffire à une bonne
compréhension de l’évolution du droit processuel, car le droit du procès se
nourrit aussi des pratiques procédurales.
b) Les
changements dans les pratiques procédurales. Au-delà des textes, ce qui
compte aujourd’hui pour apprécier ce qui a changé dans le droit du procès,
c’est le regard porté sur les pratiques des tribunaux, sur les pouvoirs dont
les juges disposent réellement dans le déroulement des procès. En matière procédurale
plus qu’en tout autre domaine, les textes ne sont rien quant à l’appréhension
de la réalité d’une procédure ; en tout cas ils sont insuffisants à une
bonne compréhension du problème. Chacun sait bien qu’en matière de mise en état
des affaires civiles en France, il y a plusieurs types de pratiques, plus ou
moins éloignées du schéma officiel contenu dans le Code de procédure civile,
qu’il s’agisse du contrat de procédure ou de la transformation dans les faits
de la conférence du président, pour mieux la valoriser [25]. C’est
dire que la procédure est ici officiellement élaborée par ceux qui la
pratiquent, la créent au quotidien, sans même parler ici des protocoles de
procédure entre les juridictions et les barreaux qui se sont multipliés ces
dernières années (v. ss 203-1). D’où l’intérêt de connaître ces pratiques, de
les rechercher. Et ce regard doit se porter aussi sur les pratiques étrangères,
non pas par fascination de ce qui se fait ailleurs et qui serait nécessairement
meilleur que chez nous, mais pour mieux comprendre l’influence des droits
étrangers, des grandes mutations des systèmes juridiques contemporains sur
l’évolution de nos schémas procéduraux[26]. Ainsi, dans l’État de New
York et dans la procédure applicable devant les tribunaux fédéraux américains,
les règles de procédure n’émanent pas toutes de l’autorité législative, puisque
les Cours sont autorisées, sous certaines conditions, à modifier ces textes,
pour tenir compte de leurs pratiques. Deux questions doivent être posées :
y a-t-il ou non un rapprochement entre le droit du procès français et les
principaux systèmes étrangers ? Ce rapprochement, s’il existe, ne
traduit-il pas une mondialisation du droit du procès ?
c) Les
changements dans les attentes des justiciables. Ces pratiques
traduisent-elles un changement profond de la conception même de notre droit
procédural, de la relation des justiciables à leur justice, pour ne pas dire à
leur juge ? Répondent-elles à l’attente des citoyens, aux besoins des
justiciables ? Et d’abord quels sont ces besoins ? Quelles sont les
demandes des Français quant à leur justice, quant à leurs procès ? Sans
doute une préoccupation d’une justice peu onéreuse, rapide et à l’écoute de
leurs préoccupations. Mais retrouve-t-on dans le domaine de la justice, dans le
déroulement des procès, entre les parties, entre les parties et le juge et même
entre les parties et le parquet, ce besoin moderne de dialogue,
d’interactivité, de démocratie plus forte, qu’on l’appelle participative ou
non, besoin que les moyens technologiques contemporains permettent, en dehors
du champ du procès, de satisfaire plus aisément que par le passé (on pense aux
réseaux sociaux) ? Si la finalité de la procédure est de faciliter une
solution rapide mais juste du procès, ce que certains systèmes étrangers
mettent en exergue dans leurs textes de procédure [27], le droit français du
procès satisfait-il à cette attente ? Ce sont ces besoins (d’une justice
plus accessible, plus lisible, plus sereine) qui ont été pris en considération
dans les rapports des commissions Guinchard
(2008), Delmas-Goyon et Marshall (2013)
(du nom de leurs présidents) qui viennent d’être cités.
Les trois métamorphoses du droit du procès. Trois axes nous
semblent devoir caractériser les métamorphoses contemporaines du droit du
procès :
a) En premier lieu, l’emprise
croissante des droits fondamentaux. Sous l’influence prépondérante des
instruments internationaux de protection des libertés et droits fondamentaux,
la procédure, comme l’ordre juridique en général [28], se trouve placée
aujourd’hui sous l'emprise de ces droits, à la garantie desquels, d’ailleurs,
elle participe pleinement, à tel point que l’on peut désormais parler de droits
fondamentaux du procès (les fameux « droits de procédure » [29]
évoqués aux Conseils européens de Cologne et Tampere au moment de l’élaboration
de ce qui allait devenir la Charte des droits fondamentaux de l’UE) et qu’il
existe un véritable droit substantiel à un procès équitable conforme aux exigences
d’un État démocratique, c’est-à-dire aux garanties fondamentales d’une bonne
justice [30], même
si la culture des droits de l’homme n’est pas encore totalement acceptée en
France[31], quand
elle n’est pas tournée en dérision sous l’expression, qui se veut péjorative, « vous êtes un
droit-de-l’hommiste ».
b) En deuxième lieu, la mondialisation
et la modélisation du droit du procès. La modélisation du droit du procès (qui
fera l’objet de notre seconde partie)[32]
par la mondialisation de ses sources (étudiées en première partie) [33] constitue
le deuxième axe de ce qui a changé et change encore dans notre procédure, au
début du troisième millénaire. Des modèles de procès apparaissent, empruntant à
plusieurs traditions juridiques, mais avec un fonds commun universel, celui qui
correspond, précisément, aux garanties fondamentales d’une bonne justice que
nous venons d’indiquer ; ainsi, si un rapprochement s’opère entre les
procédures accusatoire et inquisitoire, c’est toujours dans le respect de ce
modèle universel, celui du procès équitable. C’est en ce sens, mal compris
d’une certaine doctrine (en des termes si durs, qu’ils paraissent plus inspirés
par la passion que par la raison et traduire sans doute un certain dépit envers
une opinion originale et visionnaire exprimée avec force dès 1999, à
contrepoint d’une vision très « technique procédurale » du droit du
procès, sans aucune vision prospective)[34],
que le droit processuel est, pour nous, à la fois de droit commun et de droit
comparé : commun parce qu’universel, de droit comparé parce qu’il s’adapte aux particularismes nationaux, en
épouse les nuances dans le respect des garanties fondamentales d’une bonne
justice, ce qui suppose de connaître les applications nationales du modèle.
c) En troisième lieu,
l’émergence de principes structurants du procès. La procédure
elle-même, dans ce qu’elle a de plus technique, se renouvelle, avec une
intensité plus ou moins forte selon le type de contentieux et selon le
calendrier des réformes gouvernementales, donc sous la dépendance des aléas des
majorités politiques, ce qui ne va pas sans inconvénients en matière de
procédure pénale, où la passion l’emporte souvent sur la raison. Cette
évolution de la technique des procès laisse entrevoir un point commun, une
ligne de force, l’émergence de nouveaux principes de conduite des procès qui
traduisent un triple besoin : le dialogue pour assurer l’écoute de l’Autre
et c’est le principe du contradictoire ; un degré de confiance entre
adversaires et dans le juge si l’on veut obtenir une justice de qualité et
c’est le principe de loyauté procédurale ; la célérité enfin, forme
moderne du besoin de proximité, le facteur temps l’emportant sur celui de
l’espace (les kilomètres ne comptent pas pour accéder au juge, mais le temps
oui, de même que le temps mis à rendre une décision de justice. Les rôles
respectifs du juge, des parties, du ministère public, s’en trouvent modifiés et
en ce sens on peut parler de principes
structurants qui transcendent les principes directeurs propres à chaque
type de contentieux.
Ces
changements, ces métamorphoses des procédures et du droit du procès, induisent
une nouvelle conception du droit processuel qui devient ainsi le droit commun
du procès, de tous les procès, sous l’angle de la protection des libertés et
droits fondamentaux.
B. Une conséquence : le droit
processuel,
droit commun du procès
droit commun du procès
Le nouveau droit
processuel dans la garantie des libertés et droits fondamentaux. On assiste
actuellement, sous l’influence conjuguée des normes supra-nationales et des
auteurs tant français qu’étrangers qui s’intéressent à ce mouvement
d’internationalisation et de constitutionnalisation des procédures (et qui le
conceptualisent), à la création progressive, mais inéluctable, d’une science de
la procédure, d’un nouveau droit processuel envisagé comme un droit commun à
tous les types de contentieux[35].
L’apport
de la doctrine est essentiel dans cette reconstruction du droit
processuel ; il l’a d’ailleurs toujours été, ne serait-ce qu’en raison de
la spécificité historique d’une discipline sur laquelle planent l’ombre
majestueuse et l’empreinte magistrale d’Henri Motulsky, ce maître incontesté du
droit du procès, jamais égalé, jamais remplacé ; ainsi que le soulignent
d’éminents auteurs processualistes contemporains, « œuvre doctrinale,
le droit processuel s’élève [on remarquera l’utilisation du verbe s’élever
qui corrobore notre remarque précédente sur l’idée d’aspiration à quelque chose
d’ambitieux en matière de procès] à un degré supérieur de généralité par la
comparaison des divers types de procès » [36]. La Suisse a illustré ce
mouvement, car elle a connu ce phénomène de
l’émergence d’un droit processuel, socle commun à toutes ses procédures
cantonales (27 jusqu’au 1er janv. 2011), grâce à l’action conjointe
de la doctrine et du Tribunal fédéral, lequel, « tout au long du xxe siècle
a œuvré pour assurer un socle commun aux droits cantonaux de procédure civile,
par le biais des droits fondamentaux »[37]. Le parallélisme avec le
système européen né de la Convention EDH et de l’Union européenne est
saisissant : aux cantons correspondent les États membres du Conseil de
l’Europe ou de l’UE qui se retrouvent dans un socle commun de droits
fondamentaux, ce qui prouve, au passage, combien notre idée d’un droit
processuel, « droit commun et droit comparé du procès équitable »,
soulignée en sous-titre du Précis de
droit processuel dès la 3e édition en 2005 était pertinente et
visionnaire et correspond bien au partage entre des droits procéduraux
nationaux et un droit processuel européen, voire universel[38].
Mais
cet apport doctrinal n’est plus seul en cause et ne peut être réduit à la
comparaison des contentieux ; la vision d’un droit processuel qui ne
serait qu’un droit savant est aujourd’hui dépassée et, pour tout dire,
erronée [39].
Certes la doctrine lui apporte encore beaucoup, mais l’essentiel provient
d’ailleurs, de ce vaste mouvement de mondialisation de la procédure, de toutes
les procédures, sous les coups de boutoir des sources d’impulsion
supra-législatives. Sans négliger les nuances qui peuvent encore exister entre
les divers contentieux, nuances qui subsisteront encore longtemps, le nouveau
droit processuel c’est aujourd’hui un droit bien assis sur des principes
fondamentaux, sur un socle de standards qui transcendent les particularismes
nationaux des divers contentieux. Un fonds commun processuel est né et se
développe tous les jours ; de ce fonds commun se dégage une science de la
procédure qui ne néglige pas les grandes théories classiques du procès
(théories de l’action, de la juridiction et de l’instance), mais les englobe et
les dépasse.
Le
droit du procès a donc changé, sans doute parce que la simple comparaison des
trois grands contentieux, fort différents dans leur esprit et leur
réglementation, n’a pas conduit à révolutionner l’approche du droit du procès,
malgré les efforts d’une certaine doctrine depuis l’étude de Vizioz
en 1927 [40].
L’humanisme processuel l’emporte sur le légalisme procédural [41], même
si certains accompagnent cette évolution de réserves fondées sur l’autonomie
processuelle [42] et si
d’autres défendent à la fois cet humanisme processuel et « un interhumanisme processuel » ; même ceux qui
s’étaient d’abord attachés à la conception classique [43] ont évolué ensuite vers la
prise en compte de l’humanisme processuel, quitte à le dépasser pour parler
« d’interhumanisme processuel » englobant une approche
transdisciplinaire des relations humaines et qui viserait « à donner du sens à un flot d’informations et de mécanismes
procéduraux en formulant une théorie juridique générale inspirée d’une approche
transdisciplinaire des relations humaines » [44]. Sans doute aussi et plus
vraisemblablement, parce que les évolutions auxquelles nous assistons à
l’époque contemporaine notamment quant aux sources du droit du procès et quant
à son attraction par et à la garantie des droits fondamentaux, ont
considérablement changé le sens et la nature du droit processuel[45] ;
il s’agit davantage aujourd’hui d’un fonds commun (processuel) qui se crée
progressivement sous l’influence des engagements internationaux et européens de
la France ; la mondialisation du droit du procès se traduit par sa
modélisation et l’apparition d’un modèle universel : le procès équitable.
Des principes communs à toute l’Europe se dégagent, quel que soit le pays (47
États au titre du Conseil de l’Europe, 28 au titre de l’UE), quel que soit le
type de contentieux (la Convention EDH ne connaît que la matière civile et la
matière pénale, quelle que soit la technique utilisée dans le cadre d’un procès
(elle peut varier d’un État à un autre), parce qu’une juridiction unique qui
siège à Strasbourg, peut être saisie par chacun des 800 millions
d’Européens qui en bénéficient et que la nécessité, dans toute société, d’un
droit du procès conforme aux exigences d’une société démocratique et d’un État
de droit impose des principes structurants (dialogue, loyauté et célérité qui
répondent aux besoins d’écoute, de confiance et de proximité des sociétés
démocratiques modernes), communs à tous les contentieux et à tous les pays,
au-delà des principes directeurs propres à chaque contentieux (et qui peuvent diverger,
ainsi de la disponibilité du litige qui n’existe pas en procédure pénale).
Ainsi entendu, le droit processuel lui-même se situe à un autre niveau qu’une
simple comparaison des trois grands contentieux internes, du droit
national : il structure l’ensemble de la société européenne (et non pas
seulement la société française) en transcendant les légitimes divergences
nationales (légitimes parce qu’elles viennent de leur histoire, de leur
culture) ; et la Cour européenne des droits de l’homme (désormais citée
Cour EDH) n’ignore pas ces divergences ; elle les intègre dans son
raisonnement et ces droits, étrangers les uns aux autres, s’enrichissent
mutuellement par les bienfaits de la comparaison. Le droit processuel ne peut
être qu’européen aujourd’hui, parce que lui seul transcende les particularismes
nationaux et disciplinaires pour tisser, entre tous les citoyens de l’Europe
des 47, des relations processuelles de confiance (d’où la loyauté), d’écoute
(d’où le dialogue) et de proximité (d’où la célérité) [46].
Ainsi s’est modifié le contenu contemporain du droit
processuel.
section 2 – contenu du droit
processuel
Diversification du
contenu selon la classification retenue. Le contenu du droit processuel
s’organise autour de trois axes :
– l’existence
d’un droit processuel fondamental, que l’on peut qualifier d’horizontal et qui
constitue le droit commun du procès ;
– l’adaptation
de ce droit commun du procès à des contentieux que l’on appelle parfois droit
processuel et dont il faut alors préciser qu’ils sont des droits processuels
verticaux ;
– enfin,
la distinction d’un droit processuel d’impulsion, d’un droit processuel
d’application et d’un droit processuel de réflexion.
L’ensemble,
qui fonde en partie notre plan mérite quelques explications.
§ 1. Le droit processuel
horizontal
Droit processuel horizontal et « jus
commune ». Importance renouvelée du droit comparé et du droit naturel. Il peut paraître
curieux d’introduire ici une terminologie qui a plus cours dans les
enseignements de géométrie dans l’espace que dans ceux des Facultés de droit !
Pourtant, l’expression « droit processuel horizontal » n’est ni
hasardeuse, ni déplacée, contrairement à ce qui a pu être avancé en réaction à
notre doctrine[47]. On
entend par là l’ensemble des règles qui couvrent tout le champ du droit du
procès, quelles que soient sa nature et sa qualification ; le spectre de
ce droit couvre tout l’horizon du
procès, celui de tous les procès, en ce sens qu’il plane comme une ombre
tutélaire au-dessus de tous les contentieux nationaux, pour mieux les irriguer
(comme le nuage de pluie s’étale au-dessus de la terre pour l’arroser) ;
c’est pour cette raison que nous qualifions ce droit processuel
« d’horizontal » ; c’est tellement évident que nous ne pensions
pas qu’il ait été nécessaire de le préciser dans les premières éditions de ce
précis… Ce sont ses sources internationales, européennes et constitutionnelles
communes aux différents contentieux qui favorisent l’émergence de ce droit
processuel horizontal, véritable bloc de droits fondamentaux procéduraux, de
garanties d’une bonne justice (sur cette expression de « droits de
procédure » dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
a) Ce fonds
commun procédural, que la territorialité très marquée de la procédure ainsi
que la dualité de nos ordres de juridiction ont longtemps masqué, ressort
aujourd’hui, au-delà de la stricte comparaison des trois grands contentieux,
par l’inspiration commune de quelques grands principes : la liberté
d’accès à la Justice, l’équité, au sens de l’équilibre des droits dans le
procès, l’écoute de l’Autre qui fonde le dialogue, donc le contradictoire et la
liberté de la défense, la loyauté qui concrétise la confiance, la célérité qui
est une forme de proximité, etc. ; eux-mêmes issus des idéaux du siècle
des Lumières, ces grands principes ont été transposés dans nos engagements
internationaux et notamment européens et dans la jurisprudence
constitutionnelle. Par ces traités et conventions essentiellement de droit
européen, les procédures, toutes les procédures, des plus prestigieuses aux
plus obscures, sont en fusion, en ce sens qu’elles obéissent de plus en plus à
des principes, à des standards qui les transcendent. Progressivement se crée un
fonds commun procédural, essentiellement européen qui marque le retour à un « jus
commune » que l’on constate par ailleurs en droit substantiel et qu’un
courant doctrinal appelle de ses vœux [48], même si certains esprits
avertis s’interrogent avec lucidité sur ses difficultés [49] et sur
l’état actuel du droit européen par rapport à cette notion de jus commune et
la résurgence d’un véritable droit commun [50], en relevant que le droit
européen est fort éloigné de l’esprit et des méthodes de jus commune du
Moyen Âge aux temps modernes et en plaidant pour un rapprochement par la
doctrine et l’enseignement du droit et non pas par des textes. Cette critique
nous semble excessive et exagérément pessimiste : outre que l’apport du
droit savant, pour essentiel qu’il soit, notamment en droit processuel, ne
constitue plus aujourd’hui l’essentiel des sources d’inspiration de ce droit,
la critique repose essentiellement sur le droit communautaire matériel, dont il
est vrai que la technicité et la philosophie, jusqu’aux traités de Maastricht
et d’Amsterdam en tout cas, n’étaient que marchandes. Mais la Convention
européenne des droits de l’homme (ci-après citée Convention EDH), les
jurisprudences des Cours de Strasbourg et de Luxembourg, les traités de
Maastricht et d’Amsterdam et, depuis décembre 2000, la Charte des droits
fondamentaux de l’UE (v. ss 153) et la jurisprudence qui s’en dégage, tant
au niveau du juge national que du juge de Luxembourg, traités et jurisprudences
qui se réfèrent à des principes de valeur universelle issus des traditions
constitutionnelles des pays européens, apportent ces « valeurs de
civilisation », ce « phénomène de foi » que Bruno
Oppetit, ce savant et estimé auteur reconnaissait comme fondement du jus
commune [51]. C’est
en raison de cette carence congénitale du droit, alors appelé communautaire,
que la Cour de Luxembourg a absorbé les principes de la Convention EDH, que les
traités de Maastricht et d’Amsterdam confirment cette orientation humaniste et
politique et que les Conseils européens de Cologne en juin 1999, de
Tampere en octobre 1999 ont décidé de préparer la rédaction d’une Charte
des droits fondamentaux de l’UE. Ce mouvement contemporain s’enracine dans le
passé commun aux Européens :
« il y a bien
une culture judiciaire que nous portons en nous, qui vit en nous, palpable et
mystérieuse tout à la fois, dont nous sommes les héritiers et les acteurs, dont
nous sommes responsables dans tout ce petit point de temps qui représente
chacune de nos vies. Et l’Europe est toujours là » [52].
Le
droit du procès est au cœur de l’effectivité de ce jus commune en
construction [53].
b) Le droit
comparé a aussi un rôle à jouer dans l’élaboration de ce fonds commun
procédural, dans la mesure où un État européen ne peut ignorer ce qui a été
décidé pour un autre État par l’une des deux Cours [54], soit en raison des
supports juridiques à trouver à l’appui d’une question préjudicielle posée à la
cour de Luxembourg [55], soit
parce que celle de Strasbourg décide, nonobstant l’article 46 § 1 de
la Convention EDH [56], que
ses arrêts n’ont pas d’autorité relative puisqu’un État doit faire disparaître
une disposition similaire à celle qui avait valu la condamnation d’un autre
État [57]. Plus
généralement, chaque matière doit aujourd’hui être enseignée dans sa
comparaison avec d’autres systèmes juridiques [58] ; c’est l’ambition de
ce précis de droit processuel, dans lequel le lecteur trouvera de substantiels
passages de droits étrangers pour éclairer sa connaissance de la matière
processuelle.
c) Le droit
naturel est évidemment présent dans cette conception d’un droit commun du
procès, par les principes qui s’imposent dans la conduite des procès, par-delà
les frontières [59], même
s’il n’en constitue pas l’apport principal. Comme le soulignait Motulsky :
« il serait
erroné de minimiser l’importance et l’intensité de l’apport du droit naturel
lorsqu’il vient renforcer une donnée inscrite dans le droit positif et dont
l’insertion est peut-être son œuvre : l’épanouissement et le rayonnement
d’une telle donnée sont fonction de sa conformité avec le droit naturel. Une
institution s’étiole si elle n’a pour infrastructure que le commandement du
droit positif ; elle se gonfle de sève et prolifère dès lors qu’elle doit
son existence à l’impulsion du droit naturel » [60].
§ 2. Les droits processuels
verticaux
Les droits
processuels verticaux. En aval du droit processuel horizontal, qui couvre,
on l’a dit, tout le champ du procès, tout son horizon, on trouve les
contentieux spécifiques à un pays et à une matière, encore appelés droits
processuels verticaux ou d’application aux contentieux spécifiques, par branche
de droit. Ils ne concernent qu’un type de procès, selon la matière à laquelle
ils se rattachent. Irrigués par le droit processuel horizontal (ou fondamental,
selon une autre terminologie), ces droits processuels développent leur logique
propre, pourvu que ce soit dans le respect des standards du droit processuel
horizontal. Ils ont eux-mêmes leurs règles communes qui s’imposent à chacune de
leurs composantes, par exemple le droit du procès civil est soumis aux
dispositions communes à toutes les juridictions contenues dans le livre premier
du Code de procédure civile ; pour autant, chaque procès civil obéira à
des règles spécifiques à la matière ou à la juridiction. C’est un droit
processuel diversifié, d’application qui se construit aujourd’hui, mais,
différence avec un passé récent, dans le respect des standards du droit commun
du procès. On peut ainsi décliner un droit processuel dans chacune des grandes
branches du droit[61] et,
au-delà, dans des branches plus spécialisées, telles que le droit de la
responsabilité civile [62], des
procédures collectives [63]
(enseignées en Allemagne, en Italie et au Japon par les processualistes) ou les
droits plus modernes nés de l’activité industrielle ou économique [64].
Ces
contentieux sont souvent très différents par leur esprit, n’ayant en commun,
précisément, que le droit processuel horizontal qui les irrigue tous. Ainsi, la
procédure civile est une procédure
d’apaisement entre gens civils. Les situations qu’elle permet de régler
ont, le plus souvent, un caractère subjectif. De type accusatoire, encore que
ce trait s’estompe quelque peu actuellement, elle est dominée par le principe d’initiative
qui appartient aux parties, en ce sens qu’elles ont l’initiative du procès, de
son engagement, de sa suspension, de son extinction, de son déroulement.
Principe dispositif aussi, car ce sont les parties qui ont la maîtrise de la
matière litigieuse dans le cadre de la demande initiale et des demandes
connexes qui la complètent éventuellement. À la différence de la procédure
pénale qui est fondée sur une violence initiale, la procédure civile renvoie à
la notion de civilité, au « devoir de vivre ensemble, au quotidien,
sans heurt [...] au sein de la grande cité, mais aussi de communautés
particulières » [65] ;
elle renvoie à la « philia » d’Aristote, à « l’amitié »
et à la « sociabilité » [66]. L’évolution vers plus de
dialogue entre le juge et les parties témoigne de ce trait caractéristique,
inhérent à la procédure civile. L’idée de dialogue était d’ailleurs présente
dès la conception du [nouveau] Code de procédure civile [67].
Au
contraire, le procès pénal présente un caractère objectif, complexe, très différent
de celui de la procédure civile [68]. Si le caractère
accusatoire domine, le caractère inquisitoire n’est pas absent [69]. Le
concept de principe dispositif est écarté ; on parle plutôt
d’indisponibilité de ce type de procès, en ce sens que le ministère public ne
peut disposer librement de l’action publique, ne pouvant pas transiger, ni
renoncer par avance à exercer l’action publique ou à user d’une voie de
recours. La médiation fait cependant son introduction dans cette procédure.
Enfin,
la procédure administrative se rapproche davantage de la procédure civile, par
son principe dispositif [70], même
si, comme la procédure pénale, le procès ne se déroule pas entre deux
particuliers.
§ 3. Droit processuel
d’impulsion,
d’application et de réflexion
d’application et de réflexion
Du contenu du droit processuel résulte le
plan de son étude. Historiquement droit de comparaison des trois grands
contentieux, administratif, civil et pénal et droit de réflexion par l’étude
des trois grandes théories de la procédure (l’action en justice ; la
juridiction et l’acte juridictionnel ; l’instance), le droit processuel
est aujourd’hui d’abord et avant tout un droit d’impulsion, tant par ses
sources que par ses modèles. Cette dernière composante l’emporte désormais sur
les deux autres, à tel point qu’à partir de la quatrième édition de ce Précis
(février 2007), elle a fait l’objet des deux seules parties de l’ouvrage
initial, consacrées respectivement aux sources du droit du procès équitable et
à ses modèles. L’exposé du droit processuel de réflexion, c’est-à-dire l’étude
des grandes théories de l’action en justice, de la juridiction et de l’acte
juridictionnel, de l’instance trouvera sa place dans un autre ouvrage de
théorie générale du droit, ainsi que l’avait accepté le Doyen Jean Carbonnier[71]. Le
droit processuel d’application par comparaison des différents types de
procédure, ne sera pas oublié ; simplement, il ne sera pas autonomisé dans
une partie spécifique ; il nous a semblé qu’aujourd’hui l’intérêt
spécifique et exclusif de cette comparaison était largement amoindri d’une
part, par l’existence d’autres contentieux que les trois procédures-types
traditionnelles et, d’autre part, par le caractère souvent artificiel de ces
comparaisons, surtout lorsqu’elles avaient un caractère automatique, l’esprit
de ces procédures étant très différent, la procédure pénale ne connaissant pas,
par exemple, le principe dispositif ; en revanche, dans l’application des
modèles du droit processuel d’impulsion, horizontal, il sera indiqué les points
d’application aux divers contentieux et les comparaisons qui doivent être
menées, tant il est vrai qu’on ne peut pas séparer les questions de
justification des normes et celles de leurs applications [72].
II – DROIT PROCESSUEL CLASSIQUE, NÉO-CLASSIQUE OU EUROPÉANISTE ?
Le
réveil doctrinal d’une Belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la
procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique ou
européaniste et technique d’organisation du procès
Contribution aux mélanges Raymond Martin, 2004
Raymond Martin
s’est beaucoup penché sur la conception du procès civil (qui, pour lui, ne peut
être que libérale), sur le droit du procès et l’idée d’un droit processuel[73].
Il est l’un des rares auteurs a avoir osé développer des idées originales, avec
beaucoup de pertinence, à contre-courant d’une pensée unique conformiste. Peu
d’auteurs en effet, ont engagé la discussion sur le terrain du droit procédural
et du droit processuel, mais la notion de procédure civile, longtemps plongée
dans une léthargie semblable à celle qui frappe la Belle au bois dormant des
contes de notre enfance (la littérature, spécialement la poésie, est l’une des
autres facettes de la personnalité de Raymond Martin),
fait aujourd’hui débat. Léthargie, puisque, mise à part la querelle
juridico-linguistique, plus que trentenaire et un peu archaïque, entre les
expressions « procédure civile », « droit judiciaire
privé » et « droit procédural »[74],
nul auteur ne s’est vraiment préoccupé jusqu’au début des années
quatre-vingt-dix, de la place de la procédure civile dans l’ordonnancement
juridique (notamment ses relations avec les branches du droit dit substantiel)
et dans l’évolution contemporaine de l’environnement des sources du droit. Il a
fallu qu’apparaissent une nouvelle conception du droit processuel – et, par
contrecoup, de la procédure civile - conceptions que nous avons développées,
d’abord dans notre précis de procédure civile (cf. la 23ème édition
de 1994), puis dans celui de droit processuel (1ère édition en
février 2001), pour que la Belle procédure civile au bois dormant se trouve
réveillée de sa somnolence par quelques Princes charmants de la discipline. En
effet, nous avons introduit l’idée que la procédure civile était « un
fils de Janus à la hauteur de notre devise républicaine et de la protection de
nos droits fondamentaux »[75],
ce qui ne l’empêche pas d’avoir, par ailleurs et sur un autre terrain, les
trois visages de l’utilité pratique, de la science et des caractères qui la distinguent
d’autres disciplines[76].
Notre idée c’est que la procédure civile est aujourd’hui portée par le « souffle
républicain »[77] de
notre devise et la conception européenne des libertés et droits fondamentaux[78],
tout en devenant une technique d’organisation du procès[79].
Parallèlement nous avons introduit et développé une autre conception du droit
processuel : pour simplifier, le droit processuel n’est plus, selon nous,
la simple comparaison des trois grands contentieux classiques (administratif,
civil et pénal), mais l’élaboration de normes communes à partir du constat de
l’attraction de chacun de ces trois grands contentieux (et des autres,
notamment celui de la régulation économique) à la garantie des droits
fondamentaux, ce nouveau droit processuel participant lui-même de cette
garantie ; pour illustrer notre position par le lieu de situation des
Cours qui construisent ce droit, Strasbourg et l’aile constitutionnelle du
Palais Royal suppléent largement au quai de l’Horloge et au Palais Royal côté
contentieux administratif. Cette double approche est aujourd’hui en partie
remise en question (et il est heureux que la doctrine suscite le débat) ou, au
contraire, vivifiée, sur le plan des principes, par deux jeunes mais éminents
collègues, Emmanuel Jeuland et Hervé Croze. Le premier, dans un ouvrage qui
vient de paraître[80],
revient à la conception classique du droit processuel, celle d’une comparaison
des trois contentieux traditionnels (et que nous appellerons néo-classique) ;
le second, dans un article à paraître dans des Mélanges qui seront offerts à
l’un de nos illustres aînés[81],
reprend l’idée d’un procédure civile, technique de gestion des procès, tout en
considérant que notre conception de la procédure civile et du droit processuel
présente l’inconvénient d’ennoblir le second pour dévaloriser la première.
Le débat est donc doublement (re)lancé et nous en sommes
heureux et fier : fier de l’avoir suscité, heureux qu’il nous permette de
sortir la procédure civile du ghetto où une trop forte influence des procéduriers
l’avait plongée, au détriment des processualistes, ceux la même que le Doyen
Carbonnier opposait dans une seule et même phrase dont il avait le génie[82].
D’autres auteurs viendront et le signataire de ces lignes souhaite que la jeune
doctrine, actuelle et future, participe à ce débat, riche de propositions pour
la science procédurale enfin réintégrée dans le jeu de la science
juridique ; les civilistes, commercialistes et pénalistes (sans oublier
les autres, travaillistes, etc..) n’ont plus le monopole des grandes discussions
doctrinales. Pour autant et sur le fond, ce débat ainsi ouvert soulève deux
questions à la lumière des opinions émises par les uns et les autres :
-
quelle
conception du droit processuel ? celle des droits fondamentaux ou celle
néo-classique de la simple comparaison des trois contentieux ?
-
quels
liens entre les deux visages de la procédure civile que nous avons dégagés
(garantie des droits fondamentaux et technique d’organisation du procès) ?
L’exercice
de nouvelles fonctions, assez boulimiques en temps (mais passionnantes et
riches en connaissance de l’âme humaine et d’autres horizons, pas seulement
ultra-marins), ne nous permettra pas de développer trop longuement notre pensée
et nous prions Raymond MARTIN et les lecteurs de nous en excuser par avance.
i
- Quelle conception du droit processuel ?
Nous appellerons « néo-classique » la
conception d’Emmanuel Jeuland du droit processuel, celle qui voit dans la
comparaison des contentieux, comparaison étendue aux contentieux européens de la
Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice des communautés
européennes et au contentieux internationaux de la Cour internationale de
justice, de la Cour pénale internationale et de l’organe judiciaire de
l’Organisation mondiale du commerce[83],
l’essentiel du droit processuel. Elle s’inscrit ainsi, en apparence tout au
moins et dans une première approche, dans le prolongement de la pensée de
Motulsky (pensée qui serait ainsi figée au tout début des années soixante-dix…)
et restreint ce droit à « l’étude comparée des différentes
procédures », même si l’auteur reconnaît volontiers que « le
droit processuel s’européanise et se mondialise » et qu’il est « devenu
une matière qui compare les principaux traits des procédures qui sont de droit
positif en France », y compris donc celles qui sont applicables à
l’Etat français ou à un ressortissant français (d’où l’extension proposée aux
procédures européennes et internationales, mais dans cette optique seulement
d’application à l’Etat ou à ses ressortissants). La justification de ce parti
pris d’un droit processuel ainsi limité à un exercice de comparaison entre des
contentieux divers pour en dégager des « principes procéduraux
communs », en serait que « l’intérêt de la comparaison grandit
avec l’étendue des différences et qu’il existe encore de vastes champs de
recherche », alors que nous avons au contraire prétendu que cet
intérêt était aujourd’hui insignifiant, que les différences s’atténuent au
regard de la jurisprudence européenne et que cette approche était artificielle,
dans la mesure où elle consiste à comparer systématiquement des règles
techniques dont les différences maintenues s’expliquent par la nature
irréductible des contentieux dont elles constituent le corpus[84].
La thèse néo-classique ne nous convainc pas. Certes, elle
se place implicitement sous l’autorité de Motulsky, ce fabuleux juriste qui a
fait sortir la procédure du néolithique où les procéduriers français l’avaient
plongée à force de se livrer à une analyse exégétique du code de procédure
civile, tard dans le XXème siècle, sans atteindre les sommets de la pensée processualiste
allemande ou italienne ; Motulsky dont nous sommes par ailleurs un fervent
défenseur de ses idées et de la modernité dans laquelle il a littéralement
poussé la procédure civile, par la profondeur de ses analyses et la pertinence
de ses synthèses. Mais que penserait aujourd’hui Motulsky, plus de trente ans
après son décès, de la jurisprudence européenne et de son influence sur la
procédure civile française, anglaise ou autre ? Nul ne saurait le dire,
mais on ne peut pas figer la conception motulskyenne du droit processuel à une
époque où il ne pouvait pas avoir connaissance des arrêts de la Cour européenne
qui refondent nos procédures administrative, civile et pénale et les
transcendent à travers les notions, par exemple, de matière pénale et de
matière civile. L’argument de « l’auctoritas » de notre
illustre prédécesseur étant ainsi écarté, reste l’argument d’utilité
théorique ; la comparaison des contentieux, sans se préoccuper des
principes fondamentaux de la procédure, serait riche des différences entre eux.
En quelque sorte, une richesse par antinomie des pôles ; on peut s’étonner
que cette richesse, depuis cinquante ans n’ait pas intéressé la doctrine qui n’aurait
pas manqué de publier maints articles, contributions, ouvrages consacrés à ces
richesses inexploitées, si elles avaient réellement existé. Nous avouons ne pas
voir le gisement constitutif de ce droit processuel né de comparaisons si
foisonnantes qu’aucune synthèse n’en a encore été dressée. Loin de nous l’idée
de nier l’importance des comparaisons entre les contentieux et nous
l’avons-nous-même pratiquée, par exemple quant au droit d’agir des groupements
(syndicats et associations), mais force est de constater que le plus souvent
ces comparaisons ne débouchent sur aucune solution nouvelle et ne permettent
pas de régler les difficultés rencontrées dans un contentieux avec les
solutions admises dans un autre. Enfin, où sont ces « vastes champs de
recherche » que nous annonce Emmanuel Jeuland ? Si l’on s’en
tient à son ouvrage qui n’est certes pas intégré dans une collection permettant
des développements quantitativement importants, on constate que 120 pages
seulement sont consacrées à ces comparaisons (pages 53 à 176) sur un total de
220, soit la moitié, et pour des comparaisons qui incluent des questions,
certes intéressantes mais tout de même plus que centenaires, sur la typologie
des actions en justice, l’action collective, la notion d’acte juridictionnel,
etc.., sans que les bouleversements introduits par la jurisprudence européenne,
ne serait-ce que par la manière de raisonner (par ex., pour la Cour de
Strasbourg, autonomie des notions, principe de proportionnalité) ou certaines
perspectives (on songe à la jurisprudence de la CJCE sur l’action en justice
perçue comme une technique de harcèlement concurrentiel, de pratique déloyale,
de position dominante), soient intégrés.
En réalité, il ne s’agit pas pour nous de nier
l’importance des comparaisons[85]
entre les contentieux, mais de dire et de réaffirmer qu’aujourd’hui, ces
comparaisons doivent s’intégrer dans un mouvement plus large de fondements
communs nés de sources communes, notamment européennes ; la jurisprudence
européenne, qu’on le veuille ou non, irrigue par ses arrêts tous les
contentieux, quelle que soit leur nature et leur
« nationalité » ; parler d’un droit commun du procès, c’est dire
que l’étude des problèmes procéduraux nationaux passe nécessairement par la
connaissance, l’exposé et la critique si besoin est, des règles imposées par la
Cour européenne. Par exemple, comment exposer et comparer aujourd’hui le
pourvoi en cassation en matières administrative, civile et pénale, si l’on
n’intègre pas la jurisprudence européenne sur le droit d’accès à un juge de
cassation, sur les restrictions autorisées et celles qui ne le sont pas, sur
les articles 979 et 1009-1 du nouveau code de procédure civile, sur la mise en
état en matière pénale, sur les immunités diplomatiques, sur la place du
commissaire du gouvernement ou des avocats généraux, etc… ? Sur ce dernier
point, la comparaison des contentieux administratif et civil s’enrichit de la
jurisprudence européenne : comment traiter de la place respective des
parties, des juges du siège, de l’avocat général ou du commissaire du
gouvernement sans tenir compte de la jurisprudence européenne et de ses remises
en cause, qu’on les approuve ou non ? La perspective européenne de la
théorie de l’apparence change tout en ce domaine et la comparaison des procédures
suivies devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation reste stérile si l’on
n’en tient pas compte, ne serait-ce que pour la réfuter.
À ce titre, il existe bien un droit processuel conçu et
perçu comme un droit commun du procès, celui qui bouleverse les perspectives
traditionnelles d’étude des contentieux et qui transcendent ceux-ci, non pas
par leur comparaison stérile car enfermée dans un cadre national trop étroit
pour lui, mais par les angles d’approche venus d’autres horizons. C’est
pourquoi, ce droit commun du procès qui n’est pas une errance, mais une
fulgurance, s’accompagne d’un droit comparé non pas des différents contentieux
qu’un Etat peut organiser, mais des droits nationaux des Etats soumis à
l’emprise de la jurisprudence européenne ; si la comparaison doit
reprendre vie et vigueur, c’est là, dans ce creuset des législations et des
jurisprudences nationales (plus de quarante Etats qui acceptent ce droit commun
qui se forme à Strasbourg, quelle richesse !). C’est la raison d’être de
la deuxième édition du droit processuel : apporter, par la plume
d’éminents spécialistes (français) des droits étrangers, la touche de
comparaison qui éclaire à la fois la jurisprudence européenne et sa réflexion
dans les droits procéduraux nationaux ; l’entreprise est certes « difficile »[86],
mais la coopération de plusieurs auteurs permet de surmonter les difficultés
nées de l’ambition d’un droit comparé du procès qui retrouve la raison d’être
du droit comparé et conforte la vision prospective d’un droit commun du procès.
Le droit processuel est un tout : principes
fondamentaux de procédure nés, pour l’essentiel, de la jurisprudence
européenne, comparaison des droits nationaux sous l’emprise de cette
jurisprudence et, pourquoi pas, comparaison des contentieux entre eux. C’est en
ce sens aussi que la procédure civile est un tout et présente, comme un Janus,
deux visages, celui d’une attraction à la garantie des droits fondamentaux et
celui d’une technique d’organisation du procès.
ii
– Quelle conception de la procédure civile ?
Deux aspects dans cette interrogation : quel lien
avec le droit processuel (la première lui est-elle subordonnée) ? Quelle
place pour chacune des deux faces de Janus ?
Sur le premier point, notre cher et vieil ami Hervé Croze reprend, dans la première partie de
son article précité, la distinction du procédurier et du processualiste, pour
démontrer, avec beaucoup de talent, que le premier ne doit pas se sentir
dévalorisé et que la procédure a autant de lettres de noblesse, sinon plus, à
faire valoir que le droit processuel. Après avoir été trop complaisant avec
notre propre apport en ce domaine[87],
il pose une vraie question, celle que la dimension des précis ne permet pas
toujours d’expliciter : « si le droit processuel doit être une
science de la procédure[88],
alors il est nécessairement conditionné par la nature même de son objet ».
Et de développer l’idée de « la révolution épistémologique du droit
processuel contemporain [qui] consiste en un renversement de perspective
et à la substitution d’une approche horizontale à une approche verticale[89] »,
avec le constat que, « en même temps, le fossé se creuse entre le droit
processuel, véritable science de la procédure[90] et
cette dernière »[91].
Sans remettre en cause la théorie des deux faces de Janus, la face des
principes (associée à l’idée d’une démocratie procédurale que nous avons
développée dans d’autres écrits) et celle de la technique, Hervé Croze pense que nous avons trop valorisé
la première pour minimiser la seconde. Le risque serait d’éliminer les éléments
techniques de la discipline procédurale au point que le droit procédural serait
menacé « de dilution et de disparition en tant que discipline
scientifique autonome »[92].
Rassurons tout de suite Hervé Croze,
nous partageons sa crainte et nous sommes conscients de ce double risque ;
encore faudrait-il pour qu’il se réalise que nous voulions vraiment dissocier
tellement la technique des principes que nous en aurions oublié jusqu’à son
existence ! Tout le Précis de procédure civile dément cette vision qui
serait exclusivement théorisée (et « droits de l’homméisée ?) au
détriment de la technique procédurale : les 1200 pages du Précis ne font
qu’exposer les règles techniques, dans le détail parfois le plus procédurier
possible (en faisant état, par exemple, de façon systématique, des débats aux
forum de procédure des avoués, de décisions inédites, des divergences de
jurisprudence, chambre par chambre de la Cour de cassation ou de la Cour
d’appel de Paris), mais, il est vrai, avec toujours le souci de rattacher ces
règles aux principes actuels, modernes, du droit processuel contemporain, aux
apports de la jurisprudence constitutionnelle et européenne. Pour être clair,
si la technique est pour nous au service des principes (et, faut-il le
souligner, non pas l’inverse), elle fait partie de notre horizon de
procédurier, à tel point que nous nous y plongeons chaque jour dans la mise à
jour du précis, au plus près de toutes les évolutions les plus fines de la
jurisprudence des juridictions françaises, des réformes réglementaires ou
législatives. Les deux faces de Janus ne doivent pas être regardées séparément,
en passant d’un côté à l’autre du visage : puisque nous sommes dans la
référence mythologique, efforçons nous de regarder en même temps ces deux faces ;
c’est comme cela que nous entendons la procédure civile. Dès lors, il n’y a pas
de supériorité de l’une sur l’autre ; ensemble, elles progressent ;
ensemble, elles constituent la procédure ; les recettes de cuisine
procédurale, comme les principes fondamentaux participent de cette
construction, sans que l’une subisse une capitis diminutio. Regardons
l’index du précis de procédure civile ; qu’y trouvons-nous ? Des
rubriques, à la fois de pure technique procédurale et de renvois à des
principes fondamentaux (avec notamment les expressions « droit
processuel », déclinées dans toutes leurs composantes nationales et
européennes). Mais il est vrai que pour nous la démocratie procédurale se
construit sur les principes que traduisent techniquement des règles qui sont à
leur service.
C’est pourquoi, la seconde question que pose Hervé Croze quant à la conception de la
procédure civile, celle de la place de la gestion procédurale, nous convient
tout à fait, ne serait-ce que parce que, comme il l’écrit, nous l’avons suggérée,
à défaut de l’avoir développée. Nous avons en effet émis l’idée, l’intuition
peut-être, il y a dix ans maintenant, que la procédure est une technique
d’organisation des procès[93],
en ne cachant pas d’ailleurs que l’expression (et pas seulement) nous était
inspirée par la très belle thèse de notre collègue Jean Paillusseau[94].
Permettons-nous
de reprendre, en guise de conclusion sur cet aspect de la conception de la
procédure civile, qui n’est pas une controverse, tout juste un ajustement des
idées quant à la place respective de la technique, des principes et de la
gestion, ce que nous avons écrit dans le précis de procédure civile, en guise
de conclusion à notre introduction générale et qui, en annonçant le plan de
l’ouvrage, résume bien notre pensée :
« § 3 La procédure civile, moyen d'accès libre, égal et
fraternel à la justice
« A. La procédure, technique d'organisation du procès
« 48 Technicité et abstraction de la procédure. Conception de
l'ouvrage ◊ La
procédure civile est une discipline « à la réputation d'austérité et de
très grande technicité (V. supra, no 2). Si la critique est excessive
(V. supra, « no 3) elle ne peut être totalement écartée,
car elle porte en elle la nécessité d'une conception plus vivante de « cette
discipline, tout au moins dans son enseignement et son exposé didactique. Il
est vrai que la procédure « civile constitue un corps de règles techniques
permettant de conduire (ou de subir) un procès pour obtenir la « consécration
de ses droits par un jugement opposable à tous : en cela, elle est austère
et ceux qui la pratiquent « peuvent être envisagés comme des procéduriers.
Mais derrière ces règles, il y a toujours deux réalités plus « doctrinales,
qui ajoutent un aspect abstrait à cette technicité :
« — d'une part, le procès n'existe pas pour
lui-même ; il n'est envisagé que par superposition à un conflit sur le « fond ;
cette superposition complique la présentation de la technique procédurale, en
imposant des concepts « procéduraux dont l'appréhension n'est pas toujours
aisée par le néophyte[95] ;
« — d'autre part, le procès, surtout à l'époque
contemporaine, doit être conduit dans le respect des libertés et « droits
fondamentaux des parties et des tiers (v. supra, n° 41-2), dont nous avons
indiqué les sources « internationales, européennes et constitutionnelles
(V. supra, nos 19 et s.)[96]. Dès lors, chaque règle technique, « même
d'apparence insignifiante comme le sont, par exemple les règles de forme, doit
être rattachée à un « principe fondamental de protection de nos
libertés ; si ce principe ne peut être trouvé, on doit alors « s'interroger
sur la nécessité du maintien de la règle, car la procédure civile, comme toute
procédure, n'est, « pour transposer ici le titre d'une célèbre et très
belle thèse, qu'une « technique d'organisation du procès »[97]. À « cet égard, elle est au service
d'une cause qui la dépasse et la transcende. Le procès judiciaire a une
fonction « de régulation des conflits, parfois d'expiation ; son
outil c'est la procédure, qui nous protège des procès hors « les murs[98]. On rejoint ici l'observation du
jurisconsulte Thouret qui, à propos de la procédure à suivre devant « les
juges de paix disait, à la tribune de l'Assemblée constituante, qu'il fallait
« des formes expéditives, très peu « dispendieuses et qui fassent arriver
au jugement sans que l'on s'en soit aperçus, pour ainsi dire qu'on ait fait « une
procédure[99]. » Bref, une procédure qui
s'efface !
« B. La procédure, technique de garantie des libertés et
droits fondamentaux [100]
« 49 Liberté, égalité, fraternité : clefs pour l'étude
de la procédure civile ◊ [….]
« a) La division du Précis correspond à l'existence des trois
groupes de questions qui forment l'objet propre de « la procédure civile,
mais en les reliant aux trois composantes de notre devise républicaine, véritables
clefs de « la procédure[101], en les plaçant par là même dans une
perspective de protection des libertés et droits « fondamentaux[102], d'un État de droit[103] :
« 1) Une première partie sera consacrée à la théorie de
l'action, qu'éclaire la notion de liberté : l'action c'est « d'abord
l'instrument privilégié d'une liberté fondamentale, celle du droit d'agir en
justice pour la réalisation « de ses droits (titre 1), liberté qui
est elle-même la traduction d'un pouvoir légal (titre 2) et dont
l'exercice revêt « la forme procédurale d'une demande ou d'une défense en
justice (titre 3). La liberté, dont Montesquieu « assurait que
« les formalités de la justice étaient nécessaires à son exercice »[104]. L'action puise ses racines loin « dans
le passé, mais connaît aujourd'hui un profond bouleversement avec des approches
renouvelées de « l'intérêt et de la qualité. C'est par les évolutions de
la théorie de l'action que se concrétise le mieux aujourd'hui « la
protection des consommateurs avec, par exemple, l'action en représentation
conjointe, à défaut de l'action « de groupe du droit nord américain.
« 2) Une deuxième partie permettra d'étudier la théorie de la
juridiction, elle est aussi profondément renouvelée « dans ses
fondements ; placée sous le double signe de la liberté et de l'égalité[105], son étude se ramène à trois « questions
essentielles :
« — le droit de chacun au juge naturel, au sens où on
l'entend dans la protection de nos libertés fondamentales « afin de faire
respecter l'égalité entre tous les citoyens (Titre 1) ;
« — l'activité du juge qui doit être libre
(Titre 2) ;
« — la compétence judiciaire dont toutes les règles
tendent à assurer l'égalité entre tous les justiciables « (Titre 3).
« 3) Une troisième partie décrira l'instance, sous
l'éclairage de la liberté, de l'égalité, mais aussi de la fraternité « (certains
diraient de la solidarité)[106] :
« — il y a d'abord l'encadrement de l'instance,
c'est-à-dire les principes fondamentaux ou les règles de forme qui « s'imposent
au législateur et au Gouvernement pour les premiers, aux parties et au juge
pour les secondes « (Titre 1), le tout devant permettre un accès
aussi libre que large à l'instance ;
« — il y a ensuite le déroulement de l'instance dans
tous ses aspects, procédures types, procédures selon chaque « type de
juridiction et incidents de l'instance (Titre 2), l'ensemble étant placé
sous l'exigence du respect de « l'égalité de tous aux débats (choix du
type de procédure, loyauté des débats, droits de la défense, etc.) ;
« — il y a enfin l'aboutissement de l'instance
(Titre 3), avec le jugement, les voies de recours et les frais de celle-« ci,
frais qui donnent lieu à l'expression de la solidarité, soit nationale avec
l'aide juridique, soit inter partes « avec l'application de
l'article 700 du nouveau Code (frais irrépétibles et principe d'équité).
« 4) Une quatrième partie sera consacrée à l’arbitrage pour
terminer ce parcours juridictionnel du nouveau « code, même si c’est un
peu par antinomie par rapport aux trois autres ![107].
« b) S'il n'y a pas de hiérarchie entre ces trois clefs pour
l'étude de la procédure on soulignera toutefois :
« — que les Français (à la différence des anglo-saxons)
et le Conseil constitutionnel sont plus attachés à l'idée « d'égalité qu'à
celle de liberté (V. infra, no 147)[108] ;
« — qu'à l'inverse, l'idée de liberté était prioritaire
en 1848 lorsque furent fixées les règles de fabrication du « Sceau de
l'État[109].
« c) L'expression droit fondamental à laquelle il est ici
fait référence dans la protection qu'en assure la « procédure civile, est
celle de la jurisprudence constitutionnelle, telle qu’elle apparaît pour la
première fois « dans la formule « libertés et droits
fondamentaux » de la décision du 22 janvier 1990, reprise ensuite dans
sept « décisions et généralisée par la doctrine[110]. Il s'agit
par conséquent des droits d'origine supra-législative « (internationale,
européenne et constitutionnelle) et protégé aussi bien contre le pouvoir
exécutif que dans les « rapports des individus entre eux[111].
« 49-1 Vers une démocratie procédurale ◊ La procéduralisation du droit[112] traduit le mouvement vers une « démocratie
procédurale[113], même si ce mouvement est aujourd'hui
contesté[114]. Le développement croissant et « inéluctable
du droit d'origine jurisprudentielle, notamment européenne, accroît l'importance
de la procédure « dans l'élaboration de ce droit. Il accroît ainsi le rôle
du juge, acteur de la régulation des conflits et non plus « seulement
« bouche de la loi ». Et, à l'inverse, l'accroissement des pouvoirs
du juge dans l'élaboration de la « norme, accroît le besoin de garanties
procédurales : la procédure est le contre-pouvoir aux pouvoirs accrus « du
juge et au pouvoir de la justice. Sans être naïf, il n'y a pas lieu de craindre
cet activisme judiciaire[115], si le « mouvement s'accompagne d'un
accroissement des garanties procédurales.
« La judiciarisation des rapports sociaux et la
procéduralisation du droit sont aussi le moyen de redonner toute « sa
place au droit, dans des secteurs dominés par les impératifs économiques d'une
société mondialisée et qui « ont tendance à évacuer la norme juridique
(cf. les autorités de régulation).
Ce long passage résume à lui seul notre opinion sur la
conception de la procédure civile : à la fois technique d’organisation du
procès et ensemble de principes fondamentaux rattachés aux libertés et droits
fondamentaux ; les deux vont ensemble, mais il est clair que la première
est au service des seconds. Est-elle moins noble, est-elle dévalorisée ?
Peu importe puisque la procédure les englobe tous les deux ! La place
respective de l’une et des autres n’a pas d’importance, de la même manière que
l’amour d’une mère pour ces enfants est indifférent dans son existence et sa
force à l’amour que lesdits enfants se portent entre eux.
Pointe à Pitre, le 1er
novembre 2003
III – DROIT PROCESSUEL EUROPÉEN ET DROIT PROCESSUEL NATIONAL
le
fondamentalisme religieux
à l’aune de la
distinction doctrinale
du droit
processuel européen et du droit procédural national :
entre démocratie
procédurale et légitimité démocratique
Contribution aux
mélanges offerts (in memoriam) à Jean-François Flauss
2014
Cette
modeste contribution se veut l’hommage amical mais déférent au regretté
Jean-François Flauss, ce maître incontestable et incontesté de la Convention
européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour du même nom.
Nos parcours se sont croisés au gré d’une part, de la publication, dans la
revue Justices, de ses commentaires
(avec M. le Doyen Gérard Cohen-Jonathan) des avis et arrêts de la Commission et
de la Cour européenne des droits de l’homme et, d’autre part, des colloques de
droit européen, notamment à Strasbourg où le privatiste que j’étais venait plus
s’instruire qu’instruire, de ce droit naissant du procès équitable, en tout cas
pour nombre de privatistes. Sa venue à l’université Paris 2 avait permis quelques
échanges fructueux et il avait beaucoup apprécié la création de l’enseignement
de droit processuel en master 1, regrettant simplement que les publicistes n’en
aient pas eu l’idée avant les privatistes ; un regret, pas un reproche ni
une querelle, tant le thème de ce cours de droit processuel axé sur le droit
commun et comparé du procès équitable au sens européen de l’expression lui
paraissait faire partie du patrimoine mondial des juristes.
C’est
précisément ce concept de droit processuel que j’ai choisi comme thème de cette
contribution pour essayer de montrer ce qu’il doit à la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme, non pas par l’analyse, cas par cas, des
arrêts de la Cour pour chacune des garanties du procès équitable, mais par une
vue d’ensemble de la notion de droit processuel en contemplation de celle de
droit procédural. Il me semble en effet, qu’au-delà des querelles sémantiques
nationales, à l’ombre desquelles ont longtemps vécu ces deux notions de droit
procédural et de droit processuel qui s’affirment aujourd’hui dans la doctrine
contemporaine comme la summa divisio
du droit du procès (I), l’analyse
structurale des arrêts de la Cour et des décisions du Conseil constitutionnel
rendues sur question prioritaire de constitutionnalité valide cette distinction
doctrinale, notamment au regard du fondamentalisme religieux (II) et permet de
faire le lien entre notre doctrine de la démocratie procédurale et la théorie
de Pierre Rosanvallon sur la légitimité démocratique, le droit processuel et le
droit procédural constituant les deux éléments structurant des deux notions
(III).
i – droit processuel européen et droit procédural
national à l’ombre des querelles sémantiques nationales
On ne peut comprendre l’importance actuelle de
la distinction doctrinale droit procédural/droit processuel dans l’idée de
montrer en quoi elle est déterminante dans la compréhension du droit du procès
d’aujourd’hui et revivifiée par l’analyse structurale des arrêts de la Cour EDH
et des décisions QPC du Conseil constitutionnel, sans parler brièvement de la
période quasi-néolithique où l’on parlait surtout de procédure civile, voire de
droit judiciaire privé (A), de celle de la (re)naissance des concepts, par
l’émergence de la notion de droit processuel, mais avec deux approches (B),
pour déboucher précisément sur la période contemporaine avec l’éclairage
européen et constitutionnel (C).
A)
une
querelle aujourd’hui dépassée : procédure civile et droit judiciaire privé
Au début était la
procédure civile, puis le droit judiciaire privé. La notion de procédure civile
s'est forgée depuis plusieurs siècles, de chicanes en chicanes, d'actes du
palais en actes du palais[116],
mais aussi et heureusement de réflexions en corps de doctrine et de
constructions théoriques en recherche d'une identité forte par la grâce
supposée d'un vêtement plus moderniste que constituerait l'expression droit judiciaire privé ; censée
identifier au plus près une discipline aux caractères bien marqués depuis des
siècles, l'expression a eu son heure de gloire lors de la parution de
l'irremplaçable traité de Droit
judiciaire privé de MM. Solus et Perrot ; l'ambition était sans
doute de souligner la double appartenance de la procédure civile, au droit
privé et au droit public : au second parce qu'elle touche à l'organisation
du service public de la Justice ; au premier parce qu'elle vise à la
défense des intérêts des particuliers, plus exactement des personnes physiques
et morales en tant que ces intérêts ressortent au Droit privé. Mais, en plus de
son hermétisme pour le non-spécialiste, l'expression souffre de son
inadaptation aux réalités éternelles et toujours d'actualité des différents
contentieux[117].
B)
une
vraie querelle toujours d’actualité : droit comparé interne des procédures
nationales et droits fondamentaux universels du procès
a) L’approche la plus classique du droit
processuel est celle d’un droit comparé des procédures nationales administrative,
civile et pénale
C’est
cette approche qui a inspiré, au milieu des années 1960, la création, portant
l’intitulé de droit processuel, du cours de procédure comparée dans les
Facultés de droit et plus particulièrement dans le cursus qui conduisait au
Certificat de droit processuel[118].
Sur une proposition d’Henri Motulsky à Jean Foyer, alors garde des Sceaux du
Général de Gaulle, ce cours se voulait « une synthèse des grands types
de procédures suivies en France devant nos trois ordres de juridiction »[119].
Accueilli « d’enthousiasme »[120],
le projet consistait à comparer les trois grands contentieux, administratif,
civil et pénal, dans les trois grandes théories qui illustrent chacun de ces
contentieux : l’action en justice, la juridiction et l’acte
juridictionnel, l’instance et en se limitant, pour l’essentiel, au droit d’un
seul Etat. Chemin faisant, au-delà de la comparaison des techniques
procédurales communes ou propres à chacun, étaient introduits des éléments de
réflexion sur la nature du droit d’agir en justice, les critères de l’acte
juridictionnel et la notion d’instance, bref une théorie générale du procès.
C’est Visioz qui, le premier sans doute, a parlé non pas de droit processuel,
mais de « droit de la procédure »[121],
tout en convenant que l’expression droit processuel serait peut-être
préférable ; et il ajoutait que « l’expression n’est pas encore
reçue en France et aura sans doute de la peine à s’y acclimater »[122].
Motulsky, dans son célèbre cours de « droit processuel »,
assignait comme objectif au droit processuel : « approfondir et
comparer ou approfondir en comparant » [123].
S’interrogeant sur ce néologisme que constitue le mot « processuel »
Motulsky le jugeait « défendable », pour trois raisons :
l’absence, en droit français, d’adjectif pouvant être accolé au mot
« droit », l’adjectif « procédural » n’étant pas plus reçu
que celui de « processuel » ; l’acclimatation du terme de
« processualiste », en provenance de l’italien « processuale »
(on n’oubliera pas que les Italiens sont, depuis le droit romain, les maîtres
de la procédure) ; enfin, la comparaison avec le
mot« consensuel », autrefois considéré comme un néologisme et
aujourd’hui admis dans tous les dictionnaires : Motulsky prédisait au
néologisme « processuel » le même avenir qu’au néologisme
« consensuel ». L’histoire lui a donné raison[124].
b) Pour autant, malgré la haute autorité d’Henri
Motulsky, une autre conception du droit processuel s’impose aujourd’hui
Pour simplifier,
le droit processuel n’est plus, selon nous[125],
comme au temps de Motulsky, la simple comparaison interne des trois grands
contentieux classiques (administratif, civil et pénal), mais l’élaboration de
normes communes à partir du constat de l’attraction de chacun de ces trois
grands contentieux (et des autres, notamment celui de la régulation économique)
à la garantie des droits fondamentaux, ce nouveau droit processuel participant
lui-même de cette garantie ; pour illustrer notre position par le lieu de
situation des Cours qui construisent ce droit, Strasbourg et l’aile
constitutionnelle du Palais Royal suppléent largement au quai de l’Horloge pour
le contentieux civil et au Palais Royal côté contentieux administratif. En
effet, la définition de Motulsky, fondée sur la comparaison des contentieux
reste valable, mais en partie seulement, car elle a très vite rencontré ses
limites, à la fois dans le type de comparaison qu’elle met en priorité et dans
l’absence de recherche d’une culture juridique commune. Sous ce regard, il
vaudrait mieux l’appeler « théorie générale du procès ».
1) Comment en
effet, comparer des contentieux qui sont, par nature, par culture ancestrale,
par essence et non pas par degré, extrêmement différents, à tel point qu’on
peut se demander si leur comparaison présente un intérêt autre
qu’archéologique ? La remarque en a été faite, à propos de l’office du
juge, par l’un de ceux qui, pourtant, défendent avec talent, la notion
classique de droit processuel : et après avoir regretté que la démarche
processuelle comparatiste [il faudrait ajouter ici « interne »] soit « aujourd’hui
injustement ringardisée » l’auteur relève, pour conclure sur la
restitution par le juge de l’exacte qualification des faits, que « le
droit comparé doit aussi respecter et révéler les différences » et
qu’une « procédure est d’abord le reflet d’une matière
substantielle », que si « le juge civil, comme le juge pénal,
est tenu de restituer aux faits leur exacte qualification... derrière cette
similitude formelle il y a une différence de nature » [126].
On ne saurait mieux dire que la conception classique du droit processuel
débouche sur une impasse[127].
On cherche vainement dans les ouvrages contemporains qui se réfèrent encore à
cette tradition, la traduction concrète de cette ambition de tirer des
enseignements utiles de la comparaison des contentieux internes ; la
juxtaposition de leurs règles techniques l’emporte sur la fusion de leurs
concepts. Il reste cependant, et il ne faut pas condamner totalement ces
efforts de comparaison[128],
que ce que l’une des procédures connaît au plus haut niveau peut inspirer des
réformes pour d’autres contentieux ; ainsi, pour le principe de la
contradiction, les principes développés en procédure civile peuvent aider la
procédure administrative à s’émanciper de ses traditions issues de l’idée,
toujours sous-jacente dans ce type de contentieux, que « juger
l’administration, c’est encore administrer ». Encore que les standards
internationaux du procès équitable permettent de passer directement de
l’impulsion à la réalisation concrète dans tel ou tel contentieux, sans passer
par le prisme d’un autre contentieux national !
2) En
effet, le droit processuel d’aujourd’hui dépasse la simple comparaison interne des
trois contentieux et se trouve irrigué par des standards communs à tous les
procès, nationaux ou internationaux, peu important qu’ils relèvent de la
matière civile ou de la matière pénale, standards provenant de sources internationales,
pour l’essentiel européennes, mais aussi de sources constitutionnelles. Le
droit processuel a changé de dimension ; il n’est plus le droit des
procéduriers nationaux qui réfléchissent sur leur discipline en comparant les
divers contentieux internes dans leur pure technique procédurale, mais le droit
de ceux qui s’intéressent aux sources communes d’inspiration de tous les
contentieux, à leurs fondements, aux principes de droit naturel qui s’imposent
dans la conduite de tous les procès. Le droit processuel, dans une approche
plus moderne, qui complète la première sans l’exclure totalement (mais en la
marginalisant), c’est le droit du procès, de tous les procès, c’est l’étude des
droits fondamentaux du procès.
Brièvement
parlant, nous pensons qu’il ne sert à rien de comparer les procédures internes si
l’on ne se sert pas de cette comparaison pour véhiculer un humanisme qui
s’enracine dans les droits et libertés fondamentaux, d’autres diraient « comme une entrée pour accéder à une
culture juridique »[129]. L’humanisme processuel l’emporte sur le légalisme
procédural[130]
et notre conception du droit processuel gagne du terrain, y compris chez ceux
qui la rejetaient dans un premier temps[131]
et même si certains, à juste titre, accompagnent cette évolution de réserves
fondées sur l’autonomie processuelle[132],
que nous voyons d’ailleurs davantage comme une autonomie procédurale, ainsi
qu’il va être dit à l’instant.
C)
une
fausse querelle mais une vraie distinction : droit procéssuel européen et droit
procedural national
a) À vouloir
absolument introduire une expression plus moderne et plus porteuse parce que
plus significative que celle de droit judiciaire privé ou procédure civile, il
vaut mieux parler, pour désigner la technique procédurale interne, quel que
soit le type de contentieux, de droit procédural national, expression qui
présente le triple mérite d'être connue à l'étranger (en particulier dans le
monde anglo-saxon et en Allemagne), d'être aisément comprise dans son contenu
et d'être transposable à tous les autres contentieux. Il y a ainsi un droit
procédural français privé (avec ses ramifications en droit procédural
commercial, social, rural, civil, prud'homal, etc.) un droit procédural
français pénal[133],
un droit procédural français administratif, un droit procédural en vigueur
devant les juridictions de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe (la
nation étant ici l’Europe !), etc. C'est d'ailleurs l'appellation retenue,
depuis sa création, par « l'association internationale de droit
procédural » (procedural law) et
on parle, dès aujourd'hui, de « technique procédurale »,
« d'ordre public procédural », de « fonds commun
procédural », de procéduralisation du droit etc. Pourquoi ne pas
généraliser l'expression[134] ?
D’autant plus qu’elle laisse place à une autre expression, à un autre concept,
celui de droit processuel qui répond à un autre besoin, celui de souligner la
place des libertés fondamentales dans le droit du procès et qui lui est
universel, en tout cas européen dans sa vocation.
b) Il est vrai
que, mise à part la querelle juridico-linguistique, presque cinquantenaire et
un peu archaïque, entre les expressions « procédure civile », « droit
judiciaire privé », nul auteur ne s’est vraiment préoccupé jusqu’au
début des années quatre-vingt-dix, de la place de la procédure, notamment de la
procédure civile dans l’ordonnancement juridique (notamment ses relations avec
les branches du droit dit substantiel) et dans l’évolution contemporaine de
l’environnement des sources du droit. Il a fallu qu’apparaissent une nouvelle
conception du droit processuel – et, par contrecoup, de la procédure civile -
conceptions que nous avons développées, d’abord dans notre précis de procédure
civile (cf. la 23ème édition de 1994), puis dans celui de droit
processuel (1ère édition en février 2001), pour que la distinction
droit procédural/droit processuel commence à s’imposer et à produire des effets
bénéfiques sur la clarification des concepts dans le champ du droit du procès.
En effet, nous avons introduit l’idée que le droit du procès, en l’occurrence
par le concept de droit processuel, était « un fils de Janus à la
hauteur de notre devise républicaine et de la protection de nos droits
fondamentaux »[135],
ce qui ne l’empêche pas d’avoir, par ailleurs et sur un autre terrain plus
technique, que nous appelons droit procédural, les trois visages de l’utilité
pratique, de la science et des caractères qui la distinguent d’autres
disciplines[136]. Notre
idée c’est que le droit du procès est aujourd’hui porté par le « souffle
républicain »[137] de
notre devise et la conception européenne des libertés et droits fondamentaux[138],
tout en restant une technique d’organisation du procès[139].
Sous ce regard, on
ne saurait ignorer, ni même sous-estimer, l’influence décisive des arrêts de la
jurisprudence européenne et aujourd’hui des décisions QPC du Conseil
constitutionnel pour valider l’approche doctrinale qui distingue droit
procédural (national) et droit processuel (européen, voire universel).
ii – droit procéssuel européen et droit procédural national
à la lumière de l’analyse structurale des arrêts de la cour Edh et des
décisions qpc du conseil constitutionnel
Si,
comme nous le prétendons, le droit procédural est une technique d’organisation
du procès et le droit processuel le droit commun (et comparé) des droits
fondamentaux du procès, en quoi cette distinction est-elle consacrée et
vivifiée par la structure des arrêts de la Cour EDH et des décisions rendues
sur QPC par le Conseil constitutionnel ?
Nous pensons que
la Cour EDH prend mieux en compte la complémentarité (A) et l’articulation (B)
des deux concepts que le Conseil constitutionnel qui, par le jeu du mécanisme
qui a été mis en place avec la QPC, juge, non pas une affaire, mais une loi et
se préoccupe donc plus de droit processuel que de droit procédural (C).
A)
la
complémentarité du droit procédural national et du droit processuel européen
C’était un temps
que les moins de quarante ans n’ont pas vécu en direct que celui où, dans les
années soixante-dix, la Cour européenne des droits de l’homme a commencé par
rendre des arrêts de plus en plus nombreux et pointilleux sur le fondement de
l’article 6 de la Convention, pour en dégager les composantes, les garanties du
procès équitable et conduire au fameux triptyque du droit à un juge (arrêt Golder c/ Royaume Uni, 21 février 1975[140]),
du droit à un bon juge et du droit à l’exécution des décisions du juge (arrêt Hornsby c/ Grèce, 19 mars 1997[141]).
Avec
le recul on peut se rendre compte, sur le terrain du droit à un procès
équitable, combien la Cour EDH a su à la fois construire un droit comparé du
procès en s’appuyant sur le droit procédural national des Etats membres
(a) et imposer un droit processuel universel dans le respect des droits
fondamentaux du procès, par l’énoncé de grands principes communs à tous les Etats
membres (b).
a) Le droit comparé du procès équitable dans
le droit procédural national des Etats membres
L’analyse
de la structure des arrêts de la Cour EDH montre qu’en raison des modalités de
sa saisine et de la nature du contrôle qu’elle exerce, la Cour part toujours
des faits exposés par les parties et des voies nationales de pure procédure, ce
que j’appelle le particularisme du droit procédural national. Avant de passer à
la qualification juridique des faits et aux principes fondamentaux que chaque
Etat doit respecter, la Cour analyse toujours minutieusement le socle national
factuel et le droit pertinent national, ce qui, dans le domaine du droit à un
procès équitable se traduit par un examen approfondi de la technique
procédurale suivie. Sous ce regard, le droit processuel est ici un droit
comparé des techniques nationales d’organisation du procès. Ce socle national
sert le pragmatisme de la Cour et elle s’en sert, bien évidemment, pour modeler
progressivement la solution vers laquelle elle tend, vers laquelle elle veut
absolument que les Etats aillent.
Dans
ce cadre, les voies procédurales passées au crible de la critique de la Cour,
pour s’élever à un droit commun du procès, doivent être et sont laissées à une
large marge d’appréciation des Etats membres, à leur liberté normative et à
leur imagination jurisprudentielle. C’est dire que le droit procédural
national, technique d’organisation du procès ne peut pas et ne doit pas être
négligé et que l’expression ne doit pas être méprisée, reléguée au rang des
notions subalternes, fantaisistes, inutiles, bref avoir une connotation
péjorative, dévalorisante.
Mais
la technique n’est qu’un outil au service d’une cause, de valeurs qui la
dépassent et la transcendent. Dans le champ du procès, la technique est au
service de l’accès à un juge, au droit à un bon juge et à l’exécution des
décisions du juge et, plus encore, pour chacune de ces composantes, à
l’effectivité du droit à chaque garantie du procès équitable. Le droit
processuel est plus encore un droit commun du procès, au-delà des
particularismes nationaux, qu’un droit comparé des droits procéduraux
nationaux.
b) Le droit commun du procès équitable dans le droit
processuel universel
La finalité
universelle du droit processuel c’est l’effectivité des trois aspects du droit
à un procès équitable, effectivité que l’on retrouve dans tous les
« grands » arrêts fondateurs du droit à un procès équitable, par
exemple dans les arrêts précités Golder
contre Royaume Uni et Hornsby contre
Grèce. Ainsi, au § 35 de son arrêt Golder,
la Cour EDH énonce, affirme, que « le
principe selon lequel une contestation civile doit pouvoir être portée devant
un juge compte au nombre des principes fondamentaux du droit universellement
reconnus » (c’est nous qui soulignons).
C’est
pourquoi nous sommes de plus en plus convaincu que les garanties processuelles
ont une valeur quasi-substantielle : le droit commun du procès est un
droit de valeur universelle et de nature substantielle.
Il
faut donc consolider, voire bâtir dans certains secteurs, un socle d’exigences,
de garanties processuelles qui transcendent les droits procéduraux nationaux,
leur particularisme, d’où la question de leur articulation avec ces droits
nationaux.
B)
l’articulation
du droit procédural national et du droit processuel européen
a)
L’articulation par
la marge d’appréciation procédurale laissée aux Etats membres
La
Cour EDH manifeste une volonté d’unification très nette du droit par la méthode
dite de l’autonomie des notions[142],
ce qui conduit, dans le champ du procès, à la domination du concept de droit
processuel ; pour autant, elle apporte à cette méthode un correctif par
celle dite de la marge d’interprétation laissée aux États , ce qui, dans
le même champ, valorise le droit procédural des Etats membres.
Tout en souhaitant
imposer un droit processuel commun à l’ensemble des États membres, la Cour EDH
manifeste aussi le souci de ne pas tout uniformiser et de ne pas supprimer
toute différence entre les États ; c’est un peu la prise en considération
d’un principe de proximité laissant aux législateurs et aux juridictions
nationaux le soin de tenir compte des réalités juridiques, mais aussi
économiques et sociales de leur pays. Elle affirme ainsi que « la Cour ne saurait se substituer aux
autorités nationales compétentes, faute de quoi elle perdrait de vue le
caractère subsidiaire du mécanisme international de garantie collective
instauré par la Convention ; les autorités nationales demeurent libres de
choisir les mesures qu’elles estiment appropriées dans les domaines régis par
la Convention ; le contrôle de la Cour ne porte que sur la conformité des
mesures prises par les autorités nationales avec les exigences de la
Convention » [143].
En d’autres termes, appliquée au champ du droit procès la méthode
signifie : aux Etats membres le droit procédural, à la Cour le droit
processuel.
Il ne faut
toutefois pas trop s’illusionner sur cette marge laissée aux États ; le
principe de subsidiarité n’est lui-même que subsidiaire, secondaire, pour deux
raisons :
• la première provient de ce que son
champ d’application est volontairement laissé dans le flou par la Cour
EDH ; elle n’a jamais déterminé définitivement l’étendue de la marge
d’appréciation laissée aux États membres, déclarant tout au contraire, que
cette étendue « varie selon les
circonstances, les domaines et le contexte » [144].
C’est dire que la Cour se laisse à elle-même une très large marge
d’appréciation de la notion de marge d’appréciation laissée aux États
membres ! On l’a bien vu dans l’arrêt Lautsi
c/ Italie du 18 mars 2011, à propos du maintien du crucifix dans les salles
de classe des écoles publiques italiennes, maintien qui n’emporte pas violation
de la Convention ; arrêt qui a fait dire à un auteur que « la doctrine de la marge
d’interprétation des Etats est ici utilisée de manière aussi stratégique que
contestable »[145].
• La seconde raison tient à ce que la
marge d’appréciation laissée aux États membres est placée sous le contrôle de
la Cour elle-même ! Là encore, si la Cour européenne « lâche un peu
de lest », ce n’est pas sans prendre certaines précautions. Elle affirme
donc, sans état d’âme et sans complexe, que si « les États contractants jouissent d’une certaine marge
d’appréciation pour juger de l’existence et de l’étendue de la nécessité d’une
ingérence,... elle va de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur
la loi et sur les décisions qui l’appliquent ; en exerçant ce dernier, la
Cour doit rechercher si les mesures prises au niveau national se justifient en
principe et sont proportionnées » [146].
Et ce contrôle européen n’est pas relâché, puisque la Cour souligne qu’il doit
être strict, en raison de l’importance des droits protégés par la Convention et
de la nécessité d’établir de manière convaincante la nécessité de les
restreindre [147].
Tout l’équilibre est
là, dans un va et vient permanent entre exigences processuelles visant à
conforter la valeur universelle du droit à un procès équitable et marge
d’appréciation laissée aux Etats visant à laisser s’appliquer leur droit
procédural dès lors qu’il n’est pas contraire au droit processuel. On peut
l’illustrer par deux exemples tirés du fondamentalisme religieux.
b)
Le va-et-vient
entre droit procédural national et droit processuel universel
Dans
la pratique, ce jeu de va-et-vient entre le droit procédural national,
traduction de la marge d’appréciation laissée aux Etats membres, et le droit
processuel, valeur universelle d’un droit commun du procès que la Cour EDH
s’efforce de bâtir, ne va pas sans difficultés. C’est qu’on est ici au cœur des
questions de culture de chaque Etat membre qui s’oppose parfois aux principes
structurants d’un procès équitable. On l’illustrera par des exemples tirés des
excès de certaines religions, hier et aujourd’hui. Nous savons que nous
abordons un sujet dit « sensible » ; mais en donnant un aperçu
de deux « justices » fondées sur le fondamentalisme religieux peu
conformes aux principes d'un véritable État de droit, l'un dans le passé, avec
la justice de l'Inquisition, l'autre encore contemporain dans certains États,
la justice islamiste, nous n’oublions pas que ses deux justices ne se
confondent pas avec les religions auxquelles elles renvoient et considérons
simplement que les religions doivent rester dans leurs lieux de culte[148].
Si chacun est libre de croire en Dieu, il n’est pas interdit à tous de penser,
donc de critiquer et de dénoncer les systèmes juridiques non conformes aux
valeurs universelles, notamment dans le champ du droit du procès, fussent-ils
d’inspiration religieuse. Le fondamentalisme religieux conduit aux pires excès
s’il n’est pas désavoué par la hiérarchie de la religion en cause, ce qui
explique la similitude (mais à près de huit siècles d’écart) entre la justice
de l’Inquisition et celle de la Charia[149].
1) La justice
de l'Inquisition de l'Église catholique
On
notera avec intérêt la mise sur pied par le Vatican, fin octobre 1998 (début
des travaux le 29 octobre), d'un symposium international d'études
scientifiques sur l'Inquisition, sous la responsabilité de Monseigneur
Etchegaray, président du comité central pour le grand jubilé de l'an 2000. Par
ailleurs, afin d'étudier le rôle effectif joué par leurs prédécesseurs dans
l'Inquisition médiévale, une série de séminaires critiques sur l'Inquisition a
été organisée par les dominicains, tous les deux ans, jusqu'en 2008 ;
cette tâche a été confiée à l'Institut historique dominicain de l'université
Saint-Thomas-d'Aquin ; le premier s'est achevé, à Rome, le 25 février
2002 ; réunissant des spécialistes laïcs et religieux, il a procédé à
« un examen critique historique du rôle joué par les dominicains dans
l'Inquisition, afin de faire ensuite des choix conséquents avec la sensibilité
ecclésiale » ; réuni à huis clos, ses travaux seront publiés ;
le deuxième a eu lieu en Espagne et au Portugal en 2004 ; le troisième, en
2006, a porté sur l'Inquisition romaine ; le dernier, en 2008, a vérifié
les faits advenus dans d'autres contextes[150].
Instituée en 1231, devenue institution permanente sous le Pape Grégoire IX, en
1233, avec des tribunaux confiés à des dominicains et franciscains dans les
couvents et palais épiscopaux, fondée en 1478 en Espagne[151]
(avec, pour cet État, un dernier autodafé public en 1691) et progressivement
abolie de 1768 à 1832, l'Inquisition se présentait comme un tribunal d'Église
pour la répression de l'hérésie (elle sévit dans le Midi de la France contre
l'hérésie cathare et en Italie contre l'hérésie vaudoise). Malgré ses excès,
souvent dénoncés à juste titre, il faut bien voir qu'à l'origine et pour
l'époque, les tribunaux de l'Inquisition ont pu représenter un réel progrès
puisque le juge devait commencer ses travaux par une véritable enquête, avec
des garanties juridiques offertes aux personnes accusées d'hérésie. Un manuel
des inquisiteurs fut même élaboré par Nicolas Eymerih, en 1376, pour canaliser
le zèle de ceux-ci. Toutefois, même si c'est l'ensemble du système répressif de
ces temps-là qui était peu respectueux des droits de l'homme, l'Inquisition
présentait cette particularité, accablante, qu'elle jugeait des délits
d'opinion, de croyance et non pas des droits communs. Dans l'horreur de ses
excès, ce qui n'était déjà pas justifié pour des droits communs, l'était encore
moins pour des hérétiques par rapport, non pas à une loi universelle, mais à
une religion, à l'époque intolérante. Il semble bien que les tribunaux de
l'Inquisition ont développé leur propre bureaucratie, leurs propres normes,
échappant à tout contrôle. C'est sans doute cette considération qui a conduit
l'Église catholique contemporaine à prendre ses distances avec l'institution,
puis à exprimer ses regrets : distances en 1994, Sa Sainteté le Pape
Jean-Paul II, dans sa lettre apostolique sur le jubilé de l'an 2000 (alors
qu'approchait le troisième millénaire) demandant aux catholiques de se préparer
à « la repentance des erreurs, des infidélités, des incohérences, des
lenteurs » et pour « des méthodes d'intolérance et même de violence
dans le service de la vérité » au cours de ces dix derniers siècles, en
ayant le courage de regarder ce passé douloureux. Regrets en juillet 1998
avec le chapitre général des dominicains réuni à Bologne et qui « se
rappelle avec regret le rôle joué par certains de ses membres dans l'injustice
de l'Inquisition et demande à l'Ordre de s'engager dans une recherche de la
vérité, laissant à Dieu seul le jugement des personnes ». Le 15 juin
2004, le Pape autorise la publication d'un volume de 783 pages consacré à
l'Inquisition et issu des travaux du symposium de théologiens d'octobre
1998 ; en le présentant, il condamne « le
symbole du contre-témoignage évangélique et du scandale et le consentement
donné à des méthodes d'intolérance et de violence dans le service de la
Vérité »[152].
Il est clair que si l’on devait soumettre aujourd’hui cette justice de
l’Inquisition au contrôle de la Cour EDH, elle se heurterait de plein fouet au
droit processuel universel que celle-ci a élaboré à partir de l’article 6 de la
Convention. Il n’y aurait aucune place pour un droit procédural national de ce
type[153] !
2) La justice
islamiste (et non pas islamique)[154] :
la Charia est-elle compatible avec la notion de procès équitable dégagée par la
Cour EDH ?
A la jeune collègue
qui, au cours d’une soutenance de thèse, a récemment prétendu « qu’il apparaît que le procès
équitable ne s’oppose pas à la Charia qui le reconnaît »[155],
voilà ce que nous pouvons opposer, sans passion, mais avec toute la force de
nos convictions républicaines, d’une certaine connaissance du droit musulman
(pour l’avoir enseigné et pour avoir publié en ce domaine[156],
en tout cas celui en vigueur au Sénégal et qui s’inspire du rite malékite suivi
en Tunisie notamment) et de la jurisprudence des tribunaux coutumiers de la
France d’Outre-mer au temps dit des colonies (notamment la coutume woloff islamisée au Sénégal), ainsi que de la haute autorité de madame
Elisabeth Badinter et de la Cour EDH[157].
La justice, bien que largement accusatoire et non pas inquisitoriale, que
certains États appliquent, pour des personnes accusées d'infraction relevant du
droit commun, ne correspond pas, pour autant, aux principes directeurs de la
procédure pénale fixés notamment par le Comité des droits de l'homme de l'ONU
ou la Cour EDH. Il ne s'agit pas ici de faire le procès d'une religion[158]
mais de souligner les excès auxquels peut conduire une interprétation des
textes sacrés peu respectueuse des droits de l'homme[159].
C'est toute la question du fondamentalisme religieux, particulièrement de la Charia, à laquelle la France n’échappe
pas, par Mayotte interposé.
α) La
Cour EDH a eu l'occasion de condamner par deux fois le fondamentalisme
religieux[160] en
affirmant, courageusement, qu'« il
est difficile de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de
l'homme et de soutenir un régime fondé sur la charia » et que la charia est inconciliable avec la
démocratie et les droits de l'homme « eu
égard à ses règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu'elle
réserve aux femmes dans l'ordre juridique et à son intervention dans tous les
domaines de la vie privée et publique »[161].
La Grande chambre fait sienne les conclusions de la Chambre par cette formule lapidaire
mais forte : « la Cour partage
l’analyse effectuée par la Chambre quant à l’incompatibilité de la charia avec
les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu’ils résultent de la
Convention[162].
On a
fait remarquer, à juste titre, que la Cour EDH est très laconique quant aux
règles de droit pénal et de procédure pénale qui seraient incompatibles avec la
démocratie[163]. Mais
l’actualité mondiale nous fournit, depuis plus de dix ans, de nombreux exemples
du droit procédural (on n’ose parler ici de droit processuel) en vigueur dans
les Etats qui appliquent la Charia. Ainsi,
certaines personnes accusées de vol sont traduites en justice dans des stades,
devant plusieurs milliers de « spectateurs » pour l'exécution d'une
peine corporelle qui a été prononcée par ailleurs par un juge. Le sens de cette
justice est la recherche de l'exemplarité, ainsi que le dit l'un de ses
protagonistes à Kaboul, en Afghanistan : « En frappant le coupable, nous préservons la vie de beaucoup
d'autres gens. Nous assurons la paix et la sécurité. Et cette justice est
publique pour que chacun puisse apprendre. Celui qui a volé doit être amputé,
celui qui a violé doit être lapidé, celui qui a tué doit être tué ; telle
est la justice »[164].
On en trouvera une application dans une affaire rapportée en France d'un
pompiste indien condamné à l'ablation d'un œil pour avoir blessé à un œil un
Saoudien qui était son débiteur au cours d'une rixe[165].
Ainsi encore, en janvier 2002, on apprend que dans certains États fédérés
du Nigeria, malgré l'opposition du gouvernement fédéral et les protestations
internationales, une condamnation à mort (par lapidation) a été prononcée
contre une femme divorcée qui a eu un enfant hors mariage, au nom de la charia[166].
Élisabeth Badinter écrit[167]
que les femmes afghanes ne disposent pas d'avocat de la défense et que la
plainte pour viol n'est recevable que s'il y a quatre hommes témoins de ce
viol, sinon c'est la victime qui est poursuivie et lapidée[168] ;
le même auteur fait état du procès d'une Iranienne de 16 ans (on donnera son
nom, Atefeh Rajabi, pour en garder la mémoire), jugée expéditivement, sans
avocat pour « actes incompatibles
avec la chasteté », décrétée folle par le tribunal, à l'audience, et
pendue par le juge qui l'avait condamnée ; son corps fut déterrée par des
inconnus et a disparu, à jamais[169].
Ou encore, au Pakistan, une justice tribale qui ordonne le viol collectif et en
public d'une jeune fille dont le seul tort est d'être la sœur d'un enfant de 12
ans vu en compagnie d'une jeune fille d'une caste supérieure[170].
Les exemples ne sont pas limités aux années 2000. Dix ans plus tard, les mêmes
causes produisent les mêmes effets, qu’il s’agisse de la notion de blasphème[171]
ou du peu de cas que le justice de ces pays fait des violences faites aux
femmes, notamment à travers la conception discriminatoire du témoignage, selon
qu’il provient d’un homme ou d’une femme[172].
Ce genre de règles n’est pas compatible avec les garanties du procès équitable
et je me demande ce qu’en penserait la Commission
consultative des droits de l’homme si un projet inspiré de ces règles lui
était soumis…, elle qui se montre si soucieuse – à juste titre- de défendre les
droits de l’homme lorsqu’elle étudie les projets de réforme de notre procédure
pénale. Et l’argument de la culture nationale qui justifierait le pire est
irrecevable, comme le dit si bien Ian Buruma dans une interview à propos des
crimes dit « d’honneur »[173].
β) La
France n’est pas à l’abri de ces considérations, en tout cas outre-mer. A
Mayotte, c’est une justice musulmane, à travers l’institution du cadi, qui a
posé problème lors du passage à la départementalisation. Cette justice a fait
l’objet d’une étude particulière dans un très bel ouvrage de Laurent Sermet[174]
avec cette interrogation « aube ou
crépuscule ? », ce qui montre bien les enjeux de la
départementalisation de cette collectivité. Dans un « contexte délicat » de formation insuffisante du juge
cadial, de décisions inacceptables (ainsi du prononcé de la peine de mort par
enterrement vivant, pour cause d’adultère, heureusement annulées par le
Tribunal supérieur d’appel), la loi du 11 juillet 2001 a opté pour le maintien
de cette justice, mais en la rénovant par la création d’une juridiction civile
de droit commun compétente en matière de statut personnel. Laurent Sermet
analyse longuement les principes directeurs de la réforme, la procédure
applicable devant la juridiction civile de droit commun, la séparation
organique souhaitable des fonctions cadiales (entre les fonctions de nature
juridictionnelle et les autres), dont l’enjeu est considérable, avec la prise
en compte des principes issus de l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme. Sur tous ces points l’auteur émet des propositions
intéressantes, notamment sur la séparation des fonctions du cadi conciliateur
et du cadi administrateur, ou encore sur la mixité de la procédure
juridictionnelle. Laurent Sermet n’occulte pas la réponse à la question qu’il a
posée d’emblée : entre « l’aube
ou le crépuscule », il estime clairement que « le contexte actuel de la justice musulmane à Mayotte évoque plus
un crépuscule qu’une aube ou une renaissance », ne serait-ce que parce
que les parlementaires souhaitent faire évoluer cette justice vers un rôle de
médiateur de proximité se recentrant sur les rapports humains et la vie
religieuse dans les villages, avec l’abandon progressif de leurs activités
juridictionnelles. Et comment pourrait-il en aller autrement, alors que, par
référendum, la population a opté pour une intégration pleine et entière au sein
des institutions de la République, par l’accès au statut de département ?
On retrouve l’idée valable pour le statut personnel substantiel, à savoir que
les droits de l’homme se concilient mal avec une appréciation régionaliste, un
particularisme aux fondements religieux. Ce n’est pas faire preuve
d’ethnocentrisme occidental étriqué que de croire à l’universalisme des droits
et libertés fondamentaux, au premier rang desquels nous plaçons le droit à un
procès équitable, ce qui inclut la confiance dans des juges bien formés et
indépendants de tout pouvoir, notamment celui d’une religion. Avec Mayotte, on
voit bien que les remarques d’incompatibilité absolue d’un droit procédural national
pénal et civil avec les valeurs véhiculées par le droit processuel universel
valent pour tous les types de justice dans la mesure où, par exemple, le
témoignage de la femme ne serait pas admis à égalité avec celui de l’homme.
Ces
exemples montrent qu’un droit procédural national, civil ou pénal, peut
exister, mais que le droit processuel universel le condamne. La distinction
prend ici toute sa valeur dans le paroxysme des excès du droit procédural
national.
C)
la
quasi exclusivité du droit processuel universel en droit constitutionnel
C’est aujourd’hui
un temps que tous les juristes français suivent en direct que celui de la
question prioritaire de constitutionnalité, la fameuse QPC ; c’est sans
doute sous l’influence de la jurisprudence de la Cour EDH que la QPC a été
créée, les souverainistes mécontents – au choix – de l’auctoritas, de l’imperium,
de l’impérialisme de ladite Cour, souhaitant que soit créée une voie nationale
d’accès à un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori. Peu importe d’ailleurs la part de chacun dans la
progression des garanties du procès équitable : dès lors que le vent des
libertés fondamentales souffle plus fort, peu importe d’où il vient, de
Strasbourg ou de Paris. L’essentiel est qu’il souffle.
Mais
ces deux voies d’accès à la sanction d’une violation des droits fondamentaux du
procès n’ont pas la même portée : alors que la Cour EDH juge une espèce à
l’aune des standards de la Convention européenne tels qu’elle les interprète,
sans pouvoir abroger une loi nationale, le Conseil constitutionnel français a
aujourd’hui ce pouvoir de juger qu’une loi n’est plus en vigueur (avec parfois
un différé dans le temps). La radicalité de la portée des décisions QPC
s’oppose à la simple condamnation d’un Etat, espèce par espèce, par la Cour EDH
même si, il est vrai, des condamnations européennes à répétition conduisent un
Etat à changer sa législation.
Surtout,
le contentieux porté devant le Conseil constitutionnel est un contentieux
objectif, en ce sens que l’espèce qui fonde la question prioritaire n’est qu’un
prétexte à faire juger que la règle de droit contestée est contraire aux normes
constitutionnelles et doit donc être abrogée ! On est dans le pur droit
processuel au sens des valeurs communes à tous les Français que leur
Constitution et son interprétation forgent, nullement dans le droit procédural,
dans la technique. On l’a bien vu avec les décisions rendues en matière de
garde à vue : le Conseil n’est pas descendu dans le détail procédural technique ;
il a envisagé la question d’un point de vue théorique, de la défense de
certains principes au détriment d’une certaine sécurité juridique.
La
raison en est sans doute dans le fait que le Conseil constitutionnel ne peut
pas connaître d’une QPC portant sur un règlement, vecteur premier du droit
procédural, alors qu’il peut connaître d’une loi qui ne peut porter, elle, en
ce domaine du droit du procès, que sur les grands principes applicables, donc
sur le droit processuel.
Mais
qu’il s’agisse du droit européen ou du droit constitutionnel, le droit
processuel universel est ici au cœur de la conformité du droit du procès avec
les principes fondamentaux de la démocratie. Derrière le droit processuel universel
et le droit procédural national se profilent les questions, majeures au XXIème
siècle, de démocratie procédurale et de légitimité démocratique.
iii – droit processuel européen et droit procédural
national, éléments structurants de la démocratie procédurale et de la légitimité
démocratique
Le concept de
démocratie procédurale que nous défendons depuis 1999 et celui de légitimité
démocratique que l’on trouve développé dans un ouvrage de Pierre Rosanvallon
édité en 2008[175], ne
sont pas absents des préoccupations de la Cour EDH puisqu’elle considère que la
référence à une société démocratique constitue l’une des exigences de la
Convention EDH, au sens de l’article 31 de la Convention de Vienne, et que
cette référence « la domine toute
entière » [176]
parce que, selon le Préambule de la Convention, le maintien des libertés
fondamentales « repose
essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique » [177].
Il faut donc préserver et promouvoir « un
juste équilibre entre la défense des institutions de la démocratie dans
l’intérêt commun et la sauvegarde des droits individuels » [178].
Appliquée au droit
du procès, cette exigence a conduit la Cour EDH a déclaré que « dans une
société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe
une place si éminente qu’on ne saurait le sacrifier à l’opportunité » [179]
et que l’exigence d’un procès équitable et public (art. 6, § 1) « compte parmi les principes
fondamentaux de toute société démocratique » [180].
La démocratie se
fonde ainsi sur la procéduralisation du droit [181]
et la boucle est bouclée : la démocratie est procédurale et sa légitimité
au sens de Rosanvallon s’enracine dans la procédure suivie plus que dans le
résultat obtenu. La finalité universelle de recherche de l’effectivité du droit
à un procès équitable dans toutes ses composantes, à la fois droit processuel universel
par l’affirmation du principe et droit procédural national par ses modalités de
mise en œuvre au niveau national, c’est, au final, ce que j’appelle depuis 1999
l’avènement d’une démocratie procédurale (A) et, dans un autre domaine, ce que
Pierre Rosanvallon appelle la « légitimité démocratique » (B).
A)
droit
procéssuel européen et droit procédural national dans la « démocratie
procédurale »
a) Si, en partant
des grandes évolutions de notre société, des attentes nouvelles des justiciables,
on recherche un dénominateur commun à tous les contentieux, dans une
perspective prospective, quels sont les principes directeurs susceptibles de se
dégager en ce début de siècle ? Avec le risque d’en oublier ou, plus
exactement de minimiser certaines évolutions, nous avons avancé l’idée, dès
1999, que trois principes structurants se profilent derrière les principes
directeurs actuellement retenus dans chaque type de contentieux, principes qui
correspondent à des besoins nouveaux, tels que les expriment les justiciables
et les citoyens :
– un
besoin de confiance dans l’institution justice et de respect de l’Autre,
d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la
preuve ;
– un
besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de
tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre
celles-ci et le juge ;
– un
besoin de proximité enfin, mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à
parcourir une distance se substituant à la proximité géographique, d’où un
principe, lui aussi structurant, de célérité.
Le lecteur
intéressé par ces nouveaux principes et cette doctrine qui les porte en
trouvera un exposé détaillé dans le précis Dalloz de droit processuel déjà cité[182].
Ce sont les principes directeurs de demain, des principes émergents, ce qui
signifie qu’ils ne sont pas encore acceptés par tous. Ils structurent
l’ensemble des contentieux[183]
et il faut les « inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de
justice[184] ».
Ils traduisent l’avènement d’une démocratie procédurale[185].
b) Avec l’émergence
de ces trois principes structurants, nous croyons pouvoir discerner la
confirmation de l’opinion que nous avions émise dès 1999[186] :
nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle du dépassement des questions de
pure technique procédurale, non point parce que celles-ci seraient devenues
inutiles, mais parce qu’elles doivent être revisitées à l’aune de la
mondialisation (qui induit une attraction de la procédure civile à la garantie
des droits fondamentaux) et à la lumière d’une modélisation du droit du procès.
De simple technique d’organisation du procès civil (comme la société est une
technique d’organisation de l’entreprise, parmi d’autres, ainsi que nous
l’avions souligné dans le Précis de Procédure
civile, dès 1991[187]),
la procédure est devenue un instrument de mesure de l’effectivité de la
démocratie dans notre pays[188],
mesure que la Cour européenne des droits de l’homme surveille de près[189].
Ce qui vaut pour
le champ du procès, vaut aussi, à un moindre degré, pour le champ du service
public de la Justice, tant il est vrai que, dans ce cas, les résistances
régaliennes sont plus fortes. La procédure civile réintègre ainsi pleinement le
champ du service public de la justice et la doctrine ne peut ignorer ce
phénomène. On est loin de l’annotation du formalisme procédural. La doctrine
participe désormais à l’avènement de la garantie des droits, à l’instauration
d’une démocratie procédurale. Il reste au juge, à la fois inspirateur et
collaborateur de cette doctrine, à la conforter dans sa vision, autrefois
prémonitoire, aujourd’hui communément admise ou presque, d’un droit processuel
humaniste.
B)
droit
processuel européen et droit procédural national dans la « légitimité
démocratique » de pierre rosanvallon
a) Dans le
deuxième volet de son enquête sur les mutations de la démocratie au XXIème
siècle, La légitimité démocratique –
Impartialité, réflexivité, proximité, Pierre Rosanvallon propose une
histoire et une théorie de cette « révolution de la légitimité »[190].
L’idée est ainsi exposée dans la présentation de l’ouvrage : « l’élection ne garantit pas qu’un
gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste. Le verdict
des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en ont
de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l’idée de
volonté générale s’est ainsi imposée. Un pouvoir n’est désormais considéré
comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et
de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression
majoritaire ».
b) Comparée à
l’idée de démocratie procédurale, on voit aisément ce qui rapproche les deux
théories. De la même façon que la démocratie procédurale repose sur le
triptyque des trois principes structurants du droit processuel que sont la
confiance (d’où la loyauté), le dialogue (d’où la contradiction) et la
proximité (d’où la célérité), un pouvoir démocratique « doit se plier à un triple impératif de mise à distance des
positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité),
de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de
réflexivité) et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de
proximité) ». Quelques rapprochements s’imposent, à ces trois niveaux
de l’analyse pour souligner la place que prend le droit processuel (au sens où
nous l’entendons) dans la recherche de la légitimité d’un pouvoir démocratique.
1) S’agissant de
la « légitimité d’impartialité », l’exigence est éminemment
processuelle dans son affirmation et procédurale dans sa mise en œuvre. Pierre
Rosanvallon reprend la distinction, classique chez les juristes, de
l’indépendance qui est un statut et de l’impartialité qui est, pour lui
« une qualité » (p. 150-151), pour nous « une vertu »[191].
Et ce sont les autorités administratives indépendantes qui sont l’objet de la
démonstration du savant auteur (p. 139 et s.) à la recherche de ce qui
caractérise leur légitimité, puisque, par hypothèse, elles ne sont pas élues.
Le choix de cet exemple est particulièrement révélateur puisque ce sont ces autorités
qui ont posé le plus de problèmes en jurisprudence quant à leur impartialité[192] !
Notre rapprochement trouve ici toute sa justification.
2) S’agissant de la
« légitimité de réflexivité », le rapprochement est moins évident au
premier abord, puisque nous insistons sur le dialogue et Pierre Rosanvallon sur
« la prise en compte des expressions plurielles du bien commun ».
Pourtant, on ne peut manquer d’être frappé par l’exigence de dialogue avec le
législateur que sous-tend l’analyse à laquelle procède Pierre Rosanvallon, de l’intervention
des cours constitutionnelles dans l’élaboration de la loi (cf. p. 217 et s.) ;
or, ce dialogue est particulièrement mis en évidence aujourd’hui en France avec
l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité et Guillaume
Drago l’avait déjà relevé dans sa thèse[193]
en parlant d’une coproduction de la loi par le Parlement et le Conseil
constitutionnel dans le contrôle de constitutionnalité a priori.
3) Enfin, en ce
qui concerne la « légitimité de proximité », il est très intéressant
de rapprocher cette exigence dans la démocratie procédurale telle que nous la
voyons, de ce qu’écrit Pierre Rosanvallon (pages 265 et s.) à propos de la
légitimité d’un pouvoir démocratique. Ainsi, page 269 et s., l’auteur montre
que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents publics est
fonction des qualités de « justice procédurale » attachées à leur
comportement. En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984 à Chicago auprès d’individus ayant eu
personnellement maille à partir avec la police et la justice », il
résulte que « ces individus ont un
regard sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature
des sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus
dépendait évidemment, au premier chef,
du verdict prononcé, leur appréciation de la légitimité de l’institution
judiciaire était, elle, fondée sur un autre critère : celui de la
perception de l’équité du procès ». L’équité de la procédure légitime
le fond d’une sentence.
Ainsi, dans toutes
ses composantes, la justice procédurale est au service de la démocratie et le
droit processuel européen, voire universel, est le marqueur qui, tout à la fois,
structure la démocratie procédurale et légitime le pouvoir démocratique. C’est
dire combien la distinction doctrinale droit processuel européen-droit
procédural national est première dans la recherche de l’idéal démocratique. La
question du fondamentalisme religieux n’en est que l’un des exemples, certains
diront peut-être le prétexte à cet essai, mais les prétextes ne sont-ils pas
aussi les sentinelles qui veillent sur nos idéaux ?
Paris, le 15 janvier
2012
[1] Sur le rôle de la
doctrine dans la construction de cette conception du droit processuel, S.
Guinchard, « La part de la doctrine en procédure civile », Rev. dr. Assas 2011/3, p. 73.
[2] Dont le
signataire de ces lignes est titulaire !
[3]. Décr. no 66-144
du 11 mars 1966 et arrêté du 28 mars 1966.
[4]. Jean Foyer,
préface au Droit processuel d'Henri
Motulsky, Les cours de droit, 1973,
textes réunis par M.-M. Capel.
[5]. Ibid.
[6]. H. Vizioz,
« Observations sur l’étude de la procédure civile », Rev. gén. dr. 1927, repris in Études de procédure, Bière éd., 1956,
p. 13, note 2, réédition Dalloz, 2011, préface S. Guinchard. À
rapprocher de l'expression « droits
de procédure » utilisée lors de l'élaboration de la Charte des droits
fondamentaux de l'UE.
[7]. Ibid.
[8]. Visioz cite G.
Chiovenda et ses « Principes de droit processuel », v. S. Guinchard,
préface à la réédition des Études de
procédure, « Bibliothèque Dalloz », Dalloz, 2011.
[9] D’origine russe,
né en Allemagne le 9 juin 1905, avocat allemand dans les années vingt,
Motulsky émigra en France en 1933 pour fuir et combattre le nazisme ;
engagé dans la Légion étrangère, il combattit en Afrique dès l’entrée en guerre
de la France en 1939, puis dans le maquis alpin. Il rédigea sa thèse sous
l’autorité de Paul Roubier (Lyon) ; soutenance en 1947, réussite à
l’agrégation en 1959 ; en poste à Rabat, Dijon, Nanterre à partir de 1969.
Il meurt à Genay (Côte-d’Or) le 29 déc. 1971, à sa table de travail. C’est le
génie, en tous les sens du mot, du droit processuel au xxe siècle. Sur son influence
doctrinale : colloque de Caen, 20 janv. 2012, « Qu’est devenue la
pensée de Motulsky ? » travaux publiés in Procédures, mars 2012 (avec la communication de Georges
Bolard sur sa vie).
[10]. H. Motulsky,
Droit processuel, Les cours de droit,
1973, textes réunis par M.-M. Capel, spéc. p. 1. Ces enseignements à Dijon
n’ont pas été édités, mais certains de ses étudiants devenus des personnages
importants du monde judiciaire nous ont confié avoir conservé des notes assez
complètes ; puissent-ils trouver l’opportunité de les publier.
[11]. H. Motulsky
reste le maître du droit processuel, son premier promoteur, même si ce
qualificatif sied aussi à Jean Carbonnier, mais dans une moindre mesure, cf. L.
Cadiet, « Carbonnier processualiste », Mélanges S. Guinchard, Dalloz 2010, 189.
[12]. H. Croze,
« Retour sur la qualification », Procédures,
2008, Repère no 7.
[13]. Ce que nous
avions déjà relevé, S. Guinchard, « Le réveil doctrinal d’une belle au
bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit
processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation
du procès », Mélanges Raymond Martin,
Bruylant/LGDJ, 2004.
[14] S. Amrani-Mekki,
« Droit comparé des procédures – Retour vers le futur », Mélanges Ch. Lazerges Dalloz, 2014,
p. 445.
[15] A. Garapon, Bien juger – Essai sur le rituel judiciaire,
O. Jacob éd., 2001, p. 149.
[16]. J.P. Ancel,
« Art processuel », Mélanges
Buffet, Petites affiches/LGDJ éd., 2004.
[17] Rapprocher de la définition qu’en donne
le Lexique de termes juridiques Dalloz [dir. Guinchard et Debard, 24e
éd. 2016 : « qui aime la
procédure, ses arcanes, ses péripéties, ses rebondissements. Le mot est
généralement pris en mauvaise part et stigmatise le chicaneur qui se complaît
dans les procès ».
[18]. Sur cette
évolution, S. Guinchard, « La part de la doctrine en procédure
civile », Rev. dr. Assas 2011/3,
p. 73.
[19]. V. Le Petit
Robert des noms propres.
[20]. Vizioz, article
préc. « Observations sur l’étude de la procédure civile », 1927,
repris in Études de procédure civile,
1956, p. 13, note 2, réédition Dalloz, 2011, préface S. Guinchard.
[21]. V. les deux
articles « fondateurs » de cette approche : S. Guinchard,
« Vers une démocratie procédurale », Justices, 1999, nouvelle série, p. 91 ; « Les
métamorphoses de la procédure à l'aube du IIIe millénaire »,
in Clefs pour le siècle, Paris 2,
Dalloz éd., 2000. Ph. Coppens et J. Lenoble (dir.), Démocratie et procéduralisation du droit, Biblio. Fac. Dr. Louvain,
vol. XXX, Bruylant éd. 2001. Rappr. L’importance des libertés
fondamentales dans la « Théorie de la Justice » de John Rawls, 1971.
[22]. Sur ces aspects
en matière civile, V. A.A.S. Zuckerman (dir.), Civil justice in crisis (comparative perspectives of civil procédure),
Oxford University press, 1999, 485 pages.
[23]. Commentaire : S. Guinchard,
« L'ambition d'une justice civile rénovée » D. 1999, chron. 65.
[24] Documentation
française, août 2008. Tout était dans les deux adjectifs.
[25]. Sur ces
pratiques, Foulon, in Le NCPC, vingt ans
après, colloque de la Cour de cassation, Doc. fr. 1998.
[26] M. Bandrac,
« Recherche sur la place du droit comparé dans la motivation des arrêts
rendus par la Cour EDH en application des garanties du procès équitable »,
Mélanges C. Jauffret-Spinosi, Dalloz,
2013, p. 31.
[27]. V. pour le
droit américain, le Federal Rules of
civil Procedure, Rule 1 et le New
York Civil Pratice Laws and Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog,
« Le nouveau code de procédure civile – Quelques appréciations
d'Outre-Atlantique » : Justices,
1996-3, p. 445, spéc. p. 446 et 450.
[28]. E. Dreyer,
« La fonction des droits fondamentaux dans l’ordre juridique », D. 2006. 748.
[29]. J. Ch. Galloux,
« Les droits fondamentaux de la procédure dans les propriétés
intellectuelles ; vers un syncrétisme européen », Mélanges J. Normand, Litec, 2003. Rappr.
sur la procéduralisation du droit, Ph. Coppens et J. Lenoble (dir.), Démocratie et procéduralisation du droit,
Biblio. Fac. Dr. Louvain, vol. XXX, Bruylant, 2001. – C. Pigache (dir. et
rapport), in La procéduralisation du
droit, Travaux 2002 de l’université d’été du Barreau de Rouen, in L’évolution du droit, p. 105 s.,
publications de l’université de Rouen, 2004.
[30]. E. Decaux
(dir.), Justice et droits de l’homme,
28e congrès IEDF, 2003, Paris 2006, spéc. problématique,
p. 35.
[31] P. Muzny,
« À quand une véritable culture des droits de l’homme en France, », JCP 2011, doctr. 981, qui plaide pour
plus d’impartialité, d’indépendance et de transparence de l’activité
juridictionnelle.
[32] Sur cette
modélisation : Fr. Sudre et C. Picheral [dir.], La diffusion du
modèle européen du procès équitable, Doc. fr., coll. Perspectives sur la
justice, Paris, 2003. G. Mecarelli, L’hypothèse
d’un droit commun du procès, thèse (dacty.) Paris 2, déc. 2002 [dir. Ph.
Fouchard].
[33]. Sur ce
mouvement de mondialisation, V. S. Guinchard, « Vers une démocratie
procédurale », Justices,
nouvelle série, Dalloz, 1999, p. 91 ; « Les métamorphoses de la
procédure à l'aube du IIIe millénaire », in Clefs pour le siècle, Paris 2, Dalloz
éd., 2000 ; « Le droit procédural, référence commune dans l’espace
euro-méditérranéen », Mélanges
Giuseppe Tarzia, 2004.
[34] L. Cadiet, in Introduction à l’ouvrage avec
J . Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie
générale du procès, PUF, 2ème éd. 2013.
[35] V. l’interwiew
de G. Tusseau, JCP 2012, 1001, sur
l’émergence d’un droit processuel constitutionnel qui se rapproche du droit
processuel et qui a trait à la mise en œuvre d’autres branches du droit et dont
« l’ensemble tend vers une forme de droit commun du procès ». P.
Gounod, AJDA 2012. 1195.
[36]. Cornu et Foyer,
Procédure civile, 3e éd.,
PUF, 1996, no 3, p. 9.
[37] Fr. Bohnet,
« L’unification de la procédure civile suisse, un modèle pour
l’UE ? », in La justice civile
en marche [dir. M. Douchy-Oudot et E. Guinchard], Dalloz éd., Thèmes et commentaires,
série Études, 2012, p. 189.
[38] Sur ce partage
entre le droit procédural national et le droit processuel européen, V. S.
Guinchard « Le fondamentalisme religieux à l’aune de la distinction doctrinale
du droit processuel européen et du droit procédural national : entre
démocratie procédurale et légitimité démocratique », Mélanges Flauss, Pedone/Institut international des droits de
l’homme, 2014, p. 365.
[39]. V. pourtant,
sous la plume de savants auteurs, une conception du droit processuel qui en
exclut les fondements internationaux, notamment européens, et les fondements
constitutionnels, W. Baranès, M.A. Frison-Roche et J.H. Robert,
« Pour le droit processuel », D. 1993.
Chron. 9.
[40]. Sur cette
évolution, S. Guinchard, « La part de la doctrine en procédure
civile », Rev. dr. Assas 2011/3,
p. 73.
[41]. C’est
l’intitulé de l’ouvrage offert à Serge Guinchard en guise de Mélanges, Dalloz,
mai 2010.
[42]. C. Brenner,
« Pour un humanisme processuel respectueux de l’autonomie
processuelle », Mélanges Serge
Guinchard, Dalloz, 2010. 175.
[43]. E. Jeuland, Droit processuel, LGDJ, 1ère
éd. de 2007. H. Croze, préc.
[44]. E. Jeuland, Droit processuel général, Montchrestien,
2e éd. 2012.
[45] V. par ex. S.
Amrani-Mekki qui nous rejoint en 2015 dans son article « La
fondamentalisation du droit du procès » Rev. dr. Assas, Lextenso éd., 2015/11, p. 72.
[46]. Sous ce regard,
le lien social présenté comme critère et définition du droit processuel par
l’un de ceux qui rejettent la conception moderne du droit processuel,
correspond parfaitement à notre conception du droit processuel moderne :
qui pourrait, mieux que la Cour EDH, tisser ce lien entre les 800 millions
de citoyens relevant du Conseil de l’Europe, par l’application des articles de
la Convention EDH ? Le critère néo-classique du lien social retenu par E.
Jeuland détruit toute la construction de retour à une vision classique du droit
processuel !
[47] Contra, mais on l’a déjà relevé, un
certain agacement de l’auteur envers une doctrine qu’il combat, L. Cadiet, in Introduction de l’ouvrage avec J.
Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie
générale du procès, PUF, 2ème éd. 2013.
[48]. B. de Witte et
C. Forder (dir.), Le droit commun de
l'Europe et l'avenir de l'enseignement juridique. M. Delmas-Marty, Pour un droit commun, Le Seuil,
1994 ; « Réinventer le droit commun », D. 1995, chron. 1. Reiner Schulze, « Le droit privé
commun européen », RIDC 1995, 7.
Cadiet et Guinchard, Justices,
1995/1, p. VI. L. Moccia, « Les bases culturelles d'un juriste
européen », RIDC 1997, 799. R.
Jacob (dir.), Le juge et le jugement dans
les traditions juridiques européennes, LGDJ, coll. Dr. et société, 1996.
Carbasse, Introduction historique au
droit, PUF, 1998, no 78 s. C. Jauffret-Spinosi, « Les
instruments de l'harmonisation du droit (commission Lando et Unidroit) »,
rapport aux Journées Capitant de Paris, 2000. Variations autour d'un droit commun, Travaux préparatoires, UMR de
droit comparé de Paris 1, Soc. Législation comparée éd., 2001.
[49]. M. Fr.
Renoux-Zagamé, « Le droit commun européen entre histoire et raison »,
Rev. Droits, 1991/14, p. 27.
J.L. Halperin, « L'approche historique et la problématique du jus commune », RIDC 2000, 717 ; « Approche historique et droit
comparé », in Variations autour d'un droit commun, op. cit. Soc. Lég. Comp. éd., 2001,
p. 17.
[50]. B. Oppetit,
« Droit commun et droit européen », Mélanges Y. Loussouarn, Dalloz, 1994, 311. V. aussi,
J.P. Gridel, « Déclin des spécificités françaises et éventuel retour
d'un droit commun européen », D. 1999,
chron. 139. Pour une application en droit des sociétés, V. Pagnier-Magnier,
LGDJ 1999, préface P. Didier.
[51]. En ce sens
aussi, Fr. Ost, « La jurisprudence de la CEDH amorce d'un nouveau jus commune », in Le juge et le jugement dans les traditions juridiques européennes,
op. cit., p. 683.
[52]. J. Hilaire,
in Présentation du colloque organisé
à l'automne 1993 par le Centre d'études d'histoire juridique de l'IHEJ, in Le juge et le jugement dans les
traditions juridiques européennes, op.
cit.
[53]. Ph. Coppens et
J. Lenoble (dir.), Démocratie et
procéduralisation du droit, Biblio. Fac. Dr. Louvain, vol. XXX,
Bruylant éd. 2001.
[54]. R. Legeais,
« L'utilisation du droit comparé par les tribunaux », RIDC 1994. 347. V. la revue Justices 1997-7, consacrée à la
diversité de l'Europe et, dans le même numéro, M. Storme, p. 69 qui
insiste sur l'importance du droit comparé. - Ch. Jamin, RTD civ. 1999. 487. – Colloque Cour de
cassation, 4-5 déc. 2000, Les principes
communs d'une justice des États de l'UE, Doc. fr. 2001. – Delmas-Marty,
« Le rôle du droit comparé dans l'émergence d'un droit commun », D. 2001, 1326. – J.
Fr. Flauss, « Du droit international comparé des droits de l'homme
dans la jurisprudence de la Cour EDH », in Le rôle du droit comparé
dans l'avènement du droit européen, colloque de l'Institut suisse de droit
comparé, Lausanne, 14-15 avr. 2000, Schulthess éd., Zürich, 2002. – - G.
Canivet, « La pratique du droit comparé par les cours suprêmes. – Brèves
réflexions sur le dialogue des juges dans les expériences française et
européenne », Tulane Law Review,
Vol. 80, no 1, 2005, p. 221 ; « La
convergence des systèmes juridiques par l‘action du juge », Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant
éd., 2005, p. 11. –M. Bandrac, « Recherche sur la place du droit
comparé dans la motivation des arrêts rendus par la Cour EDH en application des
garanties du procès équitable », Mélanges
C. Jauffret-Spinosi, Dalloz, 2013, p. 31.
[55]. La
Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale allemande) a ainsi
jugé le 27 juillet 2004, qu’une juridiction nationale avait l’obligation de
tenir compte des décisions des juridictions des autres États, cf. BICC, 15 oct. 2005, no 1904.
[56]. Selon lequel
« les hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux décisions
de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ».
[57]. CEDH 22 avr. 1993, série A, no 259 : JCP 1994, I, 3742, no 5,
obs. Sudre ; RFDA 1994.
1185, note Labayle et Sudre.
[58]. J.Fr. Flauss,
« La présence de la jurisprudence de la Cour suprême des USA dans le
contentieux européen des droits de l’homme », RTDH 2005, 313. G. Canivet, « L’influence de la comparaison
des droits dans l’élaboration du droit de source juridictionnelle », Mélanges Ph. Malinvaud, LexisNexis,
2007.
[59]. M.
Douchy-Oudot, « Le droit naturel et les droits de l’homme dans la
recherche du juste », Mélanges Serge
Guinchard, Dalloz 2010. 239. Déjà, Yves Hélory de Kermartin, magistrat,
avocat et prêtre, élevé à la sainteté par le Pape Clément VI le 13 mai 1347,
fondait sa démarche de juge équitable sur les principes du droit naturel, que
toute conscience formée, éclairée et attentive peut découvrir au moyen de la
raison (cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme
théologique, I-II, q. 91, a. 1-2) et sur le droit positif qui puise dans le
droit naturel ses principes fondamentaux (cf. >Zenit. org<, Cité du
Vatican, 19 mai 2003.
[60]. Motulsky,
« Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : les droits de
la défense en procédure civile », Mélanges
Roubier, Dalloz, 1961, t. 2, p. 179.
[61] G. Tusseau,
« Plaidoyer pour un droit processuel constitutionnel » Constitutions 2013. 585.
[62]. S.
Amrani-Mekki, « Le droit processuel de la responsabilité civile », Mélanges G. Viney, LGDJ, 2008.
[63]. Sur ces
procédures, N. Fricéro, Mélanges A.
Honorat, éd. Frison-Roche, 2000, 17.
[64]. Ainsi du droit
processuel de la propriété industrielle : Jean Foyer, Mélanges Cornu, PUF, 1994, 147. J. Ch. Galloux, « Les droits
fondamentaux de la procédure dans les propriétés intellectuelles ; vers un
syncrétisme européen », Mélanges J.
Normand, Litec, 2003. Ainsi encore du droit processuel économique :
M.A. Frison-Roche, Justices
1995/1, 91 ; L. Idot, chronique in
Justices puis RGDP et Europe ; E. Putman, Contentieux économique, PUF, 1998 ;
C. Delicostopoulos, L'encadrement
processuel des autorités de marché endroits français et communautaire. –
Contribution à l'étude du contentieux de la concurrence et de la bourse,
LGDJ, collect. Biblio. dr. privé, t. 364, 2002, préface S. Guinchard.
Ainsi enfin du droit processuel de la concurrence : Cl. Lucas de Leyssac, in Libertés et droits fondamentaux, Le
Seuil, 1996, 346, 2e éd.
2002 ; L. Vogel, Droit de la
concurrence, la pratique en 500 décisions, CCC, n° hors-série, mars 1997,
spéc. p. 154 à 198 ; J. Héron, « Le particularisme procédural du
contentieux de la concurrence », Justices
1997-6, 197.
[65]. J. Carbonnier,
« Regard d'ensemble sur la codification de la procédure civile »,
Colloque sur les 20 ans du NCPC, déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 17.
[66]. Ibid.
[67]. G. Cornu, ibid. p. 21 : « l'intention originaire, portée par un
consensus, est donc d'instituer, dans un dialogue avec les conseils des
parties, la mise en état de l'affaire ».
[68]. H. Lalou,
« Le code de procédure civile et la procédure pénale », D. 1951, chron. 33. A. Vitu,
« Les rapports de la procédure pénale et de la procédure civile », Mélanges Voirin, p. 812.
[69]. V. S.
Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale,
Litec, 10e éd. sept. 2014, « Un régime procédural
mixte ».
[70]. Contra : G. Bolard, « Les principes
directeurs du procès civil », JCP 1995,
I, 3693, no 4, en note 10, p. 330.
[71] Avec cette
dichotomie très claire, dans notre esprit, entre d’un côté, le droit commun du
procès au sens de ses droits fondamentaux fondés sur la mondialisation et la
modélisation et, de l’autre, une théorie générale à base de comparaison des
trois grands contentieux (ce qui suppose de tous les connaître…) pour aborder
l’étude de ce qu’est une action en justice, un acte juridictionnel et une
instance, il nous paraît inutile de polémiquer avec ceux qui, travestissant
notre pensée et voyant dans notre approche une « confusion » entre
théorie générale et droit commun du procès, se posent en s’opposant et
dénaturent notre approche.
[72]. Ph. Coppens
et J. Lenoble (dir.), Démocratie et
procéduralisation du droit, Biblio. Fac. Dr. Louvain, vol. XXX,
Bruylant, 2001. – C. Pigache [dir. et rapport], in La procéduralisation du droit, Travaux 2002 de l’université
d’été du Barreau de Rouen, in L’évolution
du droit, p. 105 s., publications de l’université de Rouen, 2004.
[73] V.
notamment ses écrits sur la saisine d’office du juge, sur l’action en justice,
sur la mise en état et les pouvoirs respectifs du juge et des parties et son
Droit processuel.
[74] Sur
cette querelle, v. J. Vincent et S. Guinchard, Procédure civile, 27ème
éd. Dalloz, 2003, n° 13 à 15.
[75]
Ibid. n° 3.
[76]
Ibid. n° 8 à 12.
[77]
L’expression est de Jean Carbonnier dans une lettre qu’il nous avait très
gentiment adressée après l’envoi de la 23ème édition, pour saluer
l’introduction d’un plan articulé sur l’idée que les trois théories
traditionnelles de l’action, de la juridiction et de l’instance, se mariaient
très bien avec les trois composantes de notre devise.
[78]
Ibid. n° 49.
[79]
Ibid., n° 48.
[80]
Droit processuel, LGDJ, collec. Systèmes, 2003.
[81] Une
autre idée de la procédure, Mélanges Decocq, Litec, à paraître, 2004.
[82]
Droit civil, Introduction, n° 191 : « dans les premières années de
ce siècle-ci [le XXème], les procéduriers français travaillaient encore
principalement par exégèse du Code de procédure civile […], cependant
qu’en Allemagne et en Italie, les processualistes se livraient à d’importantes
recherches théoriques, marquées souvent par l’influence du droit public ».
[83] Op.
cit. , p. 12 en bas et 13 en haut.
[84]
Droit processuel, Dalloz, 2ème éd., 2003, n° 11.
[85] Nous
qui avons commencé notre carrière par la rédaction et la publication d’un
mémoire de DES sur la publicité mensongère en droit français et en droit
fédéral suisse, LGDJ, 1971.
[86] E. Jeuland, op. cit. p. 14.
[87] « C’est
au Doyen Guinchard que l’on doit l’analyse terminologique la plus fine des
termes utilisés pour désigner ceux que la procédure occupe ou intéresse. Cette
analyse s’intègre à une certaine idée du droit processuel qui constitue
certainement la construction doctrinale la plus importante de ces dernières
années dans ce domaine », op. cit. n° 8.
[88]
J.Vincent et S.Guinchard, op.cit., n°11.
[89]
S.Guinchard et alii, Droit processuel, op.cit., n°8,s..
[90]
J.Vincent et S.Guinchard, op.cit., n°11.
[91] H. Croze, op. cit. n° 9.
[92]
Ibid. n° 10.
[93]
Procédure civile, op. cit., n° 3 et 48.
[94] La
société anonyme, technique d’organisation du procès, Sirey, 1967.
[96] Le
mouvement n'est pas propre à la France, V. E. Fazzalari, « Il processo come garanzia
fondamentale », Mélanges
V. Broniewicz, Lodz, 1998, p. 89.
[97]
J. Paillusseau, La société anonyme, technique d'organisation
de l'entreprise, Sirey, 1967.
[98]
S. Guinchard, Mélanges Cornu, PUF 1994, p. 209.
[99] À
propos de la discussion de la loi du 26 octobre 1790.
[100]
Sur la notion de libertés fondamentales, v. infra,
ce numéro, c.
[101]
Avec un clin d'œil cinématographique à Krzysztof Kieslowski et à sa fresque en trois films distincts,
« Trois couleurs Bleu » (présenté à Venise en septembre 1993),
« Trois couleurs Blanc » (Berlin, janvier 1994) et « Trois
couleurs Rouge » (Cannes, mai 1994), chacun illustrant l'une des
composantes de notre devise. Ce sont ces clefs de la procédure qui nous
protègent des procès hors les murs, V.S. Guinchard,
Mélanges Cornu, PUF, 1994, p. 209.
— Sur la devise républicaine, M. Borgetto,
PUF, Que sais-je ? 1997. — J. Cl. Colliard, Mélanges
Braibant, Dalloz, 1996, 89. — P. Bouretz
« Égalité et liberté, À la recherche des fondements du lien social »,
Rev. Droits 1988.8, p. 71. V.
aussi le plan de la Charte des droits fondamentaux de l'U.E., largement
inspirée de cette trilogie.
[102]
J.J. Israël, Droits des libertés fondamentales, LGDJ,
1998, qui présente les principales libertés fondamentales sous l'angle, elles
aussi, de la liberté, de l'égalité et de la fraternité (p. 371 à 416).
[103]
J. Chevallier, L'État de droit LGDJ, coll. Clefs, 1999.
Favoreu et alii, Droit
constitutionnel, Dalloz, 2001. — E. Zoller, Droit
constitutionnel, PUF 2e éd. 1999.
[104]
Montesquieu, De l'esprit des lois, livre XXIX, Chap. 1.
[105]
Même si celle-ci a été critiquée pour favoriser l'idée d'équité (A. Minc, Le
Monde, 5 janv. 1995). — Rapport public du CE pour 1996, Doc. fr. 1997 (compte-rendu, JCP 1997,
Actualités du 19 mars. — P. Mazière,
Le principe d'égalité en droit privé,
thèse (dacty.) Paris 2, 22 nov. 1997. — F. Melin-Soucramanien,
Le principe d'égalité dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Économica / PUAM, 1997, préf.
G. Vedel. — M. Fr. Ch. Tchalakoff,
Le principe d'égalité, AJDA, nospécial
juin 1996, p. 168.
[106]
M. Borgetto, « La notion
de fraternité en droit public français, le passé, le présent et l'avenir de la
solidarité », LGDJ 1993, préf.
Ph. Ardant ; compte rendu F. Terré, Archives phil. droit,
t. XXXIX, 1995.480. L. Cadiet,
Petit glossaire de l'amitié dans le
procès civil, Mélanges P. Couvrat,
PUF, 2001.
[107]
Un esprit malicieux pourrait en effet y voir l'antinomie des trois principes
qui éclairent les trois grandes théories de la procédure civile : absence de liberté de recourir à
l'arbitrage car ce mode de résolution des conflits est interdit en certaines
matières ; absence d'égalité car
c'est tout le contraire du droit au juge naturel, c'est-à-dire du droit aux
mêmes juridictions pour tous les justiciables ; absence de fraternité, car le coût en est élevé et sans aide
juridictionnelle.
[108]
Sur cette différence d'approche entre les deux systèmes juridiques et en
matière pénale, V. Audrey Guinchard,
Les droits de la défense lors de
l'instruction en France et aux U.S.A., Mémoire D.E.A., Lyon III,
1994-1995, no495, p. 223 ; La qualité de partie à
l'instruction en droit (fédéral) américain et français Rev. sc. crim. 1997, p. 611.
[109]
Arrêté du 8 sept. 1848 qui dispose que ce Sceau portera d'un côté la
figure de la Liberté et la légende « au nom du peuple français... »,
V. Courrier de la Chancellerie,
déc. 93, p. 6.
[110]
Thomas Meindl, La notion de droit fondamental dans les
jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et allemandes,
LGDJ, 2003.
[111]
L. Favoreu,
« Universalité des droits fondamentaux et diversité culturelle », in L'effectivité des droits fondamentaux
dans les pays de la communauté francophone, colloque, Iˆle Maurice,
29 sept.-1er oct. 1993, Aupelf/UREF. éd., p. 48. — M.
L. Pavla, « Éléments de
réflexion sur la notion de droit fondamental », Petites Affiches, 6 mai 1994. Molfessis,
Justices 1995-1-201 ; F. TerrÉ, La notion de droit et libertés fondamentaux, in Droits et libertés
fondamentaux, Dalloz, — V. Champeil-Desplats,
« La notion de droit fondamental et le droit constitutionnel
français », D. 1995, chron. 323.
— E. Zoller, Droit constitutionnel, PUF, 2e éd. 1999. L. Favoreu, Rev. fr. dr. const., 1990, p. 71 ; D. 2001, 1739 (à propos du juge administratif des référés). Jérôme
Favre et Boris Tardivel, Recherches sur la catégorie jurisprudentielle de libertés et droits
fondamentaux de valeur constitutionnelle, RDP, 2000, 1411.
[112]
Sur laquelle, outre les écrits d’Habermas, v. X. Lagarde
in Droit processuel/Droit commun et droit
comparé du procès, Dalloz, op. cit.,
n. 583. — Ph. Coppens et J. Lenoble [Direction], Démocratie et procéduralisation du droit, Biblio. Fac. Dr. Louvain vol. XXX, Bruylant éd., 2001.
[113]
S. Guinchard, Vers une démocratie procédurale, Justices 1999-1, p. 91.
[114]
G. Timsit, conférence en séminaire
sur le procès équitable, École doctorale de droit comparé de Paris 1,
2000-2001.
[115]
Contra : G. Timsit préc.
[116]
Sur l’importance du formalisme jusque dans la manière d’enseigner la procédure
civile, v. S. Guinchard, La part de la doctrine en procédure civile,
Revue de droit d’Assas 2011/3, p. 73, Lextenso éd.
[117]
Sur ces handicaps, v. nos trois précis : Droit processuel, droits fondamentaux du procès, 6ème
édition (S. Guinchard et alii),
janvier 2011, n° 2 et 3. Institutions
juridictionnelles, 11ème édition (avec Thierry Denard et André
Varinard), 2011, n° 2 et 3. Procédure
civile, 30ème édition (avec Cécile Chainais et Frédérique
Ferrand), sept. 2010, n° 13 à 15.
[118]. Décr. no 66-144 du 11
mars 1966 et arrêté du 28 mars 1966.
[119]. Jean Foyer, préface au Droit processuel d'Henri Motulsky, Les cours de droit, 1973, textes réunis
par M.-M. Capel.
[120]. Ibid.
[121]. H. Vizioz, in Études de procédure civile, 1956,
p. 13, note 2 et réédition 2011, Dalloz éd., préface S. Guinchard. À
rapprocher de l'expression« droits de procédure » utilisée
lors de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne et dans le magnifique ouvrage de F. Sudre et alii, Grands arrêts de la
Cour EDH, PUF, 6ème éd., nov. 2011.
[122]. Ibid.
[123]. H. Motulsky, Droit processuel,
Les cours de droit, 1973, textes réunis par M.-M. Capel, spéc. p. 1.
[124] H. Motulsky reste le maître du
droit processuel, son premier promoteur, même si ce qualificatif sied aussi à
Jean Carbonnier, mais dans une moindre mesure. Sur les apports respectifs de
Visioz et Motulsky, v. S. Guinchard, La part de la doctrine en procédure
civile, Revue de droit d’Assas 2011/3, p. 73, Lextenso éd. Visioz, un
rénovateur en quête du droit processuel, préface à la réédition des
« Etudes de procédure civile » offert à Visioz, in memoriam, 1956,
Dalloz éd.
[125] Pour de plus
amples développements, S. Guinchard et alii,
Droit processuel – Droits fondamentaux du
procès, 6ème éd., janv. 2011, n° 1 à 5 et 8 à 10. V. aussi S.
Guinchard, « Le réveil doctrinal
d’une Belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile
entre droit processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique
d’organisation du procès », Mélanges
Raymond Martin, Bruylant et
LGDJ éd., 2004.
[126]. H. Croze, « Retour sur la
qualification », Procédures, juill. 2008, Repère no 7.
[127]. Ce que nous avions déjà relevé, S.
Guinchard, loc. et op. cit., Mélanges Raymond Martin, Bruylant, LGDJ,
2004.
[128]. J.P. Ancel, « Art
processuel », Mélanges Buffet,
Petites affiches et LGDJ éd., 2004.
[129]
A. Garapon, Bien juger, Essai sur le
rituel judiciaire, Odile Jacob éd., 2001, p. 149
[130]
C’est l’intitulé de l’ouvrage offert à Serge Guinchard en guise de Mélanges,
Dalloz, mai 2010.
[131]
V. Emmanuel Jeuland dans la 2ème édition de son Droit processuel général, Lextenso-Montchrestien, précis Domat,
janvier 2012, qui non seulement, écarte la première conception du droit
processuel, simple comparaison des contentieux nationaux, mais va plus loin que
l’humanisme processuel (que cependant il adopte) pour aller à un
« interhumanisme processuel » qui « vise à donner du sens à un
flot d’informations et de mécanismes procéduraux en formulant une théorie
juridique générale inspirée d’une approche interdisciplinaire des relations
humaines » (ce que, précisément, l’humanisme processuel a toujours été),
alors que la conception dite humaniste était rejetée dans la première édition
au profit de la simple comparaison des contentieux. Bienvenue au
club !
[132]
C. Brenner, « Pour un humanisme processuel respectueux de l’autonomie
processuelle », Mélanges Serge
Guinchard, Dalloz, 2010, 175.
[133]
V. A. Huet et R. Koering-Joulin, Droit
pénal international, 3e éd., PUF, 2005, no 2,
qui utilisent cette expression, ainsi que pour l'intitulé de la 2e
partie, no 128 et s.
[134]
J. Carbonnier, « Regard d'ensemble sur la codification de la
procédure civile », in Colloque sur
le NCPC, vingt ans après, déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 16 et 17.
[135]
S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand, Procédure
civile, 30ème édition, sept. 2010, n° 3.
[136]
Ibid. n° 8 à 12.
[137]
L’expression est de Jean Carbonnier dans une lettre qu’il nous avait très
gentiment adressée après l’envoi de la 23ème édition, pour saluer
l’introduction d’un plan articulé sur l’idée que les trois théories
traditionnelles de l’action, de la juridiction et de l’instance, se mariaient
très bien avec les trois composantes de notre devise.
[138]
S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand, Procédure
civile, op. cit., n° 67.
[139]
S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand, Procédure
civile, op. cit., n° 66.
[140]
Série A, n° 18, Grands arrêts, PUF, op. cit., n° 27, p. 292.
[141]
Rec. 1997-I-495, Grands arrêts, op. cit.,
n° 33, p. 380
[142]
V. S. Guinchard et alii, Droit
processuel, op. cit., n° 75.
[143]. CEDH, 23 juill. 1968, Affaire linguistique belge, série A,
no 6, § 10.
[144]. CEDH, 28 nov. 1984, Rasmussen c/ Danemark, série A no 87,
§ 40.
[145]
F. Lafaille, RIDComp. 2011/4, p. 931.
[146]. CEDH, 28 mars 1990, Groppera, série A, no 173,
§ 72. 22 mai 1990, Autronic,
série A, no 178, § 61.
[147]. CEDH, 26 oct. 1988, Norris, série A, no 142,
§ 45. 22 mai 1990, Autronic,
série A, no 178, § 61.
[148]
Dans le même sens, Tahar Ben Jelloun, « Maroc :
l’Islam doit rester dans les mosquées », Le Monde, 6 décembre 2011.
[149]
Sur ce point du désaveu par l’autorité supérieure, v. Ayaan Hirsi Ali, Nomade. De l’Islam à l’Occident, un
itinéraire personnel et politique, R. Laffont éd., 2011 ; compte-rendu
par A-G. Slama, Le Figaro magazine, 16
avril 2011, p. 103.
[150]
Cf. agence de presse du Vatican, Le monde
vu de Rome, http://www.zenit.org
[151]
Le Pape Sixte IV donne tous pouvoirs aux rois catholiques, Ferdinand et
Isabelle. Et ce sera l'action sanguinaire de Thomas de Torquemada, prieur du
couvent de Ségovie, inquisiteur général.
[152]
Le Monde, 17 juin 2004, p. 5.
[153]
On éclairera ces relations de la religion avec la procédure pénale par la
lecture de l'ouvrage de Guy Bedouelle et Jean-Paul Costa, Les laïcités à la française[153] ;
le premier de ces auteurs est un père dominicain français, professeur
d'histoire à l'université de Fribourg et membre du conseil scientifique du
symposium précité d'octobre 1998 ; le second, conseiller d'État est devenu
jusqu’en novembre 2011 le président de la Cour EDH.
[154]
Cette distinction, que nous avons introduite dès la première édition de notre
manuel de procédure pénale (avec J. Buisson, Litec, 2000), n'est pas seulement
terminologique ; elle est conceptuelle, ainsi que le prouve le souci
qu'ont eu les intellectuels américains, qui ont lancé en février 2002 un
appel à soutenir la politique anti-terroriste des USA, de se déclarer en
guerre contre l'islamisme et les islamistes, tout en disant comprendre l'islam
et tout ce qui est islamique (V. la presse internationale de février
2002). V. aussi Mutilées au nom de
l'honneur, Le Figaro, 17 avr. 2002, National Geographic TV, id., 21 h.
[155]
Extrait du rapport de soutenance.
[156]
V. la liste de nos travaux en droit musulman dans les Mélanges qui nous ont été
offerts, Du légalisme procédural à
l’humanisme processuel, Dalloz, 2010.
[157] Bibliographie : Ibn Warraaq, Pourquoi je ne suis pas musulman, éd. L'âge d'homme, 1999,
préface T. Nasreen. Et, dans les Mélanges A. Decocq, Litec, 2004, les
articles de J. El-Hakim, Les
principes fondamentaux du droit pénal islamique, p. 209 ;
S. Jahel, Chari'a et Convention EDH,
p. 355 ; G. Mahmassani, Les
droits de l'homme dans le système juridique musulman,p. 417 ;
M. S. Mahmassani, Le droit musulman
et la vocation universelle de l'Islam, p. 437. – V. aussi
S. Jahel, Les droits fondamentaux en
pays arabo-musulmans : RID comp. 2004-4, 787 ; La laïcité dans les pays musulmans, in La laïcité, Archives de philosophie du
droit, Dalloz éd., 2005, t. 48, p. 143. Filmographie : Pour
une vision, naïve, d'une justice fondée sur la Charia, mais juste et modérée,
V. le film de Christian Lelong, sorti en 2004 (78 min), Cinédoc films et l'entretien avec le
réalisateur in Culture Droit,
janv.-févr. 2006, p. 69.
[158]
Sans chercher à nous justifier de ce qui est écrit au texte, disons simplement
qu’étant élu de ville de Lyon entre 1983 et 1995, nous avons voté sans
hésitation la délibération permettant la construction d’une mosquée à Lyon.
[159]
V. P. Lafrance, ancien ambassadeur de France, « La Charia, une réalité
plurielle », Le Monde, 10
janvier 2012.
[160]
CEDH, 31 juill. 2001, Refah Partisi et
alii c/ Turquie, RTDCiv. 2001, 979, obs. J.P. Marguénaud ; RDPublic 2002, 1493, obs. G. Lebreton.
Et en Grande chambre dans la même affaire, 13 fév. 2003, AJDA 2003, p. 1994, n° 31, chron. Flauss ; JCP 2003, I, 160, n° 15, chron.
Sudre ; RFDC 2004, 207, note M.
Levinet ; Grands arrêts de Suder
et alli, 6ème éd., 2011,
obs. M. Levinet.
[161]
CEDH, 31 juill. 2001, Refah Partisi c/ Turquie, précité, § 72.
[162]
CEDH, 13 février 2003, précité, § 123.
[163]
M. Levinet, obs. préc. ss. CEDH 13 fév. 2003, Grands arrêts, spéc. p. 628 -629.
[164]
Propos rapportés par Le Figaro,
6 oct. 1998, p. 6.
[165]
V. Libération,26 déc. 2005,
p. 9.
[166]
V. Le Figaro, 8 mars
2002.
[167]
Libération du 27 août 2004,
p. 33.
[168]
Le Figaro du 14 mars 2001,
p. 3.
[169]
Cette affaire a donné lieu à un documentaire télévisuel anglais diffusé le
6 octobre 2006 sur FR3 (V. Le
Figaro, 6 oct. 2006, p. 37) avec un nom légèrement différent
(Atefah Sahaaleh) mais il s'agit bien de la même personne.
[170]
V. Le Monde, 5 mai
2002, p. 1.
[171]
Au Pakistan, voyez les cas d’Asia Bibi, Le
Figaro magazine, 28 mai 2011, p. 111 et de Faryal Bhatti, Le Monde 28 septembre 2011.
[172]
En Afghanistan, Vincent Vulin, « L’immolation,
dernier recours de jeunes Afghanes », Le Monde, 18 février 2011, p. 5.
[173]
Propos recueillis par Sylvain Cypel, Le
Monde 7 janvier 2012, cahier Culture
et idées, p. 7 (crime d’honneur commis en Allemagne, le juge allemand
estimant que le criminel devait bénéficier de circonstances atténuantes en
raison de sa culture d’origine).
[174]
L. Sermet, Une anthropologie juridique
des droits de l’homme – Les chemins de l’Océan indien-Agence universitaire
de la francophonie éd., Edition des archives contemporaines, nov. 2009, 266
pages. Préface d’Abdou Diouf et postface de David Annoussamy. Compte-rendu par
S. Guinchard, RTDCiv. 2010/2, p. 397.
[175]
Seuil éditeur, collec. Les livres du nouveau monde.
[176]. CEDH, 8 juill. 1986, Lingens, série A, no 103,
§ 42.
[177]. CEDH, 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt, série A ; no 113,
§ 47.
[178]. CEDH, 29 nov. 1988, Brogan, série A, no 145-B,
§ 48. V. déjà, CEDH, 18 oct. 1982, Young, James et Webster c/ Roy. Uni, série A, no 55,
§ 63.
[180]. Commission, avis du 29 oct. 1991, Andersson, série A, no 212-B,
§ 24.
[181]. P. Coppens et J. Lenoble (dir.), Démocratie et procéduralisation du droit,
Biblio. Fac. Dr. Louvain, vol. XXX, Bruylant, 2001.
[182]
Dalloz éd., 6e éd., janv. 2011.
[183] S. Guinchard, « Vers une
démocratie procédurale », Justices,
nouvelle série, 1999/1, p. 91, repris in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire »,
in Clés pour le siècle, Paris
II-Dalloz, mai 2000, pp. 1135-1211. Et aussi, « Quels principes
directeurs pour les procès de demain ? » in Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant, 2004, qui reprend et
développe l’idée émise dès la première édition de ce précis (janv. 2001).
[184]
Selon l’heureuse formule de J.-C. Magendie, in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 :
« Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or
aux frontons des palais de justice ».
[185] Pour une illustration dans l’arrêt
Kress, 7 juin 2001, à propos de la place du commissaire du gouvernement au
Conseil d’État, S. Guinchard, « Ô Kress, où est ta victoire, ou
la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie
procédurale », Mélanges
G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd. 2004.
[186]
Dans la défunte revue Justices,
1999/1, p. 91, puis dans les Mélanges
de l’université Paris II publiés à l’occasion de l’entrée dans le
troisième millénaire, Dalloz, 2000 ; v. aussi, notre contribution précitée
aux Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant
éd., 2004, « Quels principes directeurs pour les procès de
demain ? »
[187]
V. aujourd’hui la 30e édition, op. cit. 2010, n° 66.
[188]
La procédure est à la fois une technique d’organisation du procès et une
technique de garantie des libertés et droits fondamentaux, v.
S. Guinchard, loc. et op. cit., Mélanges R. Martin, Bruylant-LGDJ, 2004.
[189]
V. notre contribution aux Mélanges
Gérard Cohen-Jonathan, Buylant, 2004, à propos de l’arrêt Kress c/ France, qui nous a valu une
(demie) leçon de démocratie procédurale.
[190]
Editions du Seuil, 2008, collection Les livres du nouveau monde, dirigée par
l’auteur. Premier volet : La
Contre-démocratie, 2006.
[191]
S. Guinchard et alii, Droit processuel,
op. cit., n° 340 et s. d’une part, n° 363 et s. d’autre part.
[192]
S. Guinchard et alii, Droit processuel,
op. cit., n° 366 et 375 et s.
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