SOMMAIRE DES BELLES PAGES 12 À 15
Belles pages 12 : le socle
I – LE SOCLE DES DROITS FONDAMENTAUX
Belles pages 13 : le code
II – HOMMAGE AUX RÉDACTEURS DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
III- TOUCHE PAS À MON CODE !
IV – LE CODE DE PROCÉDURE CIVILE ENTRE SON PASSÉ ET SON AVENIR
Belles pages 14 : le juge civil
V – HOMMAGE AU JUGE DES RÉFÉRÉS
VI – LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE D’APPEL
VII – L’AUTORITÉ DE LA CHOSE QUI N’A PAS ÉTÉ JUGÉE
Belles pages 15 : la volonté de reformer
VIII – LA RÉFORME AVORTÉE DE LA GÉNÉRALISATION DE L’EXÉCUTION
PROVISOIRE DE PLEIN DROIT
A)
1ère partie : un
bon exemple de la France d’en haut contre la France d’en bas
B)
2de partie : le
droit de libre critique
IX – LA « FEUILLE DE ROUTE » DE LA COMMISSION
« GUINCHARD
BELLES PAGES 13: LE CODE
II – HOMMAGE AUX RÉDACTEURS DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Ouverture au
Mégacode de procédure civile (Dalloz)
2ème
édition, avril 2001
QUEL
CODE ?
001. Trois codes et des annexes. Le Nouveau code de procédure civile (NCPC), puisque
tel est son nom, se substitue progressivement, depuis le 1er janv.
1976, au Code de 1806, que, par commodité, on appelle ancien Code de procédure
civile (ancien C. pr. civ.). L'ambition était bien de tout reprendre, de
relever le défi d'une véritable codification. Les décrets antérieurs qui se
sont succédé depuis 1971, n'ont fait que préparer (tester ?) une réforme de
grande envergure. Le pari est réussi, ainsi qu'on pourra en juger par une
présentation générale d'un code aujourd'hui bien connu (V. infra, n°
002).
A
côté de ce code, subsiste, pour un temps (celui nécessaire à la réforme de la
procédure de saisie immobilière) l'ancien Code de procédure civile d'avril
1806, applicable au 1er janvier 1807, et lui-même largement inspiré
de l'Ordonnance de 1667, encore appelée Code Louis (Louis XIV) ou Code civil,
et dont on trouve une réédition, en français, par un éditeur italien, en 1996
(éditions Giufré, Milan, t. 1, texte de l'Ordonnance et des procès-verbaux des
conférences tenues).
L'organisation
judiciaire fait l'objet d'un troisième code, spécifique, et qui porte ce nom.
Code de techniciens, code institutionnel, composé de deux parties, législative
et réglementaire, il n'a pas l'envergure du Nouveau code de procédure civile.
Certaines de ses dispositions, au-delà de la détermination de la compétence de
chaque juridiction, n'en sont pas moins intéressantes, dans la mesure où elles
portent un devenir riche d'évolutions futures, ainsi de l'art. L. 781-1, qu'une
jurisprudence aussi intelligente qu'audacieuse a su utiliser au service des
justiciables victimes d'une faute du service public de la justice.
Enfin,
des textes divers s'accumulent et pourraient former, à terme, un véritable code
des professions judiciaires et un code de l'exécution ; sur ce dernier point,
on peut regretter que les dispositions réglementaires de la réforme des
procédures civiles d'exécution en matière mobilière n'aient pas trouvé place
dans le livre V du Nouveau code qui leur était réservé. Cette atteinte à
l'esprit de la codification est regrettable, car elle rompt l'unité d'inspiration
et d'accès au droit procédural, que ce soit celui du procès ou celui de
l'exécution forcée.
QUEL
CODE !
002. Un monument à la gloire du procès civil. Disons-le tout net, ce code est l'exemple parfait
d'une codification réussie, avec une unité de pensée et de plume (celle du
Doyen Cornu) qui a beaucoup contribué à faire passer un souffle nouveau sur le
droit procédural, à forger une force doctrinale au service de la pratique et de
ses problèmes quotidiens. – V. J. Foyer. Le NCPC, vingt ans après, in
colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 323 : “ Ce code a été,
ou presque, intégralement rédigé par la plume du Doyen Cornu, si bien qu'on
pourrait l'appeler, en toute justice, le code Cornu ”. – Contra,
pour une vision plus pessimiste des bienfaits du code, R. Martin, A nouveau
siècle, nouveau procès civil : Edilex club éd. 2000, qui écrit dans
l'avertissement : “le NCPC ne m'a jamais convenu. Dès les premiers décrets
préparatoires, j'y ai vu une dérive vers un totalitarisme judiciaire”. ...
“Pour moi le NCPC n'innovait pas, il perfectionnait une déviation de longue
date et l'érigeait en système”... “Le NCPC a été un accident de l'histoire. Il
a dessiné un procès civil qui n'est pas celui de notre époque, démodé alors
qu'il naissait”... “Mon ambition est de poser les linéaments d'un possible
procès revu et corrigé, celui d'une société libérale”.
En
la forme, c'est un code au langage soigné et rajeuni ; chaque mot est pesé,
souvent défini, toujours utilisé à bon escient. Le laxisme et la démagogie ne
sont pas de mise, les rédacteurs du code n'ayant pas renoncé à l'emploi d'un
langage à la fois technique et précis, pour tomber dans la facilité d'un
vocabulaire courant mais inadapté à la sécurité des relations juridiques et des
procès. Pour autant, des efforts ont été accomplis pour rapprocher ce langage
de celui employé et compris par le justiciable. La langue judiciaire est donc
sortie épurée et enrichie de cette œuvre de codification.
Au
fond, le code est codé, ainsi que l'a écrit l'une des plumes les plus
autorisées :
G.
Cornu, L'élaboration du Nouveau code de procédure civile : Rev. hist. Fac.
Dr., 1995, Vol. 16, p. 241 et aussi in La codification, collec. Thèmes et
commentaires, Dalloz, 1996, p. 71. – L'avènement du NCPC, in Le NCPC,
vingt ans après, colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 19.
Il
offre donc des clefs de lecture, l'une des plus intéressantes portant sur la
notion de matière gracieuse (art. 25 s.).
003. Un fonds commun procédural de droit privé. Les auteurs du Nouveau code ont su, habilement et
avec élégance, poser un certain nombre de principes relatifs à l'action en
justice, aux rôles respectifs des parties et du juge, ces derniers étant
essentiellement, mais non exclusivement, rassemblés dans les principes
directeurs du procès civil qui figurent en tête de l'ouvrage.
A
la différence de ce qui se passait naguère, ce droit commun s'étend aux
juridictions d'exception, sauf dispositions particulières, de par la grâce d'un
livre premier applicable devant toutes les juridictions et à tous les types de
procès (cf. art. 749). Les divergences qui n'avaient plus qu'une raison
historique ont disparu.
Enfin,
si le code accroît les pouvoirs du juge, l'intention de favoriser le dialogue
n'est pas absente, ce qui correspond à l'esprit de la procédure civile (V.
Vincent et Guinchard, op. cit., nos 36 à 68).
004. Des procédures souples et variées. Le code n'est pas dogmatique ; ses rédacteurs ont su
introduire beaucoup de souplesse, soit par l'extension, à toutes les
juridictions, de procédures qui avaient fait leur preuve (ordonnances sur
requête et référé), soit par l'organisation de procédures aux schémas multiples
et dérivés ; plusieurs circuits sont possibles, selon la complexité de
l'affaire, l'urgence à la traiter. – Sur cette souplesse, V. G. Cornu, in Le
NCPC, vingt ans après, op. cit., p. 22.
ET
DEMAIN ? L'AVENIR DU DROIT, DU JUGE ET DE LA PROCÉDURE
005. Quel avenir pour le Nouveau code de procédure civile ? Le Nouveau code a dépassé l'âge de la majorité.
Sachant que, statistiquement, les grandes réformes de procédure civile, les
codifications nouvelles de grande envergure, n'ont lieu que tous les 130/140
ans (1539 et 1566, Ord. respectivement de Villers-Cotterêts et de Moulins ;
1667, Code Louis ; 1807, ancien Code de procédure civile ; 1976, Nouveau code
de procédure civile), la prochaine grande réforme ne devrait intervenir que
vers les années 2100 ! A moins que le code ne soit contourné par d'autres
sources, on note quelques velléités de réforme, d'adaptation, qui conduisent à
s'interroger sur l'avenir du juge et de la procédure civile.
006. Un monument assiégé par d'autres sources : la
concurrence des sources constitutionnelles. Il s'agit de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel qui, en procédure pénale plus que dans les deux autres “ grands
” contentieux, doit jouer un rôle primordial. La Constitution énonce en effet,
à l'art. 62, al. 2 (mais qui se préoccupe de lire les considérants des
décisions du Conseil, avant de rédiger son jugement ?), que ses décisions “
s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles ” de France. On aurait sans doute une meilleure
jurisprudence de la chambre criminelle si la prescription de cet article était
respectée au quotidien, mais c'est un autre problème, sur lequel :
V.
Serge Guinchard, Le droit a-t-il encore un avenir à la Cour de cassation ? (qui
cassera les arrêts de la Cour de cassation ?) : Mélanges Terré, Dalloz, Ed.
Tech., PUF, 1999.
Le
lecteur intéressé par la question de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel en tant que source de la procédure civile trouvera des
développements dans notre Précis de procédure civile, Dalloz, nos
24 s. – V. aussi, S. Guinchard, Retour sur la constitutionnalisation de
la procédure civile, Mélanges Drai, Dalloz, 2000. – N. Molfessis, La
procédure et le droit constitutionnel, in colloque C. cass., Le NCPC, vingt ans
après, 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 245. – Agnès Sauviat,
Émergence et mérites de la constitutionnalisation du droit privé : Petites
affiches, 26 oct. 2000, p. 9.
007. Suite – La concurrence des sources internationales et
conventionnelle européenne relatives aux droits fondamentaux. Il s'agit ici de la notion de procès équitable au
sens de l'art. 14, § 1, 3 et 4 du Pacte des Nations Unies relatif aux
droits civils et politiques du 19 déc. 1966, et de l'art. 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme. Bien sûr, la jurisprudence du Comité des
droits de l'homme est peu connue, peu publiée, et pas dans des revues
généralistes (V. toutefois, la chronique de Jean Dhommeaux à l'Annuaire
français de droit international et, parfois, dans la Revue juridique de
l'Ouest. – S. Guinchard, L'application du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, communication au colloque de l'Institut des Hautes
études européennes des droits de l'homme de Strasbourg, le 4 juin 1999 : Petites
affiches, 25 mai 2000, p. 23). Mais celle de la Cour européenne des droits
de l'homme est maintenant largement diffusée
(V. S. Guinchard, L'influence de la Convention européenne des droits de
l'homme et de la jurisprudence de la Cour européenne sur la procédure civile,
conférence prononcée à Jérusalem, devant des juges de la Cour suprême
israélienne, le 26 janvier 1999, puis à la Grand Chambre de la Cour de
cassation française, le 26 février 1999,
puis à l'Université de Milan, le 28 février 2000 : Petites affiches, 12 avr.
1999 ; Annonces de la Seine, 22 avr. 1999, Gaz. Pal. 31 août 1999. –
L'application de la Convention européenne des droits de l'homme par le juge
judiciaire, communication au colloque organisé au Sénat par l'Institut Alain
Poher, le 3 mai 1999, sur le 25e anniversaire de la ratification,
par la France de la Convention européenne des droits de l'homme : Rev.
Europe, oct. 1999, n° H.S., p. 15) et commence à prendre pied dans les
ouvrages français (tardivement parfois, ainsi en procédure pénale, V. Serge
Guinchard et Jacques Buisson, Procédure pénale, Litec, févr. 2000, 2e
éd. sept. 2001). Il est certain que la notion de procès équitable, par son
ampleur, par les garanties qu'elle implique, est devenue bien plus qu'une
simple garantie formelle, un véritable droit substantiel :
V.
Serge Guinchard, Le procès équitable, droit fondamental ? in n° spécial
AJDA, juill.-août 1998, Les droits fondamentaux, p. 191. – Le procès
équitable, garantie formelle ou droit substantiel ? Mélanges Farjat, 1999,
éd. Frison-Roche, p. 139.
En
raison de cette importance, qui ira croissant, nous avons systématiquement
intégré cette jurisprudence européenne dans le commentaire des articles
concernés, et avons consacré un commentaire spécifique au procès équitable de
l'art. 6 de la Convention européenne. On trouvera des développements
substantiels sur les aspects de ces deux textes internationaux et européens en
tant que source de la procédure civile dans notre Précis de procédure
civile, Dalloz, nos 19 à 23 et dans le Précis Dalloz de Droit
processuel/Droit commun du procès, de Serge Guinchard, Monique Bandrac,
Xavier Lagarde et Mélina Douchy, févr. 2001. – V. aussi, infra, le
commentaire de l'art. 6 Conv. EDH.
008. Suite – La concurrence, demain, des sources
communautaires des droits fondamentaux. Au-delà de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés
européennes, le Traité d'Amsterdam intègre la protection des droits
fondamentaux dans le droit communautaire. On ne pourra bientôt plus opposer
l'Europe des “ marchands ” à l'Europe des droits de l'homme.
a) Ce traité développe tout un volet consacré à cette
question :
– Par
les compétences de la CJCE quant au contrôle du respect des droits fondamentaux
par les institutions européennes, au regard des exigences de l'art. F,
§ 2, qui devient l'art. 6, § 2, du traité sur l'Union européenne ;
– Par
la compétence juridictionnelle de la CJCE étendue au respect des dispositions
relatives au troisième pilier ;
– Par
la compétence reconnue à la Commission européenne de réglementer la question des
droits de l'homme relativement au principe général de non-discrimination (art.
6, a, du traité CE). En outre, les institutions communautaires pourront adopter
des “ mesures positives ” pour lutter contre les discriminations (art. 13,
traité CE).
On
s'oriente donc vers un développement autonome de la protection des droits de
l'homme dans le cadre de l'Union européenne, vers une véritable Charte
communautaire européenne, à un moment où, parallèlement, l'élargissement des
États au fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'homme (au 1er
nov. 1998) peut faire craindre moins de vigilance dans cette protection.
On
le voit, une évolution considérable attend la procédure civile.
V.
la chronique de droit communautaire des droits fondamentaux, RTDH 1998, vol.
3.
b) Par ailleurs, les Conseils européens de Cologne (3 et
4 juin 1999) et Tampere (15 et 16 octobre 1999) ont décidé d'élaborer une
charte des droits fondamentaux de l'Union européenne “afin d'ancrer leur
importance exceptionnelle et leur portée de manière visible pour les citoyens
de l'Union...”. Cette charte doit contenir “...les droits de procédure
tels que garantis par la Convention européenne des droits de l'homme...”.
Si l'objectif est louable, le moyen utilisé laisse perplexe ; n'eut-il pas été
plus simple de modifier les traités et de faire adhérer l'Union européenne à la
Convention européenne des droits de l'homme ? En tout cas, le projet a été
finalisé fin septembre 2000 et a été adopté au Conseil européen de Nice le 7
déc. 2001 ; l'article 47 reprend le droit à un juge et à un procès équitable,
en des termes proches de ceux utilisés à
l'article 6 de la Conv. EDH. Le texte
complet est disponible sur le
site internet du Parlement européen et de la Commission.
009. Un monument en devenir. Une mission de réflexion sur la procédure civile fut
confiée, fin 1995, à un grand magistrat, homme d'expérience, de conviction, de
consensus, le président du TGI de Nanterre, devenu président du TGI de Paris,
M. Jean-Marie Coulon. De nombreuses personnalités furent interrogées pour
nourrir la propre réflexion de l'auteur. Un rapport a été remis au garde des
Sceaux en janvier 1997 et fut publié en février 1997 à la Documentation
française. Le cadre de cet ouvrage ne permet pas de commenter les grandes lignes
de ce rapport, ni d'en analyser les 36 propositions. On en trouvera une
approche théorique et pratique, critique au sens plein du terme, dans les
travaux issus des États généraux de la profession d'avocat sur la réforme de la
procédure civile, tenus en avril 1997, réunissant les meilleurs spécialistes de
la question et publiés à la Revue juridique d'Ile-de-France (Dalloz, 1997,
n° 48/49) et dans la collection Thèmes et commentaires, Dalloz, 1997. –
V. aussi, A. Garapon : D. 1997.
Chron. 69. – R. Martin : JCP 1997. I. 3993. – R. Perrot : Procédures
1997, n° 4.
A
la suite de ce rapport, des avants-projets de textes furent préparés, soumis à
la consultation des professionnels concernés, puis enterrés pour cause
d'alternance politique. Un projet plus modeste a été élaboré au printemps 1998,
des textes à nouveau soumis à la consultation. Le Décr. no 98-1231
du 28 déc. 1998 concrétise en partie cette volonté réformatrice. Sans remettre
en question l'équilibre du code, le texte vise à une procédure plus consensuelle,
plus proche des justiciables, et notamment des plus démunis, plus rapide
surtout, avec la création d'une véritable justice de l'urgence. Ces points
seront développés avec le commentaire des articles modifiés par le décret.
Sur
un commentaire complet du Décr. 28 déc. 1998 (avec un aperçu de l'accès au
droit dans la loi de novembre 1998), V. S. Guinchard, Commentaire au D.
1999. Chron. 65 et synthèse annuelle du
Répertoire de procédure civile Dalloz pour l'année 1998, Dalloz, 1999.
010. L'avenir du juge. Les futures réformes de la procédure civile
consacreront, vraisemblablement, le rôle nouveau du juge, plus proche des
justiciables parce que recentré sur ses missions juridictionnelles et dégageant
(espérons-le) du temps pour le dialogue, l'étude approfondie des dossiers qui
lui sont confiés, tant au niveau de leur mise en état que de l'élaboration de
la décision.
Un
juge nouveau sera peut-être un juge recruté différemment qu'il ne l'est
aujourd'hui, la revalorisation de la fonction passant sans doute par une
interrogation sur le maintien d'un mode de recrutement qui conduit à “ livrer ”
à la société de jeunes érudits qui ne connaissent rien de la vie, de ses
drames, de ses souffrances et de ses cruelles incertitudes. Le procès civil
reste le procès, d'abord de l'urgence à traiter de situations conflictuelles,
donc dures dans les relations des parties entre elles, puis de la loyauté
trompée (par exemple dans les contrats), de l'amour déçu (le divorce et
beaucoup de questions de filiation), des vies brisées (par un accident donnant
lieu à un procès en indemnisation), des propriétés contestées, etc. Tout cela
ne s'apprend pas à l'école, ni à l'université, mais au fil du temps.
V.
Serge Guinchard, in Institutions judiciaires, Dalloz, 5e éd.
1999, nos 85 à 86-2. – L'avenir du juge : Mélanges Pierre
Catala, Litec, 2001.
011. L'avenir de la procédure. Le temps est à une procédure plus consensuelle, à la
recherche d'une justice négociée. Cela passe sans doute par un dialogue
renforcé entre le juge et les parties, dans l'instruction des affaires civiles
et même, pourquoi pas, dans l'élaboration de la décision. Ne faudrait-il pas
aller jusqu'à la transmission aux parties et à leurs conseils du projet de
jugement afin de le soumettre à la critique avant décision définitive ? Le
dialogue, condition d'une justice acceptée, n'est-ce pas un aller-retour
permanent entre le juge et les parties ? Le contradictoire, tel que le conçoit
de plus en plus la Cour européenne des droits de l'homme (V. infra,
commentaire de l'art. 16), n'est-ce pas tout soumettre à débat, à la
discussion, avant que la décision judiciaire ne cristallise les éléments du
procès, les passions, les incompréhensions ? Le développement du droit
substantiel d'origine jurisprudentielle accroît l'importance de la procédure ;
les pouvoirs accrus du juge quant au fond ont comme corollaire de nouvelles
garanties procédurales : la procédure est le contre-pouvoir aux nouveaux
pouvoirs du juge quant au fond. La judiciarisation est aussi le moyen de redonner
du droit aux secteurs dominés par l'économie, où le droit est évacué au profit
de celle-ci : les autorités de régulation (COB, Conseil de la concurrence,
etc.).
V.
Serge Guinchard, Vers une démocratie procédurale : Rev. Justices 1999,
nouvelle série, p. 91. – Les métamorphoses de la procédure à l'aube du IIIe
millénaire, in Clefs pour le siècle : Mélanges de Paris II pour l'an 2000,
Dalloz éd., mai 2000. – J.Cl. Woog, Diorama d'un demi-siècle : Gaz.
Pal., 27 mai 2000, spéc. vo Droit processuel, p. 15.
012. L'avenir du droit devant les tribunaux. L'heure est à la négociation, aux modes alternatifs
de règlement des conflits (les MARC), qui avaient leur rubrique (tenue par Y.
Desdevises, puis par Ch. Jarrosson) dans la revue générale des procédures (Dalloz
éd .), jusqu'à sa disparition en janvier 2000, leur enseignement (dans le
DESS Contentieux, arbitrage et modes alternatifs, et dans le DEA Justice et
droit du procès, tous deux à Paris II), leur centre de recherche (le CEMARC,
présidé par le professeur P. Catala, puis par le professeur Philippe Fouchard,
fondé conjointement par l'université Paris II et le barreau de Paris).
Le
législateur les a mis en avant (L. 8 févr. 1995), la pratique y porte un
intérêt certain, qu'il s'agisse de la conciliation ou de la médiation. Pour
autant, il ne faudrait pas que le droit soit négligé devant nos tribunaux. Le
justiciable et la démocratie dans notre pays ne peuvent se passer de décisions
juridiquement sûres, bien argumentées en droit et non pas en équité. – V. les
réserves exprimées par le Doyen Carbonnier sur cette “ sorte d'acharnement,
non pas thérapeutique mais conciliatoire, réconciliatoire, unanimiste, qui voit
le fin mot de la justice civile non plus dans un échange d'argumentations
rationnelles et une pesée de ces argumentations, mais dans un échange de
baisers de paix à tout prix ”, in Le NCPC, vingt ans après, Doc. fr. 1998, p.
16. Déjà, les prémisses d'une situation de crise se dessinent devant la
plus haute de nos juridictions :
V.
Serge Guinchard, Le droit a-t-il encore un avenir à la Cour de cassation ? (qui
cassera les arrêts de la Cour de cassation ?) : Mélanges Terré, Dalloz, Ed.
Tech., PUF, 1999.
Si
la sentinelle du droit se trompe, il faut réagir, et vite, sans attendre que se
multiplient les condamnations de la France à Strasbourg, par la Cour
européenne, gardienne du célèbre procès équitable, passé de garantie formelle à
un véritable droit substantiel (trois condamnations déjà dans les affaires
Fouquet, Higgins et Dulaurens) :
V.
Serge Guinchard, Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel ?,
Mélanges Farjat, 1999, éd. Frison-Roche, p.139.
013. Conclusion.
Tout ceci n'enlève rien à la satisfaction que nous avons eue à commenter un
code qui constitue le plus bel exemple d'une œuvre de codification réussie et
qui mérite qu'on rende un hommage appuyé à ses auteurs.
Le
nouveau Code forme sans conteste le monument réglementaire le plus important
qui soit intervenu en matière de procédure civile depuis les codifications
napoléoniennes. Certaines de ses dispositions sont excellentes et devraient, si
elles étaient toujours appliquées avec loyauté, provoquer un rajeunissement de
la procédure et des pratiques judiciaires. Pragmatique, le Code a aussi sa part
de rêve, avec des institutions qui n'ont guère été appliquées (la requête
conjointe, la conciliation, l'amiable composition).
En
termes d'économie de marché, c'est un code exportable, cohérent, parce que
doctrinal, souple, parce que non dogmatique, correspondant aux besoins de la
pratique, parce que proche des préoccupations des justiciables. Bref, le
meilleur de la science juridique française (avec les réformes initiées en droit
civil par le Doyen Jean Carbonnier).
014. Bibliographie. On ne retiendra ici que les quelques monographies qui permettent de
comprendre l'esprit du code : Georges Bolard, Mélanges Skapski, 1994, p. 9. –
Et surtout, les trois articles fondamentaux du Doyen Gérard Cornu : La
codification de la procédure civile en France : Rev. jur. et politique,
1986, p. 689, repris in L'art du droit en quête de sagesse, PUF, 1998,
p. 385 ; L'élaboration du code de procédure civile : Rev. hist. Fac. Dr.
1995, Vol. 16, p. 241, repris in La codification, collec. Thèmes et
commentaires, Dalloz, 1996, p. 71 ; L'avènement du NCPC, Le NCPC, vingt
ans après, in colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 19. –
J. Héron, Le nouveau Code de procédure civile, in La codification, collec.
Thèmes et commentaires, Dalloz, 1996, p. 81.
On
y ajoutera deux points de vue étrangers, deux regards extérieurs sur le nouveau
Code : J. Carlos Barbosa Moreira, (juriste brésilien) : Rev. Justices 1996,
n° 3, p. 438. – P.-E. Herzog
(juriste américain) : Rev. Justices 1996, n° 3, p. 445. – V.
aussi, Georges Rouhette, L'influence en France de la science allemande du
procès civil allemand, colloque de Passau, 11-15 oct. 1989, p. 217 s.
III- TOUCHE PAS À MON CODE !
Publié
en 2004 (mélanges en l’honneur de Jean BUFFET,
éditions Petites affiches/Gazette du Palais)
éditions Petites affiches/Gazette du Palais)
Le
titre de cette contribution aux Mélanges offerts à Monsieur le Président Jean
Buffet paraîtra peut-être provocateur à certains, mais outre qu’il ne faut pas
prendre à la lettre cet intitulé, la personnalité du récipiendaire ne nous
paraît devoir souffrir de cette apostrophe.
Monsieur le Président Buffet a
participé à l’élaboration des textes qui allaient devenir le Nouveau code de
procédure civile et a largement suivi la préparation et la rédaction de la
plupart de ceux qui allaient le compléter ou le modifier. Au-delà des fonctions
exercées par le destinataire de ces Mélanges, il nous a semblé utile, trente
ans ou presque après la promulgation de ce Code, de faire le point sur les
espoirs et les craintes de modifications de ce monument de procédure civile.
Espoirs de son adaptation permanente aux grandes évolutions de notre société en
matière de justice civile, craintes de sa dénaturation par des plumes trop
intempestives ou inexpérimentées. Légiférer est un art, comme il a pu être
écrit par un orfèvre en la matière[1],
même (et surtout) si cet art s’exerce dans le domaine réglementaire. On ne
s’improvise pas législateur et depuis Solon, Justinien, Napoléon, pour ne
parler que de ceux-là, il y a eu davantage d’apprentis sorciers que de
véritables législateurs. Depuis sa promulgation en décembre 1975, le Nouveau
code de procédure civile a été complété ou modifié une quarantaine de fois,
soit en moyenne un décret tous les huit mois, périodes de vacations judiciaires
et de transitions politiques comprises ! Ce qui est beaucoup, trop sans
doute. On n’oserait affirmer que tous ces décrets modificatifs, parfois
institutifs, sont de qualité rédactionnelle et technique égale au texte
d’origine et respectent l’harmonie du code…
Cette contribution vise à s’interroger sur la nécessité
de réformer le Nouveau code de procédure civile en partant de l’existant, c’est
à dire du texte de 1975 tel qu’il a été ensuite modifié (I), pour se demander
quel type de code de procédure civile on souhaite (III), en passant par le
choix d’une méthode (II).
I – L’EXISTANT : QUEL CODE !
Le Nouveau code de procédure civile (NCPC), puisque tel
est son nom, se substitue progressivement, depuis le 1er janvier
1976, au Code de 1806, que, par commodité, on appelle ancien Code de procédure
civile. L'ambition était bien de tout reprendre, de relever le défi d'une
véritable codification. Les décrets antérieurs qui se sont succédé de 1971 à
1975, n'ont fait que préparer (tester ?) une réforme de grande envergure. Le
pari est réussi et il est possible d’affirmer que le Nouveau code est un
monument à la gloire du procès civil (A), même s’il est aujourd’hui assiégé par
les sources issues du droit fondamental (B) et par là même en devenir (C).
A) Un monument à la gloire du procès civil
Disons-le
tout net, ce code est l'exemple parfait d'une codification réussie, avec une
unité de pensée et de plume (celle de Monsieur le Doyen Gérard Cornu) qui a
beaucoup contribué à faire passer un souffle nouveau sur le droit procédural, à
forger une force doctrinale au service de la pratique et de ses problèmes
quotidiens[2].
Le rappel des qualités de ce code ne nous paraît pas inutile à un moment où
l’on a envisagé de toucher aux grands équilibres qu’il consacre, sans toujours
en mesurer les conséquences quant à l’harmonie générale de notre droit
procédural[3].
a) En la forme,
c'est un code au langage soigné et rajeuni ; chaque mot est pesé, souvent
défini, toujours utilisé à bon escient. Le laxisme et la démagogie ne sont pas
de mise, les rédacteurs du code n'ayant pas renoncé à l'emploi d'un langage à
la fois technique et précis, pour tomber dans la facilité d'un vocabulaire
courant mais inadapté à la sécurité des relations juridiques et des procès,
donc des justiciables. Pour autant, des efforts ont été accomplis pour
rapprocher ce langage de celui employé et compris par le justiciable. La langue
judiciaire est donc sortie épurée et enrichie de cette œuvre de codification.
b) Au fond,
le code est codé, ainsi que l'a écrit l'une des plumes les plus autorisées[4] :
il offre donc des clefs de lecture, l'une des plus intéressantes portant sur la
notion de matière gracieuse (articles 25 et suivants.). Il offre surtout un
fonds commun procédural de droit privé, avec des procédures souples et variées.
1) Un fonds commun
procédural de droit privé.
Les auteurs du Nouveau code ont su,
habilement et avec élégance, poser un certain nombre de principes relatifs à
l'action en justice, aux rôles respectifs des parties et du juge, ces derniers
étant essentiellement, mais non exclusivement, rassemblés dans les principes
directeurs du procès civil qui figurent en tête de l'ouvrage.
A la différence de ce qui se passait
naguère, ce droit commun s'étend aux juridictions d'exception, sauf
dispositions particulières, de par la grâce d'un livre premier applicable
devant toutes les juridictions et à tous les types de procès (cf. art. 749).
Les divergences qui n'avaient plus qu'une raison historique d’être ont disparu.
Les voies de recours sont traitées de
manière conceptuelle dans leur présentation, avec des dispositions communes et
l’adoption de classifications qui en modèlent le contenu et l’approche pratique
(effet suspensif ou non par exemple). L'organisation des procédures dérivées, provoquées par l'exercice
d'une voie de recours a été très sensiblement clarifiée, simplifiée et soumise
à des principes généraux nettement définis.
Enfin,
si le code accroît les pouvoirs du juge, l'intention de favoriser le dialogue
n'est pas absente, ce qui correspond à l'esprit éternel de la procédure civile
et qu’il faut maintenir et développer autant que faire se peut.
2) Des procédures souples
et variées.
Le code n'est pas dogmatique ; ses
rédacteurs ont su introduire beaucoup de souplesse :
-
soit par l'extension, à toutes les juridictions, de procédures qui avaient fait
leur preuve ; par
exemple, il est intéressant de relever l'extension devant toutes les
juridictions de la procédure d'ordonnance
sur requête et de la procédure de
référé, le soin avec lequel on a essayé de distinguer l'activité contentieuse, gracieuse ou purement administrative du juge.
-
soit par l'organisation de procédures aux schémas multiples et dérivés ;
plusieurs circuits sont possibles, selon la complexité de l'affaire, l'urgence
à la traiter[5] ; les mesures d'administration de la preuve
sont variées (expertise, consultation, constatation, etc.).
Cette
souplesse n'est pas le fruit du hasard ; à la même époque, avec les mêmes
mains, un droit civil souple, « flexible » s'écrivait[6]. Il fallait tenir compte de la diversité
des juridictions dans l'application généralisée des règles communes ; la
diversité judiciaire imposait la modulation des règles contenues dans le livre
premier : « Les fondations
posées [principes directeurs et dispositions communes], le maître-mot de la réforme devient la
souplesse »[7].
Il n’en demeure pas moins, malgré les qualités éminentes
de ce code, que trente ans après sa promulgation, il est un monument assiégé,
pas seulement par ceux qui souhaiteraient le réformer et qui n’en ont pas
toujours perçu toutes les subtilités, c’est à dire son harmonie. De nouvelles
sources du droit procédural ont fait leur apparition, le Marché unique européen
s’étend et se fait de plus en plus pressant ; ce sont ces sources
nouvelles et ces volontés d’harmonisation qui, les premières, menacent le code de
1975.
B) Un monument assiégé par les sources du droit fondamental et le marché unique européen
Le Nouveau code de procédure civile est assiégé par de
nouvelles sources qui viennent limiter son emprise directe sur la manière
d’envisager le procès civil, plus exactement qui viennent l’encadrer en posant
des normes dont le pouvoir réglementaire animé de volontés de réformes devra
tenir compte. Tout n’est plus possible au pouvoir réglementaire (pas plus
d’ailleurs qu’au pouvoir législatif), aujourd’hui moins qu’hier, en raison de
cet encadrement par des normes tirées du droit fondamental ou international
(1°). De plus, le développement du Marché unique dans le cadre de l’Europe des
quinze et bientôt, en 2004, des vingt-cinq, accroît la pression du droit
communautaire de coopération judiciaire civile, de reconnaissance mutuelle des
jugements, en vue de régler de manière uniforme les litiges
transfrontaliers ; ce dernier aspect, moins remarqué par la doctrine
processualiste, est porteur, à terme, de plus de changements dans nos pratiques
judiciaires quotidiennes (2°).
1°) La force de
l’encadrement par les normes du droit fondamental
Ces normes proviennent tant des sources
constitutionnelles (a) qu’internationales (b).
a) L’influence des sources constitutionnelles
a) L’influence des sources constitutionnelles
Il
s'agit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui marque l’attraction
de la procédure civile par la garantie des droits fondamentaux[8].
Le Nouveau code de procédure civile étant de nature réglementaire, ne
comportant aucunes dispositions législatives, certaines réformes nécessitent
qu’une loi soit votée en amont des textes d’application par décret. A terme,
c’est la cohérence du code qui est en cause.
1)
La première manifestation de la
constitutionnalisation de la procédure civile provient de l'existence d'une
jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a réintégré dans le champ
législatif de l'article 34 de la Constitution deux catégories de règles de
procédure civile :
1.1) D'abord toutes les règles qui
concernent des matières qui, par leur
nature, relèvent de la compétence législative.
- Ainsi, du principe de l'audition du
ministère public chargé de la protection des personnes présumées
absentes ; normalement, l'audition ou non du Parquet devant le tribunal de
grande instance est réglementée par décret ; en revanche, elle relève de
la loi dans le cas des personnes présumées absentes, car l'intervention du
ministère public, chargé de veiller à leurs intérêts, constitue alors une
garantie essentielle du droit de propriété ; à ce titre le principe même
de l'audition relève de l'article 34[9] ; la règle de procédure est absorbée par
la règle de fond.
- Ainsi ensuite, de la revendication
d'objets saisis en matière fiscale ; l'attribution de cette compétence aux
tribunaux judiciaires relève de la loi parce que sont en cause « des
garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques »[10].
- Ainsi encore, pour la fixation des cas
d'ouverture du recours en cassation, seul le législateur est compétent car
cette voie de recours constitue pour les justiciables une garantie fondamentale[11].
- Ainsi enfin, de la détermination de la charge de la preuve. Elle
relève aussi du domaine de la loi en ce « qu'elle
affecte les droits et obligations » des intéressés[12].
1.2) Sont ensuite réintégrées dans le champ législatif de
l'article 34 toutes les règles de procédure civile qui mettent en cause
les droits de la défense. Dès 1972, le Conseil constitutionnel a décidé que
l'article 34 qui réserve à la loi « les
garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques » permet de considérer que les règles de procédure contentieuse,
même civiles relèvent du pouvoir législatif chaque fois qu'elles mettent en
cause les droits de la défense[13]. Application en fut faite ensuite, en
1985, au principe de la contradiction qui est « de
nature législative »[14]. De même, le Conseil
constitutionnel a estimé que le droit de demander un sursis à exécution d'une
décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits de la défense[15]
; il est vrai que c'est dans l'hypothèse où le perdant subissait des sanctions
pécuniaires graves prononcées par un organe non juridictionnel, le Conseil de
la concurrence ; pour autant, le principe ainsi posé pourrait influer sur
le choix de la voie à suivre en matière de réforme du nouveau code (v. infra, II, A).
2)
La seconde manifestation de cette constitutionnalisation de la procédure civile
provient de ce que l'article 34
de la Constitution a expressément maintenu dans le domaine de la loi « les
règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction ». Prise à la lettre l'expression est assez
réductrice quant au domaine de la loi, puisqu'il faudrait envisager l'hypothèse
exceptionnelle où le gouvernement souhaiterait créer un ordre de juridiction
distinct des juridictions administratives et judiciaires ; mais le Conseil
constitutionnel et le Conseil d'État ont construit, chacun pour ce qui le
concerne, mais de concert, une jurisprudence audacieuse, entendant très largement
la notion « d'ordre de
juridiction » et la notion de « règles
de création », ce qui a permis d’attraire à la compétence législative,
par exemple, les règles de compétence matérielle des tribunaux.
2.1) S'agissant
d'abord de la notion d'ordre de juridiction, les deux Hautes Juridictions
ont estimé que toute création d'une juridiction, même isolée, mais d'un type
nouveau, qui se distinguerait des juridictions existantes par sa compétence
matérielle ou par les caractères différents de sa composition, relèverait du
domaine de la loi. Ainsi, en matière civile, pour la création de conseils de
prud'hommes[16], de chambres d'expropriation[17]. Au sens de cette jurisprudence, un ordre
de juridiction est donc une catégorie de juridictions composées selon un même
type et chargée d'une même compétence matérielle ; c'est le mode de
composition et l'étendue de la compétence qui distinguent les ordres de
juridiction. À ce titre, les TGI constituent un ordre de juridiction, de même
que les cours d'appel en forment un autre. Le point d'orgue de cette
construction jurisprudentielle est la décision du Conseil constitutionnel du
20 juillet 1977 qui estime que la Cour de cassation, à elle toute seule,
constitue un ordre de juridiction[18].
En raison de cette jurisprudence,
l'organisation de tous les tribunaux civils figure dans la partie législative
du Code de l'organisation judiciaire et la création des juges spécialisés (juge
pour enfants, juge aux affaires matrimoniales, juges aux affaires familiales,
juge de l'exécution, juridictions de proximité) a été réalisée par un texte
législatif, de même que l'encadrement général de l'arbitrage a été fixé par une
loi (no 72-626, 5 juill. 1972). Enfin, c'est également une loi qui a
permis au TGI de siéger, dans certains cas, à juge unique.
2.2 La même conception
extensive du domaine de la loi se retrouve pour la notion de « règles
concernant la création de... »
- En premier lieu, ces règles s'entendent
non seulement de la décision de création
d'une juridiction, mais aussi de celles qui supprimerait
une juridiction[19].
- En second lieu, sont considérées comme « règles
concernant la création », toutes les « règles constitutives » de la juridiction, son organisation, mais
aussi sa compétence : l’organisation de la juridiction créée fait partie de son
statut, des règles qui concernent sa création
et donc relève du pouvoir législatif. Par le biais d'une conception
extensive de la notion de « règles
concernant la création », le Conseil réintroduit la compétence législative la plus large
possible. Des décisions postérieures ont explicité ces notions en les
appliquant notamment à la structure et à la composition des juridictions ou de
certaines de leurs formations, voire au mode de désignation et à la durée des
fonctions de leurs membres[20], ou encore à leur compétence matérielle.
Pour être implicite, la solution n’en est pas moins la même en effet, en
matière de compétence matérielle de la juridiction, le Conseil constitutionnel
ayant relevé,
à propos des conseils de prud’hommes, qu’une proposition de loi qui « ne touche pas au domaine de la
compétence de ces juridictions » ressortit à la compétence du pouvoir
réglementaire[21]. En revanche, les modalités de la procédure
à suivre devant ces juridictions nouvelles ne participent pas de la création de
la juridiction au sens de l’article 34 et restent du domaine réglementaire[22].
b) L’impact des sources
internationales et européennes de garantie des droits fondamentaux
1)
Il s'agit bien sûr, ici, de la notion de procès équitable au sens de l'article
14, § 1, 3 et 4 du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et
politiques du 19 déc. 1966, et de l'article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme[23].
Bien sûr, la jurisprudence du Comité des droits de l'homme est peu connue, peu
publiée, et pas dans des revues généralistes, mais on la trouve désormais sur
le site internet du Comité. Celle de la Cour européenne des droits de l'homme
est plus largement diffusée[24].
Il est certain que la notion de procès équitable, par son ampleur, par les
garanties qu'elle implique (dans son triptyque, droit à un juge, droit à un bon
juge, droit à l’exécution de la décision du juge), est devenue bien plus qu'une
simple garantie formelle ; elle constitue aujourd’hui un véritable droit
substantiel[25].
2)
Il s’agit aussi, bien que dans une moindre mesure pour la procédure civile, des
sources communautaires des droits fondamentaux. Au-delà de la jurisprudence de
la Cour de justice des communautés européennes, le Traité d'Amsterdam intègre
la protection des droits fondamentaux dans le droit communautaire. On ne peut
plus opposer l'Europe des « marchands » à l'Europe des droits de l'homme.
α) Ce traité développe tout un volet consacré à cette question :
-
Par les compétences de la CJCE quant au contrôle du respect des droits
fondamentaux par les institutions européennes, au regard des exigences de
l'article 6, § 2, du traité sur l'Union européenne ;
- Par
la compétence juridictionnelle de la CJCE étendue au respect des dispositions
relatives au troisième pilier (sécurité intérieure et justice);
- Par
la compétence reconnue à la Commission européenne de réglementer la question
des droits de l'homme relativement au principe général de non-discrimination
(art. 6, a, du traité CE). En outre, les institutions communautaires pourront
adopter des « mesures positives » pour lutter contre les discriminations (art.
13, traité CE).
On s'oriente donc vers un développement
autonome de la protection des droits de l'homme dans le cadre de l'Union
européenne, vers une véritable Charte communautaire européenne, à un moment où,
parallèlement, l'élargissement du fonctionnement de la Cour européenne des
droits de l'homme à des Etats moins ancrés dans la tradition démocratique peut
faire craindre moins de vigilance dans cette protection.
On le voit, une évolution
considérable attend la procédure civile.
β) Par ailleurs, les Conseils européens de Cologne (3 et 4 juin
1999) et Tampere (15 et 16 octobre 1999) avaient décidé d'élaborer une Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne «afin
d'ancrer leur importance exceptionnelle et leur portée de manière visible pour
les citoyens de l'Union...». Cette charte devait contenir «...les droits de procédure tels que
garantis par la Convention européenne des droits de l'homme...». Si
l'objectif est louable, le moyen utilisé laisse perplexe ; n'eut-il pas été
plus simple de modifier les traités et de faire adhérer l'Union européenne à la
Convention européenne des droits de l'homme ? En tout cas, le projet a été
finalisé fin septembre 2000 et a été adopté au Conseil européen de Nice le 7
décembre 2000 ; l'article 47 reprend le droit à un juge et à un procès
équitable, en des termes proches de ceux
utilisés à l'article 6 de la Conv. EDH. Le texte complet est
disponible sur le site internet du Parlement européen et de la
Commission.
3)
Ce phénomène d’encadrement de la procédure civile par des sources
internationales et européennes constitue l’évolution majeure des dix dernières
années du XXème siècle, années qu’elle marquera de son empreinte à jamais. La
procédure civile s'en trouvera bouleversée ne serait-ce qu’en raison de la
comparaison avec d’autres systèmes juridiques que la jurisprudence de
Strasbourg induit, de gré ou de force, et la possibilité offerte au juge
national d’écarter les dispositions législatives ou réglementaires qu’il
jugerait contraires aux principes affirmés par la Convention européenne des
droits de l’homme et la jurisprudence européenne. On le voit bien aujourd’hui
avec certains débats sur la place et le rôle de l’Avocat général à la Cour de
cassation ; derrière cette question, c’est en réalité la part faite à la
démocratie procédurale qui est en cause au regard des droits procéduraux des
justiciables : ont-ils droit à une information complète, de toutes les
sources qui inspirent les juges ? Ont-ils droit aux conclusions de cet
Avocat général ? En se mondialisant, la procédure civile se transforme
dans ses grandes lignes directrices.
2°) La pression du
droit communautaire de coopération pour le règlement des litiges
transfrontaliers
A
côté des normes issues du droit fondamental, notamment communautaire, il
importe de souligner l’emprise croissante des règlements qui interviennent dans
le champ de la procédure civile pour les litiges transfrontaliers. Au-delà de quelques règlements de droit
matériel, qui contiennent des règles de procédure civile, le droit
communautaire a connu un bouleversement considérable avec l’entrée en vigueur
du traité d’Amsterdam ; celui-ci en effet, a entraîné le
transfert de la coopération judiciaire en matière civile, du troisième au
premier pilier ;
en conséquence, sur le fondement des articles 61, c, et 65 du Traité CE, la
Communauté arrête des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire
dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière dans la mesure
nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. Ces mesures englobent, à
ce jour les règlements : 1346/2002 du 29 mai
2000, relatif aux procédures d’insolvabilité ; 1347/2000 du 29 mai 2000, relatif à la
compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière
matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs
(ancienne Convention de Bruxelles II) ; 1348/2000 du 29 mai 2000, relatif
à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes
judiciaires ou extra-judiciaires en matière civile et commerciale[26]; 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant
la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile
et commerciale qui remplace la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968[27] ; 1206/2001 du 28 mai 2001, relatif à la
coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et
commerciale ;
743/2002 du 25 avril 2002, établissant un cadre général communautaire en vue de
faciliter la coopération judiciaire en matière civile (toutefois, le Danemark
reste régi, dans ses relations avec les autres membres, par les anciennes
Convention de Bruxelles I et II). Ces règlements concernent les litiges
transfrontraliers au sein de l’Union, mais le juge national doit parfois, dans cette limite,
appliquer des règles de procédure qui dérogent à celles prévues par le nouveau
code de procédure civile. On ne peut pas non plus ignorer les
directives qui contiennent des dispositions de procédure civile ou qui ont
trait à l’aide juridique pour les litiges transfrontaliers.
C) Un monument en devenir
Que le Nouveau code de procédure civile soit un monument
en devenir, c’est à dire que le temps soit venu de certaines réformes
d’adaptation aux changements intervenus dans notre société depuis trente ans,
on en voudra pour preuve d’une part, la mission de réflexion confiée à un Haut
magistrat entre 1995 et 1997 (a) et, d’autre part, les décrets ou tentatives de
décret qui, pour la plupart, révèlent une vision purement gestionnaire de la
justice civile, fondée essentiellement sur la régulation des flux (b).
a)
Une mission de réflexion sur la procédure civile fut confiée, fin 1995, à un
grand magistrat, homme d'expérience, de conviction, de consensus, le président
du TGI de Nanterre, devenu président du TGI de Paris puis Premier président de
la Cour d’appel de Paris, M. Jean-Marie Coulon. De nombreuses personnalités
furent interrogées pour nourrir la propre réflexion de l'auteur. Un rapport a
été remis au garde des Sceaux en janvier 1997 et fut publié en février 1997 à
la Documentation française[28].
Ce rapport, très complet et qui traduisait
une très bonne perception de la justice civile à la fin du XXème siècle
contenait 36 propositions dont certaines bouleversaient la structure, les
fondements du NCPC. Le cadre de cette contribution ne permet
pas de commenter les grandes lignes de ce rapport, ni d'en analyser les 36
propositions. On en trouvera une approche théorique et pratique, critique au
sens plein du terme, dans les travaux issus des États généraux de la profession
d'avocat sur la réforme de la procédure civile, tenus en avril 1997, réunissant
les meilleurs spécialistes de la question[29].
b) Finalement - et plus modestement -
le projet de décret préparé par la Chancellerie à la suite de ce rapport et
soumis à la consultation des professionnels concernés[30] fut ramené à la promulgation de deux
décrets de procédure civile dont la vision participe de deux visions
différentes de la matière procédurale et de la justice civile.
1) Le décret du 28 décembre 1998 (no 98-1231)[31] appartient manifestement à la première de
ces deux catégories. Sans toutefois remettre en question
l'équilibre du code, ce texte visait à rendre la procédure civile plus
consensuelle, plus proche des justiciables, et notamment des plus démunis, plus
rapide surtout, avec la création d'une véritable justice de l'urgence ;
une véritable pensée l’inspirait, des choix politiques au sens plein et noble
du mot étaient affirmés ; on pouvait les désapprouver (ce qui ne fut pas
notre cas), mais on devait reconnaître que de grands axes étaient donnés :
le chemin d’une nouvelle justice civile était tracé.
2) Ce
ne fut pas le cas pour l’autre décret, celui qui était limité à la procédure
suivie devant la Cour de cassation (pour en rendre plus difficile l’accès) et
qui porte la date du 26 février
1999 (no 99-131)[32]. De logique purement gestionnaire, il
sera complété, pour ce qui est du filtrage des pourvois, par la loi du 25 juin
2001.
Dans
cette même logique de régulation des flux, un projet de décret du printemps
2002, à la limite extrême d’une vision purement gestionnaire de la procédure
civile, envisageait de supprimer l’effet suspensif de l’appel ; c’était en fait toucher à la
conception même du rôle du juge du premier degré[33] et le projet fut retiré. Derrière la
gestion des flux encombrant (cela reste à prouver) les cours d’appel, se
profilait la tentative d’une hold up sur l’effet suspensif de l’appel, sur le
droit à une seconde chance, droit qui existe bel et bien dans notre tradition
juridique, quoi qu’on ait pu dire à cet égard[34].
Quant au décret n° 2002-1436 du 3 décembre
2002, texte de toilettage et de mise en conformité du code avec des réformes
législatives récentes, il n’apporte aucune modification substantielle au NCPC.
Ces
tentatives, modestes ou plus ambitieuses posent la question de la manière
d’adapter le Nouveau code de procédure civile aux évolutions contemporaines,
aux nouvelles exigences de la société civile, sans le dénaturer. Poser cette
question, c’est s’interroger sur le choix d’une méthode et sur les objectifs de
fond qui pourront être poursuivis.
II – LE CHOIX D’UNE MÉTHODE
Mais
si réforme il y a, comment procéder ? On pense, naturellement, à la voie
réglementaire, tant il est vrai que l’on enseigne (à juste titre) que la
procédure civile relève de la compétence réglementaire ; mais le phénomène
de constitutionnalisation de la procédure civile que nous avons relevé ne peut
pas ne pas avoir d’incidence sur la champ ouvert au pouvoir réglementaire. Une
première question concerne donc le choix de la voie législative ou
réglementaire (A). Une deuxième question méthodologique touche à l’idée que
l’on se fait du travail de chancellerie, en solitaire ou en commission (B).
Enfin, une troisième question a trait au degré de concertation voulue avec les
professions concernées et aux études d’impact qui devraient systématiquement
conduites (C).
A) le choix de la voie législative ou réglementaire
Compte tenu de ce qui précède sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de procédure civile, le pouvoir réglementaire, pas plus d’ailleurs que le Parlement, n’est pas libre de faire ce qu’il veut en matière de réforme du Nouveau code de procédure civile, pour trois raisons :
a) D’abord, en raison de
la triple jurisprudence extensive déjà citée sur le retour à la compétence
législative, soit parce que la règle procédurale envisagée se rattache à une
matière qui, par nature, relève du Parlement, soit parce que cette règle
concerne les garanties fondamentales accordées aux citoyens, soit parce qu’elle
s’intègre dans un ensemble plus vaste sur la création d’un nouvel ordre de
juridiction (par exemple, les règles de compétence matérielle) : dans ces
trois séries d’hypothèses, le pouvoir réglementaire est dépossédé de tout
pouvoir de réformer le code.
1)
Dès lors, la question se pose du rejet de
la voie réglementaire, lorsque la réforme envisagée touche à un principe
fondamental de procédure, de manière détournée. Il faut revenir vers le
Parlement lorsque, sous couvert de réformes anodines, la Chancellerie porte
atteinte à la nature de certains mécanismes de procédure, ainsi de la
suppression envisagée au printemps 2002 de l’effet suspensif de l’appel ; n’est-ce pas dénaturer l’appel que de
généraliser l’exécution provisoire de droit, en soumettant son éventuelle
suspension par un autre juge que celui qui a rendu la décision exécutoire à la
condition que l’appel ait des chances de prospérer au fond, donc à une sorte de
préjugement ?[35] L’évolution contemporaine des sources de
la procédure civile ne permet plus d’évacuer cette question.
2)
Quant au pouvoir législatif lui-même, il doit respecter les normes
constitutionnelles, y compris les normes issues de la jurisprudence du Conseil.
On en donnera un exemple avec l’interdiction absolue, dans le code actuel,
d’arrêter une exécution provisoire de plein droit (article 524, NCPC). Cette
interdiction est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 23
janvier 1987, déjà signalée, qui, à propos du Conseil de la concurrence,
consacre un droit, de valeur constitutionnelle, à un sursis à exécution, au titre
«d'une garantie essentielle des droits de
la défense », bien que les circonstances ne soient pas les mêmes (caractère
non juridictionnel du Conseil de la concurrence, décisions de caractère
répressif)[36]. Cette
interdiction de tout arrêt de l’exécution provisoire de droit, parce qu’elle
touche à une garantie fondamentale des citoyens-justiciables aurait dû passer
par la voie législative puisque le Conseil constitutionnel voit dans le sursis
à exécution « une garantie
essentielle des droits de la défense » (v. supra, la jurisprudence précitée en I, B, a), ce qui aurait permis
d’en soumettre la constitutionnalité au contrôle du Conseil constitutionnel.
Comme cela n’a pas été le cas, il aurait fallu porter l'article 524 devant le
Conseil d'État pour solliciter son opinion ou que les juges judiciaires
écartent cette disposition pour non conformité à la jurisprudence
constitutionnelle de 1987 ou, mieux encore, en apprécient la conformité par
rapport à la Convention européenne des droits de l'homme et, notamment, par
rapport à l'article 6, § 1, et les garanties d'un procès équitable ;
sachant que les droits de la défense entrent largement dans cette garantie,
selon la Cour européenne, il y a là un moyen, si la Cour de cassation en a le
désir, de mettre un terme à certaines exécutions de droit abusives. C’est
d’ailleurs ce que vient de décider un délégataire de Premier président[37],
alors qu’un autre si refuse[38].
b) Ensuite, parce que l'extension du champ législatif des règles
de procédure civile est potentiellement illimitée depuis la décision du Conseil
constitutionnel du 30 juillet 1982 qui a estimé, ce jour-là, que le
non-respect de la répartition des règles de compétence par le législateur ne
constitue pas une cause d'inconstitutionnalité[39]. Il en résulte que le Parlement peut
légiférer dans le domaine réglementaire de la procédure civile, sans encourir
la censure du Conseil constitutionnel[40]. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait avec la
loi no 95-125 du 8 février 1995, dont nombre de dispositions
procédurales auraient pu prendre place dans un décret ; ainsi de
l'article 21 sur la conciliation et la médiation. Même remarque pour
l'article 118 de la loi no 98-657 du 29 juillet 1998
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ou encore avec la loi
n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 qui introduit dans le COJ (art. L. 331-3) la
procédure qui doit être suivie devant la juridiction de proximité.
c) Enfin, parce que, dans
le domaine résiduel de compétence qui reste acquis au pouvoir réglementaire,
celui-ci doit respecter les principes définis par le législateur. La compétence du pouvoir réglementaire
n'est pas arbitraire, sans contrôle. En effet, le Conseil constitutionnel a
nettement indiqué, dès le 18 juillet 1961, à propos du nombre, du siège et
du ressort de chacune des juridictions, que si leur détermination était de la
compétence réglementaire, encore fallait-il que cette compétence s'exerçât dans
le respect des « principes
définis par la loi pour la création de ces juridictions ». Le pouvoir réglementaire n'est donc pas
libre de ses choix ; sous le contrôle du juge ordinaire, il doit respecter
ces principes.
B) Le choix d’une commission ou non
Le
Nouveau code de procédure civile a été préparé par une Commission, elle-même
structurée en plusieurs cercles[41],
dont la diversité des origines professionnelles, de sensibilités des hommes qui
les composaient, a largement contribué, au-delà de leurs éminentes qualités de
juristes, à la réussite de l’opération engagée. L’une des raisons majeures de
l’exquise qualité du code provient sans doute du temps que ses rédacteurs se
sont donné, de la confrontation d’idées émises par des hommes venus d’horizons
très différents, par le souci de travailler en commun, guidés par l’objectif de
revoir toute la structure du procès civil. C’est une codification
conceptualisée dont les principes directeurs en ouverture des livres qui
composent ce code en constituent la manifestation la plus éclatante.
Cette
méthode, faite de sagesse et de pondération, devrait inciter les instigateurs
de toute réforme du Nouveau code de procédure civile, à être prudents dans la
manière de procéder pour parvenir à leurs fins. Ce fut le cas avec la mission
confiée au Président Coulon (v. supra)
qui se déroula par entretiens avec de très nombreuses personnes qualifiées et
qui se prolongea dans des avants-projets de décrets soumis à la concertation
des professionnels concernés (notamment les avocats et avoués), dans un temps
de consultation décent. Le contre-exemple en est donné, cinq ans après, avec le
projet de suspension de l’effet suspensif de l’appel, préparé dans le secret et
la pensée unique de quelques-uns réunis sans que soient entendus de nouveau
ceux – et ils étaient nombreux – qui s’étaient opposés au projet trois ans
auparavant ! On travaille mieux à plusieurs, dans l’œcuménisme des
sensibilités et des opinions doctrinales, en soumettant à la critique ses
projets de réforme, que dans le confort artificiel d’une pensée unique. Et
soumettre un projet à la concertation des professions concernées le 5 avril pour
une réponse dans les quinze jours, alors que, par ailleurs, le contenu de la
réforme ne relève pas de la gestion des affaires courantes qu’un pouvoir
finissant sa mandature est seule autorisée à exercer, n’est pas digne de la
démocratie française. Les justiciables méritent mieux que ce mépris implicite
que cette méthode a révélé.
Dès lors, on peut se demander s’il ne
faudrait pas davantage réfléchir à la manière de travailler, plutôt que de
préparer des projets dans le confort d’une pensée unique de cabinet ministériel.
Pour notre part, nous optons, sans hésiter, pour le choix du recours à une
Commission dont les objectifs seraient fixés par la Chancellerie, c’est à dire
par le pouvoir politique, auquel il appartient de dire ce qui est bon et ce qui
ne l’est pas pour le justiciable (on s’étonne d’avoir à le rappeler). Tirant sa
légitimité de son installation par le Ministre de la Justice, la Commission
peut se diviser en groupes de travail spécialisés et travailler en concertation
étroite avec les services concernés des Directions de la Chancellerie. Composée
de professionnels venant d’horizons différents, c’est à dire de toutes les
professions juridiques et judiciaires concernées (et non pas seulement de
magistrats de la chancellerie), l’autorité qui constituera cette Commission ne
commettra pas l’erreur de choisir ses membres dans une seule école de pensée,
dans une seule profession, dans un seul syndicat, dans une seule université,
etc.. C’est de la diversité que naît la qualité de la réforme. La France juridique
est riche de ses diversités, profitons-en !
c) le choix d’un véritable dialogue
Il restera aux membres
de la Commission à travailler d’abord entre eux, puis en large écoute des
professionnels concernés, par un dialogue soutenu avec leurs organisations
ordinales ou syndicales représentatives bien sûr, mais aussi par un large
dialogue avec les juridictions. Rien de ce qui touche à la procédure civile ne
peut se faire sans ce double dialogue d’élaboration des projets. La France se
décentralise, le centre de gravité du pouvoir se déplace vers la province, des
expériences ont lieu ici ou là. Ecoutons les, invitons-les à venir en parler.
Tout ceci paraîtra peut-être naïf à certains, mais l’expérience du printemps
2002 montre que ce rappel n’est pas inutile.
Le dialogue, c’est aussi mener des études statistiques,
des études d’impact (y en a-t-il eu, par exemple, avant la création des
juridictions de proximité ?) pour s’entourer de garanties quant à la
nécessité et la faisabilité des réformes envisagées.
On
retrouve ce dialogue, non plus au niveau de la méthode d’élaboration de toute
réforme du Nouveau code, mais au niveau des principes à promouvoir dans le
cadre de cette réforme.
III – LE CHOIX DES RÉFORMES : QUEL CODE ?
Le nouveau Code de procédure civile forme,
sans conteste, le monument réglementaire le plus important qui soit intervenu
en matière de procédure civile depuis les codifications napoléoniennes.
Certaines de ses dispositions sont excellentes et devraient, si elles étaient
toujours appliquées avec loyauté, provoquer un rajeunissement de la procédure
et des pratiques judiciaires. Pragmatique, le Code a aussi sa part de rêve,
avec des institutions qui n'ont guère été appliquées (la requête conjointe, la
conciliation, l'amiable composition). En termes d'économie de marché, c'est un
code exportable, cohérent, parce que doctrinal, souple, parce que non
dogmatique, correspondant aux besoins de la pratique, parce que proche des
préoccupations des justiciables. Bref, le meilleur de la science juridique française
(avec les réformes initiées en droit civil par Monsieur le Doyen Jean
Carbonnier).
Mais tout monument codifié, si grand
soit-il, doit être l’objet de tous les soins « d’entretien », pour
conserver sa fonction de régulateur de la matière qu’il régit. On ne peut
manquer de relever que le Nouveau code a dépassé l'âge de la majorité, pour
entrer dans celui de la maturité. Sa pleine capacité juridique ne mérite-t-elle
pas quelques adaptations ? Sachant que, statistiquement, les grandes
réformes de procédure civile, les codifications nouvelles de grande envergure,
n'ont lieu que tous les 130/140 ans (1539 et 1566, ordonnances respectivement
de Villers-Cotterêts et de Moulins ; 1667, Code Louis ; 1807, ancien Code de
procédure civile ; 1976, Nouveau code de procédure civile), la prochaine grande
réforme ne devrait intervenir que vers les années 2100 ! Il est probable que
les mouvements de fond indiqués ne permettront pas d’attendre jusqu’à là.
Sous
ce regard, plutôt que d’essayer de déterminer, articles par articles et dans
une démarche qui se voudrait prophétique, quelles sont les dispositions du code
qui devraient faire l’objet de réformes, il nous semble préférable d’envisager
quelle conception politique du procès civil
les réformateurs éventuels devraient adopter parmi celles qui s’offrent à eux
(A), aidés pour cela par les réponses à apporter à trois questions (B), et
quelles exigences ils rencontreront sur leur chemin (C).
A) CHOISIR UNE VISION POLITIQUE DU PROÇÈS CIVIL
Le Nouveau code de procédure civile
est porteur, sinon d’un projet politique d’organisation de la Cité, tout au
moins d’une vision du procès civil que nous avons déjà décrite
brièvement en évoquant le rôle respectif des parties et du juge (avec l’accroissement
des pouvoirs de ce dernier), les voies diversifiées (donc la souplesse) d’accès
au juge, le souci de coller au plus près des besoins des justiciables (d’où des
procédures comme la requête conjointe), etc.. C’est une vision d’harmonie, de
compromis, entre une conception du « tout au juge « et une autre du
« tout aux parties ». Elle correspond assez bien aux temps actuels
d’une société qui ne se reconnaît pas dans des oppositions trop tranchées entre
deux camps.
Une autre vision (plus pessimiste
des bienfaits du code) a été proposée, très minoritaire, et représentée avec
talent (et courage) par Raymond Martin[42],
qui écrit : «le NCPC ne m'a jamais
convenu. Dès les premiers décrets préparatoires, j'y ai vu une dérive vers un
totalitarisme judiciaire». ... «Pour moi le NCPC n'innovait pas, il
perfectionnait une déviation de longue date et l'érigeait en système»... «Le
NCPC a été un accident de l'histoire. Il a dessiné un procès civil qui n'est
pas celui de notre époque, démodé alors qu'il naissait»... «Mon ambition est de
poser les linéaments d'un possible procès revu et corrigé, celui d'une société
libérale».
Société libérale certes, mais le service public de la
justice a un coût que supportent les contribuables en finançant par leurs
contributions fiscales le Ministère qui en est responsable (à hauteur de 4,69
milliards d’euros en 2002). On peut comprendre, dans ces conditions, que l’Etat
ne puisse pas laisser entre les mains des seuls justiciables la conduite des
procès civils, se désintéresser de leur durée qui mobilise des hommes et des
moyens en matériel et en lieux de déroulement des différentes phases du procès.
La conception actuelle du procès que porte le Nouveau code ne nous semble pas
être à ce point dirigiste au détriment des intérêts des parties, qu’il faille
s’orienter vers une réforme radicale pour le sortir de ce « totalitarisme
judiciaire » qui, selon Raymond Martin, le menacerait. D’autres questions,
en revanche, doivent être résolues ; des options doivent être prises.
B) S’INTERROGER SUR TROIS COMPOSANTES ESSENTIELLES DU PROÇÈS CIVIL
Le procès civil met en cause, outre les parties, un juge
(omniprésent dans le code, en particulier par la détermination de ses
pouvoirs), une procédure (variable selon la juridiction et la nature du procès,
mais menacée dans ses origines nationales par l’européanisation de la matière)
et le droit à appliquer (que l’on trouve visé, notamment, aux articles 12 et
604, NCPC). Tout réformateur du code doit s’interroger sur la conception qu’il
entend retenir de ces trois composantes du procès civil.
a)
Quelle place sera accordée au juge dans le procès civil ?
Les futures réformes de la procédure
civile consacreront, vraisemblablement, le rôle nouveau du juge, plus proche
des justiciables parce que recentré sur ses missions juridictionnelles et
dégageant (espérons-le) du temps pour le dialogue, l'étude approfondie des
dossiers qui lui sont confiés, tant au niveau de leur mise en état que de
l'élaboration de la décision. Il conviendra ensuite de revoir ses pouvoirs dans
la mise en état des affaires civiles, en distinguant peut-être davantage que
maintenant entre la procédure de première instance et celle d’appel, alors que
le code actuel procède largement, pour celle-ci, par renvoi aux textes édictés
pour le premier degré de juridiction ; deux raisons à cela: la première,
c’est que le procès en appel, par hypothèse a déjà fait l’objet d’une première
mise en état ; la seconde, c’est que, pour les procédures avec
représentation obligatoire, un acteur nouveau intervient, l’avoué, ce qui,
normalement, devrait changer le rôle de l’avocat et modifier la place et
l’étendue de la plaidoirie ; pourquoi ne pas imaginer, par exemple, une
première phase aux fins de régler les incident procéduraux, de vérifier la mise
en état, tout cela au cours d’une audience de procédure entièrement entre les
mains des avoués (les avocats y étant, bien évidemment, conviés pour
intervention éventuelle), suivie d’une seconde phase avec audience de jugement
où l’avocat retrouverait toute sa place dans un rôle rénové ?
Un
juge nouveau sera peut-être un juge recruté différemment qu'il ne l'est
aujourd'hui, la revalorisation de la fonction passant sans doute par une
interrogation sur le maintien, à titre principal, d'un mode de recrutement qui
conduit à « livrer » à la société de jeunes érudits qui ne connaissent rien de
la vie, de ses drames, de ses souffrances et de ses cruelles incertitudes. Le
procès civil reste le procès, d'abord de l'urgence à traiter de situations
conflictuelles, donc dures dans les relations des parties entre elles, puis de
la loyauté trompée (par exemple dans les contrats), de l'amour déçu (le divorce
et beaucoup de questions de filiation), des vies brisées (par un accident
donnant lieu à un procès en indemnisation), des propriétés contestées, etc.
Tout cela ne s'apprend pas à l'école, ni à l'université, mais au fil du temps[43].
L’ancrage de nos juges vers ces réalités explique sans doute la création de la
justice de proximité par la loi du 9 septembre 2002, composée de juges issus de
la société civile et qui viennent donner une partie de leur temps pendant sept
ans pour juger les conflits de leurs concitoyens et même, au pénal, leurs
acte ; ce n’est sans doute pas un hasard si deux des principaux candidats
à l’élection présidentielle d’avril et mai 2002 avaient envisagé, selon des
modalités non précisées, ce type de justice.
b)
Quelle place sera réservée aux traditions nationales faces aux exigences de la
garantie européenne des droits fondamentaux ?
La procédure civile, comme d'ailleurs les
autres procédures, est marquée, à l'aube du IIIe millénaire, par un triple mouvement[44] :
1) L'attraction par les
droits fondamentaux qu'ils soient d'origine internationale, européenne ou
constitutionnelle ; la procédure devient une technique de protection des
droits fondamentaux, un instrument d’une démocratie qui devient procédurale ; il existe des droits fondamentaux de
procédure[45] ;
2) La modélisation dans la
mondialisation, avec l'apparition d'un modèle universel de procès, le
procès équitable ; au cours d'un colloque au Sénat, organisé par
l'Institut Alain Poher à l'occasion du XXVe anniversaire de la ratification par la
France de la Convention européenne des droits de l'Homme (3 mai 1999), il
a été affirmé, un peu rapidement et péremptoirement, que ce modèle universel
était « faux, inutile et
dangereux »[46]. Cela nous semble triplement inexact car
ce modèle existe déjà (il n'est donc pas faux) et la France est condamnée à
Strasbourg pour atteinte aux garanties d'un procès équitable, ce qui tend à
prouver que ce modèle n'est pas inutile par rapport à l'insuffisance des
garanties nationales et n'est pas dangereux puisqu'il accroît la garantie des
droits (sauf à laisser entendre que cet accroissement ne serait pas
souhaitable...)[47]. Ce qui est vrai, c'est que nos Hautes
juridictions, singulièrement le Conseil d'État et la chambre criminelle de la
Cour de cassation n'appliquent qu'avec réserves et réticences le droit venu de
Strasbourg, ce qui ternit l’image de la France qui se voit condamner pour de
telles résistances, ainsi que l'a souligné, à juste titre, le Garde des Sceaux
lors de la clôture de ce colloque, invitant les juges français a plus d'audace
dans l'application du droit européen.
3) L'émergence de nouveaux principes directeurs, tels que la
loyauté[48],
le dialogue[49] et la célérité[50], sur lesquels nous reviendrons dans
quelques instants.
c)
Quelle place sera réservée au droit dans le règlement des litiges ?
L'époque est à la négociation, aux modes
alternatifs de règlement des conflits (les MARC), qui avaient leur rubrique
dans la Revue générale des procédures[51], jusqu'à sa disparition en janvier
2000, leur enseignement[52],
leur centre de recherche[53].
Le législateur les a mis en avant (loi du 8 févr. 1995), la pratique y porte un
intérêt certain, qu'il s'agisse de la conciliation ou de la médiation. Pour
autant, il ne faudrait pas que le droit soit négligé devant nos tribunaux. Le
justiciable et la démocratie dans notre pays ne peuvent se passer de décisions
juridiquement sûres, bien argumentées en droit et non pas en équité. – V. les
réserves exprimées par le Doyen Carbonnier sur cette « sorte d'acharnement, non pas thérapeutique mais conciliatoire,
réconciliatoire, unanimiste, qui voit le fin mot de la justice civile non plus
dans un échange d'argumentations rationnelles et une pesée de ces
argumentations, mais dans un échange de baisers de paix à tout prix »[54].
Le développement du droit substantiel d'origine
jurisprudentielle accroît l'importance de la procédure ; les pouvoirs accrus du
juge quant au fond ont comme corollaire de nouvelles garanties procédurales :
la procédure est le contre-pouvoir aux nouveaux pouvoirs du juge quant au fond[55].
La judiciarisation est aussi le moyen de redonner du droit aux secteurs dominés
par l'économie où le droit est évacué au profit de celle-ci : les autorités de
régulation (COB, Conseil de la concurrence, etc.), dont les décisions sont
soumises à des recours devant les juridictions judiciaires ou administratives.
C) PROMOUVOIR TROIS NOUVEAUX PRINCIPES DIRECTEURS DU PROÇÈS CIVIL
La procédure civile, qui n’est plus sous
la pression d’une
augmentation du contentieux, mérite mieux que des petites réformes de pure
gestion ; l’image de la justice civile s’est aussi
l’amélioration de sa qualité[56], dans la concertation. Trois principes devraient
renforcer une vision qualitative de la justice civile et du procès ; ce
sont ceux que nous avons qualifié de nouveaux principes directeurs du procès
civil[57]
et que nous ne ferons qu’évoquer ici. Si le réformateur garde à l’esprit ces
principes chaque fois qu’il entend modifier une règle et cherche à les
respecter ensemble, bien des désagréments lui seront évités.
a)
Le dialogue
Le
temps est à une procédure plus consensuelle, à la recherche d'une justice
négociée. 1) Cela passe sans doute par
un dialogue renforcé entre le juge et les parties, dans l’introduction de
l’instance (cf. l’assignation qualificative), dans l'instruction des affaires
civiles, à l’audience (par un rôle rénové des plaidoiries) et même, pourquoi
pas, dans l'élaboration de la décision. Ne faudrait-il pas aller jusqu'à la
transmission aux parties et à leurs conseils du projet de jugement afin de le
soumettre à la critique avant décision définitive ? Le dialogue, condition
d'une justice acceptée, n'est-ce pas un aller-retour permanent entre le juge et
les parties ? Le contradictoire, tel que le conçoit de plus en plus la Cour
européenne des droits de l'homme, n'est-ce pas tout soumettre à débat, à la
discussion, avant que la décision judiciaire ne cristallise les éléments du
procès, les passions, les incompréhensions ?
2) Dialogue aussi entre
les juridictions, par le renvoi préjudiciel, la procédure de saisine pour avis,
le dessaisissement de la juridiction de proximité au profit du juge d’instance
en cas de difficulté juridique sérieuse portant sur l’application d’une règle
de droit ou sur l’interprétation du contrat liant les parties (art. L. 331-4,
COJ).
3) Dialogue entre les
parties bien sûr, par le respect accru du contradictoire, l’utilisation de la
requête conjointe, etc..
b)
La loyauté
Notion vague sans doute, protéiforme, mais dont on
ressent bien la nécessité, même si c’est de manière empirique[58].
Les comportements processuels des professionnels de la justice sont concernés
au premier chef, dans leurs relations entre eux et avec leurs clients[59].
Rendre la justice est une œuvre collective et se passer de loyauté est
impossible ; on rejoint ici l’éthique : le procès n’est pas un combat
comme les autres, tous les coups ne sont pas permis. Le principe de
« bonne foi » est d’ailleurs visé dans l’un des arrêts fondateurs du
droit européen, l’arrêt Golder du
21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation de la Cour
européenne d’un droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne
foi », qui n’est qu’une forme de loyauté (§ 34). Ce n’est sans dote
pas un hasard si le projet de règles transnationales de procédure civile
prévoit en son article 30-5, que la partie qui a agi de mauvaise foi
pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut
être condamnée au paiement d’une amende. La qualité de la justice en dépend.
c)
La célérité
La lenteur a pu être considérée autrefois comme une
sagesse qui « donne le temps de
déjouer les calculs d’un adversaire trop habile et rassure la conscience du
juge »[60].
Ce temps est révolu, car la justice, service public, doit trancher les litiges
dans les délais les plus rapides afin de garantir l’effectivité de leurs
droits. La célérité participe à cette effectivité[61].
D’ailleurs, certaines législations étrangères n’hésitent pas à inscrire dans
leurs textes que « la solution juste
et en même temps rapide des litiges apparaît comme un but
essentiel » [62].On
retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de
l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme,
d’autre part, dans le traitement de l’urgence.
IV – LE CODE DE PROCÉDURE CIVILE ENTRE SON PASSÉ ET SON AVENIR
Le code de procédure
civile entre son passé et son avenir
(publié en 2016, éditions Panthéon-Assas)
C’est peu dire que depuis le 1er
janvier 1976, le code procédure civile incarne, en France bien évidemment, mais
aussi à l’étranger lorsqu’il a été pris comme modèle d’exportation, la
procédure civile, le droit du procès civil, conçus l’un et l’autre comme une
technique d’organisation du procès[63].
Dans
le cadre de l’ouvrage heureusement initié par Catherine Puigelier et Isabelle
Petel-Teyssié, il nous a semblé intéressant, quarante ans après sa
promulgation, de dresser l’état des lieux de ce monument (I), avant d’envisager
quel pourrait être son visage renouvelé dans les quarante années à venir (II).
I – quel code ! quarante ans de brillants et loyaux services
L'ambition
des codificateurs du début des années soixante-dix était bien de tout
reprendre, de relever le défi d'une véritable codification. Les décrets
antérieurs au décret de codification qui se sont succédé de 1971 à 1975, n'ont
fait que préparer (tester ?) une réforme de grande envergure. Le pari fut une
réussite et il est possible d’affirmer que le code a été et reste un monument
d’harmonie à la gloire d’un procès civil modernisé (A), même si, à l’aube de
ses vingt ans, il a dû composer avec le droit européen (B) et s’est trouvé
confronté, pour ses trente ans, au changement intervenu dans le rôle respectif
du juge et des parties (C).
A) 1976 : un monument d’harmonie à la gloire d’un procès civil modernise
Disons-le tout net, ce code est l'exemple parfait d'une codification réussie, avec une unité de pensée et de plume (celle du Doyen Gérard Cornu) qui a beaucoup contribué à faire passer un souffle nouveau sur le droit procédural, à forger une force doctrinale au service de la pratique et de ses problèmes quotidiens[64]. Le rappel des qualités de ce code ne nous paraît pas inutile à un moment où l’on envisage, après la réforme contestée de la procédure d’appel de restreindre de manière drastique l’accès au juge de cassation, donc de remettre en cause, par petites touches successives, les grands équilibres qu’il consacre, sans toujours en mesurer les conséquences quant à l’harmonie générale de notre droit procédural[65].
a) En la forme,
c'est un code au langage soigné et rajeuni ; chaque mot est pesé, souvent
défini, toujours utilisé à bon escient. Le laxisme et la démagogie ne sont pas
de mise, les rédacteurs du code n'ayant pas renoncé à l'emploi d'un langage à
la fois technique et précis, pour tomber dans la facilité d'un vocabulaire
courant mais inadapté à la sécurité des relations juridiques et des procès,
donc des justiciables. Pour autant, des efforts ont été accomplis pour rapprocher
ce langage de celui employé et compris par le justiciable. La langue judiciaire
est donc sortie épurée et enrichie de cette œuvre de codification.
b) Au fond,
le code est codé, ainsi que l'a écrit l'une des plumes les plus autorisées[66] :
il offre donc des clefs de lecture, l'une des plus intéressantes portant sur la
notion de matière gracieuse (articles 25 et suivants). Il offre surtout un
fonds commun procédural de droit privé, avec des procédures souples et variées.
1. Un fonds commun
procédural de droit privé
Les auteurs du code ont su, habilement et
avec élégance, poser un certain nombre de principes relatifs à l'action en
justice, aux rôles respectifs des parties et du juge, ces derniers étant
essentiellement, mais non exclusivement, rassemblés dans les principes
directeurs du procès civil qui figurent en tête de l'ouvrage.
A la différence de ce qui se passait
naguère, ce droit commun s'étend aux juridictions d'exception, sauf
dispositions particulières, de par la grâce d'un livre premier applicable devant
toutes les juridictions et à tous les types de procès (cf. art. 749). Les
divergences qui n'avaient plus qu'une raison historique d’être ont disparu.
Les voies de recours sont traitées de
manière conceptuelle dans leur présentation, avec des dispositions communes et
l’adoption de classifications qui en modèlent le contenu et l’approche pratique
(effet suspensif ou non par exemple). L'organisation des procédures dérivées, provoquées par l'exercice
d'une voie de recours a été très sensiblement clarifiée, simplifiée et soumise
à des principes généraux nettement définis.
Enfin,
si le code accroît les pouvoirs du juge, l'intention de favoriser le dialogue
n'est pas absente, ce qui correspond à l'esprit éternel de la procédure civile
et qu’il faut maintenir et développer autant que faire se peut.
2. Des procédures souples
et variées
Le code n'est pas dogmatique ; ses
rédacteurs ont su introduire beaucoup de souplesse :
-
soit par l'extension, à toutes les juridictions, de procédures qui avaient fait
leur preuve ; par
exemple, il est intéressant de relever l'extension devant toutes les
juridictions de la procédure d'ordonnance
sur requête et de la procédure de
référé, le soin avec lequel on a essayé de distinguer l'activité contentieuse, gracieuse ou purement administrative du juge.
-
soit par l'organisation de procédures aux schémas multiples et dérivés ;
plusieurs circuits sont possibles, selon la complexité de l'affaire, l'urgence
à la traiter[67] ; les mesures d'administration de la preuve
sont variées (expertise, consultation, constatation, etc.).
Cette souplesse n'est pas le fruit du
hasard ; à la même époque, avec les mêmes mains, un droit civil souple,
« flexible » s'écrivait[68]. Il fallait tenir compte de la diversité
des juridictions dans l'application généralisée des règles communes ; la
diversité judiciaire imposait la modulation des règles contenues dans le livre
premier : « Les fondations
posées [principes directeurs et dispositions communes], le maître-mot de la réforme devient la
souplesse »[69].
Il
n’en demeure pas moins, malgré les qualités éminentes de ce code, que vingt ans
après sa promulgation, au milieu des années quatre-vingt-dix, il fut un
monument assiégé, pas seulement par ceux qui souhaitaient le réformer et qui
n’en avaient pas toujours perçu toutes les subtilités, c’est à dire son
harmonie. De nouvelles sources du droit procédural ont fait leur apparition, le
Marché unique européen s’est imposé et s’est fait de plus en plus
pressant ; ce sont ces sources nouvelles et ces volontés d’harmonisation
qui, les premières, ont menacé, un temps, le code de 1975, qui a su résister et
composer avec elles.
B) 1995 : un monument qui a su composer avec le droit européen
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, deux changements doivent être soulignés : l’un au niveau des sources européennes d’impulsion processuelle du droit du procès qui s’installent durablement dans le paysage juridictionnel français (a) ; de l’autre, avec les sources directes de création de règles procédurales par la pression des directives et règlements venus de l’Union européenne (b). Dans les deux cas, le code a su s’adapter et composer avec ces nouvelles sources qui ne l’ont pas véritablement remis en cause dans les techniques procédurales qu’il porte. Il a simplement perdu un peu de sa souveraineté ! On soulignera au passage que cette distinction entre des sources processuelles d’impulsion et des règles techniques procédurales traduit l’évolution contemporaine du droit du procès qui tend à intégrer un droit processuel européen et un droit procédural national[70].
a) L’installation durable
des sources d’impulsion processuelle de la procédure civile dans le paysage
juridictionnel français
Sous l’influence prépondérante des
instruments internationaux des droits de l’homme (que nous préférons désigner
par l’expression de libertés et droits fondamentaux), la procédure civile,
comme l’ordre juridique en général, se trouve placée aujourd’hui sous l’emprise
croissante des droits fondamentaux, à la garantie desquels, d’ailleurs, elle
participe, à tel point que l’on peut désormais parler de droits fondamentaux du
procès (les fameux « droits de procédure » évoqués aux Conseils
européens de Cologne et Tampere au moment de l’élaboration de ce qui allait
devenir la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) et qu’il
existe un véritable droit substantiel à un procès équitable conforme aux
exigences d’un État démocratique, c’est-à-dire aux garanties fondamentales
d’une bonne justice, même si la culture des droits de l’homme n’est pas encore
totalement acceptée en France[71].
L’humanisme processuel l’emporte sur le légalisme procédural[72].
Plusieurs instruments internationaux de
protection des libertés et droits fondamentaux, constituent un véritable abrégé
de procédure, aux formules tranchantes mais suffisamment floues pour en
permettre une interprétation très large soit par les organes internationaux de
contrôle, soit par les juridictions nationales. Ils apportent ainsi une
garantie indispensable aux justiciables dans le domaine du droit du procès. La
France, qui s’autoproclame très souvent pays des droits de l’Homme, alors qu’il
n’est pas du tout certain que ces droits y soient mieux protégés que dans
d’autres États, a besoin du rempart des droits fondamentaux du procès pour
assurer la prééminence du droit. Et ce rempart vient, heureusement, le plus
souvent, de sources supra-législatives, d’autant plus nécessaires que la
pratique nationale des juridictions est loin d’être toujours conforme, en tous
points, aux standards internationaux de garantie des droits fondamentaux des
justiciables. Deux textes européens sont ici porteurs d’impulsion
processuelle : l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne.
La
procédure est devenue la garantie de la garantie des droits.
Cette importance croissante de l’attraction de la procédure civile par les
droits fondamentaux garantis essentiellement par les instruments internationaux
des droits de l’Homme tient à trois facteurs : d’une part, à
l’applicabilité directe de ces instruments ; d’autre part, à l’existence
d’un concept cohérent, qui leur est d’ailleurs commun, celui de procès équitable ;
à l’utilisation, par les organes de contrôle de ces instruments internationaux,
et notamment par la Cour européenne des droits de l’Homme, de méthodes
originales pour assurer l’effectivité des droits fondamentaux et de la garantie
d’un procès équitable. S’agissant du deuxième facteur, le « procès
équitable », jamais si peu de mots n’auront autant bouleversé le droit du
procès, mais rien dans le code de procédure civile ne s’oppose à la mise en
œuvre des garanties du procès équitable. Sous ce regard, le code a anticipé la
venue de ces règles européennes d’impulsion processuelle.
b) Le droit procédural
venu de l’Union européenne
Bien
que la loi de procédure ait depuis toujours constitué l’un des rochers les plus
solides sur lequel s’est édifiée la territorialité du droit, la multiplication
des relations juridiques dans le cadre de l’Europe des vingt-huit et la
création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), conduisent à
adapter et parfois harmoniser la procédure. S’il appartient à chaque État
d’adapter sa réglementation aux nécessités européennes, au nom d’ailleurs du
principe de subsidiarité (solidifié encore par le traité de Lisbonne), puisque
les traités instituant les Communautés européennes puis l’Union européenne
n’ont pas vocation à emporter directement des effets contraignants en matière
d’organisation judiciaire et de procédure à suivre devant les juridictions
nationales, il n’est ni inexact ni futuriste de parler d’un véritable droit
procédural de l’Union européenne en raison de l’existence de règlements et
directives concernant la procédure civile dans le cadre désormais de l’espace
de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), des efforts d’harmonisation des
procédures d’ores et déjà fructueux ou en voie de réalisation et des efforts
d’information. Au-delà de quelques règlements de droit matériel, qui
contiennent des règles de procédure civile, le droit de l’Union européenne a
connu un bouleversement considérable avec l’entrée en vigueur du traité
d’Amsterdam ; celui-ci en effet, avait entraîné le transfert de la
coopération judiciaire en matière civile, du troisième au premier pilier (celui
du traité CE), ce qui n’était pas neutre en termes d’efficacité : règle de
l’unanimité ou pas ; adoption plus facile, par les nouveaux États membres
de l’Union, des règlements de l’Union (puisqu’ils entrent en vigueur à une date
unique qui ne dépend pas des aléas d’une ratification par les États
membres) ; soumission à la juridiction de la Cour de justice de
Luxembourg. Sur ce fondement de l’article 81 du traité FUE (traité CE, ancien
article 65), le législateur européen arrête, par règlement, des mesures relevant
du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une
incidence transfrontalière dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du
marché intérieur ; un véritable espace judiciaire européen civil se
construit[73].
À ces changements venus de l’extérieur se sont ajoutés
des changements internes au droit français, souvent sous la pression d’un
impératif de gestion des flux, lui-même induit par les contraintes budgétaires.
C) 2005 : un monument confronte au changement dans le rôle respectif des parties et du juge
C’est peut-être le changement le plus porteur de risques pour l’accès de chacun à la justice et le respect de son droit à un juge, car on constate que, progressivement mais inexorablement, le justiciable est exclu du prétoire.
1. Des obligations
processuelles de plus en plus fortes à la charge des parties. Tous les décrets
de procédure civile (ou presque) pris depuis celui du 28 décembre 1998 (no 98-1231)
qui faisait suite aux travaux de la mission confiée à
M. Jean-Marie Coulon, alors président du TGI de Nanterre, ont tendu à
accroître les charges processuelles pesant sur les parties, voire à limiter
l’accès des justiciables aux tribunaux : décret n° 99-131 du
26 février 1999 qui visait à limiter l’accès au juge de cassation ;
décret no 1678 du 28 décembre 2005 fortement influencé par
les travaux du groupe de travail « qualité et célérité de la
justice » ; décret no 2009-1524 du 9 décembre
2009 qui réforme la procédure d’appel. Tous traduisent la même obsession de
management de la justice. La justice française a certes su évoluer pour
répondre à la nécessité de respecter les garanties du procès équitable, mais
elle se trouve confrontée à une autre pression, une autre logique, celle du
« new public management »,
qui met l’accent sur le rendement, le productivisme et l’efficacité de
l’exercice de la fonction juridictionnelle[74].
Le mouvement se nourrit de ses deux composantes : au fur et à mesure que
s’accroissent les contraintes du « new
public management », les exigences du procès équitable deviennent plus
fortes et… inversement. On peut le constater dans les trois rapports remis à la
garde des Sceaux en 2013 sur la Justice du XXIe siècle à propos
de l’appel qui ne serait plus une voie d’achèvement.
2. Dans cette logique de
régulation des flux, un projet de décret du printemps 2002,
à la limite extrême d’une vision purement gestionnaire de la procédure civile,
avait envisagé ni plus ni moins, de supprimer l’effet suspensif de
l’appel en généralisant l’exécution provisoire de droit ; c’était en
fait toucher à la conception même du rôle du juge du premier degré[75]
et le projet fut retiré ; on en trouve un prolongement dans les
dispositions du décret du 28 décembre 2005 qui, sans reprendre cette
solution, permet de bloquer l’examen de l’appel, voire de radier l’affaire, à
la demande du gagnant, si le perdant n’exécute pas le jugement du premier degré
assorti, de droit ou sur décision du juge, de l’exécution provisoire, mais sans
que celle-ci soit généralisée. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que
les modifications ultérieures aient eu pour objet « d’augmenter les
pouvoirs du juge » et d’accroître « les contraintes pesant sur les
parties »[76]. Il en
est de même du côté de l’organisation judiciaire, l’ambition, quelque peu
utopique, d’un unique Tribunal de première instance étant largement inspirée
par une pure logique de gestion, plutôt que par l’intérêt des justiciables.
3. Parallèlement,
les revirements récents de jurisprudence de la Cour de cassation ont pour seul
objectif, en tout cas pour effet, de dresser des obstacles de plus en plus
nombreux sur la route procédurale des justiciables.
On voudrait les décourager d’agir en justice et, à défaut, les débouter, qu’on
ne s’y prendrait pas autrement : on pense aux arrêts de l’assemblée
plénière de la Cour de cassation du 7 juillet 2006 quant à l’obligation de
concentrer tous ses moyens de droit dès la première instance (ce qui conduit à
reconnaître l’autorité de la chose jugée à ce qui n’a pas été jugé), et du
21 décembre 2007 sur la non obligation pour le juge de requalifier les
prétentions des parties ou de relever d’office les moyens de droit ; petit
à petit se tisse une toile d’exclusion du justiciable des prétoires[77].
Les intitulés de certains rapports procèdent de la même logique, celle du « new public management » ;
ils parlent de « célérité » de la justice, certes en l’associant à
l’exigence de « qualité », mais leur lecture révèle rapidement le
véritable objectif de leurs propositions : réduire de manière drastique le
nombre de litiges portés devant les tribunaux, par tous les moyens[78].
Les rapports Marshall et Delmas-Goyon, respectivement sur les juridictions et
les juges du XXIe siècle (consultables en ligne sur le site du
Ministère de la Justice), remis à la garde des Sceaux en décembre 2013,
illustrent ce propos : concentrer les juridictions pour mieux gouverner
mais certainement pas (contrairement à ce qui est écrit) pour faciliter l’accès
des justiciables au juge ; déjudiciariser des pans entiers du contentieux
(le divorce par consentement mutuel) ; d’autres propositions sont plus
justifiées, mais qu’adviendra-t-il de tout cela dans un pays financièrement
exsangue et incapable de se réformer, faute de s’opposer aux conservatismes de
tous bords ? Dernière proposition en date : au printemps 2015 la Cour
de cassation a clairement affirmé sa volonté de réduire de manière drastique
l’accès au juge de cassation, en supprimant (ou quasiment) sa fonction
disciplinaire, au prétexte de se donner les moyens de devenir une véritable
cour suprême et de valoriser sa fonction normative.
La
« justice productiviste » est en route, au détriment de sa qualité[79]
et il est temps de s’interroger sur la conciliation de la nécessité d’une
réforme et du maintien des principes directeurs de notre procédure civile[80].
Les chiffres ne sont pas tout : la justice répond à des valeurs morales et
les justiciables ont une âme que les gestionnaires ne peuvent ignorer, sauf à
sombrer dans l’injustice, l’autoritarisme et la négation de l’espèce humaine[81].
On peut d’ailleurs se demander s’il ne faudrait pas davantage réfléchir à la
manière de ne pas bouleverser l’harmonie du code, plutôt que de préparer des
projets dans le confort d’une pensée unique de cabinet ministériel, ce code
dont nous avons vu et dit qu’il était un modèle d’harmonie[82].
Dans
ce contexte, on constate ainsi que le code de procédure civile a su s’adapter
en permanence aux grandes évolutions de notre société en matière de justice
civile ; d’ailleurs, depuis sa
promulgation en décembre 1975, il a été complété ou modifié en moyenne tous les
six mois, périodes de vacations judiciaires et de transitions politiques
comprises ! Ce qui est beaucoup, trop sans doute. On n’oserait affirmer
que tous ces décrets modificatifs, parfois institutifs, sont de qualité
rédactionnelle et technique égale au texte d’origine et respectent l’harmonie
du code… Mais l’avenir risque d’être plus sombre pour le code et la conception
du procès civil qu’il portait. Des bouleversements plus importants s’annoncent.
II – quel code pour les quarante ans à venir ?
Le code de procédure civile devra faire face à de nouveaux défis. Trois nous paraissent devoir plus particulièrement retenir l’attention : les conséquences de l’entrée dans l’ère du numérique (A), les incidences de plus en plus fortes des contraintes budgétaires avec le début d’une privatisation de la mise en état devant les TGI (B) et l’apparition de nouveaux principes structurants de l’instance, vecteurs de l’avènement d’une démocratie procédurale (C).A) les conséquences induites par l’entrée dans l’ère du numérique
À l’ère du numérique, c’est bien sûr la
communication électronique qui retient l’attention. Celle-ci, aujourd’hui
généralisée, a un impact sur les droits des justiciables, bénéfique lorsqu’elle
accélère le déroulement d’un procès et améliore l’effectivité des principes
directeurs du procès, maléfique lorsque l’exigence de confidentialité des
échanges électroniques (qu’impose la sécurité de ces échanges) heurte le
principe de publicité de la justice ; ou encore, lorsqu’en l’état, seuls
les professionnels de la justice y ont accès et que demain, si ce procédé est
ouvert aux justiciables, un clivage discriminatoire va se créer entre ceux qui
auront accès à internet et les autres, de sorte que l’obligation qui leur sera
faite de recourir à la voie électronique pourrait se heurter au droit à une
protection juridictionnelle[83].
D’autre
part, aujourd’hui, malgré l’importance prise par l’écrit sur l’oral, les procès
se déroulent encore avec la présence physique des parties ou de leurs avocats
et du juge dans un même lieu, la salle d’audience. Or, sur ce dernier point, on
peut craindre une évolution lourde de conséquences, puisque, dans le cadre de
la réforme du Règlement (C.E.) n° 861/2007 du Parlement Européen et du
Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des
petits litiges, la Commission souhaite encore réduire le nombre d’audiences,
voire qu’elles aient lieu sans la présence physique des parties. Dans son
rapport du 19 novembre 2013, elle critique le fait que les nouvelles
technologies ne soient pas toujours disponibles et que, lorsqu’elles le sont,
elles ne soient peut-être pas toujours utilisées. Dans son esprit, la procédure
devrait se dérouler seulement par écrit, la présence physique des parties ou de
leurs avocats étant exceptionnelle. Mais nul ne peut aujourd’hui prévoir le
développement des moyens de communication à distance, audio et/ou vidéo ;
qui aurait imaginé, il y a seulement quinze ans, le développement d’internet,
de Skype, de Tango et autres logiciels de communication ? Qui peut
aujourd’hui anticiper sur la télé-déportation des participants à un
procès ?
B) LES CONSÉQUENCES INDUITES PAR LES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES SUR LA PRIVATISATION DU PROCÈS CIVIL
On note une tendance, très récente, à redécouvrir, sous la pression des contraintes financières qui affectent l’état et le budget de la Justice, les vertus d’une forme de libéralisme/privatisation de la Justice en confiant aux parties et à leurs avocats, des tâches qui incombent encore aux juges.
a) La mise en état
externalisée dans le cadre de la procédure participative
Le
point de départ en est la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010,
directement issue des travaux de la commission Guinchard et qui a introduit dans le code civil un nouveau type de
contrat, la convention de procédure participative (art. 2062 à 2068), qui
repose sur l’objectif de parvenir à un accord amiable, dans le cadre d’une
convention conclue avec l’assistance d’un avocat et avant la saisine du juge ou
d’un arbitre, lorsqu’un différend oppose des parties, lesquelles « s’engagent à œuvrer conjointement et de
bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». Or, il est
prévu par le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 (CPC, art. 1542 s.) un mécanisme procédural en deux temps :
une procédure conventionnelle de recherche d’un accord, puis, le cas échéant,
en cas d’échec total ou partiel, une procédure aux fins de jugement (art. 1543,
CPC). Et le lien entre les deux se fera, à défaut d’accord (on laisse de côté
ici la procédure d’homologation par le juge en cas d’accord), selon une
procédure simplifiée : l’affaire est directement appelée à l’audience de
jugement, sans possibilité de renvoi au juge de la mise en état, sauf situations
dérogatoires prévues à l’article 1561, CPC (cf. art. 1559). En d’autres termes,
la mise en état conventionnelle, au cours de la phase de recherche d’un accord
(qui pourrait aboutir à une homologation) servira de mise en état
(extra-judiciaire) en cas de saisine de la juridiction compétente ; c’est
pourquoi, d’une part, le code a réglementé avec soin cette phase
conventionnelle (art. 1544 s.) pour ne pas la laisser à l’entière liberté des
parties (parce que le procès est potentiellement en vue) et, d’autre part, a
prévu la possibilité de recourir à un technicien (art. 1547 à 1554) dont le
rapport pourra être produit pendant la procédure de jugement. L’avenir dira si
la confiance mise par la commission Guinchard
en ce type de convention et de procédure sera couronnée de succès, mais c’est
une tentative originale de sortir de l’enceinte judiciaire une phase de mise en
état par les parties uniquement. Déjà, la loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015 l’a étendue au règlement des
litiges individuels du travail (article 258-IV de la loi) et il semble bien que
la Chancellerie souhaite favoriser sa pratique et son développement (projet
déposé au Sénat le 30 juillet 2015).
b)
Le projet de créer un acte de procédure d’avocat
Le
rapport de M. Pierre Delmas-Goyon sur le juge au XXIe siècle, remis
à la garde des Sceaux en décembre 2013, préconise la création d’une notion
nouvelle, celle « d’acte de procédure d’avocat », qui consisterait à
donner force juridique à des actes d’administration de la preuve accomplis ensemble
par les avocats des parties[84].
C’est, en quelque sorte, la transposition de l’acte d’avocat créé par la loi
n° 2011-331 du 28 mars 2011 et le prolongement de la procédure
participative aux fins de reconnaître aux avocats un rôle actif dans
l’instruction des affaires civiles, post-création du lien d’instance ;
prolongement conceptuel (ce qui prouve, au passage, la pertinence de la
réflexion de la commission Guinchard
et le caractère visionnaire de ses propositions) et prolongement technique
puisque l’acte de procédure pourrait être accompli dans le cadre d’une
procédure participative et validé ensuite dans le cadre d’une procédure
judiciaire en cas de passerelle. Le juge n’interviendrait qu’en de désaccord
entre les parties pour autoriser leurs avocats à recourir à ce type d’actes. Il
s’agit bien d’une externalisation de la mise en état, du moins de certains de
ses éléments. Quatre types d’actes sont envisagés : les actes de
« constatation » (ceux de transport sur les lieux et les constatations
matérielles en présence d’un « sachant »), les actes
« d’authentification » (des pièces probatoires détenues par les
parties, des pièces détenues par les parties), les actes
« d’enquête » (audition personnelle des parties, de témoins et
consultation d’un technicien), les actes de « désignation » (d’un
« sachant », d’un médiateur de justice. L’avenir dira si cette
proposition reçoit un début de concrétisation.
À
terme, ces changements induiront de nouveaux principes structurants de
l’instance, qui contribueront au renouveau du code de procédure civile.
C) l’émergence de principes structurants de l’instance et l’avènement d’une démocratie procédurale
Cette
évolution de la technique des procès laisse entrevoir un point commun, une
ligne de force, l’émergence de principes structurants de l’instance, distincts
des principes directeurs propres à chaque contentieux.
a)
Ces principes ce sont ceux de confiance, d’écoute et de proximité
Ce n’est sans doute pas un hasard si ces
notions rejoignent les trois principes structurants qui se profilent
derrière les principes directeurs actuellement retenus dans chaque type de
contentieux, principes qui correspondent à des besoins nouveaux, tels que les
expriment les justiciables et les citoyens :
–
un besoin de confiance dans
l’institution Justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant)
de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ;
–
un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il
s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant)
de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ;
– un besoin de proximité enfin, mais pas forcément dans l’espace, le
temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité géographique,
d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité.
Ce
sont les principes directeurs de demain, des principes émergents, ce qui
signifie qu’ils ne sont pas encore acceptés par tous. Ils structurent
l’ensemble des contentieux et il faut les « inscrire en lettres d’or aux
frontons des palais de justice[85] ».
b) l’avènement d’une démocratie procédurale
Avec l’émergence de ces trois principes
structurants, on discerne la confirmation de l’opinion émise dès 1999[86] :
nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle du dépassement des questions de
pure technique, non point parce que celles-ci seraient devenues inutiles, mais
parce qu’elles doivent être revisitées à l’aune de la mondialisation (qui
induit une attraction de la procédure à la garantie des droits fondamentaux) et
à la lumière d’une modélisation du droit du procès. De simple technique
d’organisation du procès (comme la société anonyme est une technique
d’organisation de l’entreprise, parmi d’autres), ainsi que nous l’avions
souligné dans le Précis de Procédure
civile, dès 1991[87],
la procédure est devenue un instrument de mesure de l’effectivité de la
démocratie dans notre pays[88],
mesure que la Cour européenne des droits de l’Homme surveille de près[89].
Et plus les exigences de gestion des flux se multiplient, plus les garanties
s’étoffent et prennent de l’importance.
La procédure réintègre ainsi pleinement le
champ du service public de la Justice et une certaine doctrine n’ignore plus ce
phénomène, même si une autre continue de se perdre dans les marécages des
approches de pure technique juridique et de la comparaison des trois grands
types de procédure, administrative, civile et pénale, alors que tout autour de
nous le monde bouge et nous pousse à réfléchir sur l’office du juge au XXIe
siècle. On est loin de la stricte application par le juge du formalisme
procédural et de son annotation par la doctrine, alors que la communication
électronique bouleverse nos habitudes et que le rôle de la doctrine est de
dégager des principes qui transcendent ces aspects purement formels. La
doctrine et certains juges participent désormais à l’avènement de la garantie
des droits, à l’instauration d’une démocratie procédurale.
c) La démocratie
procédurale rejoint ainsi le concept de « légitimité démocratique »
défendue par Pierre Rosanvallon
Dans le deuxième volet de son enquête sur
les mutations de la démocratie au XXIe siècle, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité,
Pierre Rosanvallon propose une histoire et une théorie de cette
« révolution de la légitimité »[90].
L’idée est ainsi exposée dans la présentation de l’ouvrage : « l’élection ne garantit pas qu’un
gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste. Le verdict
des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en
ont de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l’idée de
volonté générale s’est ainsi imposée. Un pouvoir n’est désormais considéré
comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et
de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression
majoritaire ».
Comparée à l’idée de démocratie
procédurale, on voit aisément ce qui rapproche les deux théories. De la même
façon que la démocratie procédurale repose sur le triptyque des trois principes
structurants du droit processuel que sont la confiance (d’où la loyauté), le
dialogue (d’où la contradiction) et la proximité (d’où la célérité), un pouvoir
démocratique « doit se plier à un triple impératif de mise à distance des
positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité),
de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de
réflexivité) et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de
proximité) ». Quelques
rapprochements s’imposent, à ces trois niveaux de l’analyse pour souligner la
place que prend le droit processuel (au sens où nous l’entendons) dans la
recherche de la légitimité d’un pouvoir démocratique.
– S’agissant de la
« légitimité d’impartialité », l’exigence est
éminemment processuelle dans son affirmation et procédurale dans sa mise en
œuvre. Pierre Rosanvallon reprend la distinction, classique chez les juristes,
de l’indépendance qui est un statut et de l’impartialité qui est, pour lui
« une qualité »[91]),
pour nous « une vertu »[92].
Et ce sont les autorités administratives indépendantes qui sont l’objet de la
démonstration du savant auteur[93]
à la recherche de ce qui caractérise leur légitimité, puisque, par hypothèse,
elles ne sont pas élues. Le choix de cet exemple est particulièrement
révélateur puisque ce sont ces autorités qui ont posé le plus de problèmes en
jurisprudence quant à leur impartialité[94] !
Notre rapprochement trouve ici toute sa justification.
– S’agissant de la « légitimité de
réflexivité », le rapprochement est moins évident au premier abord,
puisque nous insistons sur le dialogue et Pierre Rosanvallon sur « la
prise en compte des expressions plurielles du bien commun ». Pourtant, on
ne peut manquer d’être frappé par l’exigence de dialogue avec le législateur
que sous-tend l’analyse à laquelle procède Pierre Rosanvallon, de
l’intervention des cours constitutionnelles dans l’élaboration de la loi[95] ;
or, ce dialogue est particulièrement mis en évidence aujourd’hui en France avec
l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, et Guillaume
Drago l’avait déjà relevé dans sa thèse[96]
en parlant d’une coproduction de la loi par le Parlement et le Conseil
constitutionnel dans le contrôle de constitutionnalité a priori.
– Enfin, en ce qui concerne la
« légitimité de proximité », il est très intéressant de
rapprocher cette exigence dans la démocratie procédurale telle que nous la
voyons, de ce qu’écrit Pierre Rosanvallon[97]
à propos de la légitimité d’un pouvoir démocratique. Ainsi, l’auteur montre[98]
que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents publics est
fonction des qualités de « justice procédurale » attachées à leur
comportement. En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984
à Chicago auprès d’individus ayant eu personnellement maille à partir avec la
police et la justice », il résulte que « ces individus ont un regard
sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature des
sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus
dépendait évidemment, au premier chef, du verdict prononcé, leur appréciation
de la légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre
critère : celui de la perception de l’équité du procès ». L’équité de la procédure légitime le
fond d’une sentence.
Ainsi,
dans toutes ses composantes, la justice procédurale est au service de la
démocratie et le droit processuel européen, voire universel, est le marqueur
qui, tout à la fois, structure la démocratie procédurale et légitime le pouvoir
démocratique.
[1]
G. Cornu, L’art du droit en quête de
sagesse, PUF, 1998, spéc. p. 385 sur la codification de la procédure
civile.
[2]
V. J. Foyer. Le NCPC, vingt ans après, in
colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997,
Doc. fr. 1998, p. 323 : « Ce code a
été, ou presque, intégralement rédigé par la plume du Doyen Cornu, si bien
qu'on pourrait l'appeler, en toute justice, le code Cornu ».
[3]
On ne retiendra ici que les quelques monographies qui permettent de comprendre
l'esprit du code : Georges Bolard, Mélanges
Skapski, 1994, p. 9. – Et surtout, les trois articles fondamentaux du Doyen
Gérard Cornu : La codification de la
procédure civile en France : Rev.
jur. et politique, 1986, p. 689, repris
in L'art du droit en quête de sagesse,
PUF, 1998, p. 385 ; L'élaboration du code
de procédure civile : Rev. hist. Fac.
Dr. 1995, Vol. 16, p. 241, repris in
La codification, collec. Thèmes et commentaires, Dalloz, 1996, p.
71 ; L'avènement du NCPC, in Le
NCPC, vingt ans après, colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 19. – J. Héron, Le nouveau Code de procédure civile, in La codification,
collec. Thèmes et commentaires,
Dalloz, 1996, p. 81.
On y ajoutera deux points de vue étrangers, deux
regards extérieurs sur le nouveau Code : J. Carlos Barbosa Moreira, (juriste
brésilien) : Rev. Justices 1996, n°
3, p. 438. – P.-E. Herzog (juriste
américain) : Rev. Justices 1996,
n° 3, p. 445. – V. aussi, Georges Rouhette, L'influence en France de la science allemande du procès civil allemand,
colloque de Passau, 11-15 oct. 1989, p. 217 s.
[4]
G. Cornu, L'élaboration du Nouveau code
de procédure civile : Rev. hist. Fac.
Dr., 1995, Vol. 16, p. 241 et aussi in
La codification, collec. Thèmes et
commentaires, Dalloz, 1996, p. 71. –
L'avènement du NCPC, in Le NCPC, vingt
ans après, colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 19. –
V. aussi, sur le regard porté par la doctrine sur le NCPC, L. Cadiet : ibid., p. 45.
[5]
Sur cette souplesse, V. G. Cornu, in Le
NCPC, vingt ans après, op. cit., p. 22.
[6]
G. Cornu, Rev. hist. fac. dr., op. et loc. cit.,
p. 243.
[7]
G. Cornu, Colloque, Le NCPC, vingt ans après, op. cit., Doc. fr. 1998, p. 22.
[8]
V. S. Guinchard, Procédure civile, Dalloz,
27ème éd., oct. 2003 ; Retour
sur la constitutionnalisation de la procédure civile, Mélanges Drai, Dalloz,
2000. – N. Molfessis, La procédure et
le droit constitutionnel, in colloque C. cass., Le NCPC, vingt ans après,
11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p.
245. – Agnès Sauviat, Émergence et mérites de la
constitutionnalisation du droit privé : Petites
affiches, 26 oct. 2000, p. 9.
[9]
Déc. 73-76 L, 20 févr. 1973, Rec.,
p. 29.
[10]
Déc. 80-113 L, 14 mai 1980, Rec.
p. 61.
[11]
Déc. préc. 14 mai 1980 (la disposition énonçait que certains jugements
rendus en matière fiscale par le TGI ne pourraient être attaqués que par la
voie de la cassation).
[12]
Déc. 80-119 L, 2 décembre 1980, Rec.
p. 74.
[13]
Déc. 72-75 L, 21 déc. 1972, RJC
(par Favoreu, Litec), II, 50, considérants 1 et 3.
[14]
Déc. 85-142 L, 13 nov. 1985, Rec.
p. 116, V. E. Zoller, Droit
constitutionnel, PUF, 2e éd., 1999, no297.
L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, , no1344.
[15]
Décis. Cons. const. no 86-224 DC, 23 janv. 1987 : Petites affiches, 13 févr. 1987, note V.
Sélinsky ; JCP 1987, II, 20854, note
Sestier ; Gaz. Pal. 1987, Doctr. 209,
par Jessua-Lepage et 253, par Viala ; AJDA
1987, 315, note J. Chevalier ; RFDA 1987,
287, note B. Genevois ; RFDA 1987,
301, note L. Favoreu ; RDP 1987,
1341, note Y. Gaudemet ; D. 1988,
117, note Luchaire.
[16]
Déc. 64-6 FNR du 22 mai 1964 (sur le site internet du Conseil), sol.
implicite. 13 juin 1991.
[17]
Déc. 65-331 L du 9 févr. 1965, D. 1967,
405, note L. Hamon.
[18]
Rec. p. 63 ; D. 1978, 701 ; RDP 1979, 1663, obs. Favoreu.
[19]
Ainsi, dans l'ordre administratif, des conseils de révision qui furent
supprimés par la loi du 9 juillet 1965, art. 12.
[20]
Déc. préc. 9 févr. 1965 (composition des chambres de l'expropriation).
Déc. du 20 juill. 1977 (composition de la chambre mixte et de l'assemblée
plénière de la Cour de cassation). Déc. préc. du 21 déc. 1964 (mode de
désignation et durée des fonctions des assesseurs des tribunaux pour enfants).
[21]
Déc. 64-6 FNR du 22 mai 1964 (sur le site internet du Conseil).
[22]
Ibid.
[23]
V. toutefois, la chronique de Jean Dhommeaux à l'Annuaire français de droit
international et, parfois, dans la Revue juridique de l'Ouest. – S. Guinchard, L'application du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, communication au colloque de l'Institut
des Hautes études européennes des droits de l'homme de Strasbourg, le 4 juin
1999 : Petites affiches, 25 mai 2000,
p. 23.
[24]
S. Guinchard, Convention européenne des
droits de l’homme et procédure civile, Répertoire Dalloz de procédure
civile, 2003. - L'influence de la
Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour
européenne sur la procédure civile, conférence prononcée à Jérusalem,
devant des juges de la Cour suprême israélienne, le 26 janvier 1999, puis à la
Grand Chambre de la Cour de cassation française, le 26 février 1999, puis à l'Université de
Milan, le 28 février 2000 : Petites
affiches, 12 avr. 1999 ; Annonces de
la Seine, 22 avr. 1999, Gaz. Pal. 31
août 1999. – L'application de la
Convention européenne des droits de l'homme par le juge judiciaire,
communication au colloque organisé au Sénat par l'Institut Alain Poher, le 3
mai 1999, sur le 25e anniversaire de la ratification, par la France
de la Convention européenne des droits de l'homme : Rev. Europe, oct. 1999, n° H.S., p. 15. Pour une vue d’ensemble, Précis Dalloz de Droit processuel/Droit
commun et droit comparé du procès, de Serge Guinchard, Monique Bandrac,
Mélina Douchy, Frédérique Ferrand, Xavier Lagarde, Véronique Magnier, Hélène
Ruiz Fabri, Laurence Sinopoli et Jean-Mars Sorel, 2ème éd., févr.
2003.
[25]
V. Serge Guinchard, Le procès équitable,
droit fondamental ? in n° spécial AJDA,
juill.-août 1998, Les droits fondamentaux, p. 191. – Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel ? Mélanges Farjat, 1999, éd. Frison-Roche,
p. 139.
[26]
M. Douchy et B. Menut, Signification des actes en droit interne, communautaire
et international, Litec ; 2002.
[27]
H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, Règlement
n° 44/2001 et Conventions de Bruxelles et de Lugano, LGDJ, 2002. Fr. Ferrand, in Dalloz-Action droit et pratique de
procédure civile, 3ème éd., 2002.
[28]
Doc. fr. 1997. — Sur ce rapport,
R. Martin, JCP 19 févr. 1997, Ve Actualités. — A. Garapon, D. 1997, chron. 69. — R. Perrot, Procédures, avril 1997, chron. no4.
[29]
Et publiés à la Revue juridique
d'Ile-de-France, Dalloz, oct./déc. 1997, n° 48/49 et dans la collection Thèmes et commentaires, Dalloz, 1997.
[30]
V. les États généraux de la profession d'avocat, in Rev. jur. d'Ile de France
oct-déc 1997, préc.
[31]
Commentaires généraux (dans l'ordre
chronologique) : S. Guinchard, D.
1999, chron. p. 65 ; Rép. proc.
civ., janv. 1999, synthèse annuelle 1998. - Canivet et Chapelle, Gaz. Pal. 4 mars 1999. -
Daille-Duclos, JCP 1999, éd. E., 409. - Perrot, Procédures, mars 1999, chron. no3. - Cadiet, JCP
1999.I.130. - Héron, RGDP 1999.65.
Ch. Jamin, RTD civ. 1999.225 . -
M. Douchy, Gaz. Pal.
15 juin 1999.
[32]
Commentaires : E. Bonnet, Petites affiches 2 mars 1999. -
A. Perdriau, JCP 1999.I.121. - A. Monod, Procédures avr. 1999, chron. no5.
[33]
Sur cet aspect, S. Guinchard, Petites
affiches, 5 juin et 28 octobre 2002. R. Martin, Des juges qui battent en retraite, Gaz. Pal. 16 nov. 2002.
[34]
J. Cl. Magendie, D. 2002, chron.
2411.
[35]
En ce sens, S. Guinchard, Petites
Affiches, 5 juin et 28 octobre 2002. R. Martin, D. 2002, 3147, Rendre au Parlement ce qui lui appartient.
[36]
V. Ph. Hoonakker, thèse, n° 747 s. ;
L’exécution provisoire de droit et la Constitution…, Dr. et Proc., 2002, 77 ;
Dalloz Action Droit et pratique de la procédure civile, (dir. S. Guinchard), Dalloz, 3ème
éd., 2002, nos 5296
et 5297.
[37]
Lyon (réf.), 24 juill. 2002, inédit, RG 123/2002.
[38]
Paris, 1ère ch., section P, (réf.), 22 janvier 2003, Annonces de la Seine, 30 janv. 2003, 22
(en matière de discipline des avocats, art. 524, NCPC et 277 décret du 27 nov.
1991.
[39]
Déc. 83-143 DC, 30 juill. 1982, « Blocage des prix et des
revenus », Rec.
p. 57 ; RDP 1983.333, note
L. Favoreu, Grandes décisions, no33.
[40]
L. Favoreu, « Le pouvoir
normatif primaire du gouvernement en droit français », RFD const. 1997.32, spéc. p. 719.
[41]
On trouve les meilleurs développements sur cette question dans le livre de
Jacques Héron Droit judiciaire privé,
Montchrestien, repis par Th. Le Bars, 2ème éd. 2002, n° 12 s.
[42]
R. Martin, A nouveau siècle, nouveau
procès civil, Edilex club éd. 2000, dans l’avertissement à l’ouvrage.
[43]
V. Serge Guinchard, in Institutions
judiciaires, Dalloz, 7e éd. 2003, nos 85 à 86-2. - L'avenir du juge : Mélanges Pierre Catala, Litec, 2001.
[44]
S. Guinchard, Vers une démocratie
procédurale, Justices 1999-1,
p. 91 ; « À l'aube du IIIe millénaire », Clefs pour le siècle, Paris 2,
Dalloz, mai 2000 (version plus complète).
[45]
Dans le même sens, v. les écrits de John Rawls, Théorie de la justice, 1971, qui insistait sur l’importance des
libertés fondamentales et de Habermas sur la procéduralisation du droit.
[46]
Déclarations, au cours du débat, de M. Bonnichot, conseiller d'État.
[47]
V. nos exemples de condamnations, tant au civil que dans l'ensemble des autres
contentieux dans les 3 articles : « Le
procès équitable, droit fondamental ? », AJDA, nospécial, juill./août 1998, p. 191 ; « Le procès équitable, garantie
formelle au droit substantiel ? », Mélanges Farjat, 1999 ; « L'influence
de la Cour européenne et de la jurisprudence européenne sur la procédure
civile », Petites affiches
12 avr. 1999, Gaz. Pal. 31 août
1999.
[48]
Marie-Emma Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, thèse Paris 2, mars 2002, Dalloz, collec.
thèses, 2003, préface Serge Guinchard.
[49]
G. Bolard, L'arbitraire du juge,
Mélanges P. Drai, Dalloz, 2000, 225, spéc. n. 16 à 19.
[50]
Sur tous ces aspects S. Guinchard, Vers
une démocratie procédurale, Justices, 1999-1, p. 91 et in Les métamorphoses de la procédure,
Clefs pour le siècle, Paris 2, Dalloz éd., mai 2000. —
S. Guinchard et alii, Droit processuel, op. cit., n. 538
et s.
[51]
Tenue par Y. Desdevises, puis par Ch. Jarrosson, Dalloz éditeur.
[52]
Dans le DESS Contentieux, arbitrage et modes alternatifs, et dans le DEA
Justice et droit du procès, tous deux à Paris II.
[53]
Le CEMARC, présidé par le professeur P. Catala, puis par le professeur Philippe
Fouchard, fondé conjointement par l'université Paris II et le barreau de Paris.
[54]
In Le NCPC, vingt ans après, colloque
Cour de cassation, préc., Doc. fr.
1998, p. 16.
[55]
V. Serge Guinchard, Vers une démocratie
procédurale, Rev. Justices 1999,
nouvelle série, p. 91. – Les métamorphoses de la procédure à l'aube
du IIIe millénaire, in Clefs
pour le siècle : Mélanges de Paris II pour l'an 2000, Dalloz éd., mai 2000. –
J.Cl. Woog, Diorama d'un demi-siècle,
Gaz. Pal., 27 mai 2000, spéc. vo
Droit processuel, p. 15.
[56]
Cf. l’installation par le Garde des Sceaux groupe de travail sur ce thème, le
28 novembre 2002, composé de magistrats, d’universitaires et de professionnels
de la justice et présidé par Serge Guinchard et Goerges Bolard.
[57]
In Droit processuel/Droit commun et droit
comparé du procès, op. cit., 2ème éd ;, 2003, n° 541 et s.
[58]
Pour le droit procédural : M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel, thèse, Paris 2, mars 2002, Dalloz,
collec. thèses, 2003, préface S. Guinchard. Mélanges Cerexhe, La
loyauté, Larcier éd., 1997, spéc., pour le droit procédural :
Ph. Couvreur, La loyauté dans les
rapports judiciaires internationaux, p. 67, Fr. Delpérée, A la loyale, p. 116 et
P. Martens, Sur les loyautés
démocratiques du juge, p. 249.
[59]
Colloque ENM/CNB/Ordre des avocats de Paris, Loyauté du procès et comportements professionnels, Paris, 26 et 27
sept. 2001. Bulletin
d'information du Bâtonnier de Paris, 18 janv. 1994, p. 15 : « la loyauté dans les relations entre
les avocats constitue une impérieuse nécessité ».
[60]
Garsonnet et Cézar-Bru.
[61]
Sur le temps et le droit, en dernier lieu : Ch. Gavalda, Mélanges B.
Mercadal, éd. Fr. Lefèbvre, 2002.
[62]Pour le droit américain, Federal Rules of civil
procédure, Rule 1 ; New York Civil Pratice Law and Rules, § 104,
cités par Peter E. Herzog : Justices, 1996-3, p. 446.
[63] Ce
que nous avons mis en évidence dans l’introduction au Précis de procédure civile par S. Guinchard, C. Chainais et F.
Ferrand, Dalloz éd., 32ème édition, 2014, n° 66 s. et dans notre
contribution aux Mélanges offerts au regretté Raymond MARTIN, Université de
Nice/Bruylant/LGDJ éditeur, 2004, p. 97.
[64] V.
J. Foyer. Le NCPC, vingt ans après, in colloque
C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr.
1998, p. 323 : « Ce code a été, ou
presque, intégralement rédigé par la plume du Doyen Cornu, si bien qu'on
pourrait l'appeler, en toute justice, le code Cornu ».
[65] On
ne retiendra ici que les quelques monographies qui permettent de comprendre
l'esprit du code : Georges Bolard, Mélanges
Skapski, 1994, p. 9. – Et
surtout, les trois articles fondamentaux du Doyen Gérard Cornu : La codification de la procédure civile en
France : Rev. jur. et politique,
1986, p. 689, repris in L'art du droit en quête de sagesse,
PUF, 1998, p. 385 ; L'élaboration du code
de procédure civile : Rev. hist. Fac.
Dr. 1995, Vol. 16, p. 241, repris in
La codification, collec. Thèmes et commentaires, Dalloz, 1996, p.
71 ; L'avènement du NCPC, in Le
NCPC, vingt ans après, colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 19. – J. Héron, Le nouveau Code de procédure civile, in La codification,
collec. Thèmes et commentaires,
Dalloz, 1996, p. 81.
On y ajoutera deux points de vue étrangers, deux
regards extérieurs sur le nouveau Code : J. Carlos Barbosa Moreira, (juriste
brésilien) : Rev. Justices 1996, n°
3, p. 438. – P.-E. Herzog (juriste
américain) : Rev. Justices 1996,
n° 3, p. 445. – V. aussi, Georges Rouhette, L'influence en France de la science allemande du procès civil allemand,
colloque de Passau, 11-15 oct. 1989, p. 217 s.
[66] G.
Cornu, L'élaboration du Nouveau code de
procédure civile : Rev. hist. Fac.
Dr., 1995, Vol. 16, p. 241 et aussi in
La codification, collec. Thèmes et
commentaires, Dalloz, 1996, p. 71. –
L'avènement du NCPC, in Le NCPC, vingt
ans après, colloque C. cass., 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 19.
[67] Sur
cette souplesse, V. G. Cornu, in Le NCPC,
vingt ans après, op. cit., p. 22.
[68]
G. Cornu, Rev. hist. fac. dr., op. et loc. cit.,
p. 243.
[69]
G. Cornu, Colloque, Le NCPC, vingt ans après, op. cit., Doc. fr. 1998, p. 22.
[70] S.
Guincghard, « Le fondamentalisme religieux à l’aune de la distinction
doctrinale droit processuel européen-droit procédural national – Entre
démocratie procédurale et légitimité démocratique », contribution aux
Mélanges offerts à Jean-François Flauss, Pédone éd., 2013, p. 365.
[71]
P. Muzny, « à quand une
véritable culture des droits de l’homme en France, », JCP G 2011, doctr. 981, qui plaide pour plus d’impartialité,
d’indépendance et de transparence de l’activité juridictionnelle.
[72]
C’est l’intitulé de l’ouvrage offert à Serge Guinchard en guise de Mélanges,
Dalloz, mai 2010.
[73]
M. Douchy-Oudot et E. Guinchard (dir.), La justice civile européenne en marche, Dalloz, 2012. V. l’exposé
de ces mesures par règlements ou par directives, par F. Ferrand, in Précis
de procédure civile, précité, n° 23 à 27.
[74]
B. Frydman et E. Jeuland (dir.), Le
nouveau management de la justice et l’indépendance des juges, Dalloz, oct.
2011. C. Vigour, Temps judiciaire et
logique gestionnaire. Tension autour des instruments d’action et de mesure, Étude
pour la Mission de recherche Droit et Justice, déc. 2011. M. Haravon,
« La fin de la justice civile ? Réflexions sur l’éviction du
juge », D. 2011, 2427.
[75] Sur
cet aspect, S. Guinchard, LPA
5 juin et 28 octobre 2002. R. Martin, « Des juges qui
battent en retraite », Gaz. Pal.
16 nov. 2002.
[76]
E. Jeuland, loc. cit., in
Le NCPC (1975-2005), op. cit., Economica, 2006, p. 75.
[77]
S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à
l’épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil », in Mélanges G. Wiederkehr, 2009. Et au
niveau de la Cour de cassation, S. Guinchard, « Petit à petit le
droit à un juge s’effrite », in Mélanges
J. Boré, Dalloz, 2006. Dans le même sens, G. Bolard,
« L’office du juge et le rôle des parties : entre arbitraire et
laxisme », JCP G 2008.
I. 156 ; M. Douchy-Oudot, « L’office du juge », Mélanges G. Goubeaux, LGDJ-Dalloz,
2009, p. 99.
[78] Par
ex. le rapport Célérité et qualité de la
justice en appel remis à la ministre de la Justice en juin 2008 et qui
fait suite au rapport du même nom pour la procédure de première instance rédigé
en 2004 : il est préconisé de faire jouer à plein le principe de
concentration des moyens en appel, avec un « calendrier précis et
fiable ». V. C. Bléry et L. Raschel, Procédures, août-sept. 2008, focus n° 28.
[79]
H. Guettard, Gaz. Pal. 11 janv.
2014, Doctr. p. 9.
[80]
M. de Bencimon, Gaz. Pal. 10
déc. 2013, doctr. Comp. en matière pénale, J. Danet, « Un autre
management pour une justice de meilleure qualité ? » in La réponse pénale - 10 ans de traitement
des délits, PU Rennes, 2013, p. 469.
[81]
A. Garapon cite Edgar Quinet en exergue de son livre La raison du moindre État - Le néolibéralisme et la justice, Odile
Jacob, 2010 : « c’est ce qui a aveuglé si aisément les
économistes : ils croient avoir tout prévu par des chiffres et il se
trouve qu’une valeur morale qu’ils n’avaient pas fait entrer dans leurs calculs
change l’univers. Toute pensée qui se bornera aux combinaisons de l’économie
politique sera infailliblement trompée dans les grandes affaires
humaines » (extrait de La Révolution, 1865, Paris, Belin, rééd. 1987, préf. C. Lefort, p. 77).
[82] Sur
une réflexion de ce type, J.-M. Coulon, « Un juge civil : à quel
prix ? », in Mélanges
’J. Buffet, LPA-LGDJ, 2004, p. 114. V. aussi la réflexion de la
doctrine allemande rapportée par Frédérique Ferrand in S. Guinchard et alii,
Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz,
Précis, 7e éd., 2013, no 5 bis en note : Schellhammer s’interroge sur les modifications
concernant la première instance introduites ces dernières années et qui,
toutes, au final, participent, non pas d’un renforcement de la protection du
justiciable, mais, au contraire, de son affaiblissement : rôle accru du
juge unique, champ réduit de l’appel et de l’instance d’appel, limitation de
l’accès à la Cour fédérale, etc.
[83] CJUE 18 mars 2012, aff. C-317/08 à C-320/08, Rosalba Alassini et alii c/ Telecom Italia
SpA.
[84]
R. Le Breton de Vannoise, Gaz. Pal. 18
janv. 2014.
[85] Selon l’heureuse formule de J.-C. Magendie,
« Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or
aux frontons des palais de justice » in
Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, p. 329.
[86] Dans la défunte revue Justices,
1999/1, p. 91, puis dans les Mélanges de l’université Paris II, Clés pour le siècle, op. cit., publiés à l’occasion de
l’entrée dans le troisième millénaire, Dalloz, 2000 ; v. aussi, notre
contribution : « Quels principes directeurs pour les procès de
demain ? », in Mélanges
J. Van Compernolle, Bruylant éd., 2004.
[87] V. aujourd’hui la 32e édition, op. cit. 2014, n° 66.
[88] La procédure est à la fois une technique d’organisation du
procès et une technique de garantie des libertés et droits fondamentaux, v.
S. Guinchard, « Le réveil d’une belle au bois dormant trop longtemps
endormie ou la procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique
ou européaniste et technique d’organisation du procès », in Mélanges R. Martin, Bruylant-LGDJ,
2004, p. 97.
[89] V. notre contribution « Kress, où est ta
victoire ? Ou la difficile réception, en France, d’une (demie) leçon de
démocratie procédurale » in Mélanges
G. Cohen-Jonathan, Buylant, 2004, vol. 2, p. 937, à propos de
l’arrêt Kress c/ France, qui nous a
valu une (demie) leçon de démocratie procédurale.
[90] P. Rosanvallon, La
légitimité démocratique - Impartialité, réflexivité, proximité, Seuil, 2008, collection « Les
livres du nouveau monde », dirigée par l’auteur. Premier volet : La Contre-démocratie, 2006.
[91] Ibid., p. 150-151.
[92] S. Guinchard et alii,
Droit processuel, op. cit.,
n° 340 s. d’une part, n° 363 s. d’autre part.
[93]
P. Rosanvallon, op. cit.,
p. 139 s.
[94] S. Guinchard et alii,
Droit processuel, op. cit., n°
366 et 375 s.
[95]
P. Rosanvallon, op. cit.,
p. 217 s.
[96] L’exécution des
décisions du Conseil constitutionnel, Economica, 1999.
[97] P.
Rosanvallon, op. cit., p. 265 s.
[98] Ibid., p. 269 s.
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