Justice
pénale et grand nord canadien
La justice canadienne
chez les Inuits du Nouveau-Québec. Les territoires du grand
nord canadien sont l’occasion pour cette grande démocratie de mettre en
pratique des types de procès pénaux inspirés des coutumes des autochtones mais
entourés des garanties du procès équitable. On peut en juger en relisant le texte
(inédit) de la conférence donnée le 10 octobre 2000 à l’ENM par
l’honorable juge J.-L. Dutil (Juger les autochtones). Pour
l’essentiel, on notera que la justice y est foraine, avec des juges
professionnels itinérants détachés de la Cour du Québec, qui viennent en avion
(mode exclusif de transport) dans les territoires du grand nord, l’éloignement
de Montréal pouvant atteindre 4 000 km. Deux Cours itinérantes ont
été formées avec un déplacement groupé du juge, du procureur, du greffier, des
avocats de la défense, du travailleur parajudiciaire, de l’agent de probation
et, parfois, de l’organisateur du voyage ; les prévenus et les détenus
sont transportés dans le même avion que la première Cour avec les officiers de
police ; ceux qui relèvent de la seconde Cour sont maintenant transportés
par un avion distinct. Toutes ces personnes sont logées à l’arrivée dans un
hôtel coopérative, sans restaurant, ce qui suppose qu’elles cuisinent
elles-mêmes leurs plats, en commun ! Le rôle étant très chargé, la Cour
connaît, comme en France, des audiences nocturnes ; la durée des audiences
est d’autant plus longue que la présence d’un interprète est obligatoire, y
compris dans la préparation de la défense de l’accusé par son avocat lorsqu’il
veut s’entretenir avec lui. Même pesanteur dans l’interrogatoire des témoins.
Tout doit être traduit. On notera que l’interprète de la Cour n’est pas le même
que celui qui traduit pour les avocats, pour la raison que, dans le travail
préparatoire de l’avocat avec son client, l’interprète a pu entendre des
révélations (confidentielles) qui le mettraient mal à l’aise devant la Cour au
cours des débats s’il devait intervenir. Antérieurement à l’arrivée des Blancs,
la justice pénale était rendue par la communauté inuit, donc par les pairs du délinquant ;
pour mieux faire accepter la justice de l’État canadien, il est fréquent que le
juge consulte la communauté inuit avant de prononcer sa sentence, une fois que
l’accusé a reconnu être coupable ou a été déclaré tel (c’est la distinction de
la décision sur la culpabilité et de la décision sur le quantum de la
peine) ; parfois, ces mêmes communautés ne souhaitent pas être consultées
pour l’imposition des sentences ; il s’agit des cas « lourds ».
V. aussi le film canadien de Zacharias Kunuk, Atanarjuat, 2000. –
L. Lebel, Structures fondamentales et conduite du procès pénal en droit
canadien : Bull. inf. C. cass. 15 mars 2003. Adresse de la
Cour suprême canadienne : reception@csc.gc.ca
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