mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 16: PROCÉDURE CIVILE, DROIT DE L'EXÉCUTION

SOMMAIRE
I – PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA RÉFORME DES PROCÉDURES CIVILES D’EXÉCUTION MOBILIÈRE (21 mars 2007)
II – LE DROIT DE L’EXÉCUTION FORCÉE : ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ (27 et 28 AVRIL 2007)
III – les 20 ans de la rÉforme des procÉdures civiles d’exÉcution : SES ACQUIS ET SES DÉFIS (25 MARS 2011)


I - PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA RÉFORME

DES PROCÉDURES CIVILES D’EXÉCUTION MOBILIÈRE

de 1991-1992
Séminaire d’information d’une délégation roumaine
Paris, Chambre nationale des huissiers de justice,
21 mars 2007
Le droit français de l’exécution mobilière forcée permet aujourd’hui à un créancier impayé d’obtenir paiement de son dû dans des conditions que l’on peut qualifier de satisfaisantes, même si tout n’est pas parfait. On le doit à l’importante réforme intervenue en 1991-1992, par la loi du 9 juillet 1991 et son décret d’application du 31 juillet 1992. Cette réforme était plus que nécessaire, dans la mesure où le droit en vigueur avant qu’elle n’intervienne était encore contenu dans l’ancien code de procédure civile qui datait de 1806 et était largement inspiré du droit de l’Ancien régime ! On s’attachait davantage à la saisie des récoltes sur pied, la fameuse saisie brandon, visage de la France rurale, qu’à la saisie des comptes bancaires. Un dépoussiérage était plus que nécessaire.
Cette réforme n’a d’ailleurs constitué que le premier volet d’une réforme d’ensemble des procédures civiles d’exécution. Mais il faudra attendre 2006 pour voir publier la réforme, non moins importante, de la saisie immobilière, dont il ne sera pas question ici.
Pour s’en tenir aux procédures civiles d’exécution mobilière, on peut résumer les apports essentiels de la loi de 1991 en les organisant autour de deux axes :
-          d’une part, elle crée un véritable droit de l’exécution forcée ;
-          d’autre part, elle consacre le droit à une exécution effective,
le tout en parfaite harmonie avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’elle anticipe d’ailleurs de six ans, si l’on prend en compte l’arrêt Hornsby contre la Grèce du 19 mars 1997.

i – un véritable droit à l’exécution forcée

            Ce droit n’est pas énoncé en tant que tel dans la loi du juillet 1991, à l’instar, par exemple, de l’article 30 du Nouveau code qui définit, lui, l’action en justice. Pour autant, la faculté de recourir aux procédures civiles d’exécution qu’elle réglemente apparaît bien, dans de nombreuses dispositions, comme un véritable droit pour le créancier (A), même si ce droit n’est pas sans limites (B).

a) un droit pour tout créancier

            a) L’article premier de la loi dispose que « tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ». la faculté de recourir aux procédures civiles d’exécution constitue donc un droit proclamé de contrainte du débiteur récalcitrant, un véritable droit à l’exécution forcée, même si le mot n’est pas utilisé expressément.
Et ce droit appartient à tout créancier, qu’il soit chirographaire ou garanti par une hypothèque ou un privilège. Bien évidemment, si le débiteur veut s’exécuter volontairement, nul ne l’empêche et rien ne s’y oppose ; mais il n’était pas du ressort du législateur de l’affirmer solennellement, même si l’avant-projet de loi contenait cette affirmation, présentant ainsi l’exécution forcée comme une exécution subsidiaire.
            b) Le même article 1er ajoute que « tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits ». Ces mesures sont offertes au créancier seulement s’il estime que le recouvrement de sa créance est menacé. Ce double droit, d’exécution et de prendre des mesures conservatoires, n’est pas hiérarchisé et il appartient aussi aux créanciers munis d’un titre exécutoire. Certes, on aurait pu envisager que de tels créanciers ne puissent recourir aux mesures conservatoires, puisque celles-ci sont prises dans l’attente de l’exécution forcée et que le titre exécutoire permet de recourir directement aux mesures de contrainte. Mais il aurait été paradoxal que celui qui peut le plus (l’exécution forcée) ne puisse le moins (la mesure conservatoire). C’est pourquoi, la loi consacre, dans son article 22, al. 1er, la liberté du créancier dans « le choix de mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance ». Mais cette liberté n’est pas totale ; elle est encadrée par des dispositions empreintes d’humanisme.
            c) Les mesures conservatoires ont été entièrement repensées par le législateur de 1991. A côté de la disparition de mesures devenues obsolètes, telles la saisie-gagerie et la saisie foraine, a été rénovée et promise à un rôle important, la saisie- revendication qui devient le pendant, côté conservatoire, de la saisie-appréhension côté exécution forcée. En outre, la loi nouvelle a prévu des dispenses à la nécessité de disposer d’une autorisation judiciaire et a étendu la protection provisoire aux richesses incorporelles.

b) un droit encadré

Le droit à l’exécution forcée est doublement encadré par la loi de 1991 :
-          juridiquement, par l’exigence d’un titre exécutoire (a) ;
-          techniquement, par la recherche d’un équilibre entre efficacité et humanité b).

a) L’exigence d’un titre exécutoire
            Le créancier qui entreprend une mesure d’exécution forcée doit justifier, à peine de nullité des poursuites, d'un titre exécutoire pris contre son débiteur personnellement et constatant une créance liquide et exigible (art. L. 2), c’est à dire d’un jugement ou d’un acte constatant sa créance et revêtu de la formule exécutoire. Par souci de simplification, l’article 3 de la loi énumère limitativement les titres exécutoires.

b) La recherche d’un équilibre entre efficacité et humanité
Le législateur de 1991 a voulu concilier efficacité et humanité :
-          d’un côté en effet, il faut que le créancier impayé puisse obtenir satisfaction dans des conditions de célérité et d'efficacité suffisantes pour que le crédit et la vie des affaires ne soient pas contrariés ;
-          d’un autre côté, il est indispensable que  le débiteur puisse contester les prétentions du poursuivant, faire respecter la légalité des mesures envisagées, voire disposer d’un minimum vital malgré les saisies qui interviendront.
A cet effet, la loi de 1991 pose un principe de subsidiarité et un autre de proportionnalité.

1) Le principe de subsidiarité

            Déjà subsidiaire par rapport à l’exécution volontaire, le droit de l’exécution forcée l’est aussi dans son aménagement interne, entre les différentes mesures qui le composent. C’est dans le souci d’équilibre entre des intérêts divergents que la loi de 1991 a créé un principe de subsidiarité de certaines mesures d’exécution forcée. Le créancier ne peut recourir à certaines mesures que s’il n’a pu recourir à d’autres plus respectueuses des intérêts du débiteur ou des autres créanciers.
Par exemple, la saisie-vente d’un local servant à l’habitation, ne peut être pratiquée, si elle tend au recouvrement d’une créance autre qu’alimentaire inférieure à 535 euros en principal, que si ce recouvrement n’est pas possible par voie de saisie d’un compte de dépôt ou des rémunérations du travail ; mais la loi réserve l’autorisation exceptionnelle du juge de l’exécution (art. L. 51 et D. 82).
            Autre exemple de subsidiarité dans l’article L. 22-1 : un entrepreneur individuel peut demander que les dettes contractées pour les besoins de son activité professionnelle soient exécutées en priorité sur les biens affectés à l’exploitation de son entreprise, s’il établit qu’ils sont d’une valeur suffisante pour désintéresser le poursuivant ; et le créancier ne peut s’opposer à cette demande, sauf s’il établit que cette proposition met en péril le recouvrement de ses droits.

2) Le principe de proportionnalité
            Le souci d’efficacité est ici nettement contré par le principe que la mise en œuvre des mesures conservatoires et d’exécution forcée « ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation » (art. L. 22, al. 1er). On retrouve ici un principe bien connu de la jurisprudence européenne, à savoir que la mesure envisagée doit être proportionnée à la fin poursuivie, ni plus ni moins.
C’est une sorte de principe de précaution qui s’impose au créancier : l’utilité de la mesure choisie doit être réelle, ainsi que son caractère non préjudiciable au créancier, au-delà, bien évidemment, du désagrément que cause toute mesure d’exécution forcée. Par exemple, le créancier ne peut pas recourir à la saisie immobilière si les actifs mobiliers du débiteur, notamment ses comptes bancaires, suffisent à remplir le créancier de ses droits.
A cette fin, pour assurer l’effectivité de ce principe de proportionnalité, la loi de 1991 donne des pouvoirs aux acteurs des voies d’exécution :
-          ainsi le juge de l’exécution, peut ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie (art. L. 22, al. 2).
-          De même, l’huissier de justice peut refuser de prêter son concours si la mesure requise lui paraît illicite ou si le montant des frais paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée (art. L. 18, al. 2).  
En contrepartie – et il faut y voir une manifestation concrète de la recherche de l’équilibre entre des intérêts divergents – la résistance abusive du débiteur à une procédure d’exécution pourra l’exposer à une condamnation à des dommages-intérêts (art. L. 23).

ii – un droit à une exécution effective

            L’effectivité de l’exécution forcée passe par trois voies : une déjudiciarisation des procédures civiles d’exécution (A) ; une aide à l’exécution forcée (B) et, enfin, une diversification des procédures (C).

a) la déjudiciarisation des procédures d’exécution mobilière

            C’est sans doute le trait le plus important de la réforme de 1991 que d’avoir conçue l’exécution forcée mobilière comme une exécution qui ne fait pas appel de manière nécessaire et systématique au juge. Dans la conception française actuelle – et c’est un progrès – le juge ne s’occupe pas de l’exécution, en ce sens qu’il n’en constitue pas l’agent.
            Dès lors que le créancier poursuivant justifie d’un titre exécutoire qui constate ses droits, son droit de poursuite n’est pas soumis à un nouveau contrôle judiciaire. Le juge n’a plus d’office obligatoire dans l’exécution forcée mobilière ; il n’intervient que comme celui qui règle les incidents nés de l’exécution et juge les contestations et litiges qu’elle est susceptible d’occasionner.
            L’efficacité et l’effectivité de l’exécution s’en trouvent renforcées, car il n’y aura pas de temps perdu à revenir devant le juge, passé l’obtention du jugement de condamnation. Et comme certaines saisies ont un effet attributif immédiat (la saisie-attribution), le titre exécutoire s’en trouve revalorisé. Dans certains cas, il sera possible de se passer entièrement du juge, ainsi lorsque le titre exécutoire est un acte notarié.
            Cette soustraction des voies d’exécution à l’emprise du juge, sauf incidents, vaut aussi pour les mesures conservatoires, alors même que, pour elles, a été maintenu le principe de l’autorisation du juge ; en effet, si le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore la force exécutoire, il peut se passer de l’autorisation du juge pour pratiquer une mesure conservatoire (art. L. 68).

b) l’aide à l’éxécution
            Le législateur de 1991 a voulu aider les créanciers à recouvrer efficacement et rapidement leurs créances en organisant les procédures autour d’un personnage central, l’huissier de justice (a) et en obligeant d’autres acteurs judiciaires, voire la force publique et les tiers à aider le créancier (b).

a) Le rôle central de l’huissier de justice
            Mis à part quelques exceptions, dont la saisie des rémunérations et les sûretés judiciaires, tout tourne autour de l’huissier de justice, qui est le pivot des mesures d’exécution forcées ; il en a le monopole (art. L. 18, al. 1er). Les actes doivent donc respecter, à peine de nullité, outre les mentions propres à chaque saisie, les mentions prescrites pour les actes des huissiers de justice par le Nouveau code de procédure civile (art. 648 s.).
            En contrepartie, l’huissier doit apporter toute sa compétence et sa science :
-          il ne peut refuser son concours que s’il apporte la preuve que la mesure sollicitée est illicite ou disproportionnée (L. 18, al. 2) ;
-          il a la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution (art. L. 19, al. 1er) ;
-          il exerce normalement seul, sans la présence du créancier (art. D. 4) ;
-          il a compétence pour demander au juge de l’exécution ou au ministère public, de donner les autorisations nécessaires ou de prescrire les mesures nécessaires ;
-          enfin, en cas de difficulté d’exécution, il en dresse procès-verbal et la trancher par le juge de l’exécution (art. L. 19).

b) L’aide des autorités judiciaires, de la force publique et des tiers
            Trois mécanismes caractérisent cette aide à l’exécution : le concours obligatoire des tiers (1) ; l’aide des autorités judiciaires (2) ; le recours à la force publique (3).

1) Le concours des tiers
            Tous ceux qui ne sont ni créancier, ni débiteur dans le rapport d’obligation en question sont considérés comme des tiers. Et cette qualité les soumet à certaines obligations de coopération :
-          ils doivent s’abstenir de faire obstacle aux procédures engagées ; cela concerne notamment ceux entre les mains desquels sont pratiqués les saisies (art. L. 24, al. 1er) ;
-          ils doivent apporter leur concours à ces procédures, lorsqu’ils en sont légalement requis (art. L. 24, al. 1er) ; cela concerne aussi bien les serruriers, garagistes, etc.., que les administrations qui doivent fournir des informations (L. 39 à 41). Lorsqu’une mesure doit être effectuée entre les mains d’un comptable public, l’ordonnateur doit indiquer au créancier porteur d’un titre exécutoire ou d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire, quel est le comptable public assignataire de la dépense (L. 25).
Ces obligations sont sanctionnables par une astreinte, pour les forcer à agir, sans préjudice de dommages-intérêts (L. 24, al. 2) et, éventuellement, par la mise à leur charge des causes de la saisie (L. 24, al. 3).

2) L’aide des autorités judiciaires
            - Le ministère public doit apporter son aide au créancier et à l’huissier de justice. Il le fera d’abord au titre de sa mission générale de veiller à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires, par exemple, en enjoignant aux huissiers de son ressort de prêter leur ministère et en poursuivant d’office l’exécution des décisions dans les cas qui intéressent l’ordre public (art. L. 11 et 12). Il le fera ensuite au titre de sa mission particulière aux voies d’exécution qui consiste à rechercher les informations nécessaires aux poursuites (art. L. 39 à 41) ; mais cette mission particulière est limitée à l’adresse du débiteur, de son employeur, et à la localisation de ses comptes ; l’huissier doit le requérir à cet effet et être diligent par lui-même, car il n’entre pas dans les attributions du Parquet de se substituer à l’huissier ; le ministère public peut même enjoindre à l’huissier de procéder à des recherches complémentaires (D. 54).
            - C’est ensuite le juge de l’exécution, mais, on l’a dit, il n’intervient pas comme agent d’exécution. Il intervient en cas de difficultés relatives aux titres exécutoires, en cas de contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution, pour autoriser des mesures conservatoires et statuer sur les contestations qu’elles suscitent ; il peut aussi statuer sur les demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. Il a compétence exclusive.

3) Le concours de la force publique
            En cas de difficultés matérielles, l’huissier empêché d’accomplir sa mission peut solliciter le concours de la force publique par requête adressée au préfet. En cas de refus de concours de la force publique, le créancier aura droit à réparation (L.16).

c) la diversification des procédures

            Le législateur a recherché des mesures d’exécution forcées adaptées à la composition des patrimoines d’aujourd’hui. D’où des saisies spécifiques pour les valeurs mobilières et les droits d’associés, les véhicules terrestres à moteur, l’adaptation de la saisie-attribution aux comptes bancaires, la saisie des meubles corporels placés dans un coffre-fort, etc..
             


II – LE DROIT DE L’EXÉCUTION FORCÉE :
ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ

VÈme Colloque de la revue Droit et ProcÉdures,

(Chambre nationale des huissiers de justice)

À l’occasion de son 60Ème anniversaire



Cour de cassation, Paris, les 27 et 28 avril 2007



RAPPORT DE SYNTHÈSE

Le temps de la synthèse est toujours un moment attendu par les participants à un colloque, soit qu’ils en espèrent une lumineuse transcendance des travaux écoulés, soit qu’ils soient pressés de rentrer chez eux, surtout à la veille d’un long week-end de premier mai. Je ne sais si je comblerai l’éventuelle attente des uns, mais en tout cas je ne désespérerai pas les autres en ne vous retenant pas au-delà du temps qui m’a été imparti par les organisateurs de ce colloque, au premier rang desquels je voudrais saluer mon collègue et ami, le Professeur Claude Brenner, dont les extraordinaires qualités de concepteur et de « conceptualisateur » - si j’ose utiliser ce mot – dans des champs aussi variés que le droit du procès, les voies d’exécution et celui du droit patrimonial de la famille, ont permis à ce colloque de retenir l’attention de la doctrine la plus éminente et de passionner, j’en suis certain, les praticiens qui ont l’avantage sur nous, de voir les choses plus concrètement, d’être plus proches des besoins des citoyens et des justiciables.
Merci aussi à la Chambre nationale des huissiers de justice, en particulier à son Président, Monsieur Paul Rochard, et à la Revue Droit et Procédures, en la personne de Monsieur Yves-Pierre Moutout, Directeur de la publication, remarquable maître des cérémonies, revue qui organise ici son cinquième colloque, à l’occasion de son soixantième anniversaire, dans un lieu prestigieux, la première chambre civile de la Cour de cassation qui nous accueille si aimablement.
Permettez6moi de dire un mot plus particulier pour celui qui a tant fait pour le rayonnement de cette noble institution, Monsieur le Premier Président Guy Canivet, qui l’a portée à un tel niveau d’excellence ici et dans le monde, que le sillon qu’il a tracé restera longtemps porteur de fruits. Merci aussi à Madame la Présidente de la deuxième chambre civile, Madame Claire Favre qui a su nous accompagner nos travaux, malgré ses lourdes obligations professionnelles.
            Le thème porte en lui un large espace de discussion puisque le droit de l’exécution forcée est envisagé comme un droit « entre mythe et réalité ». Et c’est sous ce regard que les trois temps de cette symphonie composée par Claude Brenner ont été déclinés, avec pour chacun un apport conceptuel supplémentaire :
-          au droit à l’exécution forcée (et non plus « de ») a été associée la notion – la question devrais-je dire – de sa pertinence ;
-          au thème de l’évolution des normes était posée la question de sa logique ;
-          enfin, à l’apport de la pratique était associée, sous forme interrogative là encore, l’évolution vers des stratégies de contournement.
Comme si, à chaque fois, le questionnement était plus important que le sujet, comme si le doute était au rendez vous de nos travaux, comme si Descartes, omniprésent, avait remplacé Montesquieu et ses certitudes quant à l’Esprit des lois, comme si le droit de l’exécution forcée était un droit qui se cherche, alors qu’en 15 ans il vient de faire l’objet de deux réformes capitales.
Et cela nous ramène au thème général du colloque tel qu’il a été libellé, « entre mythe et réalité », mais cette fois sans point d’interrogation ! Si ce droit est « entre », c’est que le curseur doit se déplacer de l’un à l’autre, peut-être de façon différente selon la question envisagée. Il n’y a pas d’uniformité inéluctable.
Et on a bien senti, dès le début de nos travaux, avec le rapport de Frédérique Ferrand, que si la pertinence de la fondamentalisation du droit de l’exécution forcée était avérée, l’ineffectivité de cette forme d’exécution, envisagée par Claude Brenner, ne pouvait être que relative. Et inversement, si l’ineffectivité est réelle, c’est que la fondamentalisation est un mythe.
De même, lors de la deuxième demie journée, si l’européanisation de ce droit est certaine, si elle est une réalité, ainsi que nous l’a montré Natalie Fricero, alors sa « civilisation » et sa « collectivisation », sujets traités, respectivement, par Philippe Hoonakker et Pierre Crocq, sont-elles un mythe ou une réalité ? Il n’est pas évident d’ailleurs, que l’européanisation s’oppose à toute idée de civilisation et de collectivisation ou, à l’inverse, la favorise.
Enfin, s’il existe des stratégies de contournement, thème de ce matin, sont-elles complémentaires ou antinomiques ? Relèvent-elles du mythe ou de la réalité ? Nos deux paires d’intervenants, Yvon Desdevises et Marcel Dymant d’un côté, Olivier Salati et Françoise Andrieux de l’autre, nous en parlé savamment, en insistant sur la difficulté à appréhender cet apport de la pratique.
            Bref, les sous-thèmes du thème général forment un tout complet et cohérent, mais aux réponses peut-être différentes. Comme si ce droit qui se cherche était aussi un droit en devenir.
            En réalité, ces antinomies de la pratique ou de la théorie, ces interrogations successives, ce grand écart constant entre le mythe et la réalité, ne font qu’exprimer un malaise : le droit de l’exécution forcée, pris entre des courants opposés, brassé par le flot de la mondialisation et des échanges transfrontières, a besoin de repères. Il est en quête d’identité, malgré, à cause peut-être, des deux grandes réformes de 1991 et 2006.
            Du mythe à la réalité (et non pas « entre » le mythe et la réalité), la première question à débattre est donc celle de l’identité du droit de l’exécution forcée, puisque sa « civilisation » et sa « collectivisation » en constitueraient deux caractères essentiels desquels il faut partir, les organisateurs de ce colloque les ayant d’ailleurs placés sous le signe de l’évolution des normes.
            La seconde question est celle de l’altération ou non du droit de l’exécution forcée, voire d’une alternative au droit officiel, d’une altérité, d’un autre droit de l’exécution officielle, puisqu’il existerait des stratégies de contournement du droit de l’exécution forcée et que l’ineffectivité de ce droit en serait aujourd’hui l’une de ses caractéristiques. Il nous faudra en prendre la mesure pour savoir si l’altération avérée ou supposée se transforme en altérité qui pourrait faire craindre l’émergence d’un droit de l’exécution forcée parallèle au droit officiel et voulu par le législateur.
            C’est donc en passant du mythe à la réalité que sera d’abord envisagée la question de l’identité du droit de l’exécution forcée (I),
            Puis, dans un second temps, nous irons d’une réalité à une autre, pour prendre la mesure du mythe dans la question de l’altération et de l’altérité de ce droit de l’exécution forcée (II).
 i – du mythe à la réalité : l’identité du droit de l’exécution forcée
             Si l’identité du droit de l’exécution forcée fait débat, c’est parce qu’ont été évoqués à la fois et de première part, les risques ou les bienfaits, selon le point de vue auquel on se place, de sa « civilisation » et de sa « collectivisation », et, de seconde part, la pertinence de sa « fondamentalisation » et la logique de son européanisation. Si je me permets de globaliser les thèmes de la journée d’hier, en les opposant autrement, selon une autre logique, celle de la recherche de l’identité de ce droit, c’est parce qu’ils ont une cohérence propre au regard du thème qui nous préoccupe, celui du mythe et de la réalité.
            En effet, derrière les évolutions vers plus de « civilisation » et davantage de « collectivisation », apparaissent en creux le regret, en tout cas le constat, d’un droit de l’exécution forcée des origines qui serait plus contraignant, donc moins civilisé et plus individuel, donc pas du tout collectivisé, avant que les nouvelles normes, nées de l’Europe, ne viennent forger une autre identité.
Et bien, je dis que c’est là un mythe, que celui d’une identité nationale perdue qui aurait été à base de coercition et d’individualisme (A).
            En parallèle, la réalité, c’est celle, dont il ne faut point avoir peur, de l’identité européenne, par laquelle la France retrouve ses racines (B).
            « L’identité de la France », pour reprendre le titre du magnifique ouvrage de Fernand Braudel, ce n’est pas seulement une identité nationale, c’est aussi une identité européenne.

A) Le mythe d’une identité nationale perdue

            Entendons-nous bien : le mythe ne concerne pas le principe même de l’identité nationale de ce droit de l’exécution forcée, mais son visage. Je ne méconnais pas, ni ne nie que, dans le passé, ce droit a pu avoir une identité nationale différente que celle que nous lui connaissons aujourd’hui, par son caractère fortement coercitif et individualiste. Ce que je dis, simplement, c’est que ce droit a presque toujours été traversé par d’autres tendances, inspiré par d’autres principes que ceux de la seule coercition et de l’individualisme des poursuites ; les évolutions de normes d’aujourd’hui ne font que renforcer une tendance qui est née avant les nouvelles normes. On va le constater tant au niveau de la « civilisation » que de la « collectivisation » de ce droit.
a) La « civilisation » du droit de l’exécution forcée, dans le sens d’une évolution de ce droit vers davantage d’humanisme, c’est l’antidote du pouvoir de contrainte, mais ce n’est pas son ennemi. Philippe Hoonakker nous l’a dit, l’institution romaine de la manus injectio et l’exécution sur la personne garantissaient, à défaut d’une réelle satisfaction des droits des créanciers, en tout cas, la satisfaction d’une certaine justice et une certaine conception de l’honneur, celles que toute dette doit être honorée. Mais l’identité nationale du droit de l’exécution forcée ne peut se réduire à une vision aussi coercitive et ces institutions ont très vite disparu. De tout temps, l’humanisation a inspiré ceux qui nous gouvernent pour construire le droit de l’exécution forcée en tenant compte des intérêts en présence, donc de ceux du débiteur ; écoutons Philippe Hoonakker : « toute l’histoire de l’exécution forcée est marquée par ce souci d’humanisation, qui a conduit, dès le dernier siècle de la République romaine à l’abandon de la manus injectio ». Et l’abandon de la contrainte par corps en matière civile, qu’accompagne, en matière pénale son changement de nom par la loi du 9 mars 2004 (elle est devenue la contrainte judiciaire), a fait sauter ce moyen de pression. L’accroissement des mesures d’humanisation à l’époque contemporaine, a construit une part non négligeable de notre identité nationale. A ce titre, il a contribué à chasser le mythe d’une identité nationale essentiellement fondée sur la coercition.
Le droit de l’exécution forcée est un droit d’équilibre et comme tout équilibre, il est par nature instable, tant dans ses moyens où l’équilibre serait à améliorer, que dans ses fins pour lesquelles l’équilibre serait, selon Philippe Hoonakker, à développer. Mais le principe de proportionnalité, de même que celui de subsidiarité, font aujourd’hui partie de l’identité nationale de notre droit de l’exécution forcée. La logique de l’évolution des normes en ce domaine, est une logique qui s’inscrit dans la durée et dans la continuité ; lorsque l’exposé des motifs de la loi de 1991 sur l’exécution mobilière fait référence à ce « souci d’humanisation », il le fait par référence à la « revalorisation du titre exécutoire » et en ajoutant cette restriction, « en faveur des débiteurs de bonne foi » ; le souci d’humanisation ne va pas sans le souci d’aider le créancier ; peut-être trouvera-t-on que l’équilibre a été rompu ; mais la recherche est réelle ; on la retrouve dans la réforme de la saisie immobilière. Sous ce regard, c’est donc d’une identité nationale humaniste dont il faut ici parler, si l’on veut cerner la réalité et ne pas tomber dans le mythe.
            La remarque vaut pour le second trait du droit de l’exécution forcée, celui de sa « collectivisation ».
            b) Le mythe d’une identité nationale perdue concerne en effet, aussi, le passage d’une procédure individualiste à un droit collectiviste. Cette dernière notion renvoie, par antinomie, au caractère individuel du droit de poursuivre l’exécution de sa créance. Mais est-ce que cette « collectivisation » n’est pas, aujourd’hui, un degré supplémentaire dans la recherche de l’effectivité des droits du créancier, plutôt qu’une nature différente de l’exercice de ces droits ? N’y a-t-il pas évolution logique, plutôt que rupture ?
Et Pierre Crocq a eu grandement raison de distinguer deux volets dans ce mouvement de « collectivisation » du droit de l’exécution forcée : celui de l’accroissement du nombre des débiteurs susceptibles de faire l’objet d’une procédure collective et celui de l’augmentation des cas de soumission d’un créancier à une discipline collective. Mais dans cette dernière hypothèse, on reste bien dans une logique de poursuites individuelles ; se soumettre, ou être soumis, à une discipline collective, ce n’est pas abandonner les poursuites individuelles, de la même façon que dans jeu collectif toutes les individualités agissent de concert, dans un but commun, sans rien perdre de leur identité. Surtout, dans les deux cas, la collectivisation ne vient-elle pas de plus loin que les réformes de 2003 (loi Borloo du 1er août), 2005 (loi du 26 juillet sur la sauvegarde des entreprises) et 2006 (réforme de la saisie immobilière) ? Ne vient-elle pas de 1967, lorsque le législateur a décidé de bouleverser le droit français de la faillite, lorsqu’il a, comme Pierre Crocq nous l’a très justement montré, étendu ces procédures au-delà du cercle des commerçants et dissocié le sort du débiteur de celui de son entreprise, afin de permettre la survie de celle-ci si elle est encore viable. En d’autres termes, si mon hypothèse est exacte, le droit né en 1967 serait un droit véritablement nouveau et toutes les modifications postérieures à cette date seraient dans sa logique. La césure serait née il y a quarante ans. Mais la rupture s’expliquerait alors davantage par un changement de système, de logique, que par une volonté de « collectiviser » ; à preuve de ce changement de système et de logique, la dépénalisation de ce droit dès 1967. Pierre Crocq fait même remonter cette évolution à 1893, date à laquelle la loi du 1er août, en reconnaissant la commercialité des sociétés par la forme (sociétés anonymes et commandites par actions), a, de facto, étendu le champ d’application d’une procédure jusque là réservée aux commerçants, au sens de ceux qui faisaient profession habituelle de faire des actes de commerce.
            C’est donc que, là encore, l’identité nationale du droit de l’exécution forcée n’est pas uniquement à base de poursuites individuelles, depuis au moins 110 ans. Ce délai est suffisant, à mes yeux, pour forger une identité nationale « collectiviste » ou « collective », bien avant les réformes récentes, bien avant l’évolution des normes. Pour autant, cette évolution des normes va entraîner une toute autre réalité, celle d’une identité européenne du droit de l’exécution forcée.

B) La réalité d’une identité européenne retrouvée

             Cette réalité est double et elle nous vient d’ailleurs, à la fois de Bruxelles (et de Luxembourg) et de Strasbourg. Il y a une identité transnationale (a) et une autre supranationale (b), qui, toutes les deux construisent l’identité nationale de notre droit de l’exécution forcée, plutôt que de la détruire.

a) La logique d’une identité transnationale
            La logique communautaire, on le sait, est double, ainsi que nous l’a montré Natalie Fricero :
-          d’abord, assurer la libre exécution de la force exécutoire ;
-          ensuite, progresser vers une harmonisation du droit de l’exécution forcée.

1) Dans les deux cas, Natalie Fricero a eu raison de souligner que la logique de ce droit est une logique d’efficacité. Il se trouve que le droit européen a une approche économique de ce droit, en plaçant les besoins des opérateurs économiques au premier plan ; pour que ces opérateurs, nous dit-elle, puissent « obtenir la reconnaissance de leurs droits et la condamnation rapide et totale de leurs débiteurs, selon des procédures simples et relativement homogènes, ils doivent pouvoir bénéficier d’une exécution effective de leur titre exécutoire dans tous les Etats membres de l’Union ».
Sur ce point, je ne vois aucune menace pour l’identité nationale du droit de l’exécution forcée. Tout au contraire, elle rejoint le mythe de l’identité nationale qui aurait été perdue, celle d’un droit coercitif de l’exécution forcée. La réalité européenne détruit le mythe de nos illusions perdues.

2) En revanche, il est non moins vrai que cette conception européenne de l’efficacité va venir contredire la conception française de la territorialité du droit de l’exécution française[1]. Toute l’évolution de la construction européenne consiste en effet à briser les effets de la territorialité nationale, au profit d’une territorialité européenne. Avec elle, ce n’est plus le droit de l’exécution forcée de l’Etat sur lequel sont localisés les biens du débiteur qui va s’appliquer. 

3) Pour autant, cette évolution menace-t-elle l’identité nationale de notre droit de l’exécution forcée ? Je ne le pense pas, pour trois raisons, l’une commune à la force exécutoire et aux processus d’exécution forcée, les deux autre propres à chacun de ces deux volets de l’intégration et de l’harmonisation européennes :
- La première raison, c’est que la France est en Europe, comme la partie est dans le tout et qu’elle bénéficie de cette extension de territoire, au même titre que les autres Etats membres. Et n’oublions pas, que pour l’instant tout au moins, cette évolution ne vaut que dans le champ de compétence de l’Union, c’est à dire, en matière civile, que dans les matières ayant une incidence transfrontière et uniquement dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. L’extension territoriale ne vaut pas au-delà de ces strictes conditions.
- La deuxième raison concerne l’intégration de la force exécutoire au niveau européen : Natalie Fricero nous a montré qu’elle restait encore largement contrôlée par les Etats membres et que, lorsqu’elle est automatique, comme dans le Titre exécutoire européen pour les créances incontestées (Règlement du 21 avril 2004) ou dans la toute nouvelle procédure européenne d’injonction de payer (Règlement du 12 décembre 2006), l’identité européenne ne va pas à l’encontre de nos valeurs ou de nos traditions. En effet, il faut rappeler ici que le principe de confiance légitime réciproque entre les Etats membres, qui fonde cette intégration, est encadré par l’adhésion commune de tous les Etats membres de l’Union aux garanties du procès équitable et que l’article 6-2 du Traité de l’Union européenne conditionne le maintien d’un Etat dans l’Union à son respect des droits fondamentaux.
- La troisième raison concerne les processus d’exécution forcée. L’harmonisation en cours, que Natalie Fricero qualifie de timide, mais qui, demain ou après-demain, n’en doutons pas, sera plus importante, renforce l’approche économique du droit de l’exécution forcée, mais ne détruit pas l’identité nationale de notre propre droit. Par exemple, dans le projet de saisie bancaire conservatoire européenne, l’idée de créer un système permettant de bloquer, à titre conservatoire, les avoirs bancaires d’un débiteur sur l’ensemble de ses comptes en Europe, à partir d’une seule ordonnance d’un juge de l’un quelconque des Etats membres, accorde au juge français, autant qu’elle lui retire : ce que le juge d’un autre Etat membre pourra faire sur le territoire français, un juge français pourra l’ordonner sur l’ensemble des territoires des Etats membres. Et la première chambre civile de la Cour de cassation l’a bien pressenti dans on arrêt du 30 juin 2004, lorsqu’elle a admis qu’une injonction Mareva, délivrée par un juge anglais pouvait produire des effets sur notre territoire. Certains ont pu s’en offusquer, comme si nos amis anglais partaient à la reconquête de la France et que Jeanne d’Arc avait brûlé pour rien ! Lorsque demain, ce projet deviendra Règlement ou Directive, peut-on sérieusement penser que l’identité nationale de notre droit de l’exécution forcée sera détruite ? Certes, un juge d’un quelconque Etat membre pourra bloquer, à titre conservatoire, tous les comptes que le débiteur détiendra auprès d’un organisme bancaire dans l’Union européenne, puisque cette ordonnance sera exécutoire dans tous les Etats membres sans aucun contrôle. Mais l’effectivité de l’exécution forcée qui pourrait paraître se perdre dans la « civilisation » de notre droit de l’exécution forcée, va ici, grâce au droit européen, retrouver toute sa vigueur, toute sa force.
Il apparaît ainsi que le droit communautaire conforte plus qu’il ne détruit l’identité nationale de notre droit de l’exécution forcée, puisque celui-ci va retrouver son pouvoir de coercition sur un territoire plus étendu et avec moins d’obstacles dans sa mise en œuvre.
Il est vrai, en revanche, que les mécanismes déjà entrés en vigueur (titre exécutoire européen et procédure européenne d’injonction de payer) sont sous une influence allemande très forte ; mais cela ne remet pas en cause le principe du renforcement de l’efficacité du droit de l’exécution forcée européen. Cela pose en revanche, deux questions : celle de la présence française à Bruxelles, dans les structures de préparation et les organes décisionnels de la construction du droit communautaire. Et celle du garde-fou que constitue le respect des droits fondamentaux.
Mais c’est déjà aborder l’autre identité européenne, celle de Strasbourg.

b) La pertinence d’une identité supranationale
       Parler de fondamentalisation de l’exécution forcée, c’est évoquer la pertinence du droit à l’exécution forcée. 

1) En réalité, la question de la légitimité de la reconnaissance de ce droit est largement dépassée aujourd’hui, comme l’a très bien montré Frédérique Ferrand, dans la première partie de son intervention. C’est un fait acquis, depuis les arrêts fondateurs de la Cour EDH. Reste la question de son fondement ; on sait que la Cour EDH le rattache au droit à un juge et l’inclut dans le droit à un procès équitable, ce qui a été contesté[2] ; je voudrais souligner ici que dans l’arrêt Hornsby de mars 1997, comme dans tous ses arrêts postérieurs, la Cour européenne l’a fait en des termes repris mot pour mot, de ses arrêts fondateurs du droit à un procès équitable, par exemple les arrêts Golder et Airey : « on ne comprendrait pas que l’article 6, § 1 de la Convention EDH décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en œuvre des décisions » ; ce n’est pas innocent, car ce sont des termes de « prééminence du droit », de croyance en la démocratie », de « confiance en la Justice », que l’on retrouve. Si le droit à l’exécution forme le troisième volet du triptyque du procès équitable que nous avons naguère conceptualisé et que Madame la Présidente Claire Favre a bien voulu rappeler, ce n’est pas parce qu’il y a toujours procès dans le domaine de l’exécution forcée, mais parce que le droit à un juge se prolonge dans l’effectivité de ce droit ; et lorsque l’exécution forcée a lieu hors l’intervention d’un juge, cela ne remet pas en cause ce droit à un juge, parce que ce juge est potentiellement prêt à intervenir dans cette exécution ; dans cette hypothèse, le lien est peut-être ténu, mais il est réel. On le voit bien avec l’un des derniers arrêts rendus contre la France en ce domaine, celui du 26 septembre 2006 à propos de sociétés créancières de collectivités locales corses ; la Cour, au final, met à la charge de l’Etat français, les dettes communales, parce qu’il est garant, en dernier ressort, de l’exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable[3].
       L’appropriation de ce droit à une exécution forcée par la jurisprudence nationale décrite par Frédérique Ferrand, montre bien que ce droit fondamental nouveau s’enracine dans notre identité nationale ; il est devenu partie intégrante de la culture juridique française, exemple concret d’une intégration réussie, au moins au niveau des concepts. Imagine-t-on aujourd’hui, que l’on revienne sur ce droit ? Le seul fait de poser la question donne la réponse et clôt la controverse. 

       2) En revanche, fait encore problème, la pertinence, non pas de l’affirmation du principe, mais de sa mise en œuvre ; c’est en tout cas ce que j’ai ressenti en écoutant attentivement notre oratrice sur cette question, ainsi que d’autres intervenants. On sait que la Cour européenne est allée plus loin que le droit à l’exécution en faveur du débiteur, lorsqu’elle a condamné la Roumanie pour n’avoir pas protégé l’huissier de justice qui s’était rendu dans un orphelinat pour faire exécuter un jugement d’adoption[4].
       La fondamentalisation du droit à l’exécution forcée participe de l’effectivité du droit de l’exécution forcée, je l’ai déjà répété à plusieurs reprises. Néanmoins, comme tout droit, le droit à l’exécution forcée rencontre des limites, soit dans la nécessité de protéger l’intérêt général, soit dans celle de tenir compte des droits fondamentaux du débiteur ; la question est alors cruciale, c’est celle de l’effectivité de l’exécution forcée qui est posée, au-delà de l’affirmation du principe. Si la question de la pertinence se pose, ce n’est pas eu égard au principe même de ce droit à l’exécution forcée, mais au regard de sa mise en œuvre. Je ne reprendrai pas ici, le brillant exposé de Frédérique Ferrand sur les circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier la protection de l’intérêt général, comme obstacle à l’exécution forcée, ou sur les droits fondamentaux du débiteur qui peuvent mettre en échec le droit du créancier à cette exécution.
Je voudrais simplement dire ici que c’est précisément parce que ce droit rencontre des limites et se heurte à certains obstacles, qu’il est d’autant plus nécessaire de l’affirmer : si pertinence il y a, elle est là, dans la proclamation haut et fort du principe pour mieux en canaliser les limites et en réduire les obstacles. Gageons que le nouveau droit au logement opposable, lorsqu’il sera effectif, viendra heurter de plein fouet le droit du créancier à l’exécution forcée. La fondamentalisation de ce droit va se heurter alors à la civilisation de ce droit, ce qui justifie la démarche ayant consisté à partir des caractères traditionnels du droit de l’exécution forcée en France (coercition et individualisme) et de leur évolution, au nom de ce que j’ai appelé l’identité nationale de ce droit, pour aboutir à une identité européenne transnationale et supranationale. Et c’est cette nouvelle identité qui conforte, en droit et en fait, les traits caractéristiques de notre droit de l’exécution.
Si danger il y a là dans l’effectivité de ce droit, il ne vient pas de l’Europe, mais du droit national lui-même. L’Europe, sur ce terrain, ne fait que conforter à la fois notre souci d’efficacité [et c’est tout l’apport du droit communautaire] et notre valeur d’humanisation, et c’est toute la richesse des droits fondamentaux garantis par la Convention EDH et la jurisprudence de Strasbourg. Oui, le danger, il est chez nous, dans nos contradictions internes. Ce sont elles qui menacent d’altérer notre droit de l’exécution forcée.
 ii – d’une réalité à l’autre : de l’altération à l’altérité du droit de l’exécution forcée
 
       Si l’exécution forcée est ineffective, si Claude Brenner a raison, alors la question de l’altération de l’actuel droit de l’exécution forcée se pose ; encore faut-il en prendre la mesure (A).
       En revanche, s’il existe réellement des stratégies de contournement, alors la question est autre : il s’agit d’un autre droit de l’exécution que le droit officiel ; l’altération se transforme en altérité, au sens qu’un autre droit apparaîtrait (B). 
 a) la mesure de la réalité de l’ineffectivité du droit de l’exécution forcée
        Il revenait au concepteur de notre colloque, Claude Brenner, de parler de l’ineffectivité du droit de l’exécution forcée. Il ne vous aura pas échappé que son intervention se situait dans le prolongement, en tout cas dans la suite chronologique de celle de Frédérique Ferrand consacrée à la fondamentalisation du droit de l’exécution forcée, par l’émergence d’un droit à cette exécution. C’est que, je l’ai déjà signalé, les deux aspects sont liés, même si le second participe de l’identité de ce droit, alors que le premier participe de sa mise en œuvre. A vrai dire, je n’ai pas trouvé de réelles raisons d’être inquiet d’une éventuelle ineffectivité de notre droit de l’exécution forcée, inquiétude qui pourrait naître d’une éventuelle condamnation de la France par la Cour EDH, au nom de la non-garantie, par notre droit de l’exécution forcée, de l’effectivité des droits des créanciers. L’éventail des voies d’exécution est complet, les délais restent raisonnables. Quant aux problèmes d’identification des destinataires et des biens, ils demeurent dans la limite de l’acceptable, au regard des standards européens.
       De même, l’effectivité de l’exécution quant aux personnes se renforce à proportion de la jurisprudence de Strasbourg qui cantonne les immunités d’exécution, pour l’essentiel, aux missions de service public.
Bref, si tout ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes de l’exécution forcée, l’ineffectivité du droit de l’exécution forcée reste, pour une bonne part, un mythe. Les choses sont différentes au niveau des stratégies de contournement.
 b) la mesure d’une altérité au droit de l’exécution forcée
        Est-ce parce qu’il est trop efficace, ou au contraire pas assez, que notre droit de l’exécution forcée provoque des stratégies de contournement ? C’est une réalité, sans doute variable, à des degrés divers, mais une réalité tout de même que des parties essayent de contourner le droit de l’exécution forcée ; encore faut-il en prendre la mesure exacte, car si ces stratégies existent bien, elles sont diverses et ne répondent sans doute pas toutes aux mêmes objectifs. Le risque est que ces stratégies créent un autre droit de l’exécution forcée, un droit qui serait en-dehors des cadres fixés par le législateur ou le pouvoir réglementaire.
a) L’exécution négociée traduit le retour au contrat, à l’accord amiable, ce qui est tout l’opposé de la contrainte, du pouvoir de coercition. Et il est vrai que le nouvel article 2191 du code civil dispose, Yvon Desdevises nous l’a rappelé de matin, que « tout créancier peut …contraindre son débiteur à exécuter ses obligations à son égard ». Or, négocier, ce n’est pas contraindre. L’exécution négociée participe de l’idée que mieux vaut un mauvais accord qu’une exécution forcée difficile, longue et coûteuse. Et chacun est libre, avant de recourir aux moyens de l’exécution forcée, à la force, de rechercher une solution amiable. Cette recherche participe de la liberté de chacun, de la liberté contractuelle, d’ailleurs garantie par le Conseil constitutionnel. Et il a eu raison, avec Maître Marcel Dymant, de distinguer selon que la négociation intervient en amont du titre exécutoire ou en aval.
- Dans le premier cas, en amont du titre exécutoire, on sent bien que les parties vont anticiper sur les difficultés à venir, en prenant des précautions. Ce sont les clauses, désormais classiques de sanctions au cas où l’une d’entre elles n’exécuterait pas ses obligations : clause pénale, clauses de compensation conventionnelle, d’exécution aux frais du débiteur, et, bien sûr, le fameux pacte commissoire, désormais validé par l’ordonnance du 23 mars 2006 sur les sûretés en matière de gage (art. 2348, C. civil) et d’hypothèque (art. 2459, C. civil). Ces clauses n’altèrent en rien le droit de l’exécution forcée ; trop en amont, elles n’essayent pas de le dénaturer, mais de l’éviter en lui laissant ce qui, fait, précisément, sa force, c’est à dire la contrainte. Même les « pressions » dont nous a parlé Yvon Desdevises, ne dénaturent pas le droit de l’exécution forcée. Prendre des mesures conservatoires, qu’elles soient sûretés judiciaires ou saisies conservatoires, ne fait que préparer la contrainte.
       - Dans le second cas, lorsque l’exécution négociée intervient après l’obtention du titre exécutoire, Maître Dymant nous a montré combien la voie est étroite entre les droits du créancier et les besoins du débiteur. Le temps post-sentenciel peut favoriser le dialogue noué par cet intermédiaire obligé et compétent, l’huissier de justice. C’est donc à l’occasion de la signification des actes que ce contact pourra se nouer.
       - Mais dans les deux cas, en amont ou en aval, on n’est plus dans le droit de l’exécution forcée ; on est à ses frontières, mais de l’autre côté de la barrière. L’exécution négociée ne remet pas en cause le principe même d’une exécution forcée ; elle est autre, elle est différente. On est dans l’alternative au choix d’une exécution forcée, on est dans un autre droit de l’exécution. Il faut parler ici d’altérité pour caractériser cette situation et non pas d’altération.
       Et cette altérité caractérise aussi l’exécution par moyens détournés, en tout cas l’une d’entre elle.
b) L’exécution par moyens détournés pose d’ailleurs d’autres types de problèmes. Avant d’en mesurer les effets, il faut en préciser la notion et son contenu. Qu’entend on par là ?
- Olivier Salati s’en est expliqué et a réussi à clarifier un concept, il faut bien le dire, qui pouvait dérouter nos auditeurs. Le mot détournement est un peu sulfureux ; il évoque le pénal et l’abus de confiance, la distraction des biens saisis, bref des situations de malhonnêteté avérée, de fraude. Or, ce n’est pas de cela dont il s’agit ici. Il s’agit « de faire autrement », comme l’a dit Olivier Salati, pour pallier les rigidités d’un système, celui, officiel, de notre droit de l’exécution forcée, celui dont nous avons essayer de tracer les contours, de dessiner son identité. Et ce « faire autrement », peut revêtir deux formes, selon qu’il se situe au sein du système officiel du droit de l’exécution ou en-dehors.
- Quand l’exécution par des moyens détournés a lieu en-dehors du droit de l’exécution, ces moyens vont du refus de l’accès au juge d’appel (en exigeant du débiteur appelant qu’il exécute la décision de première instance frappée d’exécution provisoire), à l’exécution par le recours à des garanties, aux techniques du droit des obligations et bien d’autres encore. Mais ce qui m’a frappé, c’est que ces moyens détournés se recoupent, pour une bonne part, avec ceux étudiés par Yvon Desdevises au titre de l’exécution négociée (par exemple le pacte commissoire). C’est qu’en réalité, on a quitté, dans l’un et l’autre cas, le terrain de l’exécution forcée, pour glisser sur celui des pressions. On n’est plus, là encore, dans l’altération du droit de l’exécution forcée ; on est dans un autre droit de l’exécution, c’est à dire dans l’altérité.
- En revanche, quand l’exécution par des moyens détournés a lieu au sein du droit de l’exécution, je n’y ai point vue personnellement une autre exécution, mais la mise en œuvre, selon des voies diverses et variées, des moyens que le législateur met à la disposition des parties ; Ainsi, pour ne prendre que cet exemple, lorsque la saisie-vente et la saisie-attribution sont mises en concours, avec la fameuse subsidiarité de l’article 51 de la loi du 9 juillet 1991, il n’y a pas création d’un autre droit de l’exécution ; on est en plein dans le droit de l’exécution forcée. Il n’y a pas d’altérité, d’alternative à ce droit. Y a-t-il altération ? Je n’en suis pas certain. J’y vois plutôt une utilisation normales des voies de droit offertes aux uns et aux autres. Et d’ailleurs, Maître Françoise Andrieux nous a dit que « l’exécution par moyens détournés n’est pas une exécution illégale, ni une exécution détournée, ni l’opposé des voies d’exécution, parce qu’elle utilise les voies d’exécution et s’en nourrit ; elle n’est pas non plus l’antichambre ou le préambule des voies d’exécution ». Bref, elle est le droit de l’exécution forcée.

XXX
      
Ces considérations sur les stratégies de contournement, mais aussi sur l’exécution négociée, auront eu le mérite, en tout cas, au-delà de la discussion sur l’altération du modèle officiel ou sur la création d’un autre droit, de l’émergence d’une alternative, d’une altérité, de mettre en valeur le rôle fondamental de l’huissier de justice dans ces procédures. On ne le dira jamais assez, lui seul, parce qu’il est officier public, parce qu’il remplit une délégation de service public, peut prévenir les abus, veiller à une exécution, non point compassionnelle, mais respectueuse de la légalité. Il est non seulement le gage de l’effectivité de l’exécution forcée, il est aussi le garant des libertés et de la protection des débiteurs. Reconnue par le droit communautaire et la jurisprudence de Strasbourg, la profession on l’a bien vu tout au long de nos travaux, est le pivot de l’exécution forcée.
Et là, on n’est assurément pas dans le mythe, on est dans la réalité concrète de la vie quotidienne des Français.
Je vous remercie de votre attention.

III - les 20 ans de la rÉforme
des procÉdures civiles d’exÉcution :
SES ACQUIS ET SES DÉFIS


Colloque Cour de cassation-Revue Droit et procédures

25 mars 2011

Propos introductifs

              Est-ce un hasard si l’initiative de ce colloque, co-organisé par la Cour de cassation et la Chambre nationale des huissiers de justice, sans oublier le patronage de l’IEJ de Paris 2, revient à une revue, en l’occurence Droit et procédures ? Je ne le pense pas.
D’abord parce que cette revue est particulièrement qualifiée pour intervenir sur un sujet qui entre pleinement dans le champ de sa compétence, celui de la procédure et de l’exécution.
En outre, il faut se souvenir qu’il y a 18 ans, les 28 et 29 janvier 1993, s’était tenu, à Paris, un colloque pour présenter la réforme de 1991 à l’initiative d’une autre revue, la revue trimestrielle de droit civil.
J’ai pensé qu’en guise d’introduction aux propos introductifs qu’il m’a été demandé de vous présenter, il serait intéressant de comparer les thèmes et les intervenants des deux évènements, afin de souligner les évolutions les plus importantes qui se sont produites depuis cette date et de dégager les thèmes qui, vingt après, ne font pas mourir la loi, pas plus que ses acteurs, mais la vivifient.
S’agissant des intervenants, si l’on met à part les propos de présentation des travaux par le père de la réforme, Roger Perrot, qui prononcera en outre le rapport de synthèse, on soulignera d’emblée qu’il n’avait été fait appel à aucun praticien des voies d’exécution, ni magistrats, ni avocats, ni huissiers de justice. Pour notre part, nous en compterons cinq (sans compter les deux présidents de séance) sur onze intervenants, soit quasiment la moitié. Sur ces cinq, deux magistrats et deux huissiers de justice, juste reflet de l’équilibre de notre co-organisation, et un avocat aux Conseils.
Toujours en janvier 1993, dix universitaires vont se partager la parole sur deux jours : huit privatistes et deux publicistes, Jean-Bernard Auby et Pierre Delvolvé. Nous ferons moins bien pour cette dernière catégorie, puisque Guillaume Drago sera l’unique représentant de cette branche du droit, mais quel représentant ? A lui seul, il vaut bien les deux autres, si éminents soient-ils et, prorata temporis, nous avons, nous aussi, un publiciste par journée d’intervention.
Pour les huit privatistes de 1993, il est intéressant de souligner que le colloque réunissait seulement deux spécialistes attitrés de la procédure civile et des voies d’exécution, Jacques Normand et Jean Beauchard ; il y avait en outre deux collègues qui sont à la fois spécialistes de ces questions et civilistes (Monique Bandrac et Philippe Théry), ainsi que quatre civilistes ou commercialistes (Philippe Delbecque, Christian Mouly, Paul Le Cannu et Pascal Ancel). Pour notre part, nous entendrons aujourd’hui cinq universitaires de droit privé, dont le rapporteur de synthèse et votre serviteur qui sont à la fois processualistes et civilistes, un commercialiste (Pierre-Michel Le Corre) et deux européanistes-processualistes. La part des processualistes a donc nettement progressé. Celle de l’Europe aussi, ce qui me conduit à la comparaison des thèmes.
S’agissant des thèmes en effet, notre colloque est beaucoup plus axé sur les acteurs (2 rapports au lieu d’un seul en 1993 : le JEX bien sûr, mais aussi l’huissier de justice, curieusement oublié en 1993), sur le droit des procédures collectives (aucun rapport en 1993, 1 en 2011), sur le droit européen (aucun rapport non plus en 1993) et sur la confrontation de la loi de 1991 à des concurrences internes. Alors qu’en 1993 on s’interrogeait beaucoup sur les relations des procédures civiles d’exécution avec le droit des sûretés, le droit bancaire, le droit des sociétés et le droit boursier, nous avons axé nos travaux sur les acquis et les défis, mais en plaçant les uns et les autres sous le regard de la concurrence, de l’impulsion venue d’ailleurs, de l’Europe, avec le rapport de Frédérique Ferrand, ou de la France avec le défi de la confrontation de la loi de 1991 aux évolutions du droit interne, dont nous parlera Gabriele Mecarelli.
L’optique a changé : aux regards tournés vers les branches traditionnelles du droit en 1993, succède un regard tourné vers l’horizon européen et vers l’avenir de ce droit, tant pour ses acteurs que pour ses mécanismes. Et l’importance donnée au droit des procédures collectives traduit bien les difficultés économiques et sociales de notre époque, encore qu’elles aient été très présentes en 1993.

Cette différence de regard est sans doute due au fait qu’en 1993 il était nécessaire de souligner combien la réforme de 1991-1992 se distinguait du droit en vigueur avant que la loi de 1991 n’intervienne. Pour l’essentiel, ce droit était encore contenu dans l’ancien code de procédure civile qui datait de 1806 et était largement inspiré de celui de l’Ancien régime ! A la veille de la réforme, on s’attachait davantage à la saisie des récoltes sur pied, la fameuse saisie brandon, visage de la France rurale, qu’à la saisie des comptes bancaires. Un dépoussiérage était plus que nécessaire. Et les thèmes choisis pour le colloque de 1993 soulignaient cette nécessité.
Vingt ans après – et alors que la loi du 9 juillet 1991, comme d’ailleurs le décret d’application du 31 juillet 1992 ont été très peu modifiés - le regard que l’on peut porter sur la loi de 1991 n’est plus placé sous cette contrainte de mettre en valeur les apports de la réforme à l’encontre d’un droit vieux de deux cents ans, mais sous celle de la confronter à ses promesses et aux exigences nouvelles de notre temps, aux besoins des créanciers, notamment le besoin d’effectivité, dans le respect des droits fondamentaux des débiteurs. La proportionnalité des mesures qu’il est possible de mettre en œuvre en matière de voies d’exécution mobilière est centrale.
A cet égard, on peut dire que la réforme de 1991 portait en elle une double promesse :
-          La promesse d’un droit à l’exécution forcée (I),
-          Et celle d’un droit à une exécution effective (II),
le tout en parfaite harmonie avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’elle anticipe d’ailleurs de six ans, si l’on prend comme repère l’arrêt Hornsby contre la Grèce du 19 mars 1997.
 i – la promesse d’un véritable droit à l’exécution forcée
             Ce droit n’est pas énoncé en tant que tel dans la loi du juillet 1991, à la différence, par exemple, de l’article 30 du code de procédure civile qui définit, lui, l’action en justice. Pour autant, la faculté de recourir aux procédures civiles d’exécution qu’elle réglemente apparaît bien, dans de nombreuses dispositions, comme un véritable droit pour le créancier (A), même si ce droit n’est pas sans limites (B).

a) un droit pour tout créancier 

Manifestement, le législateur de 1991 n’a pas eu peur d’afficher les droits du créancier, particulièrement son droit à l’exécution forcée. Vingt ans après, il n’est pas certain que l’on puisse faire le même constat, tant la balance semble avoir davantage penché vers les droits du débiteur que vers le respect de l’équilibre initial. 

            a) L’article premier de la loi dispose toujours que « tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ». La faculté de recourir aux procédures civiles d’exécution constitue donc un droit proclamé de contrainte du débiteur récalcitrant, un véritable droit à l’exécution forcée, même si le mot n’est pas utilisé expressément.
Et ce droit appartient à tout créancier, qu’il soit chirographaire ou garanti par une hypothèque ou un privilège. Bien évidemment, si le débiteur veut s’exécuter volontairement, nul ne l’empêche et rien ne s’y oppose ; mais il n’était pas du ressort du législateur de l’affirmer solennellement, même si l’avant-projet de loi contenait cette affirmation, présentant ainsi l’exécution forcée comme une exécution subsidiaire.

            b) Le même article 1er ajoute toujours que « tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits ». Ces mesures sont offertes au créancier seulement s’il estime que le recouvrement de sa créance est menacé. Ce double droit, d’exécution et de prendre des mesures conservatoires, n’est pas hiérarchisé et il appartient aussi aux créanciers munis d’un titre exécutoire. Certes, on aurait pu envisager que de tels créanciers ne puissent recourir aux mesures conservatoires, puisque celles-ci sont prises dans l’attente de l’exécution forcée et que le titre exécutoire permet de recourir directement aux mesures de contrainte. Mais il aurait été paradoxal que celui qui peut le plus (l’exécution forcée) ne puisse le moins (la mesure conservatoire). C’est pourquoi, la loi consacre, dans son article 22, al. 1er, la liberté du créancier dans « le choix de mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance ». Mais cette liberté n’est pas totale ; elle est encadrée par des dispositions empreintes d’humanisme.
            Les mesures conservatoires ont été entièrement repensées par le législateur de 1991. A côté de la disparition de mesures devenues obsolètes, telles la saisie-gagerie et la saisie foraine, a été rénovée et promise à un rôle important, la saisie-revendication qui devient le pendant, côté conservatoire, de la saisie-appréhension côté exécution forcée. En outre, la loi nouvelle a prévu des dispenses à la nécessité de disposer d’une autorisation judiciaire et a étendu la protection provisoire aux richesses incorporelles.
            Dès 1992, par la loi du 13 juillet (n° 92-644), l’article 18, al. 1er précisait que les saisies conservatoires sont réservées aux huissiers de justice.
Mais ce droit à l’exécution forcée est aussi un droit encadré
 b) un droit encadré
 Dès 1991, le droit à l’exécution forcée est doublement encadré par la loi :
-          juridiquement par l’exigence d’un titre exécutoire (a) ;
-          techniquement, par la recherche d’un équilibre entre efficacité et humanité b).

a) L’exigence d’un titre exécutoire
            Le créancier qui entreprend une mesure d’exécution forcée doit justifier, à peine de nullité des poursuites, d'un titre exécutoire pris contre son débiteur personnellement et constatant une créance liquide et exigible (art. L. 2), c’est à dire d’un jugement ou d’un acte constatant sa créance et revêtu de la formule exécutoire. Par souci de simplification, l’article 3 de la loi énumère limitativement les titres exécutoires. Cet article n’a été modifié qu’une fois par la loi n° 99-957, 22 novembre 1999, pour ajouter à la liste initiale « les transactions soumises au président du TGI ».
            Mais la loi n° 2008-561, 17 juin 2008 qui réforme notre droit de la prescription a introduit un article 3-1 dans la loi de 1991 qui limite à dix ans le délai d’exécution des titres exécutoires (contre 30 auparavant), sauf si le titre constate une action en recouvrement qui se prescrit par un délai plus long.

b) La recherche d’un équilibre entre efficacité et humanité
Le législateur de 1991 a voulu concilier efficacité et humanité :
- d’un côté en effet, il faut que le créancier impayé puisse obtenir satisfaction dans des conditions de célérité et d'efficacité suffisantes pour que le crédit et la vie des affaires ne soient pas contrariés ;
- d’un autre côté, il est indispensable que  le débiteur puisse contester les prétentions du poursuivant, faire respecter la légalité des mesures envisagées, voire disposer d’un minimum vital malgré les saisies qui interviendront.
A cet effet, la loi de 1991 pose un principe de subsidiarité et un autre de proportionnalité.

1) Le principe de subsidiarité
            Déjà subsidiaire par rapport à l’exécution volontaire, le droit de l’exécution forcée l’est aussi dans son aménagement interne, entre les différentes mesures qui le composent. C’est dans le souci d’équilibre entre des intérêts divergents que la loi de 1991 a créé un principe de subsidiarité de certaines mesures d’exécution forcée. Le créancier ne peut recourir à certaines mesures que s’il n’a pu recourir à d’autres plus respectueuses des intérêts du débiteur ou des autres créanciers.
Par exemple, la saisie-vente d’un local servant à l’habitation, ne peut être pratiquée, si elle tend au recouvrement d’une créance autre qu’alimentaire inférieure à 535 euros en principal, que si ce recouvrement n’est pas possible par voie de saisie d’un compte de dépôt ou des rémunérations du travail ; mais la loi réserve l’autorisation exceptionnelle du juge de l’exécution (art. L. 51 et D. 82 qui fixe le montant qui n’a pas été réévalué depuis 2001).
            Autre exemple de subsidiarité dans l’article L. 22-1 : un entrepreneur individuel peut demander que les dettes contractées pour les besoins de son activité professionnelle soient exécutées en priorité sur les biens affectés à l’exploitation de son entreprise, s’il établit qu’ils sont d’une valeur suffisante pour désintéresser le poursuivant ; et le créancier ne peut s’opposer à cette demande, sauf s’il établit que cette proposition met en péril le recouvrement de ses droits.

2) Le principe de proportionnalité
            Le souci d’efficacité est ici nettement contré par le principe que la mise en œuvre des mesures conservatoires et d’exécution forcée « ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation » (art. L. 22, al. 1er). On retrouve ici un principe bien connu de la jurisprudence européenne, à savoir que la mesure envisagée doit être proportionnée à la fin poursuivie, ni plus ni moins.
C’est une sorte de principe de précaution qui s’impose au créancier : l’utilité de la mesure choisie doit être réelle, ainsi que son caractère non préjudiciable au créancier, au-delà, bien évidemment, du désagrément que cause toute mesure d’exécution forcée. Par exemple, le créancier ne peut pas recourir à la saisie immobilière si les actifs mobiliers du débiteur, notamment ses comptes bancaires, suffisent à remplir le créancier de ses droits.
A cette fin, pour assurer l’effectivité de ce principe de proportionnalité, la loi de 1991 donne des pouvoirs aux acteurs des voies d’exécution :
- ainsi le juge de l’exécution, peut ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie (art. L. 22, al. 2).
- De même, l’huissier de justice peut refuser de prêter son concours si la mesure requise lui paraît illicite ou si le montant des frais paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée (art. L. 18, al. 2).  
- En contrepartie – et il faut y voir une manifestation concrète de la recherche de l’équilibre entre des intérêts divergents – la résistance abusive du débiteur à une procédure d’exécution pourra l’exposer à une condamnation à des dommages-intérêts (art. L. 23).
           
Cette première promesse d’un droit à l’exécution forcée serait aujourd’hui largement insuffisante sans la poussée d’une seconde promesse, celle d’un droit à une exécution effective.
 ii – la promesse d’un droit à une exécution effective
             L’effectivité de l’exécution forcée passe par trois voies : une déjudiciarisation des procédures civiles d’exécution (A) ; une aide à l’exécution forcée (B) et, enfin, une diversification des procédures (C).
 a) la déjudiciarisation des procédures d’exécution mobilière
            C’est sans doute le trait le plus important de la réforme de 1991 que d’avoir conçue l’exécution forcée mobilière comme une exécution qui ne fait pas appel de manière nécessaire et systématique au juge. Dans la conception française actuelle – et c’est un progrès – le juge ne s’occupe pas de l’exécution, en ce sens qu’il n’en constitue pas l’agent.
            Dès lors que le créancier poursuivant justifie d’un titre exécutoire qui constate ses droits, son droit de poursuite n’est pas soumis à un nouveau contrôle judiciaire. Le juge n’a plus d’office obligatoire dans l’exécution forcée mobilière ; il n’intervient que comme celui qui règle les incidents nés de l’exécution et juge les contestations et litiges qu’elle est susceptible d’occasionner.
            L’efficacité et l’effectivité de l’exécution s’en trouvent renforcées, car il n’y aura pas de temps perdu à revenir devant le juge, passé l’obtention du jugement de condamnation. Et comme certaines saisies ont un effet attributif immédiat (la saisie-attribution), le titre exécutoire s’en trouve revalorisé. Dans certains cas, il sera possible de se passer entièrement du juge, ainsi lorsque le titre exécutoire est un acte notarié.
            Cette soustraction des voies d’exécution à l’emprise du juge, sauf incidents, vaut aussi pour les mesures conservatoires, alors même que, pour elles, a été maintenu le principe de l’autorisation du juge ; en effet, si le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore la force exécutoire, il peut se passer de l’autorisation du juge pour pratiquer une mesure conservatoire (art. L. 68).
 b) l’aide à l’éxécution          
   Le législateur de 1991 a voulu aider les créanciers à recouvrer efficacement et rapidement leurs créances en organisant les procédures autour d’un personnage central, l’huissier de justice (a) et en obligeant d’autres acteurs judiciaires, voire la force publique et les tiers à aider le créancier (b).
 
a) Le rôle central de l’huissier de justice
            Mis à part quelques exceptions, dont la saisie des rémunérations et les sûretés judiciaires, tout tourne autour de l’huissier de justice, qui est le pivot des mesures d’exécution forcées ; il en a le monopole (art. L. 18, al. 1er). Les actes doivent donc respecter, à peine de nullité, outre les mentions propres à chaque saisie, les mentions prescrites pour les actes des huissiers de justice par le Nouveau code de procédure civile (art. 648 s.).
            En contrepartie, l’huissier doit apporter toute sa compétence et sa science :
- il ne peut refuser son concours que s’il apporte la preuve que la mesure sollicitée est illicite ou disproportionnée (L. 18, al. 2) ;
- il a la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution (art. L. 19, al. 1er) ;
- il exerce normalement seul, sans la présence du créancier (art. D. 4) ;
- il a compétence pour demander au juge de l’exécution ou au ministère public, de donner les autorisations nécessaires ou de prescrire les mesures nécessaires ;
- enfin, en cas de difficulté d’exécution, il en dresse procès-verbal et la trancher par le juge de l’exécution (art. L. 19).

b) L’aide des autorités judiciaires, de la force publique et des tiers
            Trois mécanismes caractérisent cette aide à l’exécution : le concours obligatoire des tiers (1) ; l’aide des autorités judiciaires (2) ; le recours à la force publique (3).

1) Le concours des tiers
            Tous ceux qui ne sont ni créancier, ni débiteur dans le rapport d’obligation en question sont considérés comme des tiers. Et cette qualité les soumet à certaines obligations de coopération :
- ils doivent s’abstenir de faire obstacle aux procédures engagées ; cela concerne notamment ceux entre les mains desquels sont pratiqués les saisies (art. L. 24, al. 1er) ;
- ils doivent apporter leur concours à ces procédures, lorsqu’ils en sont légalement requis (art. L. 24, al. 1er) ; cela concerne aussi bien les serruriers, garagistes, etc.., que les administrations qui doivent fournir des informations (L. 39 à 41). Lorsqu’une mesure doit être effectuée entre les mains d’un comptable public, l’ordonnateur doit indiquer au créancier porteur d’un titre exécutoire ou d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire, quel est le comptable public assignataire de la dépense (L. 25).
Ces obligations sont sanctionnables par une astreinte, pour les forcer à agir, sans préjudice de dommages-intérêts (L. 24, al. 2) et, éventuellement, par la mise à leur charge des causes de la saisie (L. 24, al. 3).

2) L’aide des autorités judiciaires
            - Le ministère public doit apporter son aide au créancier et à l’huissier de justice. Il le fera d’abord au titre de sa mission générale de veiller à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires, par exemple, en enjoignant aux huissiers de son ressort de prêter leur ministère et en poursuivant d’office l’exécution des décisions dans les cas qui intéressent l’ordre public (art. L. 11 et 12). Il le fera ensuite au titre de sa mission particulière aux voies d’exécution qui consiste à rechercher les informations nécessaires aux poursuites (art. L. 39 à 41) ; mais cette mission particulière est limitée à l’adresse du débiteur, de son employeur, et à la localisation de ses comptes ; l’huissier doit le requérir à cet effet et être diligent par lui-même, car il n’entre pas dans les attributions du Parquet de se substituer à l’huissier ; le ministère public peut même enjoindre à l’huissier de procéder à des recherches complémentaires (D. 54).
            - C’est ensuite le juge de l’exécution, mais, on l’a dit, il n’intervient pas comme agent d’exécution. Il intervient en cas de difficultés relatives aux titres exécutoires, en cas de contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution, pour autoriser des mesures conservatoires et statuer sur les contestations qu’elles suscitent ; il peut aussi statuer sur les demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. Il a compétence exclusive.

3) Le concours de la force publique
            En cas de difficultés matérielles, l’huissier empêché d’accomplir sa mission peut solliciter le concours de la force publique par requête adressée au préfet. En cas de refus de concours de la force publique, le créancier aura droit à réparation (L.16).
 c) la diversification des procédures
             Le législateur a recherché des mesures d’exécution forcées adaptées à la composition des patrimoines d’aujourd’hui. D’où des saisies spécifiques pour les valeurs mobilières et les droits d’associés, les véhicules terrestres à moteur, l’adaptation de la saisie-attribution aux comptes bancaires, la saisie des meubles corporels placés dans un coffre-fort, etc.

XXX

            Les travaux de notre journée vont nous permettre de confronter le droit d’aujourd’hui aux promesses d’hier, à plusieurs points de vue :
- d’abord, quant aux acteurs de l’exécution forcée, essentiellement le JEX et l’huissier : les a-t-on confortés dans leurs missions ?
- ensuite, dans quelle mesure l’effectivité affirmée du droit à l’exécution forcée a-t-elle été maintenue, voire confortée ? N’y a-t-il pas des stratégies de contournement, qu’elles soient européennes ou nationales, par exemple le surendettement ?
            Je suis certain que nos orateurs du jour sauront répondre à ces interrogations.

          



[1] Emmanuel Guinchard, La conception française de la territorialité de l’exécution en danger,  Mémoire de DEA de droit international privé, sept. 1998, Université Paris 2, sous la direction de Madame le Professeur Hélène Gaudemet-Tallon.
[2] Claude Brenner, in Lamy, Droit de l’exécution forcée, n° 105-65.
[3] CEDH, 26 sept. 2006, Soc. de gestion du port de Campoloro et Soc. fermière de Campoloro c/ France, Gaz. Pal. 27 mars 2007, note Didier Linotte.
[4] CEDH, 22 juin 2004, Pini c/ Roumanie.

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