vendredi 15 décembre 2017

RÉFORMER LA PROCÉDURE CIVILE: VITE MAIS BIEN!



RÉFORMER LA PROCÉDURE CIVILE,
 VITE … MAIS BIEN[1] !
RÉPONSE AU QUESTIONNAIRE DE LA CHANCELLERIE
4 DÉCEMBRE 2017

SOMMAIRE
I – PROLÉGOMÈNES
II – ÉTABLIR UN PACTE DE CONFIANCE ENTRE LE JUGE ET LE CITOYEN JUSTICIABLE
A)     PREMIER PILIER : RÉÉQUILIBRER L’APPORT RESPECTIF DES FAITS ET DU DROIT ENTRE LES PARTIES ET LE JUGE
B)     DEUXIÈME PILIER : CONSACRER SOLENNELLEMENT, DANS LE CODE DE PROCÉDURE CIVILE, LE PRINCIPE DE LOYAUTÉ
C)     TROISIÈME PILIER : ÉCARTER TOUTE MESURE D’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ DE LA JUSTICE PAR LES HABITANTS DU RESSORT
III – CONFORTER LES DROITS FONDAMENTAUX DES JUSTICIABLES
A)     L’EXAMEN DES PROPOSITIONS À L’AUNE DU DROIT À UN JUGE
a)      Les propositions qui pourraient altérer ce doit
b)      Les mesures qui pourraient altérer l’effectivité du droit à un juge
§ 1 La dématérialisation des écritures ?
§ 2 Le recours aux MARD ?
§ 3 Les modes de saisine des juridictions ?
§ 4 La généralisation de la procédure écrite ?
§ 5 La généralisation de la représentation obligatoire ?
§ 3 La généralisation de l’exécution provisoire ?
B)     LE DROIT À UN BON JUGE
a)      Le respect du contradictoire
b)      Les obstacles à un règlement simplifié des incidents de compétence ?
§ 1 La solution rejetée par la commission Guinchard
§ 2 Un autre système ?
c)       Le rôle du juge de la mise en état
C)     LE DROIT À L’EXÉCUTION DE LA DÉCISION DU JUGE
§ 1 La question sur le concours de la force publique
§ 2 La question sur la médiation au stade de l’exécution


I - PROLÉGOMÈNES[2]
1)      Le code de procédure civile de 1976 a été préparé par des commissions et groupes de travail qui ont siégé en toute sérénité et sans précipitation, pendant de longues années, pour aboutir à un code rédigé par des plumes doctrinales averties des concepts procéduraux (on pense, dans l’ordre alphabétique et sans que l’énumération soit limitative, à Gérard Cornu, Jean Foyer et Henry Motulsky) et confortées dans leur vision d’un code moderne, harmonieux et équilibré, par des magistrats comme Jean Buffet, P. Francon et Claude Parodi et d’autres professionnels de la justice (le président Fontaine, avoué à Dijon). Ce fut aussi le cas (avec un délai réduit à 6 mois) pour les deux commissions les plus récentes qui ont eu à réfléchir, partiellement au moins, sur le thème proposé aujourd’hui (commission dite Guinchard sur L’ambition raisonnée d’une Justice apaisée »[3] et commission dite Delmas-Goyon sur La Justice du XXIème siècle-Les juges[4]).
2)      Mais je ne suis pas de ceux qui vivent éternellement dans le culte du passé et le souvenir des heures « glorieuses » de ces années-là (les années 60-70), qu’il s’agisse des réformes de droit substantiel (on pense à Jean Carbonnier) ou de droit procédural (on pense à Henry Motulsky). Droit procédural écrivons-nous, car le droit processuel n’était que naissant au début des années 60, tout au moins dans le sens que la doctrine la plus moderne lui donne aujourd’hui, celle qui s’appuye sur les droits fondamentaux du procès et le procès équitable de l’article 6 de la Convention EDH[5].
3)      Sous ce regard, envisager de réformer la procédure civile, avec pour objectif sa simplification, est louable et cet objectif doit être soutenu, mais l’atomisation des questions posées et leur inégale intérêt, laissent perplexe : ainsi, des questions (majeures) sur les principes directeurs, la représentation obligatoire ou pas, la suppression ou pas des procédures orales, l’évaluation du travail des juges par les citoyens, côtoient des questions de moindre importance pour les justiciables, sur la signature électronique des jugements ou le développement du recours aux formations mixtes ou plénières des TGI et des cours d’appel, pour ne citer que ces exemples. C’est en effet aux justiciables qu’il faut toujours penser et qu’il faut mettre non pas au cœur, mais au centre du système judiciaire, car le cœur, comme dans une centrale nucléaire, c’est celui que constituent les juges, le personnel des juridictions et les auxiliaires de la justice, qui font « tourner la machine » ! Quelle ratio legis sous-tendra la réforme ? Selon la nature et la qualité de l’attention accordée aux uns et/ou aux autres, les réponses peuvent être différentes.
4)      Tout projet politique de réforme touchant à la Justice (et c’est le cas de la procédure civile) se doit de porter une vision politique forte. C’est d’ailleurs une nécessité pour tous ceux qui entendent réformer, aujourd’hui comme hier : il faut être à la fois un visionnaire et un gestionnaire[6]. Pour ce qui concerne la procédure civile, matière technique et aride s’il en est, la lecture attentive du questionnaire qui nous a été adressé, malgré son classement thématique, laisse percer la préoccupation majeure, quasi exclusive, de ses rédacteurs (ce n’est pas un reproche) : gérer les flux des contentieux (pas toujours croissants), à budget « contraint » comme on dit en vocabulaire de la techno-structure, c’est-à-dire, restreint. Cela, c’est l’aspect gestionnaire ; loin de nous l’idée d’en nier l’importance en période budgétaire difficile pour notre pays. Comme je le disais en note, quelques lignes plus haut, j’ai eu à gérer des budgets contraints, mais il faut adosser cet objectif de gestion des flux à une vision à long terme, celle qui permettrait de donner à la réforme envisagée d’autres objectifs, différents de ceux des codes qui ont précédé la réforme à venir, mais forts. Un bref rappel historique est donc nécessaire, pour connaître les besoins du passé afin de mieux mettre en perspective ceux de notre temps.
5)      Sans remonter au code d’Hammourabi de Babylone ou au droit romain ou à l’époque franque, l’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye d’avril 1667 (appelée code Louis, pour Louis XIV, voire Code civil) avait poursuivi deux objectifs : d’une part, unifier les règles applicables dans tout le royaume et, d’autre part, mieux distinguer la procédure civile de la procédure pénale ; on conviendra que ces deux objectifs sont obsolètes (encore que, mutatis, mutandis, des règles européennes de procédure civile peuvent s’appliquer à des litiges transfrontaliers, mais pas à des litiges « nationaux » et donc coexister sur le territoire national). On a reproché à cette ordonnance son manque d’audace, puisqu’elle avait adopté le principe d’une procédure orale et non pas écrite, qui aurait été plus savante, thème qui reste d’actualité, 350 ans après.
6)      Les ambitions du code d’avril 1806 (entré en vigueur le 1er janvier 1807) étaient plus modestes : avec le double d’articles (1042 contre 502) et malgré quelques innovations intéressantes, il était la copie conforme de l’ordonnance de 1667, un code de formalités à accomplir. D’où son nom de code de procéduriers, comme le code de commerce fut appelé le code des boutiquiers ! Il avait au moins le mérite de redonner vie à une procédure connue des professionnels de la justice, donc d’introduire un peu de sérénité après une période agitée. Gérard Cornu avait fait remarquer que Napoléon, en militaire qu’il était, avait voulu ne pas bouleverser le front procédural (= l’intendance de la justice), pour mieux faire passer ses réformes de fond (essentiellement code civil et code pénal).
7)      Le code applicable depuis le 1er janvier 1976, n’a pas subi la concurrence frontale de la réforme du code civil ou du code commerce, puisque l’essentiel des grandes réformes civilistes fut rédigé par le doyen Carbonnier dans les années 1960, jusqu’en 1972 environ (loi de janvier sur les successions) ; de même, pour la réforme du droit commercial substantiel avec la loi de 1966 sur les sociétés et celle de 1967 sur la « faillite ». On s’accorde à dire que c’est un code rédigé clairement, avec la précision technique du vocabulaire juridique et, souvent, le souci de définir les expressions utilisées (v. articles 30 43, 53, etc.). C’est un code qui instaure de nouvelles relations entre le juge et les parties, à base de dialogue (encore un problème d’actualité), mais aussi de pouvoirs accrus du juge, un code qui a su offrir des circuits procéduraux souples et variés. Un code d’harmonie comme le sont les symphonies de Robert Schumann, un « code Cornu »[7], l’exemple d’une codification réussie, avec une unité de pensée et de plume, celle du Doyen G. Cornu, qui a beaucoup contribué à faire passer un souffle nouveau sur le droit procédural, à forger une force doctrinale au service de la pratique et de ses problèmes quotidiens[8].
8)      Il est toutefois intéressant de relever, dans la perspective d’être complet et objectif dans cette recherche d’un fil conducteur à toute réforme qui ambitionne de simplifier la procédure civile, qu’un auteur (un seul à notre connaissance) a eu une vision plus pessimiste des bienfaits du code de 1976. Raymond martin[9] a écrit[10] : « le nouveau code ne m’a jamais convenu. Dès les premiers décrets préparatoires, j’y ai vu une dérive vers un totalitarisme judiciaire... Pour moi, le nouveau code n’innovait pas, il perfectionnait une déviation de longue date et l’érigeait en système... Le NCPC a été un accident de l’histoire. Il a dessiné un procès civil qui n’est pas celui de notre époque, démodé alors qu’il naissait. Mon ambition est de poser les linéaments d’un possible procès revu et corrigé, celui d’une société libérale ».
9)      Quarante ans ont passé et, pour rechercher le « souffle » à donner à une réforme de la procédure civile, il faut se souvenir que la procédure civile ne peut plus être envisagée uniquement comme un corps de règles techniques permettant de conduire (ou de subir) un procès pour obtenir la consécration de ses droits par un jugement opposable à tous. Ce procès doit être conduit dans le respect des libertés et droits fondamentaux des parties et des tiers. Dès lors, chaque règle technique, même d’apparence insignifiante comme le sont, par exemple les règles de forme, doit être rattachée à un principe fondamental de protection de nos libertés ; si ce principe ne peut être trouvé, on doit alors s’interroger sur la nécessité du maintien de la règle, car la procédure civile, comme toute procédure, si elle est une « technique d’organisation du procès », elle ne peut être que cela. Sous ce regard, elle est au service d’une cause qui la dépasse et la transcende, elle est culture. On rejoint ici l’observation du jurisconsulte Thouret qui, à propos de la procédure à suivre devant les juges de paix disait, à la tribune de l’Assemblée constituante (à propos de la discussion de la loi du 26 octobre 1790), qu’il fallait « des formes expéditives, très peu dispendieuses et qui fassent arriver au jugement sans que l’on s’en soit aperçu, pour ainsi dire qu’on ait fait une procédure ». Bref, une procédure qui s’efface ! Et une démocratie procédurale qui se profile à l’horizon.
10)  En conséquence, au-delà du devenir règlementaire des réponses qui seront apportées au questionnaire, plus exactement de l’exploitation qui en sera tirée par ceux qui auront la lourde charge de les lire et de les synthétiser (en auront-ils le temps ?), je pense qu’il faut replacer l’ambition d’une procédure civile simplifiée à la fois dans le contexte d’un droit du procès rénové et dans le souci de préserver les droits fondamentaux du justiciable, notamment des plus démunis (problème de leur accès au droit et à la Justice).
11)  C’est pourquoi, j’ai choisi de ne pas répondre à toutes les questions, d’autant plus que certaines concernent le fonctionnement interne des juridictions (par exemple, le recours aux formations mixtes ou plénières au sein des TGI et CA, la visioconférence) pour lesquelles je ne me sens pas légitime à émettre un avis. Et que le procédé est trop réducteur, peut susciter des malentendus et des interprétations erronées, parce que répondre dans des cases préétablies ne permet pas d’exprimer sa pensée avec les nuances nécessaires pour être bien compris.
12)  J’ai donc choisi d’en sélectionner quelques-unes pour les mettre en perspective, dans une vision globale et, je l’espère, cohérente, d’une réforme de la Justice sous le prisme de la procédure civile, orientée autour de deux axes :
-          Établir un pacte de confiance entre le juge et le citoyen-justiciable (II) ;
-          Conforter les droits fondamentaux du justiciable (III).
13)  Ces deux axes traduisent l’influence d’un triple mouvement qui conduit la justice vers ce que j’ai appelé une « démocratie procédurale »[11], avec de nouveaux principes structurants qui forme les trois piliers des procès de demain, non sans lien avec la « légitimité démocratique » de Pierre Rosanvallon[12]. Ces trois principes expriment trois besoins :
-          Un besoin de confiance et de respect de l’Autre par le principe de loyauté ;
-          Un besoin d’écoute de l’Autre par le principe du dialogue ;
-          Un besoin de proximité temporelle (pas nécessairement géographique) par le principe de célérité ; le facteur temps a remplacé celui de l’espace.
Ce sont ces principes qu’un haut-magistrat a souhaité qu’ils soient inscrits « en lettres d’or aux frontons des palais de justice »[13]. Puisse-t-il être entendu par les réformateurs du jour.

II – Établir un pacte de confiance entre le juge et le citoyen justiciable

Ce chantier – je le crois intensément – doit être l’occasion de (re)construire un pacte de confiance entre le justiciable et son juge. Je dis bien « son » juge et non pas un juge, être désincarné dans une société de robots, pour souligner le caractère humaniste de la Justice, qu’il nous appartient de préserver au-delà des préoccupations quotidiennes des gestionnaires, préoccupations certes respectables, mais secondaires au regard de cette relation ainsi qualifiée de « pacte de confiance », qui tisse le lien social dans le champ qui la concerne, celui du droit et du règlement des conflits et des litiges. Au-delà du juge, c’est la Justice comme institution qui est concernée. Dans le domaine de la procédure pénale qui m’est aussi chère que la procédure civile[14], Pierre Rosanvallon a montré que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents publics est fonction des qualités de « justice procédurale » attachées à leur comportement. En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984 à Chicago auprès d’individus ayant eu personnellement maille à partir avec la police et la justice », il résulte que « ces individus ont un regard sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature des sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus dépendait évidemment, au premier chef, du verdict prononcé, leur appréciation de la légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre critère : celui de la perception de l’équité du procès »[15]. L’équité de la procédure légitime le fond d’une sentence. Ce qui vaut pour la procédure pénale vaut pour la procédure civile.
Ce pacte de confiance repose sur trois piliers : rééquilibrer l’apport du fait et du droit entre les parties et le juge (A), affirmer solennellement dans le code de procédure civile le principe de loyauté (B) et, enfin, écarter toute mesure « d’évaluation par les habitants d’un ressort de la qualité de la justice » (C).
A)     Premier pilier : rééquilibrer l’apport respectif des faits et du droit entre les parties et le juge
C’EST LA RÉPONSE à la question (dans le chapitre sur les principes directeurs et mixée avec celle sur l’élargissement des fins de non-recevoir que le juge pourrait « soulever »[16] d’office) « le juge doit-il avoir l’obligation de soulever[17] d’office un moyen de pur droit ? »
Évidemment oui !
La première mesure à prendre pour restaurer la confiance des citoyens dans leur justice, pour créer ce pacte de confiance que nous préconisons, est de revenir à l’essence de ce qu’avaient souhaité les rédacteurs du code de 1976 en rédigeant ses principes directeurs, en l’occurrence son article 12. Le moindre qu’on puisse exiger du juge est que, conformément à l’alinéa 1er de ce texte « il tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » et que (al. 2) « il doit donner ou restituer leurs exactes qualifications aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Il faut briser cette malheureuse jurisprudence initiée par l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 21 décembre 2007, que tout spécialiste de procédure connaît, mais dont il n’est pas inutile de rapporter ici les termes (pour les autres) : « si l'art. 12 CPC oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ».

a) À la vieille formule « donne-moi le fait, je te donnerai le droit », il faut substituer la maxime : « donne-moi des faits juridiquement qualifiés » (parce que c’est déjà le cas avec l’assignation et les écritures qualificatives) « et je te rendrai en retour le droit vrai », certes celui que je pense être vrai, mais dont j’ai l’obligation de rechercher le contenu et son application à l’espèce, si nécessaire par la requalification de la dénomination et du fondement juridique des demandes.
   
b) Cinq raisons justifient ce retour à la règle pourtant énoncée clairement par l’article 12 :
1)      Raison de qualité de la justice rendue : si la France veut progresser dans le classement du tableau de bord de la Justice établi chaque année par la Commission européenne, elle doit s’inspirer du modèle allemand dans lequel le juge doit non seulement qualifier et requalifier, mais aussi poser des questions aux parties en vue de clarifier les faits et les demandes ou défenses si cela s’avère nécessaire et donner aux plaideurs les indications nécessaires s’il constate que leurs prétentions sont insuffisamment précises ou mal formulées (cf. § 139, ZPO).
2)      Raison intellectuelle : changer la dénomination ou le fondement juridique d’une demande, c’est encore qualifier, c’est même qualifier à la puissance deux ! La solution retenue en 2007 va à contrecourant de la jurisprudence européenne et de celle des pays voisins. La Belgique[18] et le Luxembourg[19] ont posé explicitement l’existence d’un devoir pour le juge de requalifier les faits litigieux et de relever d’office les moyens de de droit applicables au litige. La Cour de justice de l’UE a balisé ce devoir par plusieurs arrêts, allant tous vers un accroissement des pouvoirs du juge national dans l’application d’office du droit de l’UE : le 14 décembre 1995, elle juge que s’il revient au droit national de déterminer les hypothèses dans lesquelles le juge national doit relever d’office le moyen tiré de l’application du droit de l’UE, c’est à la condition que les modalités procédurales nationales ne soient pas moins favorables pour ce droit que celles concernant des recours similaires de nature interne[20]. Le même jour elle ajoutait que ces modalités procédures nationales ne doivent pas rendre en pratique impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’UE[21]. Allant plus loin, la Cour de justice, en 2002, admet que, dans l’hypothèse où un droit national interdirait au juge de relever d’office une règle d’ordre public de protection (en droit de la consommation), à l’expiration d’un délai de forclusion, le juge a la faculté de relever d’office ce moyen[22]. Enfin, en 2009 et 2013, pas supplémentaire en matière de clauses abusives. Elle pose un devoir pour le juge national d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle[23] et de relever les moyens de droit nécessaires à la sanction d’une clause abusive[24].
3)      Raison d’éviter que les citoyens ne se fassent justice à eux-mêmes en découvrant que leur juge n’a pas respecté ce pacte de confiance qu’on préconise en violant une règle qui participe de l’État de droit.
4)      Raison d’égalité entre les citoyens : à suivre la solution de 2007, le juge n’a pas l’obligation de requalifier, mais il peut le faire, au gré de son humeur ! Il y a donc rupture d’égalité entre les justiciables, selon que le juge requalifie ou pas.
5)      Raison d’équilibrer les relations entre le juge et les parties : aux obligations nouvelles qui ont été mises à la charge des parties en matière de qualification juridique des faits, doit correspondre l’obligation de changer les qualifications inexactes, les dénominations et fondements juridiques inadaptés à l’espèce. La notion d’équilibre qui participe de l’essence du procès équitable (aequus ce n’est pas l’équité, mais un procès équilibré, loyal, que l’équivalent anglais dans la traduction de l’article 6 de la Convention EDH, montre mieux : « équitablement » est traduit par « fair », comme dans le fair play britannique) doit être comprise comme une pyramide à plusieurs étages et c’est le cumul de tous ces étages qui permet de respecter le déséquilibre entre le juge et le justiciable ; que l’un vient à manquer et c’est l’ensemble de l’édifice qui s’effondre et fait perdre au justiciable sa confiance dans le service public de la justice.
- Au 1er étage on a l’arrêt Césaréo du 7 juillet 2006, rendu par la Cour de cassation en Assemblée plénière et que nous avons approuvé au nom du principe de loyauté[25] : « il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci » et, s’il introduit une seconde demande sur un autre fondement juridique « il ne peut être admis à contester l’identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ».
- Au 2ème étage, on a l’arrêt précité d’une autre Assemblée plénière, celui du 21 décembre 2007 qui fait débat et qui rompt l’équilibre entre les parties et le juge, puisque ce dernier n’a pas l’obligation d’apporter le droit.
- Au 3ème étage, on a l’appel, voie de réformation et son éventuelle suppression, par une limitation draconienne des conditions d’ouverture de cette voie de recours ; au cas où l’on irait plus loin que le droit positif actuel, cela constituerait un deuxième motif de déséquilibre et de rupture du pacte de confiance. Non seulement le justiciable aurait dû apporter le droit, que le juge n’a pas l’obligation de relever d’office, mais en plus son droit d’appel serait limité.
-  Au 4ème étage, on a l’effet suspensif de l’appel et l’exécution provisoire sur décision du juge et non pas de plein droit (sauf exception) ; même cause de déséquilibre si l’on devait généraliser l’exécution provisoire de plein droit en supprimant l’effet suspensif de l’appel (voir infra). Cette fois, non seulement le justiciable aurait dû apporter le droit, que le juge n’a pas l’obligation de relever d’office, mais en plus son droit d’appel serait limité et, sanction injuste et finale, il serait obligé d’exécuter la décision de première instance !
c) La rédaction pourrait être la suivante en ajoutant une phrase à l’article 12, al. 2 : « en tant que de besoin, il [le juge] a l’obligation de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes » [ou : « s’il les estime inexacts », à la place « d’en tant que de besoin »]. 
Première pièce jointe sur l’article 12, CPC : article aux mélanges G. Wiederkehr, Dalloz 2008 « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée ».
B)     Deuxième pilier : consacrer solennellement, dans le code de procédure civile, le principe de loyauté
Cela concerne les deux volets de la question « comment renforcer la pleine coopération des parties au bon avancement du procès ? »
a) Faut-il affirmer un principe de loyauté dans la conduite du procès ?
b) Une amende civile doit-elle pouvoir être prononcée en cas de difficultés, au-delà de l’hypothèse de l’action dilatoire ou abusive (article 32-1 du CPC) ?

RÉPONSE SUR le b) d’abord : quel intérêt à susciter des contentieux sur la notion de « difficultés », alors que les juges répugnent déjà à prononcer des amendes civiles ?
RÉPONSE SUR le a) ensuite : vaste programme et controverse, même si le signataire de ces lignes a préconisé dès 1999 cette consécration, avant qu’un haut-magistrat déjà cité (M. le Premier président Magendie) ne souhaite qu’on inscrive ce principe « en lettres d’or aux frontons des palais de justice »[26] et que l’idée ne soit reprise en 2013 parmi les propositions du rapport Delmas-Goyon. En renvoyant à d’autres de nos écrits pour un argumentaire complet (copie jointe)[27] et en n’ignorant pas que la culture du mensonge est encore profondément ancrée dans nos mœurs[28], on peut résumer les arguments en faveur de cette consécration par 10 constatations ou considérations :

1) Le Conseil de l’Europe le consacre déjà en le visant dans sa recommandation n°(95) 5 du 7 février 1995.

2) Les Principes de procédure civile transnationale aussi en prévoyant que la partie qui a agi de mauvaise foi pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut être condamnée au paiement d’une amende (Principes 11, 17 et 25).

3) Le nouveau Code de procédure civile du Québec, promulgué en décembre 2015[29] pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2016, consacre de nouveaux principes procéduraux, notamment l’obligation de bonne foi qui pèse sur les parties au cours de l’instance (art. 19). Une application en a été faite par la cour d’appel du Québec qui dénonce et condamne une stratégie, qui, tout en se fondant sur la possibilité offerte par le code de suspendre une instance au titre d’un incident prévu à l’article 32 de ce code, se caractérise en réalité par la volonté de retarder l’issue du procès « en rattachant l’examen d’un recours, fort simple, en garantie de qualité du vendeur à une instance très complexe portant sur des fondements juridiques et factuels différents, qui s’enlise et qui risque fort de perdurer pendant bien des années » ; le comportement est jugé déloyal et contraire à « une nouvelle culture judiciaire qui s’impose » avec le nouveau code[30].

4) L’affirmation existe encore en droit belge : outre la doctrine[31], la Cour de cassation belge a jugé le 27 novembre 2014 « qu’en vertu du principe de loyauté qui s’impose aux parties dans le déroulement d’une procédure civile, une partie qui change de domicile ou de résidence au cours d’une procédure est tenue d’en informer les autres parties à la cause » d’où le rejet de son pourvoi pour déloyauté)[32].

5) La consécration est déjà inscrite dans le droit français de l’arbitrage (art. 1464, al. 3, CPC : « les parties et les arbitres agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure ») ; pour le procès devant les juridictions judiciaires, point ne serait besoin de viser le juge puisque l’exigence de sa loyauté est déjà inscrite dans son obligation d’être indépendant et impartial.

6) Elle est aussi inscrite dans le code des procédures civiles d’exécution : à l’article L. 123-1 C. proc. civ. d’exécution qui fait obligation aux tiers d’apporter leur concours aux procédures d’exécution, sauf motif légitime[33]. De même, dans l’article R. 211-5, à propos de l’obligation d’information qui pèse sur le tiers saisi dans le cadre de la saisie-attribution.

7) En jurisprudence, pour l’administration de la preuve, et pour faire simple, dans un arrêt du 7 janvier 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a solennellement reconnu son autonomie par rapport au principe de la contradiction, en affirmant « qu’il résulte des articles 9, C. proc. civ., 6, § 1 Convention EDH et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, que l’enregistrement d’une conversation téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve »[34]. Franchissant un degré de plus dans son exigence d’un débat loyal dans l’administration de la preuve, la première chambre civile sanctionne une situation dans laquelle la preuve n’avait pas été obtenue à l’insu de la partie à laquelle elle était ensuite opposée, sans stratagème[35].

8) Toujours en jurisprudence, le principe de loyauté procédurale tend à acquérir une importance procédurale autonome, au-delà du domaine de la preuve, dans les comportements des parties. Nombreuses sont les hypothèses où les juges ont sanctionné, au nom de ce principe, des comportements déloyaux, des manœuvres des parties.

a) L’émergence du principe de loyauté trouve ses racines processuelles dans l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, (qui est une forme de l’obligation de loyauté) avec l’interdiction, en cassation, de soutenir un moyen contraire à ses précédentes écritures[36].

b) C’est surtout avec l’introduction de l’estoppel en droit français, que la cour de cassation impose aux parties une loyauté minimale, sans leur interdire des stratégies procédurales successives[37].

c) L’émergence du principe de loyauté se prolonge encore dans la sanction de comportements procéduraux jugés déloyaux, sans qu’il soit besoin que la partie se contredise. D’ailleurs, l’article 763, al. 2, C. pr. civ., énonce que le juge de la mise en état « a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure » ; au visa de ce texte et/ou de l’article 15, la cour de cassation rappelle régulièrement que, pour ne pas favoriser la déloyauté des débats, les juges du fond doivent répondre aux conclusions qui sollicitent le rejet des écritures tardives, que ces conclusions aient été déposées avant ou après le prononcé de l’ordonnance de clôture. Au-delà du droit de la preuve, le débat judiciaire doit être loyal et chacun doit apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, sans essayer de jouer sur les mécanismes procéduraux pour échapper à son juge[38]. Une première série de comportements traduit la ruse d’une partie, qui garde un silence tactique sur ses moyens de droit, en demande comme en défense[39].
- Ainsi, dans le cas d’une femme marocaine divorcée selon la loi française, qui ne demande pas l’application de la loi marocaine (obligatoire, en raison d’un traité franco-marocain, lorsque les deux époux sont de la même nationalité marocaine et du caractère indisponible des droits), ni en première instance, ni en appel, réservant ce moyen pour la Cour de cassation, parce qu’elle a perdu dans son affaire de divorce. N’y a-t-il pas violation d’une obligation de bonne foi processuelle ? N’est-ce pas une déloyauté que d’attendre d’arriver en cassation pour invoquer un moyen qui aurait pu l’être utilement dans les instances précédentes ? À l’époque (1996), la Cour de cassation n’aurait-elle pas pu sanctionner cette déloyauté par le rejet du pourvoi ?[40] Au-delà de ce cas particulier, avec la nouvelle jurisprudence sur le principe de concentration des moyens, la partie qui ne fait pas état de tous ses moyens de droit dès la première instance, risque de se voir opposer la nouvelle jurisprudence de l’Assemblée plénière du 7 juillet 2006, sur l’autorité de la chose qui n’a pas été jugée : pas de possibilité de réintroduire une nouvelle instance sur les mêmes faits avec un moyen de droit nouveau et, depuis le décret du 20 août 2004, possibilité pour le juge de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée[41]. Dans ces hypothèses, on trouve donc, comme pour l’estoppel, le double souci d’économie procédurale et de loyauté des comportements : « ce dernier étant désormais perçu, à travers le premier, comme un principe directeur du procès, assurant la gouvernance de celui-ci en conjuguant efficacité procédurale et procès équitable »[42].
- La déloyauté peut aussi se manifester dans un comportement tactique au sujet de ses moyens de défense. Ainsi d’un plaideur d’avancer successivement dans la même procédure deux prétentions incompatibles de manière à interdire à l’autre partie de faire valoir son droit et contraindre le juge à statuer conformément à son intérêt ; pour être critiquable, ce comportement ne relève pas de l’estoppel, mais de la violation d’une obligation de loyauté qui dépasse l’institution dont il est ici question[43].
- Dans d’autres hypothèses, ce sont de véritables manœuvres frauduleuses à l’encontre de l’adversaire qui caractérisent la déloyauté procédurale, notamment dans le domaine des droits de la défense ; la loyauté devient une qualité d’honnêteté dans le contradictoire, puisque le juge doit, par exemple, sanctionner une partie qui déposerait au dernier moment, par deux fois, des conclusions tardives et ne communiquerait ses pièces que tardivement aussi[44] ; ou qui ne s’expliquerait pas sur l’absence au dossier des pièces figurant dans le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions[45].

9) Tous ces exemples jurisprudentiels et de consécrations règlementaires partielles démontrent que le moment est venu de cristalliser ce mouvement en inscrivant ce principe dans le code.
10) Une dernière raison trouve sa source dans la réponse à la question suivante sur l’évaluation de la justice par les citoyens.

Deuxième pièce jointe : extrait du principe de loyauté dans le précis Dalloz de procédure civile, 9ème édition, janvier 2017.

C)     Troisième pilier : écarter toute mesure d’évaluation de la qualité de la justice par les habitants d’un ressort
Réponse à la question : « seriez-vous favorable à une évaluation par les habitants d’un ressort de la qualité de la justice ? »
Certainement pas. 
  Prima facie, on est tenté de penser que les rédacteurs de la question se sont, eux aussi, inspirés de la pensée de Pierre Rosanvallon ! En effet, dans le deuxième volet de son enquête sur les mutations de la démocratie au XXIème siècle, Pierre Rosanvallon propose une histoire et une théorie de cette « révolution de la légitimité »[46]. L’idée est ainsi exposée dans la présentation de l’ouvrage[47] : « l’élection ne garantit pas qu’un gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste. Le verdict des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en ont de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l’idée de volonté générale s’est ainsi imposée. Un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire ». Un pouvoir démocratique « doit se plier à un triple impératif de mise à distance des positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité), de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de réflexivité) et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de proximité) ».
Mais la transposition relèverait d’une grave confusion et serait source d’un grand danger pour notre démocratie.
Grave confusion, car Pierre Rosanvallon parle d’un pouvoir démocratique élu, d’un gouvernement issu du verdict des urnes (donc au niveau national), qui doit se ressourcer au-delà de ces urnes en acceptant des épreuves de validation, concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire. Ici, il est question d’un niveau local (le « ressort ») pour juger de l’activité de juges qui ne sont pas élus.
Grand danger, car la mesure serait la voie ouverte au populisme, aux dénonciations des juges dans des affaires où il y a toujours un mécontent (le perdant), nonobstant la qualité de la procédure suivie et du jugement rendu. Notre pays a connu les heures sombres de l’occupation allemande, les dénonciations de Français par d’autres Français. Épargnons-lui le déshonneur que la nuit et le brouillard ensevelissent de leur linceul ces juges qui accomplissent leurs missions sereinement et en toute loyauté, d’où l’importance de consacrer ce principe dans le code pour la conduite des procès.
La solution à l’évaluation de la justice ne peut être que d’ordre macro-économique, par des études de statistiques comparatives entre les juridictions, par des audits internes à l’institution.
Pour le reste, c’est-à-dire au niveau micro-économique de la responsabilité personnelle des juges, des mécanismes existent qui les mettent à l’abri de la vindicte des justiciables tout en apportant des solutions à l’indemnisation de ceux qui sont victimes d’un dysfonctionnement du service public de la justice[48]. Tout ceci est perfectible et nous ne sommes pas le dernier à proposer quelques pistes, mais, de grâce, le pacte de confiance que nous proposons ne passera pas par ce type d’évaluation. Bien au contraire, il le tuera. 
           
III – Conforter les droits fondamentaux des justiciables

            Nous reprendrons ici (en nous limitant à certaines des questions posées) le schéma du triptyque que nous avons dégagé dans d’autres écrits pour synthétiser les garanties d’un procès équitable : droit d’accès à un juge (A), droit à un « bon » juge par des garanties institutionnelles et procédurales (B) et droit à l’exécution des jugements (C).

A)     L’EXAMEN DES PROPOSITIONS À L’AUNE DU DROIT À UN JUGE

a) Examen des propositions qui pourraient altérer ce droit

1)      Question : « identifiez-vous des tâches dont les juridictions judiciaires pourraient être déchargées ? »
Réponse : commencer par lister les propositions des commissions Guinchard (2008), Delmas-Goyon et Marshall (2013) et étudier celles qui pourraient encore être concrétisées. Mais je crois qu’on est arrivé « au bout du bout » en la matière.
Suggestion impertinente d’un ancien directeur de l’Institut des assurances de Lyon : ne faut-il pas s’inspirer, pour les litiges en droit de la construction, qui mettent en cause des professionnels, des compagnies d’assurances et des batailles d’experts, de la loi Badinter du 5 juillet 1985 sur la réparation des accidents causés par les véhicules à moteur ?

2)      Question : « faut-il déléguer à un tiers autre que le juge le pouvoir de conférer force exécutoire à des accords ? »
- Aux conciliateurs de justice, aux médiateurs, aux avocats, huissiers de justice et notaires ?
- Si oui, à quelles conditions ?
RÉPONSE :
- Aux officiers ministériels qui confèrent aux actes leur authenticité, certainement, avec la prudence que l’huissier « certificateur » de cette force exécutoire, ne devrait pas pouvoir procéder à l’exécution de cet acte (principe d’impartialité). Il faut mentionner ici que dans une affaire assez particulière où un huissier de justice, trésorier de la chambre nationale et membre du bureau de cette chambre, chargé de la gestion du patrimoine et des intérêts financiers de celle-ci, avait été mandaté par elle pour signifier une assignation en référé aux fins d'expulsion et de paiement d'une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation et au visa de l'article 6, § 1er Convention EDH, la Cour de cassation a jugé que « l'huissier de justice est tenu, lorsqu'il agit en tant qu'officier public, délégataire de l'État dans l'exercice de sa mission d'auxiliaire de justice, d'une obligation statutaire d'impartialité et d'indépendance » ; dans l'espèce en question, « sa qualité est de nature à faire naître un doute raisonnable, objectivement justifié »[49].
- Aux conciliateurs de justice et aux médiateurs, certainement pas : ils n’ont aucune légitimité « professionnelle » et n’offrent aucune garantie en la matière.
- Pour les avocats la réponse dépend ce celle qui sera apportée au devenir de l’acte contresigné par avocat. Elle est éminemment politique.

            b) Examen des mesures proposées qui pourraient altérer l’effectivité du droit à un juge

§ 1 – LA DÉMATÉRIALISATION DES ÉCRITURES

LES TROIS QUESTIONS SUR LA DÉMATÉRIALISATION DES PROCÉDURES

« Existe-t-il un obstacle à ce que la saisine de la juridiction de première instance s’effectue exclusivement par voie dématérialisée ? »
- à peine d’irrecevabilité ?
- par un acte électronique natif ou par un document numérisé ?
- faut-il maintenir la possibilité d’une saisine par voie papier adressée ou déposée au greffe ? Dans quelles hypothèses ?

Dans l’hypothèse d’une dématérialisation complète des procédures de la saisine à la notification des décisions, quels moyens mettre à disposition du justiciable non représenté pour lui rendre la procédure dématérialisée accessible et intelligible ?

La remise par la voie électronique par les avocats des actes de procédure et aux avocats des avis, avertissements et convocations remis aux avocats sera rendue obligatoire devant les TGI, pour la procédure contentieuse, au 1er septembre 2019. Faut-il généraliser cette dématérialisation aux autres procédures au sein du TGI (avec ou sans représentation obligatoire, gracieuse ou contentieuse) et aux autres juridictions, quelle que soit la procédure suivie ?

REMARQUE PRÉLIMINAIRE SUR LA DÉMATÉRIALISATION

Ma conviction profonde est qu’on ne peut s’opposer aux évolutions technologiques qui ont déjà révolutionné notre vie quotidienne (qui se passerait aujourd’hui d’internet ?) et qui, de toute façon, s’imposeront dans le monde de la justice de demain, au moins dans les grandes démocraties des pays développés. La révolution numérique est … en marche (sans jeux de mots) et il serait illusoire de vouloir s’y opposer ou la freiner : d’abord parce qu’on n’y arriverait pas, pas plus que les scribes n’ont pu s’opposer à l’invention de l’imprimerie ; ensuite, parce qu’un jour proche, la génération formée par et avec le numérique sera en situation de maîtriser l’outil dans tous les domaines de sa vie. En revanche, sur le plan de la sociologie de la population, tous les citoyens n’ont pas encore accès à internet, pour des raisons financières mais aussi techniques et intellectuelles. La société duale existe aujourd’hui ; autant éviter que l’écart se creuse. En attendant le croisement de ces deux lignes (celle de l’offre du numérique et celle de sa réception effective par tous les Français), il faut encadrer l’outil pour conforter les droits fondamentaux des justiciables, notamment ceux des plus démunis. C’est ce que font les deux Cours européennes, ainsi qu’il va être dit à l’instant, dans l’exposé de notre réponse.

RÉPONSE COMMUNE AUX TROIS QUESTIONS SUR LA DÉMATÉRIALISATION

Sur le plan juridique, les obstacles (à surmonter) au principe d’une généralisation de ce procédé de saisine proviennent d’une certaine jurisprudence de la CJUE pour les petits litiges et d’une autre de la Cour EDH sur le formalisme procédural. Quant à la sanction par l’irrecevabilité de la demande, quelle autre sanction, si les moyens techniques et financiers sont donnés à tous pour procéder par ce type de saisine ?
- Le droit de l’Union européenne encadre le recours à la dématérialisation, en considérant, par un arrêt de la CJUE du 18 mars 2010[50], consacré aussi à la question de la tentative obligatoire de conciliation, qui sera vue plus loin, que : "Les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’opposent pas non plus à une réglementation nationale qui impose, pour de tels litiges [ceux inférieurs à 4000 euros], la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire [….], pour autant toutefois que la voie électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à ladite procédure de conciliation."
- La jurisprudence de la Cour EDH incite à la prudence, sur ce terrain de l’effectivité du droit d’accès à un juge, car la Cour retient parfois, sous condition, le formalisme procédural comme un obstacle au droit à un tribunal. Sa jurisprudence peut être ainsi synthétisée. Le principe posé par la Cour EDH selon lequel « les limitations apportées au droit à un tribunal ne doivent pas restreindre l'accès ouvert aux justiciables d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même », vaut aussi pour les règles relatives aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours : « une interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une juridiction empêche, de fait, l'examen au fond du recours exercé par l'intéressé »[51]. Plusieurs décisions illustrent ce principe. Ainsi, la Cour EDH juge que le droit à un procès équitable, dont le droit d'accès à un juge, s'applique également dans le domaine particulier de la signification et de la notification des actes judiciaires[52]. Surtout, la Cour EDH affirme que si un code de procédure civile prévoit la possibilité de former une demande sous forme électronique, le greffe d'un tribunal ne peut pas refuser d'enregistrer 70 000 demandes gravées sur un DVD, en arguant du défaut d'équipement pour les traiter ; il y a atteinte substantielle au droit à un juge[53]. C'est reconnaître au formalisme toute sa place dans la garantie d'un procès équitable, par le biais des obstacles matériels à lever ; mais c’est aussi indiquer aux gouvernements nationaux qu’à vouloir généraliser la numérisation, il faut donner aux juges les moyens de traiter ce type de dossiers.
Sur le plan des solutions à apporter pour surmonter ces obstacles, il faut prévoir :
- soit la voie de la généralisation de la représentation obligatoire par un avocat, ce qui, entre autres problèmes (voir infra sur cette question), entraînera une explosion du budget de l’AJ et la question de son financement. Quid du défenseur syndical en matière prud’homale ?
- soit, dans la ligne de la jurisprudence citée de la CJUE, le maintien de la possibilité d’une saisine papier (facultative), limitée, par exemple, aux contentieux à faible incidence économique mais souvent à forte implication sociale (en gros, ceux des actuels TI et cela même si ces derniers sont appelés à disparaître comme juridiction autonome) ;
- soit que le SAUJ (= service d’accueil unique du justiciable) prenne en charge la saisine électronique de la juridiction, un véritable « accès procédural », système qui pose le problème des moyens et de la responsabilité des personnes affectées à ce service, donc l’éventuelle mise en œuvre de l’article L. 141-1, COJ et la condamnation de l’État, pour dysfonctionnement du service public de la justice. C’est ce que nous avions préconisé dans le rapport sur L’ambition raisonnée d’une Justice apaisée[54] pour donner au guichet universel de greffe (devenu le SAUJ) la mission, non seulement d’informer et d’orienter les justiciables, mais aussi celle d’être pour eux un point qualifié « d’accès procédural » (= saisine de l’une quelconque des juridictions du ressort d’une cour d’appel, enregistrement direct de cette demande dans la « chaîne métier » de la juridiction compétente, délivrance d’une information précise sur le déroulement d’une procédure le concernant, formation et enregistrement d’un appel)[55].
Même raisonnement pour la question sur la généralisation de la dématérialisation à toutes les procédures au sein des TGI, qu’elles soient avec ou sans représentation obligatoire, gracieuses ou contentieuses et à toutes les procédures des autres juridictions, avec cette précision que cette généralisation appliquée aux procédures orales postule, à terme, la mort de celles-ci (v. infra la réponse à la question sur leur devenir).
§ 2 LE RECOURS AUX MARD
REMARQUES PRÉLIMINAIRES SUR LES MARD

1) Des structures de médiation efficaces ont été mise en place, soit en droit de la consommation par les entreprises, au profit de leurs clients, soit par des professions juridiques et judiciaires, au profit de tous. Et on ne peut que s’en réjouir si certaines dérives sont évitées. On assiste à un mouvement comparable, toutes proportions gardées, à celui de la création des Centres d’arbitrage. Les Centres de médiation d’aujourd’hui préfigurent une Justice pré-judiciaire, « hors les murs » (des palais de justice). L’institutionnalisation des médiateurs, redoutée et repoussée par certains, de même qu’elle l’a été en son temps pour les experts[56] est en cours avec : les listes de médiateurs auprès des cours d’appel (décret n° 2017-1457 du 9 octobre), des formations diplômantes qui se mettent en place ici ou là, des structures de médiation au sein de structures dédiées à l’arbitrage, etc. Bref, la médiation est sur un marché.
2) Pour autant, les MARD ne doivent pas être promus pour la mauvaise raison d’un désengagement financier de l’État ; il faut craindre ce qui s’est passé en Italie : l’obligation de recourir à une médiation dans de nombreux champs du droit civil s’est traduite par une diminution de la dotation de la Justice ! Ce risque n’est pas mince, car, dans le cadre des budgets « contraints » évoqués en préliminaire de nos réponses, il ne faut pas perdre de vue que le juge saisi d’un litige a le choix entre 2 voies : celle de la conciliation qu’il a pour mission de mener (art. 21, CPC) et pour faculté de déléguer à un tiers qui ne peut être qu’un conciliateur de justice et la voie de désigner un médiateur (art. 131-1 et s.) ; mais la différence essentielle entre les deux voies est que la première est gratuite pour le justiciable (donc à la charge du budget de le justice) et que la seconde est payante, donc à la charge des parties. Il peut être tentant de favoriser l’une plutôt que l’autre. En soi, ce n’est pas choquant, mais le coût d’une médiation pourra être trop lourd pour une partie, voire les deux. V. sur ce point, la réponse à la question 2 sur les MARD.
3) Il faut aussi craindre une autre dérive, à l’italienne encore, d’un recours systématique aux MARD : obligatoire dans de nombreux champs du droit civil, elle fut vite considérée comme une simple formalité, une étape formelle avant l’examen de l’affaire par un juge, sauf que, les médiateurs ayant été autorisés à proposer une solution (juridique) aux juges, ces derniers ont pris la (mauvaise) habitude de l’entériner systématiquement.
4) Il serait déjà utile de connaître l’impact de la loi J21 qui a imposé pour le TI saisi par déclaration au greffe une tentative obligatoire de conciliation/médiation (art. 4 de la loi).

QUESTION 1 SUR LES MARD

« Comment faire des modes alternatifs de règlement des différends (MARD) un préalable efficace à une action en justice ? »
- généralisation de la tentative de résolution amiable à peine d’irrecevabilité ?
- à tous les contentieux ?
             - à certains contentieux seulement ?

RÉPONSE À LA QUESTION 1
1) Le droit de l’Union européenne répond en partie à cette question. Dans un arrêt du 18 mars 2010, déjà cité[57], la CJUE affirme que : "Les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’opposent pas non plus à une réglementation nationale qui impose, pour de tels litiges [= ceux inférieurs à 4000 euros], la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire lorsque cette procédure n’aboutit pas à une décision contraignante pour les parties, n’entraîne pas de retard substantiel pour l’introduction d’un recours juridictionnel, suspend la prescription des droits concernés et ne génère pas de frais, ou des frais peu importants, pour les parties, pour autant toutefois que la voie électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à ladite procédure de conciliation [ ce point a déjà été vu] et que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose."
Jurisprudence confirmée le 14 juin 2017 : « la directive 2013/11/UE du 21 mai [transposée par l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août] ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit le recours à une procédure de médiation [pour ce type de litige] comme condition de recevabilité de la demande en justice, dans la mesure où une telle exigence n’empêche pas les parties d’exercer leur droit d’accès à un recours juridictionnel ».[58]
2) Dans la ligne de cette jurisprudence, le Conseil d’État, dans un avis du 30 juillet 2015 (n° 390291), n’a validé le projet de l’article qui allait devenir l’article 4 de la loi n° 2016-1547 2016 (dite J21), qu’à la condition que l’obligation de recourir à une tentative de conciliation préalable menée par un conciliateur de justice pour toute saisine d’un tribunal d’instance par déclaration au greffe [donc pour une demande inférieure ou égale à 4000 euros] soit assortie d’exceptions la rendant compatible avec le principe conventionnel et constitutionnel de l’accès effectif à un juge.
3) Dès lors, que les centres de médiation que nous venons d’évoqer, auront fait leur preuve (traduisez : auront une activité réelle et sérieuse, notamment en proposant aux parties des médiateurs présentant toutes les qualités d’un tiers impartial, ce qui est déjà le cas pour certains), on pourra envisager de généraliser l’irrecevabilité à tous les contentieux, sous les réserves européennes et constitutionnelles qui viennent d’être indiquées.
Restera posée la question suivante !

QUESTION 2 SUR LES MARD

« Comment rendre les MARD plus attractifs pour les parties ? »
- amélioration de la rétribution à l’AJ de l’auxiliaire de justice dont l’intervention a permis la conclusion d’un accord dans le cadre d’un MARD ?
- tarification pour l’avocat ?

RÉPONSE À LA QUESTION 2
Il ne faut pas se cacher que pour le justiciable potentiel, l’attractivité dépend certes de la compétence du médiateur/conciliateur, qui doit être un tiers « de confiance », mais elle dépend surtout de son coût. On a rappelé en remarques préliminaires sur les MARD que si le juge et le conciliateur de justice sont gratuits pour le justiciable, les médiateurs sont rémunérés par les parties.
La commission Guinchard avait écarté l’idée, proposée par certains, que les frais du procès soient mis à la charge de la partie qui ne se serait pas pliée à l’injonction du juge de rencontrer un médiateur, pour la raison que le remède serait vite trouvé par les parties : ils rencontreront le médiateur mais refuseront de se concilier ! L’idée même d’une justice conciliatrice cadre mal avec des injonctions sanctionnées financièrement.
D’où la question : à partir de quel seuil enclenche-t-on une prise en charge financière et qui peut payer à la place du justiciable qui serait dans l’impossibilité financière de recourir à un MARD ? En matière familiale, on peut suggérer, avec prudence, par exemple pour les questions de pensions alimentaires, la piste des caisses d’allocations familiales, qui ne sont pas totalement étrangères au bénéfice d’un règlement amiable.

QUESTION 3 SUR LES MARD

« Faut-il prévoir que le juge peut toujours, quel que soit le niveau d’avancement de la procédure, enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur ou de recourir à un MARD ? »

RÉPONSE À LA QUESTION 3
Pour la conciliation par le juge ou par un conciliateur de justice qu’il désigne, l’article 128, CPC, prévoit déjà que « les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance ».
Pour la médiation, l’article 131-1, CPC n’interdit pas une médiation en cours d’instance, sans que son alinéa 1 le dise expressément) ; son alinéa 2 prévoit expressément cette solution pour le juge des référés (« en cours d’instance »).
Attention ! Les deux situations évoquées (rencontrer un médiateur ou recourir à un MARD) ne sont pas identiques, à ce stade du traitement du litige. Rencontrer un médiateur peut être plus souple que de lancer un processus de MARD et moins preneur de temps. Il faudrait veiller, à ce stade de la procédure que le recours à un MARD ne soit pas contreproductif en termes de célérité de la justice rendue.

QUESTION 4 SUR LES MARD

« L’acte contresigné par avocat peut-il davantage favoriser la conclusion d’accords totaux ou partiels permettant de limiter le débat judiciaire aux désaccords clairement identifiés par les parties ? »
Comment en renforcer l’attractivité ?
Par un jugement en circuit court ?

RÉPONSE À LA QUESTION 4
L’outil existe et a été amélioré par la loi du 18 novembre 2016 depuis que la commission Guinchard a préconisé, en 2008, la création de la procédure participative assistée par avocat. L’acte contresigné par avocat s’insère dans ce schéma procédural, avec une passerelle qui existe déjà vers le juge. Un circuit court certainement. L’idée en 2008 était d’externaliser la mise en état, en se passant du juge du même nom (en somme de revenir aux « qualités » du temps des avoués de première instance), avec passerelle vers la juridiction et circuit court, sans mise en état par un juge. Les lois n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 (suite au rapport Guinchard) et n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (suite au rapport Delmas-Goyon) ont concrétisé et développé l’idée, que le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 intègre dans le code de procédure civile (spécialement aux articles 1546-1 et 1546-2, 1556 et 1544-1 à 1544-4).
On peut sans doute encore l’améliorer dans le sens du souci abordé dans la question posée de permettre de « limiter le débat judiciaire aux désaccords clairement identifiés par les parties », encore qu’il sera respectueusement fait observer que cette possibilité existe déjà dans les articles 2066, C. civ. et 1556, C. proc. civ.) et que le code prévoit notamment une saisine du juge, soit par la procédure applicable devant lui, soit par requête conjointe signée par les avocats.
C’est dans cette perspective que le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 avait introduit dans les articles 1547 et s., CPC, sans attendre celui du 6 mai 2017, un encadrement très strict du recours à un technicien par les parties à ce type de convention : l’anticipation sur une procédure débouchant sur une passerelle l’a emporté sur le caractère conventionnel de la procédure participative qui, dans cette logique, n’impliquait nullement cet encadrement. Ce qui veut dire que toute amélioration de l’utilisation de cette technique pour en favoriser l’usage en limitant le débat devant un juge aux seuls points de désaccord, passera par une règlementation minutieuse de ce que les parties peuvent faire ou non sans juge.

§3 LES MODES DE SAISINE DES JURIDICTIONS

QUESTION SUR LES MODES DE SAISINE DES JURIDICTIONS

« Les 5 modes de saisine actuels (requête simple et conjointe, assignation, déclaration, présentation volontaire des parties) doivent-ils être maintenus ? »
Si seuls certains doivent être maintenus, lesquels ?
Un mode de saisine unique est-il envisageable ? Dans ce cas, faudrait-il conserver l'assignation ou retenir la requête ?

RÉPONSE SUR LES MODES DE SAISINE

Quel intérêt en termes de régulation des flux et même de simplification ? Même peu utilisés, certains de ces modes de saisine ne « coûtent » rien à être laissés dans le code.
Peut-être peut-on envisager la suppression de la comparution volontaire des parties qui, certes, ne doit pas prendre beaucoup de temps aux juges, mais qui, à l’ère du numérique, n’a plus guère de sens.
La même remarque ne peut pas être faite pour la déclaration au greffe, car, à supposer acquise la généralisation de la dématérialisation des écritures, elle conservera son utilité en tant qu’alternative à la voie électronique si on respecte le droit européen pour les petits litiges et, au-delà pour les litiges sans représentation obligatoire, si celle-ci n’est pas généralisée.
 Les trois autres modes cités, assignation et requête simple et requête conjointe, pour éventuellement n’en retenir qu’un, ont chacun leur champ d’application propre, parfaitement justifié par les conditions à remplir et la procédure suivie. Ne pas confondre simplification et appauvrissement.

§ 4 PROCÉDURE ÉCRITE ET PROCÉDURES ORALES

QUESTION

« Faut-il maintenir la distinction entre procédure écrite et procédure orale ? »
- Si oui, chacune de ces procédures doit-elle être spécifique à certains contentieux ou peuvent-elles être toujours possibles, le choix d'y recourir ou le passage de l'une à l'autre pouvant se faire à la demande des parties ou sur décision du juge ?
- Ou la nature de la procédure doit-elle dépendre de la question de savoir si toutes les parties sont ou non représentées par avocat ?

RÉPONSE
Sociologiquement, le maintien ou non des deux types de procédure dépend de la réponse à donner à la question de leur place respective dans notre société, sous le prisme de la capacité des parties à s’exprimer utilement devant une juridiction sans l’assistance et la représentation par avocat ; du côté du juge, est-il encore « digne » pour le respect de la fonction de juridiction qu’il exerce, que l’on puisse s’adresser à lui quasiment sans forme et sans connaissance du droit ? Une mise en perspective s’avère nécessaire :
Il n’est pas inintéressant de rappeler l’observation de Cornu en Foyer dans leur manuel de procédure civile[59] : « la procédure écrite est une procédure savante où les écritures occupent une place considérable. Le tribunal ne statuera que sur des conclusions écrites, déposées et jointes au dossier. Pour assurer le respect des formes, une instruction convenable des affaires et la dignité de la lutte judiciaire, la loi impose aux parties la représentation par avocats ». Petite précision sur la fin de cette observation : il existe des procédures écrites devant le TGI sans représentation obligatoire par avocat, mais cela reste exceptionnel (par exemple, en matière fiscale). Ce sont ces auteurs qui ont, parallèlement, généralisé les procédures orales devant toutes les juridictions d’exception.
Le mouvement engagé depuis la commission Guinchard (2008) a été de sécuriser les procédures orales par la possibilité d’une procédure écrite et l’organisation d’une mise en état par le juge avec l’accord des parties. Les réformes ultérieures (mai 2017) ont conforté ce mouvement et l’avenir des procédures orales est sans doute dans leur disparition, si la dématérialisation est généralisée et si l’obstacle financier de l’aide juridictionnelle est levé, dans le cas où la représentation par avocat deviendrait obligatoire.

La question de leur suppression n’est donc pas juridique, mais politique. Si l’unification était décidée, la généralisation de la procédure écrite pose la question de savoir comment répondre aux conséquences de la représentation obligatoire par avocat que cette généralisation implique, surtout si la dématérialisation est généralisée. Donc on retrouve le problème de l’accès au juge par l’aide juridictionnelle. Sauf à admettre des procédures écrites sans représentation obligatoire, ce qui, d’une part, ne nous paraît pas souhaitable pour la « dignité » de la justice et, d’autre part, parce que la dématérialisation implique une sécurité juridique que le RPVA apporte, ce qui ne serait pas le cas avec des parties sans avocats.

§ 5 LA GÉNÉRALISATION DE LA REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE

QUESTION
« Faut-il généraliser la représentation obligatoire ? »
- à tous les contentieux, tant en matière gracieuse que contentieuse ?
- seulement pour certains contentieux ? Lesquels ?

RÉPONSE
Le droit de l’Union européenne apporte une réponse partielle, puisque, selon le règlement révisé « Small claims » (art. 10 et 11)[60], la représentation obligatoire ne peut être imposée en matière de petits litiges (jusqu'à 4000 euros).
Au-delà, on peut émettre une inquiétude sur l'effectivité du droit d’accès à un juge si même les litiges aux faibles enjeux financiers ou relevant du droit de la famille ou des personnes, relèvent tous d'une procédure avec représentation obligatoire (sans parler des litiges relevant de l'urgence). Lors des auditions de la commission qui porte mon nom, en 2008, Paul Bouchet, en sa qualité de président d’ATD-Quart-Monde avait lancé un cri de détresse pour tous ceux qui n’ont pas d’accès au droit, ni à la justice ; je doute que les choses aient changé dans ce monde de la misère totale ; certes ces personnes ont accès à l’AJ totale, mais ils ne la demandent pas toujours et s’ils la sollicitent, le budget de l’AJ explosera. D’autant plus qu’au-delà des défendeurs les plus démunis, d’autres justiciables, aux revenus intermédiaires, seraient vite concernés par cette obligation. Pour eux et l’honneur de la France, la justice doit matérialiser le pacte républicain.

§ 6 LA GÉNÉRALISATION DE L’EXÉCUTION PROVISOIRE

QUESTION
« faut-il généraliser l’exécution provisoire de droit à tous les contentieux ? »

RÉPONSE
Vieux débat et vieux démon (en 1999 puis 2002) que l’on croyait l’un et l’autre enterrés ! Sans reprendre ici tous les arguments développés contre, on rappellera que nous avions jugé ce projet politiquement inopportun, économiquement injustifié et juridiquement incertain et dangereux[61].
Et on ajoutera, 15 ans après, que c’est faire peu de cas de la conscience du juge qui, aujourd’hui, a la faculté d’ordonner cette exécution provisoire. Mesure de défiance envers le juge qui perd ses pouvoirs avec l’automaticité de l’exécution provisoire. Et défiance ne cadre pas avec ce pacte de confiance dont nous avons parlé. Le droit à l’exécution ne se confond pas avec une exécution précipitée parce que prématurée, sans parler de la question des restitutions lorsque le perdant de première instance ayant gagné en appel demandera son dû au gagnant de la première instance.
Enfin, ce serait rompre ce pacte de confiance que nous appelons de nos vœux (v. supra I).

Troisième pièce jointe : Article publié aux Petites Affiches le 5 juin 2012, « La suppression de l’effet suspensif de l’appel : un bon exemple de la France d’en haut contre la France d’en bas ».

B)     LE DROIT À UN « BON » JUGE

a)      Le respect du contradictoire

QUESTION 1

« Peut-on envisager d’unifier le régime de procédures non contradictoires ou dont le contradictoire est différé » (Injonctions de faire et payer /ordonnances sur requêtes / mesure d’instruction in futurum, …).

RÉPONSE À LA QUESTION 1
Ce ne serait pas une simplification mais un appauvrissement. Chacune de ces procédures, avec ses spécificités, a son intérêt propre. Simplifier ce n’est pas saborder la souplesse des parcours différenciés mis en place par les rédacteurs du code pour qu’à partir d’un modèle généraliste, se développent des adaptations procédurales « collant » au plus près des besoins des justiciables et des situations factuelles.

QESTION 2
« Êtes-vous favorable à la possibilité pour le juge de statuer sur certaines demandes dès l’introduction de l’instance et le cas échéant sans débat contradictoire ? Ou la partie adverse appelée ou entendue ? » Par exemple pour donner acte d’un désistement, pour rejeter une demande ne relevant pas de la compétence judiciaire, pour rejeter une demande manifestement irrecevable ou statuer sur les demandes relevant d’une série présentant en droit des questions identiques à celles déjà tranchées) …

RÉPONSE À LA QUESTION 2
Le problème n’est pas de statuer in limine litis, mais d’envisager de se passer du contradictoire. Raisonnons par l’absurde : même si le juge était autorisé à statuer sans débat avec les parties, on voit mal comment il pourrait statuer, sans risque de censure par la Cour de cassation ou par la Cour EDH, sans les avoir interrogées par exemple, pour connaître leur point de vue sur la réalité du désistement, s’il a été accepté ou non, pour discuter de l’incompétence supposée du juge judiciaire ou de la notion de « demande manifestement irrecevable », etc. En dehors des actions de groupe (et encore), y a-t-il des demandes identiques, sans débat pour en juger ?

b)      Les obstacles à un règlement simplifié des incidents de compétence ?

QUESTION SUR LE RÈGLEMENT DES INCIDENTS DE COMPÉTENCE
« Quels mécanismes seraient susceptibles de mettre fin aux exceptions d’incompétence internes au TGI ? (cf JAF / JEX/ Juridiction présidentielle ) Entre le TI et le TGI ? »

RÉPONSE :
Il faut d’abord remarquer d’emblée que « pour l’essentiel des affaires, la détermination de la compétence, territoriale comme matérielle, ne soulève aucune difficulté, même pour un particulier, le cas échant, après information délivrée par un greffe. C'est ainsi que les erreurs de saisine ne concernent que 1% des affaires civiles, y compris les décisions d'incompétence au profit des juridictions administratives, répressives et étrangères[62].

1)      La solution rejetée par la commission Guinchard
Cette question a été étudiée par la commission Guinchard qui avait rejeté tout règlement de ces incidents par un « service judiciaire d’orientation des affaires », qui aurait été chargé d’attribuer les dossiers remis au guichet universel à la juridiction estimée compétente pour en connaître, permettant ainsi de dispenser le requérant d’identifier, dans sa requête, la juridiction compétente[63]. Trois raisons.
- Première raison : « une telle réforme suppose que l’ensemble des dossiers transite par un service « central » d’orientation. Ainsi, pour les affaires relevant de la compétence de droit commun du tribunal de grande instance – qui impose déjà une telle répartition des affaires entre les différentes chambres civiles du tribunal – le travail de répartition des dossiers entre les chambres serait singulièrement compliqué. Pour les affaires ne relevant pas du TGI de droit commun, une étape supplémentaire serait ajoutée : l’affectation d’une affaire au service compétent. La commission observe ainsi que la mise en œuvre d’une telle réforme serait dispendieuse en ressources humaines, en contradiction avec les objectifs de déjudiciarisation et de rationalisation des moyens de l’État. En effet, l’affectation du dossier à la juridiction matériellement et territorialement compétente nécessite une analyse juridique du contenu de l’acte introductif d’instance, qui ne paraît pouvoir être réalisée que par un agent ayant une formation juridique ».
- Deuxième raison : « il convient de rappeler que dans un objectif de célérité et de simplicité, l’assignation comporte convocation de son destinataire à une audience déterminée pour la plupart des procédures (JEX, JAF, référé, instance, etc.) ; la seule exception concerne la procédure TGI de droit commun, pour laquelle la constitution d'avocat permet d’en faire l’économie. Le transit par un service d'orientation dissocierait l'acte introductif d'instance et la convocation du défendeur, ce qui allongerait la procédure et ajouterait, une fois l’affaire orientée, une formalité de convocation, au surplus coûteuse (lettre recommandée avec demande d’avis de réception à la diligence du greffe ou signification par huissier de justice) ».
- Troisième raison : « la précision de la juridiction saisie dans l’acte de saisine éclaire bien souvent le juge sur la nature exacte des prétentions du demandeur. Par exemple, il n’est pas rare que l’auteur d’une déclaration au greffe devant le tribunal d’instance indique « porter plainte » contre son adversaire, mais ne demande en réalité que des dommages et intérêts à son encontre. Il n’est pas rare non plus que seule la mention de la juridiction saisie dans l’acte d’assignation permette de déterminer si le demandeur a entendu saisir le juge du fond ou le juge des référés. Surtout, dans certaines affaires, le demandeur a une option de juridiction, qu’un service d’orientation ne saurait exercer en ses lieu et place ».

2)      Un autre système ?
On observera d’abord que si le groupe de travail sur l’organisation des juridictions préconise la fusion des TGI et des TI, voire avec les tribunaux paritaires des baux ruraux, la question ne sera plus d’actualité pour ces juridictions pour le justiciable ce sera bien le seul apport bénéfique de cette fusion !).
En revanche, pour les conflits de compétence entre TGI, tribunaux de commerce et conseils de prud’hommes, peut-on imaginer qu’un collège de 3 juges désignés chacun par le président de chaque juridiction, statuerait par une mesure d’administration judiciaire, donc sans débat contradictoire et sans recours ?
Compte tenu de la suppression des avantages du règlement actuel (les incidents de compétence reposent souvent, pour ces contentieux, sur des règles de droit substantiel, par exemple, la qualification du contrat de travail ou commercial, qu’il est utile de faire juger par le juge saisi, ainsi qu’il vient d’être dit, faut-il passer vers un système en apparence simplifié qui mobiliserait trois juges et supprimerait le débat contradictoire et le droit à un recours, exigences substantielles du droit à un « bon » juge ? Ce n’est pas notre avis.

c) Le rôle du juge de la mise en état
QUESTION

« Faut-il confier au juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir ? »

RÉPONSE
Le caractère exclusif de la compétence du JME a été renforcé par le décret du 28 décembre 2005 2005, mais seulement lorsque les parties soulèvent une exception de procédure, une demande formée sur l’article 47, CPC (ajouté par le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012) ou un incident mettant fin à l’instance (plus exactement, susceptibles de mettre fin à l’instance ; mesures visées à l’article 771-1o, CPC). Le décret n° 2005-1578 du 28 décembre 2005 a ajouté à ce texte la phrase suivante : « les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ». La sanction étant la forclusion, il est donc tentant, dans une optique de « régulation » des flux (traduisez : de diminution) d’appliquer la même sanction aux fins de non-recevoir. L’actuelle rédaction du texte n’inclut donc pas les fins de non-recevoir et on observera que les rédacteurs du décret n° 2012-66 du 2 janvier 2012 qui ont ajouté à la compétence du JME les demandes formées en application de l’article 47, n’ont pas franchi le pas d’inclure les fins de non-recevoir dans cette saisine ratione temporis et sa sanction. Il serait donc intéressant de savoir pourquoi. Peut-être est-ce parce qu’ils ont eu conscience qu’à la lecture de la liste de l’article 122, CPC (« défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée »), on discerne bien qu’on est au cœur de la fonction juridictionnelle du juge et du droit de chacun à voir sa demande examiner au fond ; dénier à une partie le droit de voir sa prétention examinée au fond par une juridiction de jugement, c’est lui dénier l’accès au juge du fond, ne serait-ce que pour lui dire que sa demande est irrecevable et qu’elle ne sera pas examiner au fond ; c’est un peu la même idée que celle qui préside en matière d’arbitrage : avec la règle « compétence-compétence », on donne au juge arbitral et non pas au juge judiciaire, le pouvoir (juridictionnel) de statuer sur sa propre compétence, y compris pour dire qu’il n’est pas compétence. Cela expliquerait pourquoi on a toujours laissé à la partie qui entend soulever une fin de non-recevoir, la possibilité de la présenter au juge du fond le soin d’en décider, quitte à la sanctionner par la condamnation à des dommages-intérêts pour intention dilatoire (art. 123, CPC).
Changer la règle et confier au JME l’exclusivité d’accueillir les fins de non-recevoir, n’est-ce pas considérer que le JME devient un juge du fond, puisqu’il aura le pouvoir juridictionnel exclusif de refuser d’examiner une demande au fond pour l’une des raisons énumérées à l’article 122 ?
Le risque est alors d’une requalification de la fonction du JME : simple organe du procès civil au sein d’un TGI, ne deviendrait-il pas une juridiction autonome au sein du JME, à l’instar des JAF, juge des tutelles et JEX ? Si cette requalification était admise, il reviendrait au pourvoir législatif d’en décider, car le Conseil d’État a jugé en 1976 que si un décret pouvait accorder certains pouvoirs au juge chargé de contrôler les expertises, c’était à la condition que fût respectée la compétence du tribunal quant à la régularité de la procédure d’expertise et quand au fond des affaires ; sinon, il y aurait création d’un nouvel ordre de juridiction, donc compétence législative[64].
Enfin, on ajouterait un nouveau cas de conflit interne de compétences, à l’instar de ceux cités dans la question sur le règlement des incidents de compétence.

C)     LE DROITÀ L’EXÉCUTION DE LA DÉCISION DU JUGE

§ 1 QUESTION SUR LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE
« Faut-il permettre que les décisions soient mises à exécution avec le concours de la force publique ? »
RÉPONSE
La formulation de la question laisse songeur.
En droit positif, et depuis l'arrêt Couitéas du 30 novembre 1923[65] « le justiciable nanti d'une sentence judiciaire dûment revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur la force publique pour l'exécution du titre qui lui a été ainsi délivré ». Cela implique, pour l'administration, l'obligation de prêter le concours de la force publique puisqu'elle est « tenue d'agir »[66], sauf, en matière d'expulsion d'un logement pendant la période hivernale. Mais dans le cas où l'exécution d'une décision de justice mettrait en péril l'ordre public, les autorités peuvent refuser de mettre la force publique au service d'un particulier[67]. Jurisprudence identique en droit de l'Union européenne, la menace de troubles graves à l'ordre public pouvant, le cas échéant, justifier une absence d'intervention des forces de l'ordre[68]. Le problème est alors celui de la responsabilité de l'État. Sur ce terrain, le droit positif est équilibré :
- Si le refus n'est justifié par aucun motif d'ordre public, il est illégal et la responsabilité de l'État sera engagée pour faute lourde[69].
- Si le refus est motivé par des considérations de sécurité et d'ordre public, la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'État se résume en deux propositions : pas de responsabilité de l'État pour faute lourde[70], mais responsabilité pour rupture d'égalité entre les citoyens devant les charges publiques, si le préjudice né de l'inexécution présente les caractères de spécialité et d'anormalité exigée pour ce type de responsabilité[71]. Même solution lorsque l'État ne peut faire exécuter la décision parce que la personne condamnée bénéficie d'une immunité d'exécution[72].
La loi du 9 juillet 1991 (no 91-630) a consacré cette jurisprudence dans son article 16 (devenu C. pr. exéc., art. L. 153-1).
            Dès lors, s’il s’agit de supprimer le concours de la force publique et comme on n’imagine mal le recours à des polices privées, on rompt définitivement le pacte de confiance entre les citoyens et leur justice (et non plus avec leur juge) et on les poussera à se faire justice par eux-mêmes, comme dans certains pays. Les « bras musclés » auront remplacé les forces de l’ordre. Belle avancée démocratique !
§ 2 QUESTION SUR LA MÉDIATION AU STADE DE L’EXÉCUTION

« Faut-il prévoir un mécanisme de médiation au stade de l’exécution ? »

RÉPONSE
Pas d’intérêt si l’on rend obligatoire la tentative de conciliation/médiation avant la saisine du juge et si l’on autorise le juge à imposer un tel processus tout au long de l’instance. Arrivé à l’exécution, on voit mal imposer un tel mécanisme au gagnant qui trouve déjà que son procès a été d’une longueur excessive. D’autant plus que si l’exécution provisoire de droit était imposée, il n’aurait aucun intérêt à entrer en tentative de conciliation et à la faire échouer ! Voir aussi les remarques préliminaires émises sur les MARD au stade de l’instance.
En revanche, pour souligner les difficultés à introduire un recours à un MARD au stade de l’exécution, il convient de signaler une jurisprudence de la Cour de cassation.
La deuxième chambre civile a considéré (en 2012), à l’instar de la chambre commerciale en 2013, qu’une clause de conciliation/médiation obligatoire n'interdit pas de saisir le juge des référés ou le juge de l'exécution pour obtenir de lui une mesure conservatoire, la fin de non-recevoir étant alors neutralisée[73].
La première chambre civile a ensuite jugé que la saisine du JEX par l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation d'une procédure de saisie immobilière (fondée sur un prêt immobilier notarié exécutoire contenant une clause de conciliation obligatoire et préalable « à toute instance judiciaire »), après la délivrance d'un commandement de payer valant saisie, signifié et publié, entraîne le jeu de la fin de non-recevoir, même s'il s'agit d'une instance tendant uniquement à l'exécution forcée de cet acte[74] ; la clause ne fait obstacle, temporaire, qu'à l'assignation et laisse perdurer les effets du commandement, mais – et l'inconvénient est fort – en cas d'échec de la conciliation, l'assignation devra être réitérée dans les deux mois de la publication du commandement, puisque ce dernier est caduc dans ce délai (C. proc. civ. exécution, art. R. 321-6 et R. 311-11), ce qui, en pratique, sera impossible à tenir ; le remède est de rédiger une clause de conciliation prévoyant que c'est le commandement de payer qui doit être précédé d'un préalable de conciliation.
La deuxième chambre n’est pas allée à l’encontre de cette décision de la première chambre mais a considéré que si une clause de conciliation/médiation obligatoire s'impose au juge « quelle que soit la nature de l'instance judiciaire engagée »[75] (= juge de droit commun ou juge d'exception), en revanche, si la clause ne concerne que la présentation de la demande en justice « relative aux droits et obligations contractuels des parties », elle ne peut faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée, « en l’absence de stipulation expresse en ce sens »[76].


[1] Clin d’œil à l’invitation adressée à ses ministres par le nouveau Président de la République, « Vite et bien ». J’ai entendu la même injonction, avec les mêmes trois mots, un soir d’avril 1989, dans la salle du conseil municipal de Lyon, lors de l’élection du nouveau maire de Lyon, Michel Noir, in fine de son discours d’intronisation.
[2] Les processualistes de profession et/ou de conviction, y verront un autre clin d’œil (malicieux) à Henry Motulsky : « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D. 1972, Chronique XVII, p. 91-102.
[3] Doc. fr., août 2008.
[4] Plus précisément : Le juge du XXIème siècle – Un citoyen acteur, une équipe de justice.
[5] S. Guinchard, « Le réveil doctrinal d’une Belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation du procès », Mélanges Raymond Martin, Bruylant/LGDJ, 2004.
[6] Cela, ce n’est pas à l’Université que je l’ai appris, en tout cas pas dans mes fonctions d’enseignement ou de recherche ; c’est en tant qu’élu et administrateur/gestionnaire : pendant 12 ans, de deux grandes collectivités locales (Lyon et sa communauté urbaine, alors composée de 52 communes), en charge, notamment, de leur budget, de leur contrôle de gestion et de leurs grands travaux (dont la construction de l’opéra par Jean Nouvel) ; pendant 6 ans : d’une société d’économie mixte de construction et d’exploitation de parkings, des hospices civils de Lyon, du syndicat des transports en commun de l’agglomération, etc. À l’Université aussi mais avec des budgets infinitésimaux par rapport à ceux que je viens d’évoquer, c’est en tant que doyen (élu) pendant plus de 6 ans de la Faculté de droit de Lyon, puis directeur (élu), pendant 10 ans, de l’Institut d’études judiciaires de Paris II, que j’ai pu porter des projets de réforme et gérer leur budget. Enfin, l’expérience d’avoir été, pendant 3 ans, recteur d’académie (nommé), m’a permis de mettre en place la L.O.L.F. Si je livre ces éléments de ma vie publique, c’est pour montrer qu’on peut tout à la fois être un gestionnaire et ne pas se limiter au seul critère des économies pour décider de réformes. Les aspects culturels et sociaux entrent aussi en ligne de compte.
[7] Selon Jean Foyer, « ce code a été, ou presque, intégralement rédigé par la plume du doyen Gérard Cornu, si bien qu’on pourrait l’appeler, en toute justice, le Code Cornu », in Le NCPC, vingt ans après, colloque organisé par la Cour de cassation, déc. 1997, Doc. fr., 1998, p. 323.
[8] Sur son écriture et sa philosophie générale, v. essentiellement les trois articles de G. Cornu : « La codification de la procédure civile en France », Rev. jur. et pol. 1986. 689, repris in : L’art du droit en quête de sagesse, PUF, 1998, p. 385 ; « L’élaboration du Code de procédure civile », Rev. d’Hist. des Facultés de Droit 1995, vol. 16, p. 241, repris in : La codification, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 1996, p. 71 ; « L’avènement du NCPC », Le NCPC, vingt ans après, colloque Cour de cassation déc. 1997, Doc. fr., 1998. 19.
[9] Avocat à Nice, il avait été qualifié aux fonctions de maître de conférences, mais s’il enseigna, il n’intégra pas la fonction publique.
[10] R. Martin, « A nouveau siècle, nouveau procès civil », Edilex, 2000 et RTD civ. 1994. 557 ; Rev. huiss. 1997. 345.
[11] Avènement avancé, pour la première fois, dans un article publié à la revue Justices 1999, nouvelle série, p. 91, Dalloz éd, « Vers une démocratie procédurale », puis dans l’ouvrage collectif Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIème millénaire, in Clefs pour le siècle, Paris 2, Dalloz éd., mai 2000, p. 1135-1211 et repris depuis au Précis Dalloz de Droit processuel, 9ème éd. 2017, n° 6 et s.
[12] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, Le Seuil, 2008, collection Les Livres du nouveau monde. Sur ce rapprochement entre les deux concepts, v. S. Guinchard, « Le fondamentalisme religieux à l’aune de la distinction doctrinale droit processuel européen-droit procédural national – Entre démocratie procédurale et légitimité démocratique », contribution aux Mélanges offerts à Jean-François Flauss, Pédone éd., 2014, p. 365. Précis de Droit processuel, op. cit., n° 541, in fine.
[13] Selon l’heureuse formule de J.-C. Magendie, in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 : « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice ».
[14] Pour bien des raisons et, entre autres, pour le précis de Procédure pénale, LexisNexis, 10ème éd., 2014, co-rédigé avec Jacques Buisson.
[15] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit. p. 269 et s.
[16] Faut-il rappeler que les parties « soulèvent » un moyen et que le juge le « relève » ?
[17] Idem.
[18] Cass. belge 5 avril 2005, et encore 29 sept. 2011, références complètes dans le Précis de procédure civile Dalloz, 33ème édition, 2016, n° 584 réécrit par Cécile Chainais.
[19] Cass. Luxembourg, 10 mars 2011 et 24 oct. 2013, même remarque pour les références que dans la noté précédente.
[20] CJCE, 14 déc. 1995, arrêt Peterbroeck, attendu 12.
[21] CHCE, 14 déc. 1995, arrêt Van Schnijndel, attendu 17.
[22] CJCE, 21 nov. 2002, Soc. Cofidis c/ Fredout et 17 déc. 2009, aff. C-227/08, Eva Martin.
[23] CJUE, 4 juin 2009, Pannon GSM, aff C-243-08.
[24] CJUE, 21 fév. 2013, aff. C-4723/11, Banif Plus Bank Zrt.
[25] S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2008.
[26] Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 
[27] S. Guinchard et alii, Droit processuel, Dalloz, 9ème éd. 2017, n° 541 à 577, pour l’ensemble des contentieux.
[28] S. Guinchard « Variations sur le mensonge et la déloyauté : de la vie académique à la vie politique en passant par la vie judiciaire, Mélanges Yves Mayaud, Dalloz, 2017, 593.
[29] J. Jehl, JCP 2015. Actu. 1403.
[30] CA Québec, 1er nov. 2016, QCCA 1755, Lavigne c/ 6040993 Canada in., JCP 2016, no 1293, obs. J. Jehl et [http://citoyens.soquij.qv.cq].
[31] V. J. Fr. Van Drooghenbroeck, in Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. p. 234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil ». Et, in Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, les écrits de J. Van Compernolle p. 413 (« Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté procédurale ») et J. Van Drooghenbroeck, p. 425 (« La loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public – Irrecevabilité du moyen renégat devant la Cour de cassation de Belgique »).
[32] Cass. belge, 27 nov. 2014, n° C. 13.04666. F/2, E.M. c/ Ville d’Eupen.
[33]. Civ. 2e, 11 mars 1999, JCP 1999, II, 10095, note H. Croze.
[34] Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, D. 2011, 562, chron. Fourment (« Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale ») et 618, note V. Vigneau ; JCP 2011, 43, obs. M. Malaurie-Vignal ; Gaz. Pal. 22 mars 2011, note S. Amrani-Mekki.
[35] Civ. 1ère, 25 janv. 2017, n° 15-25210, Gaz. Pal. 2017, n° 17, p. 57, obs. L. Mayer ; RTDCiv. 2017, 489, obs. Cayrol et 719, obs. (crit.) Théry ; RTDCom. 2017, 92, obs. Pollaud-Dulian  (l’huissier s’était fait accompagner d’un « assistant » pour un constat en contrefaçon, lequel était un stagiaire du cabinet d’avocats conseillant la société qui se prétendait victime de la contrefaçon). Rappr. Civ. 1ère, 1er juin 2016, n° 15-11417, Gaz. Pal. 30 août 2016, n° 272, p. 81, note Lauvergnat et idem 29 nov. 2016, n° 280, p. 68, note L. Mayer (constat d’huissier pour le compte de la Chambre nationale des huissiers de justice, par le trésorier de celle-ci).
[36] Civ. 2e, 30 janv. 2003, Bull. I, n° 23. G. Bolard, « Le moyen contraire aux précédentes écritures », Mélanges Buffet, Montchrestien/EJA/Petites affiches éd., 2004, 51 ; N. Dupont, « L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en procédure civile », RTD civ. 2010, 459 et note ss. Civ. 2e, 9 sept. 2010, D. 2011. 145.
[37] V. le précis de Droit processuel, op. cit. n° 543-1, a.
[38]. Civ. 2e, 7 nov. 2002, D. 2002. 3188, qui sanctionne l’ingéniosité d’un plaideur dans le cas où la seconde ordonnance avait refusé de rétracter la première ayant fait droit à la demande. V. toutefois, Toulouse, 14 févr. 2002, D. 2003. 160, note Y. Sctrikler, qui couvre une « déloyauté » ayant consisté à présenter une seconde requête (devant un vice-président) aux mêmes fins qu’une première (devant le président) qui avait été rejetée et dont le recours en référé-rétractation n’avait pu être examiné par le président du tribunal, l’appel n’ayant pas été réalisé.
[39] V. le précis de Droit processuel, op. cit. n° 543-1, b-1.
[40].Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull. I, no 202.
[41]. Sur laquelle, . S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil », Mélanges Wiederkehr, Dalloz, 2009.
[42]. H. Muir Watt, note ss. Civ. 1re, 21 nov. 2006., Rev. crit. DIP 2007/3, spéc. p. 580, note 1.
[43]. Cass., ass. plén., 29 mai 2009, BICC 15 sept. 2009, rapport Gérard et avis de Mellottée ; JCP 2009. 129, note O. Salati ; Gaz. Pal. 4 août 2009, note N. Fricero.
[44].Civ. 2e, 23 oct. 2003, D. 2003. 2726. Cass., ch. mixte, 3 févr. 2006, Soc. Exacod, Gaz. Pal. 18 févr. 2006, avis M.A. Lafortune, JCP 2006, II, 10088, note O. Salati qui aborde la notion de loyauté en procédure civile dans la seconde partie de sa note.
[45]. Civ. 3e, 6 juin 2007, D. 2007. 2428, obs. N. Fricero. Rappr. Civ. 3e, 27 sept. 2006, Procédures, 2007, no 16, obs. Junillon.
[46] La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit.
[47] Page IV de couverture.
[48] S. Guinchard, in Institutions juridictionnelles, Dalloz, 14ème éd., 2017, n° 248 et s., spéc. n° 259 et 260 « Pour une meilleure articulation de tous les régimes de responsabilité ». Et notre rubrique au répertoire Dalloz de procédure civile, V° « Responsabilités encourues pour fonctionnement défectueux du service public de le justice ». 
[49] Civ. 1re, 1er juin 2016, no 15-11417, Dr. et proc. 2016/7, 164, obs. Th. Guinot ; Gaz. Pal. 29 nov. 2016, no 42, p. 68, note L. Mayer.
[50] CJUE, 18 mars 2010, aff. n° C 317/08 et autres, R. Alassini C./ Telecom Italia SPA
[51] CEDH 13 oct. 2009, Ferré Gisbert c/ Espagne, req., Dr. et proc. 2010-3, Cah. dr. et proc. intern., no 14, p. 12, obs. Fricero.
[52] CEDH 31 mai 2007, Milhopa c/ Lettonie, § 19, D. 2007. Somm. 2429, obs. N. Fricero ; Dr. et proc. 2007-5, Cah. dr. et proc. intern., p. 26, obs. Fricero. – 14 janv. 2010, no 53451/07, Popovitsi c/ Grèce, Procédures 2010, no 70, obs. Fricero. 8 janv. 2013, no 37576/05, Procédures 2013, no 70, obs. Fricero.
[53] CEDH 16 juin 2009, Lawyer Partner SA c/ Slovaquie, JCP 2009. 224, obs. Jehl ; Procédures 2009, no 358, obs. Fricero ; Dr. et proc. 2010-3, Cah. dr. et proc. intern., no 7, p. 10, obs. Fricero.
[54] Doc. fr., 2008, p. 249
[55] Page 252.
[56] Marcel Caratini qui a terminé sa carrière comme président du TGI de Paris au début des années 80 et fut premier Président de la cour d’appel de Lyon, refusait toute création d’une profession d’expert règlementée, au profit d’une simple association d’un professionnel reconnu dans sa spécialité, au service public de la justice.
[57] CJUE, 18 mars 2010, aff. n° C 317/08 et autres, R. Alassini C./ Telecom Italia SPA, RTD eur. 2010. 599, chron. L. Coutron ; D. 2011. 268, obs. Fricero.
[58] CJUE, 14 juin 2017, aff. C-75/16, JCP E 2017, 1438, obs. Moracchini-Zeidenberg ; Dr. et proc. 2017/9, Cahier des MARD, n° 2, p. 5 , obs. B. Gorchs-Gelzer.
[59] Cornu et Foyer, Procédure civile, PUF, collec. Thémis, 3ème éd. 1996, p. 677.
[60] Procédure euroépenne de règlement des petits litiges, Règlement n+ 861/2007 du Parlement et du Conseil, 11 juillet 2007, JOCE, n° L199, 31 juill.. Tévisé par le Règlement n° 2015/2421 du 16 décembre 2015, JOUE n° L341, 24 déc.
[61] S. Guinchard, « Un bon exemple de la France d'en haut contre la France d'en bas : le projet de suppression de l'effet suspensif de l'appel » Les petites affiches, 5 juin 2002, n° 112, p. 4.

[62] Rapport de la commission Guinchard, Doc. fr., 2008, p. 255.
[63] Ibid. p. 255-256.
[64] CE, 16 janvier 1976, sur le décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973
[65] CE 30 nov. 1923, DP 1923. 3. 59 ; 29 déc. 1944, S. 1947. 3. 5, note Huet.
[66] CE 3 juin 1938, Soc. La Cartonnerie, Lebon 521.
[67] Ibid.
[68] CJCE 9 déc. 1997, Commission c/ France, Rec. I-6959, § 56-57.
[69] CE 21 nov. 1947, Barthélémy, Lebon 434. 7 nov. 1984, Horel, RD publ. 1985. 1377.
[70] CE 17 févr. 1988, Laporte, Lebon 70.
[71] CE 30 nov. 1923 (Couitéas) et 3 juin 1938 (La Cartonnerie), préc. 29 oct. 1976, JCP 1977. II. 18606, note Julien-Laferrière.
[72] CE 14 oct. 2011, no 329788, AJDA 2011. 1980, obs. S. Blondel.
[73] Civ. 2e, 2 fév. 2012, no 11-12159 et Com. 9 avr. 2013, no 12-14659.
[74] Civ. 1re, 1er oct. 2014, no 13-17920, Gaz. Pal. 10 janv. 2015, p. 21, note L. Lauvergnat ; Defrénois 2015/1, p. 28, note A. Albarian et C. Poli ; D. 2015. 291, obs. Fricero ; Dr. et proc. 2015/1, p. 10, obs. B. Gorchs-Gelzer ; RTD civ. 2015/1, 131, obs. H. Barbier
[75] Formule de style dans les arrêts précités.
[76] Civ. 2ème, 22 juin 2017, n° 16-11975, Procédures 2017, n° 186, obs. Laporte ; Dr. et Procédures, 2017/9, Cahier des MARD, n° 3, p. 6, obs. B. Gorchs-Gelzer, qui atténue donc la portée de l’arrêt précité du 2 février 2012 au sujet de la délivrance d’un commandement de payer en matière de saisie immobilière, suivi d’une audience d’orientation devant le JEX.

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