mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 29: LES MÉTAPORPHOSES DU DROIT DU PROCÈS

SOMMAIRE : LES MÉTAMORPHOSES DU DROIT DU PROCÈS

les métamorphoses de la procédure
 à l’aube du troisième millénaire
publié in clefs pour le siècle
ouvrage collectif de l’université panthéon-assas (paris 2), éditions dalloz, 2000


1 - Les changements en droit procédural. S’interroger sur les changements intervenus en procédure ces dernières années, en cette fin de millénaire, c’est mettre en perspective, au-delà des réformes législatives ou réglementaires, les mouvements qui se dessinent au sein de la justice, qu’elle soit civile, répressive, administrative ou autre, par exemple disciplinaire ou encore celle des autorités administratives indépendantes (Conseil de la concurrence, Commission des opérations de Bourse, etc..). Et ces mouvements ne peuvent se ramener, se réduire, à l’étude des changements de textes.

2 - Les changements dans les textes de procédure. Certes, l’impact des textes nouveaux devrait être systématiquement mesuré par des études appropriées (ce qui n’est pas le cas) et l’étude analytique de ces textes permet de mieux appréhender les grandes évolutions de notre justice, évolutions conscientes ou inconscientes. Par exemple, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 est, sauf erreur, la première loi commune à trois contentieux, ce qui traduit bien l’émergence d’un fonds commun procédural, en tout cas de préoccupations communes à toutes les justices, au-delà de simples problèmes d’organisation judiciaire. De même, le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, réformant le nouveau code de procédure civile et le code de l’organisation judiciaire, d’apparence très austère et d’une grande technicité, par sa rédaction formelle, par les matières concernées, traduit-il un triple besoin : une justice plus proche du justiciable (d’où la réévaluation des taux de compétence et du ressort, la modification des règles d’assistance et de représentation devant le juge d’instance et le juge de l’exécution, la simplification de la compétence en matière de baux commerciaux) ; une justice plus consensuelle, d’où la création d’une nouvelle cause de suspension de l’instance en vue de favoriser les pourparlers entre les parties engagées dans un procès (le retrait conventionnel de rôle), la simplification du recours à la conciliation devant le juge d’instance, la possibilité de demander au président du tribunal de grande instance de conférer la force exécutoire à une transaction privée ; une justice plus rapide, avec des dispositions tendant à faciliter le travail du juge (assignation qualificative, conclusions qualificatives et récapitulatives, rédaction simplifiée du jugement), l’accélération et l’amélioration de l’instruction des affaires civiles et la création d’une véritable justice de l’urgence[1]. Ces analyses doivent être faites pour mesurer les changements intervenus dans notre procédure, mais elles ne sauraient suffire à une bonne compréhension du problème.

3 - Les changements dans les pratiques procédurales. Au-delà des textes, ce qui compte aujourd’hui pour apprécier ce qui a changé dans le droit du procès, c’est le regard porté sur les pratiques des tribunaux, sur les pouvoirs dont les juges disposent réellement dans le déroulement des procès. En matière procédurale plus qu’en tout autre domaine, les textes ne sont rien quant à l’appréhension de la réalité d’une procédure ; en tout cas ils sont insuffisants à une bonne compréhension du problème. Chacun sait bien qu’en matière de mise en état des affaires civiles en France, il y a plusieurs types de pratiques, plus ou moins éloignées du schéma officiel contenu dans le nouveau code de procédure civile, qu’il s’agisse du contrat de procédure ou de la transformation dans les faits de la conférence du président, pour mieux la valoriser[2]. Aux Etats Unis d’Amérique, dans l’Etat de New York notamment et dans la procédure applicable devant les tribunaux fédéraux, les règles de procédure n’émanent pas toutes de l’autorité législative, puisque les Cours sont autorisées, sous certaines conditions, à modifier ces textes, pour tenir compte de leurs pratiques ; ce système fut reconnu jusqu’en 1987 à une commission judiciaire dans l’Etat de New York, qui pouvait ainsi modifier les règles du code (voté par le Parlement de cet Etat) précédées de la lettre R (pour Rule), les autres, désignées par le symbole § ne pouvant être modifiées que par le Parlement. Au niveau fédéral, les Federal Rules (of civil procedure, pour la première instance ; of appellate procedure, pour la procédure en appel ; of evidence, pour le droit de la preuve), peuvent, sauf objection du Parlement fédéral, être modifiés par la Cour suprême des Etats-Unis, après avis d’une commission consultative[3]. C’est dire que la procédure est ici officiellement élaborée par ceux qui la pratiquent, la créent au quotidien. D’où l’intérêt de la connaître, d’aller les rechercher. Mais il faut aller plus loin et s’interroger sur la portée de ces pratiques.

4 - Les changements dans les attentes des justiciables. Ces pratiques traduisent-elles un changement profond de la conception même de notre droit procédural, de la relation des justiciables à leur justice, pour ne pas dire à leur juge ? Répondent-elles à l’attente des citoyens, aux besoins des justiciables ? Et d’abord quels sont ces besoins ? Quelles sont les demandes des Français quant à leur justice, quant à leurs procès ? Retrouve-t-on dans le domaine de la justice, dans le déroulement des procès, entre les parties, entre les parties et le juge et même entre les parties et le parquet, ce besoin moderne de dialogue, d’interactivité, besoin que les moyens technologiques contemporains permettent, en dehors du champ du procès, de satisfaire plus aisément que par le passé ? Si la finalité de la procédure est de faciliter une solution rapide mais juste du procès, ce que certains systèmes étrangers mettent en exergue dans leurs textes de procédure[4], le droit français du procès satisfait-il cette attente ?

5 - Les changements à l’étranger. Et ce regard doit se porter aussi sur les pratiques étrangères, non pas par fascination de ce qui se fait ailleurs et qui serait nécessairement meilleur que chez nous, mais pour mieux comprendre l’influence des droits étrangers, des grandes mutations des systèmes juridiques contemporains sur l’évolution de nos schémas procéduraux ; y a-t-il ou non un rapprochement entre le droit du procès français et les principaux systèmes étrangers ? Ce rapprochement, s’il existe, ne traduit-il pas une mondialisation du droit du procès ?

6 - Les trois métamorphoses de la procédure. Au final, trois axes nous semblent devoir être dégagés et approfondis :
- en premier lieu, sous l’influence prépondérante des instruments internationaux des droits de l’homme (que nous préférons désigner par l’expression de libertés et droits fondamentaux), la procédure se trouve placée aujourd’hui sous l’emprise croissante des droits fondamentaux, à tel point que l’on peut désormais parler de droits fondamentaux du procès et qu’il existe un véritable droit substantiel à un procès équitable, conforme aux exigences d’un Etat démocratique, c’est à dire aux garanties fondamentales d’une bonne justice (I).
- En deuxième lieu, des modèles de procès apparaissent, empruntant à plusieurs traditions juridiques, mais avec un fonds commun universel, celui qui correspond, précisément, aux garanties fondamentales d’une bonne justice ; si un rapprochement s’opère entre les procédures accusatoire et inquisitoire, c’est toujours dans le respect de ce modèle universel, celui du procès équitable. La modélisation des procès par la mondialisation des procédures constitue ce deuxième axe de ce qui a changé et change encore dans notre procédure, au début du troisième millénaire (II).
- Enfin, la procédure elle-même, dans ce qu’elle a de plus technique, se renouvelle, avec une intensité plus ou moins forte selon le type de contentieux et selon le calendrier des réformes gouvernementales, donc sous la dépendance des aléas des majorités politiques, ce qui ne va pas sans inconvénients en matière de procédure pénale, où la passion l’emporte souvent sur la passion, certains défendant en mars 1999 (à propos du projet de loi sur la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes) ce qu’ils avaient combattu en novembre et décembre 1992 dans le débat sur le projet qui devait devenir la loi du 4 janvier 1993, et inversement ! Cette évolution de la technique des procès laisse entrevoir un point commun, une ligne force, l’émergence de nouveaux principes directeurs du procès qui traduisent les besoins de davantage de dialogue, de confiance légitime dans l’adversaire et dans le juge, de loyauté, mais aussi de rapidité ; les rôles respectifs du juge, des parties, du ministère public, s’en trouvent modifiés (III).

i) l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux et l’émergence d’un droit substantiel à un procès équitable

7 - La recherche de l’effectivité des droits. Cette effectivité des droits procéduraux est, sans doute, le phénomène le plus marquant de la fin du XXème siècle. Elle s’inscrit dans un mouvement plus général de la recherche de l’effectivité pour tous les droits de l’homme. On ne peut pas, ici, ne pas citer le fameux arrêt Airey c/ Irlande, du 7 octobre 1979 et le souci de la Cour européenne des droits de l’homme, clairement énoncé comme une exigence, « de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs »[5]. Cette recherche de l’effectivité des droits ne s’est jamais démentie et se fonde sur la spécificité des traités de protection des droits de l’homme, assurer la garantie collective de ces droits, ce qui implique de les interpréter « d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives »[6]. On la retrouve dans la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, par exemple pour l’accès au juge qui doit s’accompagner de règles procédurales garantissant effectivement les droits conférés aux justiciables par le droit communautaire.

8 - La notion de droits fondamentaux. Quelle définition donner ? Quel concept retenir ? Pour s’en tenir à l’essentiel et pour ne pas entrer dans une controverse qui dépasserait le cadre de cette étude[7], nous ferons nôtre la conception organique donnée par l’un des plus éminents spécialistes de cette question[8], conception qui retient trois critères, tous tirés de la protection des droits fondamentaux :
- protection non seulement contre le pouvoir exécutif, mais aussi contre le pouvoir législatif, alors que les libertés publiques en droit français traditionnel ne sont protégées que contre le pouvoir exécutif ;
- protection non seulement en vertu de la loi, mais aussi et surtout en vertu de la Constitution et des textes internationaux ou supra-nationaux. On verra qu’à cet égard le rôle de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de ses organes de contrôle est prépondérant. Le caractère fondamental du droit à un procès équitable est d’autant plus fort en droit processuel européen que, souvent, la Cour européenne ne se contente pas de censurer la non-conformité d’une procédure à la loi nationale ; elle juge le texte appliqué par les instances juridictionnelles nationales par rapport aux normes de la Convention ou issues de sa propre jurisprudence. Par exemple, dans l’affaire John Murray c/ Royaume Uni c’est le texte qui est en cause, puisque ce n’est pas la juridiction nationale qui a fixé le délai de quarante huit heures pendant lesquelles une personne suspectée de terrorisme n’a pas droit à un contact avec un avocat[9] ;
- protection non seulement par l’intervention des juges ordinaires, mais aussi par celle d’un juge constitutionnel et de juges internationaux.

9 - Dualité des facteurs d’attraction et conséquence quant à l’émergence d’un droit substantiel à un procès équitable. Le procès est désormais solidement ancré dans la sphère des droits fondamentaux. Cette attraction de la procédure par les droits fondamentaux résulte de deux facteurs :
- d’une part, l’existence d’un droit constitutionnel des libertés, reposant notamment sur le contrôle de constitutionnalité et dont l’importance est d’ailleurs plus forte en procédure pénale qu’en procédure civile ou administrative, en raison de la nature législative des sources de la première et de la nature réglementaire des sources des deux autres (A).
- D’autre part, l’existence d’instruments internationaux de protection des droits fondamentaux, dont la garantie d’un procès équitable constitue l’élément central (B).
Par ailleurs, l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux fait émerger un véritable droit substantiel à un procès que l’on a coutume de qualifier d’équitable et qui n’est que l’expression de sa conformité aux exigences d’une bonne justice, aux garanties fondamentales d’une bonne justice (C).

a) les facteurs d’attraction de la procédure par le droit constitutionnel

10 - Une métamorphose largement méconnue : la constitutionnalisation de l’ordre juridique. Même si ce phénomène n’est pas encore bien perçu par tous les juristes[10] et notamment les juges qui n’avaient pas l’habitude d’appliquer directement les normes constitutionnelles aux actes administratifs et juridictionnels, les choses sont en train de changer, en grande partie d’ailleurs sous l’effet des efforts de la doctrine constitutionnaliste contemporaine, celle qui voit dans le droit constitutionnel autre chose que l’enseignement des institutions politiques, de l’acquisition du pouvoir, de son exercice et de sa transmission[11]. « Le droit constitutionnel moderne a deux autres objets : le système normatif et la protection des droits et libertés fondamentaux »[12]. D’où une étude des éléments de théorie générale du droit constitutionnel des libertés et un aperçu des principaux droits et libertés dans les ouvrages de droit constitutionnel les plus récents et les plus modernistes[13]. La procédure n’échappe pas à cette affirmation de la normativité de la Constitution, à son applicabilité directe. « L’ensemble des actes administratifs ainsi que ceux des juridictions administratives et judiciaires doivent respecter la constitutionnalité dont le contenu est identique quels que soient les actes contrôlés »[14]. Que ce soit à propos des droits substantiels ou des droits processuels, les juges, judiciaires ou administratifs, doivent se référer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour appliquer les normes constitutionnelles. Encore faut-il que cette jurisprudence soit connue, donc enseignée en formation initiale et diffusée dans le cadre de la formation continue de nos juges. Cette exigence de diffusion est d’autant plus nécessaire que la France ne connaît pas, à la différence d’autre pays européens, tels que l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne ou l’Italie, de mécanisme permettant au Conseil constitutionnel d’imposer ses interprétations aux juridictions ordinaires et aux pouvoirs publics, même si, il ne faut pas l’oublier, ses décisions, selon l’article 62, al. 2 de la Constitution, s’imposent, « aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles »[15]. Et l’autorité des décisions du Conseil s’attache non seulement au dispositif mais aussi aux motifs dès lors « qu’ils en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même »[16]. Bien souvent ignoré à la fois de la pratique judiciaire et des autorités administratives amenées à réglementer nos activités et, malheureusement d’une certaine doctrine, ce principe entraîne, nous le verrons (infra, n° 13), trois conséquences qui forgent un droit processuel constitutionnel d’origine judiciaire ou réglementaire.

 a) Une attraction qui concerne toutes les procédures

11 - La constitutionnalisation de la procédure pénale et des procédures répressives administratives. Cette constitutionnalisation de la procédure concerne en priorité et, très naturellement, la procédure pénale, puisque ses sources sont essentiellement de nature législative et sont donc soumises au contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, dans la mesure toutefois où celui-ci s’en trouve saisi. La question est suffisamment connue pour ne pas mériter ici davantage d’explications[17], avec la précision toutefois que beaucoup de règles de procédure pénale n’ont pas été soumises au contrôle de constitutionnalité, par exemple la fonction de juge d’instruction avec les pouvoirs qui sont les siens et que rien ne dit que la réglementation actuelle serait avalisée par le Conseil.
On signalera simplement que les deux branches du droit répressif sont concernées, non seulement le droit pénal classique, formel, mais aussi le droit répressif administratif ; dès lors, les garanties constitutionnelles procédurales ne s’appliquent pas qu’à la procédure pénale ; toutes les procédures suivies devant les autorités administratives autorisées à prononcer des sanctions répressives administratives doivent respecter les normes constitutionnelles, notamment quant aux droits de la défense et à la présomption d’innocence, ainsi qu’en a décidé le Conseil constitutionnel[18].

12 - La constitutionnalisation directe des autres procédures. Il y a constitutionnalisation directe lorsque le conseil constitutionnel réintègre une partie de la procédure, par exemple civile, dans le champ d’application de l’article 34 de la constitution (compétence législative donc).
1) Il a d’abord réintégré toutes les règles qui concernent des matières qui, par leur nature, relèvent de la compétence législative.
- Ainsi, du principe de l’audition du ministère public chargé de la protection des personnes présumées absentes ; normalement, l’audition ou non du parquet devant le tribunal de grande instance est réglementée par décret ; en revanche, elle relève de la loi dans le cas des personnes présumées absentes, car l’intervention du ministère public, chargé de veiller à leurs intérêts, constitue alors une garantie essentielle du droit de propriété ; à ce titre le principe même de l’audition relève de l’article 34[19] ;
- Ainsi ensuite, de la revendication d’objets saisis en matière fiscale ; l’attribution de cette compétence aux tribunaux judiciaires relève de la loi parce que sont en cause « des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques »[20].
- Ainsi encore, pour la fixation des règles du recours en cassation, seul le législateur est compétent car cette voie de recours constitue pour les justiciables une garantie fondamentale[21].
- Ainsi enfin, de la détermination de la charge de la preuve. Elle relève aussi du domaine de la loi en ce « qu’elle affecte les droits et obligations » des intéressés[22].
2) Sont ensuite réintégrées dans le champ législatif de l’article 34 toutes les règles de procédure civile qui mettent en cause les droits de la défense. Dès 1972, le Conseil constitutionnel a décidé que l’article 34 qui réserve à la loi « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » permet de considérer que les règles de procédure contentieuse, même civiles relèvent du pouvoir législatif chaque fois qu’elles mettent en cause les droits de la défense[23]. Application en fut faite ensuite, en 1985, au principe de la contradiction qui est « de nature législative »[24].
3) Il faut souligner que l’extension du champ législatif des règles de procédure civile est potentiellement illimitée depuis la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 1982 qui a estimé, ce jour là, que le non-respect de la répartition des règles de compétence par le législateur ne constitue pas une cause d’inconstitutionnalité[25]. Il en résulte que le Parlement peut légiférer dans le domaine réglementaire de la procédure civile ou administrative, sans encourir la censure du Conseil constitutionnel[26]. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait récemment avec la loi n° 95-125 du 8 février 1995, dont nombre de dispositions procédurales auraient pu prendre place dans un décret ; ainsi de l’article 21 sur la conciliation et la médiation. Même remarque pour l’article 118 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions qui prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, un décret permettra de saisir le juge de l'exécution « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe, sans le concours d’un officier ministériel », pour l’exécution des ordonnances et jugements autorisant une expulsion. Seule cette dernière indication aurait dû figurer dans la loi, en laissant le soin au pouvoir réglementaire de fixer les modalités de mise en œuvre du principe. La précision, quasi-réglementaire, donnée par la loi rendait inutile la promulgation d’un décret qui fut néanmoins pris le 30 octobre 1998 et dont l’article 2 se contente de reprendre les termes de la loi !

13 - La constitutionnalisation indirecte des autres procédures. Les procédures civiles et administratives se trouvent indirectement constitutionnalisées par l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel qui, selon l’article 62, al. 2 de la Constitution, s’imposent « aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Bien souvent ignoré à la fois de la pratique judiciaire et des autorités administratives amenées à réglementer nos activités et, malheureusement d’une certaine doctrine (on l’a encore vu dans l’affaire de la juridiction compétente pour juger le Président de la République, suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, relative à la création d’une Cour pénale internationale), ce principe se réalise par trois techniques qui forgent un droit processuel constitutionnel d’origine judiciaire ou réglementaire.

1) La première technique se trouve dans le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs (décrets, arrêtés, etc.. ) par le juge administratif.

Si le Conseil constitutionnel a l’exclusivité du contrôle de la constitutionnalité des lois, les actes administratifs sont susceptibles d’être soumis à un contrôle de constitutionnalité par le juge administratif, ce qui intéresse au premier chef la procédure civile, matière réglementaire par excellence. La démonstration en a été faite, de manière éclatante[27]. Ce contrôle est encore peu exercé car, dans la tradition juridique française, la Constitution n’est pas nécessairement considérée comme une règle de droit, les principes généraux du droit constituant un palliatif à cette absence de normativité de la Constitution[28] ; « les juristes français, formés dans la tradition de la Constitution-texte symbolique sans valeur juridique, ne peuvent se faire à l’idée d’une Constitution-règle de droit »[29]. Dès lors, si les normes constitutionnelles ne sont pas utilisées dans le procès administratif c’est « parce que doctrine, juges et avocats pensent qu’elles sont inutilisables »[30]. Chacun reproduit un modèle appris d’enseignants non formés à l’idée que la loi n’est pas tout le droit et qu’il existe des normes constitutionnelles (et internationales, bien sûr). La jurisprudence du Conseil constitutionnel fournit des moyens de constitutionnalité et cette jurisprudence s’impose aux juridictions administratives (article 62,al. 2 de la Constitution) qui doivent, par conséquent, lorsqu’elles examinent une acte administratif, apprécier sa légalité par rapport à ces normes constitutionnelles[31] ; c’est le cas, naturellement, des décrets de procédure civile : lorsqu’ils sont soumis au contrôle de légalité du Conseil d’Etat, celui-ci doit tenir compte des normes constitutionnelles.
Il faut aller plus loin et appliquer la contrainte aux réserves d’interprétation que le Conseil apporte à une loi soumise à son contrôle ; ces réserves s’imposent au pouvoir réglementaire Lorsqu’une loi nécessite un décret d’application, les réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel s’adressent au pouvoir réglementaire, lequel est soumis à la jurisprudence du Conseil. Ainsi, en matière d’organisation judiciaire et de statut des magistrats, le Conseil a-t-il exigé que le pouvoir réglementaire fixe, sous le contrôle du juge administratif, les règles selon lesquelles sera opéré le choix des personnes nommées, par concours exceptionnel, au premier ou au second groupe du premier grade du corps des magistrats, afin de garantir l’objectivité qui doit présider aux règles de nomination et d’assurer le respect tant du principe de l’indépendance des magistrats que des exigences découlant de l’article 6 de la Déclaration de 1789 ; une réserve expresse concerne la formation juridique des candidats : la loi n’exigeant pas des diplômes ou un exercice professionnel faisant présumer, dans tous les cas, une qualification juridique particulière, les mesures réglementaires devront prévoir, sous le contrôle du juge administratif, des épreuves de nature à permettre de vérifier effectivement les connaissances juridiques des intéressés[32]. La même jurisprudence peut s’appliquer aux décrets de procédure civile.

2) La deuxième technique est le respect, par le juge judiciaire, de l’autorité de la chose jugée ou interprétée par le Conseil constitutionnel, à propos de lois soumises à son contrôle
- Le respect de la chose jugée ou interprétée par le Conseil constitutionnel s’impose d’abord lorsque le juge judiciaire applique le texte des lois à propos duquel des décisions ont été rendues par le Conseil[33]. Il est vrai que l’incorporation directe de la jurisprudence du Conseil dans notre ordre juridique par l’incorporation de ses interprétations dans les lois, ne peut exister qu’autant que des lois intéressant la procédure civile sont soumises à son contrôle ; sans être impossible, en raison de la jurisprudence constitutionnelle précitée qui, d’une part, autorise le Parlement à empiéter sur le domaine réglementaire et, d’autre part, étend le champ législatif aux règles de procédure qui concernent des matières relevant par nature de la compétence législative ou qui mettent en cause les droits de la défense, il faut bien reconnaître que les occasions de ce type sont rares ; elles ne sont pas inexistantes comme on l’a déjà souligné.
- Par ailleurs, les réserves d’interprétation que le Conseil apporte à une loi soumise à son contrôle s’imposent au pouvoir judiciaire. Lorsque la loi est applicable sans qu’il soit besoin d’un décret d’application, les tribunaux de l’ordre judiciaire seront conduits à tenir compte des réserves d’interprétation dans la décision du Conseil, dans la mesure où la loi concerne la procédure civile, ce qui n’est pas impossible pour les raisons déjà indiquées. Ainsi, dans sa décision du 25 juillet 1989, le Conseil constitutionnel a-t-il formulé une réserve d’interprétation qui intéresse la procédure civile, même si c’est au fondement de la liberté personnelle du salarié que la décision a été rendue. Il s’agissait de l’action en défense des intérêts individuels de certains salariés, dont l’exercice peut être confié à une organisation syndicale, en leur lieu et place, sans avoir à justifier d’un mandat de leur part. Le Conseil a exigé que « l’intéressé ait été à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause et qu’il puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et mettre un terme à cette action »[34]. On voit bien que c’est la liberté du droit d’agir (et de son corollaire de ne pas agir) qui se profile derrière cette motivation fondée sur la liberté personnelle du salarié par rapport à un syndicat. La méthode de la réserve d’interprétation a permis au Conseil de réécrire la loi en exigeant que le salarié soit averti de l’intention du syndicat d’agir à sa place et que la preuve soit établie qu’il a personnellement eu connaissance de la lettre du syndicat[35]. Il nous apparaît que cette décision déborde largement du texte examiné par le Conseil et qu’elle pose un principe général de procédure : une action en justice ne peut pas être introduite sans la volonté de la personne concernée[36]. La technique de la réserve d’interprétation est un mécanisme qui permet de « charger les lois d’une dose de constitutionnalité[37] » avant même leur interprétation par la jurisprudence judiciaire, ce qui peut être très efficace.

3) La troisième technique se trouve dans l’idée que le juge judiciaire est juge de la constitutionnalité et de la légalité des actes administratifs et juridictionnels. Cette dernière technique prend une importance considérable aujourd’hui car elle va au-delà du seul respect de la chose jugée ou interprétée par le Conseil constitutionnel à propos d’une loi ; elle l’englobe, mais la dépasse, les normes constitutionnelles étant toutes d’application directe, sans qu’il soit besoin du relais de la loi « pour être rendues opérationnelles »[38]. Le Conseil constitutionnel l’a rappelé récemment à propos du principe de l’égalité des sexes qui s’impose au pouvoir réglementaire sans qu’il soit besoin au législateur d’en rappeler l’existence[39].
- D’où une jurisprudence constitutionnelle de la Cour de cassation. Le droit processuel constitutionnel naît ainsi de la jurisprudence de la Cour de cassation dans la mesure où elle est juge de la constitutionnalité des actes juridictionnels (la violation de la Constitution est un cas d’ouverture à cassation pour violation de la loi) et de la constitutionnalité des actes administratifs (elle juge de leur légalité par voie d’exception et, dans le cas de la voie de fait, par voie d’action)[40]. La Cour de cassation est même allée jusqu’à affirmer l’existence « pour toute personne d’un droit fondamental à caractère constitutionnel », la défense, dont « l’exercice effectif exige que soit assuré l’accès de chacun , avec l’assistance d’un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention »[41]. La Cour de cassation, ce jour là, s’est fait juge constitutionnel, même si elle s’est abritée non pas derrière la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais derrière le droit (à caractère constitutionnel), encore que la formule utilisée et rapportée puisse faire implicitement référence, par l’adjonction du qualificatif « fondamental » « aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », c’est à dire à la jurisprudence du Conseil plus qu’au droit lui même. Cette qualité de juge constitutionnel est d’autant plus remarquable que, ce jour là, la Cour de cassation statuait en matière civile.
- D’où aussi, une jurisprudence constitutionnelle des juridictions du fond. Les juridictions du fond n’échappent pas à ce mouvement, dans la mesure où elles sont, elles aussi, juges de la constitutionnalité et de la légalité des actes administratifs et juridictionnels[42]. Ainsi, « on assiste à une banalisation de la légalité due à l’expansion et la technicité accrue de la législation qui s’accompagnent d’une diminution corrélative de la place et de l’importance des principes généraux du droit, ceux-ci étant de plus en plus soit absorbés par les normes constitutionnelles, soit réduits à un rôle secondaire »[43]. Il y aura donc « de plus en plus un contrôle de constitutionnalité et un contentieux de constitutionnalité des actes non législatifs qu’il faut qualifier comme tels »[44]. La constitutionnalisation du droit et de la procédure civile procède donc de la jurisprudence des juges du fond lorsqu’ils contrôlent, en cette matière, la constitutionnalité et la légalité des actes administratifs et juridictionnels, sous l’angle du respect des droits fondamentaux protégés par le Conseil constitutionnel. Il suffit pour se convaincre de l’importance naissante, mais croissante, de cette jurisprudence, de feuilleter les chroniques dites « constitutionnelles » dans les principales revues juridiques[45] ; une part importante de ces chroniques est consacrée au suivi de l’application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel par les juridictions du fond, à tel point que l’on voit apparaître une summa divisio entre « la jurisprudence du Conseil » et « la jurisprudence constitutionnelle des autres juridictions »[46].

14 - Vers un contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge judiciaire ?
Le droit français est en pleine contradiction : d’un côté, par le jeu de l’application directe de toutes les normes constitutionnelles, sans qu’il soit besoin du relais de la loi, il permet - il impose - au juge judiciaire de contrôler la constitutionnalité et la légalité des actes administratifs et des actes juridictionnels. D’un autre côté, il réserve le contrôle de constitutionnalité des lois au seul Conseil constitutionnel et interdit ce contrôle au juge judiciaire ; mais ce même juge peut écarter un texte législatif s’il le juge non conforme à nos engagements internationaux, notamment par rapport aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme (v. infra, 2°). Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui un juge ordinaire et la Cour de cassation, d’une part, de découvrir des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, notamment pour interpréter une loi (sans pour autant la censurer) et, d’autre part, de censurer une loi à la lumière de ces mêmes principes constitutionnels, mais en agissant sous couvert de la Convention européenne des droits de l’homme[47] ? Déjà, la commission européenne des droits de l’homme a donné un avis de condamnation de la France dans une affaire où le Conseil constitutionnel avait pourtant donné son aval à une loi de validation et où la Cour de cassation l’avait jugée conforme à la Convention européenne des droits de l’homme (alors que la loi en question était intervenue lors de l’instance de cassation et que les Cours d’appel avaient donné raison aux requérants et tort à l’Etat)[48]. C’est dire que le contrôle de constitutionnalité des lois par le juge judiciaire aurait pu se faire, dans cette hypothèse, comme dans d’autres, sous couvert de la non-conventionnalité de la loi en question, malgré l’aval du Conseil constitutionnel. Un peu d’audace et le contrôle de la constitutionnalité des actes législatifs par le juge judiciaire sera bientôt une réalité !
Déjà, le Conseil d’Etat contourne l’interdiction de contrôler la constitutionnalité des lois, grâce au contrôle de conventionnalité ; la Convention européenne des droits de l’homme est d’ailleurs considérée, par la Cour européenne, « d’instrument constitutionnel de l’ordre public européen »[49].

b) Une attraction renforcée par l’étendue des normes de référence du droit constitutionnel

15 - Norme textuelle et principes fondamentaux. Dans l’exercice des compétences qui leur sont respectivement reconnues, le Parlement et le Gouvernement doivent respecter - sous le contrôle du Conseil constitutionnel pour le premier et du Conseil d’Etat pour le second - une série évolutive de principes affirmés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les uns tirés de la lettre même des textes à valeur constitutionnel, les autres affirmés en tant que « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Ce sont les normes de référence du droit constitutionnel. L’intérêt de la question n’est plus le texte de la Constitution de 1958, mais la jurisprudence constitutionnelle qui, année après année, s’est construite sur les données fondamentales de notre droit (la théorie des sources) et sur la protection des libertés et droits fondamentaux. Ce nouveau droit constitutionnel ne tend pas à absorber le droit privé comme certains semblent le craindre, mais impose comme soubassement commun à toutes les branches du droit « un droit constitutionnel qui retrouve ses fonctions originelles de droit fondamental »[50].
Cette constitutionnalisation de la procédure, de toutes les procédures a pu se réaliser parce que le Conseil constitutionnel en ce domaine, comme dans d’autres, a reconnu valeur de droit positif et force constitutionnelle non seulement aux normes des articles 93 articles de la Constitution de 1958, mais encore à trois autres catégories de normes qui ont servi de référence pour le contrôle de la constitutionnalité des lois et qui, au total, forment une constitution de 135 articles[51].

1) La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 forme, avec ses 17 articles, le premier socle. Jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel du 27 déc. 1973, ce texte n’était qu’une source d’inspiration permettant au Conseil d’Etat de dégager les principes généraux du droit, ce qui ne permettait pas de sanctionner les lois, mais seulement les actes administratifs. A partir de cette date, la Déclaration de 1789 constitue une norme de référence dont la violation, par le législateur, peut être sanctionnée par le Conseil constitutionnel[52], par exemple le principe d’égalité et ses applications en matière judiciaire ; une application en a été faite, à propos du juge unique[53].

2) Les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps forme le deuxième socle ; on les trouve énumérés dans les 18 alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, lequel est visé par le Préambule de la Constitution de 1958. Ces principes intéressent peu la procédure civile, voire pas du tout (droit à la santé, droit au logement, etc..), encore que la traduction procédurale de l’effectivité de ces droits puissent s’appuyer sur eux. On a même vu la loi du 29 juillet d’orientation de la lutte contre les exclusions mêler ces droits et des dispositions de procédure civile.

3) Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Cette catégorie de normes de référence est mentionnée dans le Préambule de 1946 mais sa portée juridique est restée longtemps incertaine[54], car son contenu demeure formellement indéterminé, le Préambule de 1946 ne précisant ni les principes, ni les lois, ni les Républiques auxquels il se réfère ![55] C’est donc le juge constitutionnel qui les a dégagées non sans quelque confusion, car, dans les années 1970, l’expression était générique et désignait l’ensemble des normes constitutionnelles alors que, par la suite, elle fut réservée aux principes pouvant être reliés à des textes, ceux du Préambule et ceux des lois de la République[56]. On en dénombre huit, dont celui du respect des droits de la défense ; cette catégorie semble en voie d’extinction (quatre seulement depuis 1980[57] et aucun depuis 1989, avec la décision sur le rôle de l’autorité judiciaire en matière de propriété immobilière). Le Conseil constitutionnel a refusé cette valeur constitutionnelle à maints principes invoqués par des requérants, sans doute pour ne pas encourir le reproche d’un gouvernement des juges, ces principes étant par trop discrétionnaires[58]. On les confond parfois avec les principes généraux du droit qui sont normalement consacrés par le Conseil d’Etat et de valeur infra-législative, alors que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont normalement de valeur supra-législative et consacrés par le Conseil constitutionnel[59].

15 - Le rapprochement de ces normes de référence avec celles des USA. Le droit processuel va se nourrir de ces normes de référence et l’on ne peut manquer de rapprocher, avec ce plongeon vieux de deux siècles[60], la situation de la France et celle des U.S.A., au regard de ces normes, lorsqu’on connaît l’importance du rôle de la Cour suprême au sein du dispositif constitutionnel américain, notamment pour la protection judiciaire des libertés. Les trois textes fondamentaux américains datent tous de la fin du XVIIème siècle : 1776 pour la Déclaration d’indépendance, 1787 pour la Constitution, 1791, pour le Bill of rights (amendements ajoutés à la Constitution de 1787)[61] ; en apparence la France fonde ses libertés sur des textes plus récents : 1950 pour la Convention européenne des droits de l’homme, 1958 pour la Constitution, mais par la valeur constitutionnelle reconnue à la Déclaration de 1789, notre pays est plus proche des U.S.A. qu’il n’y paraît au premier abord[62], d’autant plus que l’idéologie qui a inspiré tous ces textes de 1776, 1787, 1789 et 1791 ne connaissait pas de frontières[63] et ne peut non plus être rapprochée du nazisme, contrairement à ce qui a pu être écrit à ce sujet[64].
Dans la perspective d’un développement à venir du droit procédural sous l’angle de la protection de nos libertés fondamentales, même en procédure civile, le rapprochement du droit processuel constitutionnel français avec le système américain sera riche d’enseignements, car ce système est d’abord procédural. A quand la consultation, sur Internet bien sûr, par la Conseil constitutionnel français des arrêts de la Cour suprême américaine et réciproquement ?

b) les facteurs d’attraction de la procédure par les instruments internationaux de protection des droits de l’homme

17 - Une garantie indispensable. La France, qui s’auto-proclame pays des droits de l’homme, alors qu’il n’est pas du tout certain que ces droits y soient mieux protégés que dans d’autres Etats, a besoin du rempart des droits fondamentaux du procès pour assurer la prééminence du droit. Et ce rempart vient, heureusement, de sources supra-législatives, d’autant plus nécessaires que la pratique nationale des juridictions est loin d’être toujours conforme, en tous points, aux standards de garantie des droits fondamentaux des justiciables. Que l’on en juge par quelques exemples : la France a été condamnée à Strasbourg, par la Cour européenne des droits de l’homme, par deux fois, pour dysfonctionnement de sa Cour de cassation, ce qui, on en conviendra aisément, n’a rien de glorieux ; une fois pour erreur de fait dans un arrêt de cette cour (affaire Fouquet) ; une autre fois pour défaut de motivation (affaire Higgins), ce qui constitue le comble de la honte lorsqu’on sait que la Cour de cassation contrôle la motivation des décisions du juge du fond, dans son existence et dans ses modalités[65]. Le principe du contradictoire lui-même, pourtant fondamental, est rejeté, par la chambre commerciale, de la catégorie des principes de droit naturel[66] et sa violation n’est pas considérée par la première chambre civile de la Cour de cassation comme un excès de pouvoir ouvrant un recours nullité autonome[67].
18 - Une garantie croissante. Cette imp
ortance croissante de l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux garantis par des instruments internationaux tient à trois facteurs (1°) qui entraînent certaines conséquences quant au domaine de la garantie (2°).

1°) Les trois facteurs d’attraction de la procédure par les instruments internationaux

a) Premier facteur : des instruments internationaux directement applicables

19 - L’attraction de la procédure par les droits fondamentaux participe d’un mouvement plus général d’internationalisation du droit procédural. Le centre de la question se ramène à une seule notion, qui s’exprime en deux mots seulement, « procès équitable ». Jamais, si peu de mots n’auront autant bouleversé le droit du procès (v. infra, b). L’expression n’est pas spécifique au droit européen, même si elle est au cœur de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.
- Cette exigence est en effet exprimée, pour la première fois, à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. Celle-ci n’ayant que la valeur d’un idéal à atteindre et aucun organe de contrôle n’ayant été mis en place, l’article 10 reste un texte de référence, une valeur morale, sans plus.
- En revanche, l’article 14, §1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, qui reprend lui aussi cette exigence, a une importance plus grande, d’une part, parce que le pacte est auto-exécutoire en droit national et, d’autre part, parce qu’il est doté d’un organe de contrôle, le Comité des droits de l’homme de l’ONU qui a élaboré une jurisprudence très protectrice des requérants ; ceux-ci, sur la base du Protocole facultatif, ont la faculté de présenter des communications individuelles. Toute une jurisprudence, malheureusement peu accessible, s’est construite, faisant de ce droit à un procès équitable un véritable droit substantiel.
- Avec l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, il faudra vraisemblablement tenir compte de la future jurisprudence de la Cour de Luxembourg en matière de droits fondamentaux et s’attendre à un contrôle, par cette Cour, de ce qu’un auteur a qualifié de « Charte communautaire des droits fondamentaux »[68], tout au moins dans le champ de compétence du droit communautaire.
- En attendant cette nouvelle jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes sur le procès équitable en droit communautaire, c’est l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence de la Commission et de la Cour européennes qui retiennent l’attention, notamment par les standards, véritables directives, que ces deux organes ont progressivement donnés aux Etats et aux tribunaux nationaux.

20 - L’applicabilité directe des instruments internationaux constitue une arme entre les mains des juges. Pour nous en tenir à la Convention européenne on soulignera qu’elle est en effet directement applicable par les tribunaux français, ce qui se traduit, dans l’ordonnancement juridique français, par deux considérations :
- d’une part, les justiciables peuvent invoquer la Convention européenne devant les juridictions nationales qui sont tenues de l’appliquer[69].
- d’autre part, la Convention l’emporte sur les normes internes et a une autorité supérieure à la loi (art. 55 de la Constitution)[70]. Ce dernier aspect constitue un pouvoir considérable entre les mains des juges, encore peu utilisé, sans doute parce qu’il est exorbitant, par rapport à notre tradition juridique, qu’un juge puisse écarter une loi française votée par le Parlement[71]. Les exemples de textes écartés par une juridiction française pour non conformité à la Convention européenne des droits de l’homme sont donc rares.
En procédure pénale, la Cour de cassation a écarté, au nom de l’égalité des armes telle qu’elle résulte de l’article 6 de la Convention européenne, l’application de l’article 546, al. 2, CPP, qui permet au procureur général d’une cour d’appel de relever appel de tous les jugements rendus par le tribunal de police, alors que le prévenu ne peut exercer cet appel que dans les cas et conditions limitativement énumérés par ce texte[72]. La solution est moins nette en revanche, pour le droit d’appel de deux mois du procureur général contre dix jours pour le parquet et le prévenu en matière correctionnelle : dans un arrêt du 22 novembre 1995, la Chambre criminelle a casé une décision qui avait omis de se prononcer sur l’exception soulevée[73].
En matière civile, il est très rare qu’une décision écarte un texte. On portera d’autant plus d’attention au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saintes le 21 février 1997 (confirmé en appel par la Cour de Limoges), en ce qu’il écarte une loi de validation au motif qu’ayant été prise sous la pression du lobby bancaire, elle n’était pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme en contraignant le juge à adopter une solution favorable aux banques dans des instances nouvelles, alors que la jurisprudence l’avait antérieurement condamnée dans d’autres affaires similaires[74].  Le tribunal de grande instance de Paris a aussi écarté la procédure issue de l’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 qui régissait jusqu’à présent l’action en réparation du préjudice subi par un client d’un avocat aux Conseils, du fait de l’activité de celui-ci, au motif que cette procédure n’était pas conforme à l’article 6 § 1 de la Convention européenne en ce qu’elle n’assurait pas un droit d’accès effectif à un tribunal[75]. Le Conseil d’Etat a aussi émis l’avis et rendu un arrêt selon lesquels il appartient au juge administratif de contrôler la compatibilité d’une loi de validation aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne sur le procès équitable[76].
En revanche, le Conseil constitutionnel se refuse cette arme, en refusant d’assurer le respect de la Convention dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, tout en reconnaissant sa supériorité sur la loi interne.[77] Cette attitude risque de coûter cher à la France et au Conseil constitutionnel, la Commission européenne ayant émis l’avis, le 9 septembre 1997, dans une affaire contre la France, que le fait que la Conseil constitutionnel ait donné son aval à une loi de validation et que la Cour de cassation l’ait jugée conforme à la Convention européenne « ne permet pas de décerner à sa décision un certificat de conformité avec les dispositions de la convention européenne susceptibles de lier les organes de Strasbourg ».[78] C’est en quelque sorte la réponse du berger à la bergère !

b) Deuxième facteur : un concept autonome de procès équitable

21 - La garantie textuelle et jurisprudentielle d’un procès équitable. L’attraction de la procédure par les droits fondamentaux a été grandement facilitée par l’existence, dans l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’une garantie que l’on résume par l’expression de procès équitable, mais qui rassemble toutes les composantes d’une bonne justice. Une jurisprudence audacieuse de la Cour européenne des droits de l’homme a complètement transformé le sens de certains mots qui pouvaient paraître bien anodins ou ne traduire qu’un voeu pieu (par ex. la notion de délai raisonnable) et a extrait de ce texte, de ce concept, des exigences non formellement exprimées (par ex. l’égalité des armes). La Cour de justice des communautés européennes, en s’appropriant le procès équitable au titre des principes généraux du droit communautaire, dispose du même outil, dans son champ de compétence.
Aucune étude sérieuse de procédure ne peut négliger aujourd’hui cette dimension des droits fondamentaux dans les procédures suivies en France (en fait, essentiellement, une dimension européenne et constitutionnelle), aucun manuel de procédure, qu’elle soit civile ou administrative, mais encore plus pénale, ne devrait l’ignorer, au-delà du coup de chapeau qui lui est parfois donné dans l’exposé des sources de la matière pour ne plus, ensuite, y revenir ; la garantie d’un procès équitable, non seulement est indispensable dans le contexte français du procès, mais elle envahit tous les contentieux grâce à une politique audacieuse et originale de la Cour européenne des droits de l’homme. Par simplification, nous nous en tiendrons désormais au procès équitable de l’article 6 de la Convention européenne et la jurisprudence de la Cour.

22 - La notion de procès équitable. Dans l’expression « procès équitable », avant équitable il y a procès ; pourtant on chercherait vainement l’expression dans les anciens codes de procédure, qu’il soient de procédure civile ou d’instruction criminelle, sans parler des textes qui régissaient le contentieux administratif. Le mot qui était davantage utilisé sous l’empire des grandes ordonnances royales, civile et criminelle, de 1667 et 1670, était celui d’équité, celle de nos Parlements bien sûr, dont Dieu devait nous garder, ... à côté de leur arbitraire. Le concept n’était pas formalisé et avait mauvaise réputation, ce qui explique sans doute que nous l’ayons enfoui au plus profond de nos institutions judiciaires ; on parlait plutôt d’une « équité arbitraire »[79], que d’un procès équitable ! Curieux glissement du vocabulaire juridique qui doit nous inciter à la prudence dans l’utilisation de cette expression et à rechercher le sens exact de l’équité pour mieux approcher l’équitable.
Les dictionnaires généraux, qu’ils soient anglais ou français, nous livrent deux sens de l’équité et conduisent progressivement au procès équitable :
- Dans le dictionnaire historique de la langue française[80], l’équité est d’abord définie comme un emprunt savant (1262) au latin aequitas : égalité, équilibre moral, esprit de justice, dérivé de aequus, égal, d’où impartial. On retrouve cette notion d’égalité dans le dictionnaire anglais Collins (English language dictionnary) : la qualité d’être loyal et raisonnable d’une manière qui donne à chacun un traitement égal.
- Ces deux mêmes dictionnaires voient aussi dans l’équité, pour l’un « la juste appréciation de ce qui est dû à chacun, selon un principe de justice naturelle, parfois divine », pour l’autre, le principe qui fera d’un jugement un jugement loyal dans un cas où les lois existantes n’apportent pas de réponse satisfaisante à un problème (« the principe used in law which allows a fair judgement to be made in a case where the existing laws do not provide a reasonnable answer to the problem »). C’est ici l’équité dont Philippe Jestaz nous dit[81], qu’elle serait tantôt désobéissance à la loi lorsque le juge écarte la règle de droit pour rendre un jugement « en équité », c’est à dire supposé plus juste que ne l’aurait permis l’application du droit strict, tantôt adaptation de la règle de droit à un cas particulier, tantôt expression d’une idée de justice comme fondement du droit.
Le Vocabulaire Henri Capitant[82], ne parle pas de l’équilibre, mais dégage cinq sens dont les quatre derniers peuvent être regroupés sous l’idée commune d’atténuation de la règle de droit par des considérations particulières, de dépassement du droit pour tendre à la justice, justice supérieure au droit positif ; l’autre sens serait l’égalité.
Dès lors, si l’on revient au procès équitable pour en faire une exigence, à quoi reconnaît-on qu’un procès donné l’a été ? Quel sens faut-il retenir de l’équité ?
- S’il s’agit d’être juste dans le jugement rendu, chacun sait bien que l’application de la règle de droit s’accommode mal avec une équité qui serait conçue comme la recherche systématique de l’humain dans les conséquences que provoque toute décision de justice ; c’est cette recherche qui conduisit le Président Magnaud à n’être le « bon juge » de Château-Thierry que pour les justiciables, pas pour les juristes. L’équité, au sens de la « sensibilité généreuse et hardie », que dénonçait Gény chez ce juge n’a pas sa place dans la notion de procès équitable, car les bons sentiments en matière de justice, la sensiblerie, mènent au déséquilibre et à l’inégalité entre les justiciables. C’est le sens d’une jurisprudence constante : le juge ne peut se contenter de se référer à son « arbitraire », même en invoquant son souci d’apaisement et son impuissance à démêler l’affaire, pour condamner le débiteur à ne régler que la moitié de la somme déclarée[83].
- C’est donc davantage la racine equus, l’idée d’équilibre qu’il faut retenir pour comprendre ce que peut représenter aujourd’hui un procès équitable ; l’idée d’assurer à tout justiciable un tel procès, se rattache à la notion très générale et générique de garanties fondamentales d’une bonne justice, dont on trouve des illustrations dans le caractère public des audiences, dans l’exigence d’un tribunal indépendant et impartial, ou d’un délai raisonnable, etc.. Ce sont ces garanties qui assurent à chacun, dans un État de droit, le droit à un procès équilibré, loyal, tant il est vrai que l’on oublie trop facilement que, dans la version anglaise de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’équivalent du mot français « équitablement », ce n’est pas « equity », mais « fair », ce qui, au moins pour un esprit continental, fait penser au légendaire fair play britannique ; en outre dans le 14ème amendement à la Constitution américaine figure l’exigence d’un procès loyal. Et l’equity, dans la langue anglaise, c’est d’abord la qualité d’être loyal (fair) et raisonnable dans une voie qui donne un traitement égal à chacun[84].
Il faut donc ici dissiper toute ambiguïté, l’équité dont il est question n’est pas celle qui s’oppose au droit ; ce n’est pas le dépassement du droit au nom de principes supérieurs. Le mot « équité » vient du latin « equus », qui signifie équilibre ; les deux termes sont équipollents[85].
On en a une confirmation dans la décision du Conseil constitutionnel sur l’injonction pénale du 2 février 1995 : « le principe du respect des droits de la défense implique, notamment en matière pénale, l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties »[86].
Pour conclure on dira que le procès équitable, c’est le procès équilibré entre toutes les parties.
Cela ne signifie pas pour autant que l’idéal de justice soit absent car l’équité au sens d’un équilibre à réaliser, c’est aussi un idéal de justice ; c’est, selon l’heureuse expression d’Henri Capitant il y a maintenant 70 ans, « l’une des plus radieuses formules de justice dont on ait depuis la Grèce et Rome, illuminé l’espoir des sociétés modernes »[87]. Le procès équitable repose sur des garanties qui tendent à faire régner cet idéal de justice. Si l’équité dans le procès c’est l’équilibre, tendre à assurer le respect de celui-ci, c’est aussi veiller à promouvoir l’idéal de justice : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent »[88].

c) Troisième facteur : des méthodes d’interprétation originales

23 - Méthodes européennes. La Commission et la Cour européennes ont développé des méthodes d’interprétation du droit européen tout à fait original, au moins pour un esprit cartésien, peu familier du droit anglo-saxon. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU n’a pas affirmé aussi nettement la même démarche. Ces méthodes sont au nombre de quatre.

24 - Première méthode : l’autonomie des notions. Le contrôle européen de la qualification de la loi nationale se réalise par des notions autonomes, c’est à dire indépendantes des qualifications nationales, ce que deux éminents spécialistes de ces questions ont appelé, en termes diplomatiques, « la tendance extensive de la jurisprudence européenne[89] », et qui a conduit l’un d’entre eux à affirmer, en une formule plus directe, que « le contrôle de la Cour s’étend jusqu’aux bornes fixées par elles[90] ».
Il n’est donc pas étonnant que, les mots écrits dans l’article 6 §1 de la Convention étant lus comme désignant des concepts autres que ceux traditionnellement admis dans les droits nationaux, cette lecture extensive puisse ne pas être la même selon la juridiction nationale amenée à en connaître pour fixer l’applicabilité de l’article 6 à tel ou tel type de contentieux. D’où des divergences quant au champ d’application de l’article 6 §1. La matière civile, et encore plus la matière pénale, peuvent ne pas avoir la même signification en droit européen et en droit national. Tout n’est pas tranché en droit européen ; on peut appartenir à deux catégorie à la fois. Les notions qui figurent dans la Convention doivent être interprétées dans un sens européen, valable pour tous les Etats membres, et non pas par référence au droit interne de l’Etat défendeur, ceci afin d’arriver à une définition uniforme des engagements internationaux des Etats parties à la Convention et de préserver l’égalité de traitement entre les Etats contractants. Cette notion d’autonomie a permis à la Cour européenne de fixer un très large domaine d’application de la Convention[91].

25 - Deuxième méthode : un contrôle non limité à la matérialité des faits. Les organes européens contrôlent non seulement la matérialité des faits, mais aussi :
- la finalité de la mesure prise,
- l’effectivité de la garantie,
- et la proportionnalité des atteintes légitimes à certaines libertés.

26 - Troisième méthode : un contrôle au-delà des garanties formelles. La Commission et la Cour ne se contentent jamais d’un examen formel du respect de chacune des garanties énumérées à l’article 6. Une décision peut être sanctionnée pour procès non équitable, alors même que toutes les garanties formelles auraient été respectées ; ainsi de l’obligation de motiver les décisions de justice[92].

27 - Quatrième méthode : l’approche globale du procès. C’est l’ensemble de la procédure qui permet d’apprécier et de retenir le caractère équitable du procès au niveau de celles-ci. La Commission et la Cour se livrent en effet, à une approche globale du procès équitable, ne se contentant jamais d’un seul stade de la procédure. Il faut soupeser l’ensemble du procès, rejoignant ainsi l’étymologie du mot équité, aequus signifiant équilibre, un peu comme la pesée des âmes dans la mythologie égyptienne.

28 - Conséquences sur l’effectivité des droits. Avec de telles méthodes d’interprétation on est loin du raisonnement juridique traditionnel français, qui ne se satisfait guère de pesées ! Nous sommes dans une autre logique, celle des concepts flous ou « logique de gradation » comme le relevait un auteur[93]. C’est une démarche pragmatique, anglo-saxonne certainement, à laquelle nous devons nous habituer. Est-ce cette difficulté à adopter cette logique qui explique les réticences des juridictions françaises, et singulièrement de la Cour de cassation française, à appliquer la garantie d’un procès équitable ? Le relais de la jurisprudence européenne est alors indispensable pour garantir l’effectivité des droits procéduraux fondamentaux en droit français.

2°) Conséquences quant au domaine de la garantie

a) L’extension du domaine de la garantie d’un procès équitable à tous les contentieux, dès lors que le litige relève de l’une des deux matières visées à l’article 6

29 - L’extension du domaine de la garantie d’un procès équitable par l’autonomie des notions. Par simplification, nous raisonnerons sur la seule Convention européenne des droits de l’homme et l’applicabilité de son article 6. L’effectivité de la garantie d’un procès équitable est d’autant plus forte que la jurisprudence européenne l’a progressivement étendue à tous les contentieux, interprétant d’une manière autonome, non pas la notion de contentieux, mais la notion de contestation civile ou d’accusation pénale. C’est au nom de l’autonomie des notions conventionnelles mais aussi en tenant compte de la globalité d’appréciation du caractère équitable du procès, que la Commission et la Cour européennes des droits de l’homme ont construit le domaine positif et négatif de la garantie d’un procès équitable, tant en matière civile (1) qu’en matière pénale (2), parfois en opposition avec les jurisprudences nationales.

1) La matière civile

30 - L’attraction à la garantie d’un procès équitable de toutes les « contestations sur des droits et obligations de caractère civil ». Toutes les procédures dont l’issue est déterminante pour un droit civil sont soumises aux exigences de la convention[94], peu important la nature de la loi selon laquelle la contestation doit être tranchée et la nature de l’autorité compétente. La matière civile peut donc relever de la compétence d’une juridiction administrative. La méthode de l’autonomie des notions (supra, n° 24) joue ici un rôle capital. Ainsi, la méthode de la Cour européenne pour déterminer le caractère civil des droits et obligations sur lesquels portent les contestations, n’implique pas que les parties au litige soient des personnes privées, l’approche patrimoniale étant décisive et l’intervention de la puissance publique n’étant plus exclusive du caractère civil de l’obligation : les droits et obligations de caractère civil sont ceux susceptibles d’avoir des répercussions sur un droit de caractère patrimonial et, de manière plus générale, sur l’activité économique du requérant[95].
La CEDH a précisé successivement la notion de « droit défendable » et celle de « décision déterminante pour l’issue d’un litige portant sur un droit civil ».

31 - La notion de droit défendable retenue par la CEDH soulève quelques difficultés : selon la cour en effet, « pour que l’article 6-1 sous sa rubrique civile trouve à s’appliquer, il faut qu’il y ait « contestation » [dispute dans le texte anglais] sur un droit que l’on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s’agir d’une contestation réelle et sérieuse : elle peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice.
Il eût sans doute mieux valu que la CEDH utilisât le terme de droit « revendiqué » plutôt que reconnu ; cela lui aurait évité de se livrer à des analyses hasardeuses et peu opportunes parfois, des droits nationaux pour y trouver confirmation qu’un droit y est effectivement reconnu et non pas seulement revendiqué par le requérant.

32 - La notion de « décision déterminante pour l’issue du litige portant sur un droit civil » est aussi un moyen pour la CEDH de fixer arbitrairement son domaine d’intervention. Selon cette exigence en effet, il faut qu’un lien existe entre la décision attaquée au titre de la garantie du procès équitable et le droit substantiel revendiqué par les requérants ; cela laisse une marge de manoeuvre à la Cour et il semble se dessiner une distinction inquiétante entre les petits et les grands contentieux avec l’arrêt Bahmer-Schafroth c/ Suisse, du 26 août 1997[96] : lorsque le contentieux est modeste la Cour est plus encline à y voir une décision déterminante pour la victime (permis de construire) ; lorsque le contentieux est très important, met en cause la souveraineté d’un état, l’interprétation est plutôt contra victima, ainsi du contentieux nucléaire dans l’affaire précitée. Selon que vous serez grand et puissant... !
L’article 6 est donc applicable à tous les procès civils lato sensu[97]. Il suffit que le litige porte sur un droit civil.

2) La matière pénale

33 - Notion autonome. La Cour européenne définit la matière pénale par rapport à la notion « d’accusation en matière pénale », ce qui est beaucoup plus large que la définition nationale et formelle de la procédure pénale. Afin d’éviter une « babélisation » de la notion de matière pénale, variable selon les États membres, la Cour de Strasbourg a autonomisé cette notion en droit européen.
L’arrêt Engel c/ Pays-Bas[98] a été le premier à affirmer en 1976 :
- d’une part, que les états ne devaient pas pouvoir disposer à leur guise des qualifications, par exemple disciplinaire au lieu de pénale,
- et, d’autre part, que la matière pénale dépassait le code pénal par ses trois réactifs que sont : les indications du droit national, la nature du fait ou du comportement transgresseur et le but et la sévérité de la sanction.
Parmi les indices de la matière pénale c’est incontestablement celui de la gravité de la sanction encourue qui joue un rôle déterminant, ainsi en matière de sanctions des délits d’audience. Ainsi, dans l’arrêt Putz du 22 février 1996[99], la Cour européenne relève que les peines d’amende n’étaient convertibles en peine de prison qu’en cas de non-paiement, avec appel possible et que la durée maximale de la détention était de 10 jours.

b) L’extension de la garantie du procès équitable aux procédures d’exécution des actes notariés et des actes de conciliation

C’est au cours de l’année 1998, que cette double extension s’est réalisée.

34 - Les exigences procédurales de l’article 6 ont d’abord été déclarées applicables à une procédure d’exécution d’un acte notarié garantissant une créance.
La Cour européenne a en effet considéré, dans un arrêt Estima Jorge c/ Portugal, du 21 avril 1998[100], que cette procédure est déterminante pour la réalisation effective du droit de la requérante.

35 - La même extension a été retenue par la Cour européenne pour l’exécution d’un acte de conciliation, dans un arrêt du 28 oct. 1998, Perez de Rada Cavamilles c/ Espagne[101]. En l’espèce, les autorités nationales avaient déclaré irrecevable, pour tardiveté, un recours de « reposicion », expédié dans le délai de trois jours prévu par la loi espagnole, mais reçu deux jours après l’expiration du délai. Selon la Cour, l’application particulièrement rigoureuse faite par les juridictions espagnoles d’une règle de procédure, a privé la requérante du droit d’accès à un tribunal. Sur l’applicabilité de l’article 6 à la procédure d’exécution d’un acte de conciliation devant le juge judiciaire (sans contestation des parties), la Cour affirme que (§ 39) : « la requérante s’était vu reconnaître un droit à la jouissance paisible de sa propriété et dont le respect pouvait être assuré par le biais des voies d’exécution. Il en ressort que le droit découlant de l’acte de conciliation et la procédure d’exécution étaient intimement liés puisque l’effectivité du premier dépendait, en ultime instance, de la mise en branle de la seconde ». Et la Cour poursuit que selon sa propre jurisprudence, « c’est au moment où le droit revendiqué trouve sa réalisation effective qu’il y a détermination d’un droit de caractère civil, quelle que soit la nature du titre exécutoire ». Or, en l’espèce, la procédure d’exécution d’un acte de conciliation a été déterminante pour la réalisation effective du droit de la requérante.

c) l’émergence d’un droit substantiel à un procès équitable

36 - Le procès équitable, enjeu substantiel. Le procès équitable devient un enjeu substantiel à un triple point de vue :
- d’abord, parce qu’il est devenu le critère d’appréciation du respect, par les États adhérents, des droits substantiels garantis par la Convention (1°) ;
- ensuite parce qu’il a permis, par la force de ses exigences, de protéger par les garanties de la Convention, des droits qui n’entrent pas dans le champ d’application de celle-ci (2°) ;
- enfin, parce qu’il est lui-même devenu un droit substantiel (3°).
Ces trois aspects ont été heureusement et remarquablement mis en valeur par notre collègue J.F. Flauss dans sa contribution au procès équitable lors du colloque organisé le 22 mars 1996, par l’Université Robert Schuman de Strasbourg et la Cour de cassation[102]. Mais il est vrai que tous les auteurs n’en partagent pas toutes les audaces[103]!

1°) Le procès équitable, critère d’appréciation du respect, par les Etats, des droits substantiels garantis par la Convention

37 - Le contrôle, par le droit à un procès équitable, de la proportionnalité des ingérences des Etats dans les droits substantiels des citoyens. La notion processuelle de procès équitable est amenée à jouer un rôle encore plus important à l’avenir, dans la mesure où la Cour européenne considère, dans son contrôle de la proportionnalité des ingérences des États dans les droits substantiels des citoyens, que le respect du droit à un procès équitable par l’Etat, est l’un des critères d’appréciation de la proportionnalité des restrictions apportée par ces États à l’exercice des droits substantiels garantis par la Convention.
- Par exemple, si le tiers, dont le bien a été saisi par l’administration fiscale, a pu faire contrôler par un tribunal, dans le cadre d’une procédure satisfaisant aux conditions de l’article 6 §1, l’usage qui a été fait des pouvoirs reconnus à cette administration, l’exercice de ce droit de saisie satisfait à l’exigence de proportionnalité[104]. Le droit au procès équitable devient ainsi, par ses interférences avec la protection des droits substantiels, « la pierre angulaire du droit de la Convention »[105].
- En matière de respect de la vie privée ou familiale, l’article 8 de la Convention qui protège ce droit ne prévoit aucune condition de procédure. Pour autant, la Cour décide que les mesures d’ingérence dans ce droit doivent non seulement respecter les intérêts protégés par l’article 8, mais aussi être prises après un processus décisionnel qui respecte le droit au procès équitable de l’article 6 §1[106].
- D’une manière plus générale, la Cour sanctionne la violation de droits procéduraux, à travers le non-respect de droits substantiels[107]. Et certains juges émettent l’opinion dissidente qu’il faut aller plus loin et reconnaître l’existence de garanties procédurales dans les droits substantiels garantis par la Convention[108].

2°) Le procès équitable, protecteur des droits substantiels non garantis par la Convention

38 - La garantie de ne pas s’auto-incriminer. C’est encore le droit au procès équitable visé à l’article 6 §1 - et non pas l’article 6 §2 - qui sert de critère d’appréciation au droit de ne pas s’auto-incriminer, droit non garanti formellement par la Convention, alors que l’article 6 §2 est plus en rapport avec cette question, puisqu’il garantit le respect de la présomption d’innocence. Or, la Commission et la Cour considèrent que ce droit, non formellement garanti par la Convention, constitue une garantie accordée aux accusés au nom du droit à un procès équitable. Elles le rattachent d’ailleurs à deux dispositions de l’article 6 :
- à celle du §2, parce qu’il lui est « intimement lié », en ce qu’il reflète ce que l’on attend d’un État : qu’il prenne en charge l’établissement de la culpabilité d’un accusé, l’accusé étant « en droit de ne pas être amené à fournir la moindre aide sous forme d’aveu lors de cette procédure ».
- Mais, surtout, au §1, au procès équitable : « le fondement d’un procès équitable présuppose qu’il soit offert à l’accusé la possibilité de se défendre contre les charges portées à son encontre. La position de la défense est ébranlée si l’accusé est ou a été contraint de s’accuser lui-même »[109].
En revanche, la Cour a précisé, le 20 octobre 1997, que si le droit de se taire avait pour but de protéger les accusés contre une coercition abusive des autorités, ce qui présuppose que l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de sa volonté, « les condamnations à une amende en raison du refus du requérant de prêter serment et de déposer devant le juge d’instruction qui l’avait convoqué comme témoin, ne s’analyse pas en une violation du droit de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination ». En l’espèce, le requérant pouvait redouter, selon la Cour, que par le biais de certains de ses propos, il témoigne contre lui-même ; il eût été ainsi admissible qu’il refuse de répondre à celles des questions qui auraient été de nature à le pousser dans cette direction. Mais, il résultait des P.V. d’audition, qu’il refusa d’emblée de prêter serment ; or, le serment est un acte solennel par lequel son prestataire s’engage à dire la vérité, mais que la vérité ; la coercition vise donc à garantir la sincérité des déclarations faites et non à obliger l’intéressé à déposer[110].

39 - La garantie d’une prestation invalidité. De la même façon, et alors que la Convention ne garantit pas un droit à des prestations invalidité, la Commission et la Cour ont admis qu’une requérante pouvait faire valoir l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe dans le refus du Tribunal des assurances de lui accorder une telle rente ; le Tribunal en effet avait motivé son refus sur l’idée que les femmes cessaient généralement toute activité professionnelle lorsqu’elles devenaient mères de famille, argument qui ne pouvait être opposé aux hommes ! La Cour y voit une motivation discriminatoire injustifiée en violation du droit à un procès équitable[111].

40 - La garantie de ne pas être jugé deux fois pour les mêmes faits : le principe non bis in idem. La Commission et la Cour ont consacré, au nom du droit à un procès équitable un droit qui n’est garanti qu’à titre optionnel dans la Convention, au Protocole n° 7, article 4 §1, à savoir le principe non bis in idem[112]. Le rapport de la Commission et l’arrêt sont riches d’enseignements pour la France, car bien que l’affaire concerne l’Autriche, la solution est transposable, les réserves émises par la France et par l’Autriche l’étant en termes identiques. Il s’agissait de savoir si une personne ayant été poursuivie et condamnée par un tribunal pénal autrichien, pouvait ensuite être condamnée par une autorité administrative, mais dans des conditions telles que les sanctions administratives relevaient de la matière pénale au sens de la Convention. Or, l’Autriche, comme d’ailleurs la France, ont ratifié le Protocole avec des réserves d’interprétation et notamment que le principe non bis in idem ne serait applicable que pour des poursuites engagées à propos d’infractions relevant « dans le sens du Code pénal autrichien » ou « en droit français » de la matière pénale. A suivre ces réserves et le sens que leur donnait l’Etat autrichien, les poursuites devant l’autorité administrative ne relevant pas de la matière pénale au sens national autrichien elles pouvaient être engagées pour les mêmes infractions. Ce n’est pas l’avis de la Commission, ni la décision de la Cour qui considère « qu’en excluant toutes les procédures qui ne seraient pas pénales au sens du code pénal autrichien, la déclaration [autrichienne] n’offre pas à un degré suffisant la garantie qu’elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées par l’Autriche ». En invalidant les réserves autrichiennes la Cour fait entrer le principe non bis in idem dans la matière pénale au sens de la Convention, dans les procédures pénalisées de l’article 6, celles pour lesquelles le droit à un procès équitable est applicable. Ce dernier consacre ainsi un droit optionnel, en faisant tomber des réserves d’interprétation.
En outre, la Commission avait considéré que le principe non bis in idem jouait pour les mêmes faits à la base des deux poursuites autrichiennes, quand bien même elles ne concernaient pas « formellement » la même infraction ; la Commission insiste sur le fait que le Protocole n° 7, article 4 §1, ne fait pas référence à une « même infraction », mais à des poursuites et à une condamnation portant « à nouveau » sur une même infraction, c’est à dire sur les mêmes faits. La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère au contraire, que « la règle non bis in idem, consacrée par l’article 4 du protocole n° 7, additionnel à la CEDH, ne trouve à s’appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que, pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas la prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif »[113]. Le Conseil d’état retient la même solution au regard de l’article 14-7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : « cet article, pour lequel la France n’a formulé aucune réserve d’interprétation, ne fait pas obstacle à ce qu’un contribuable condamné ou relaxé des poursuites du chef de fraude fiscale se voie appliquer, s’il y a lieu, par l’administration fiscale, les pénalités pour mauvaise foi ou pour manoeuvres frauduleuses ou les pénalités prévues en cas d’absence de déclaration ou de déclaration tardive »[114]. Même solution pour le Conseil de la concurrence à propos des articles 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du Traité CEE : pas d’applicabilité de ce principe en cas d’application conjointe de ces deux articles (infractions distinctes selon le Conseil, car l’article 85 suppose que le commerce entre les états membres soit concerné)[115]. Ou encore, pour des poursuites pénales pour publicité mensongère (articles L. 121-1, L. 121-5 et 6, code de la consommation), leur existence ne saurant faire échec ni à la compétence du Conseil, ni à son pouvoir de sanction, le principe non bis in idem n’ayant pas lieu de jouer[116]. Pour être complet, signalons que la Cour de justice des Communautés européennes retient la même solution que le Conseil de la concurrence[117], mais ajoute dans son arrêt qu’une « exigence générale d’équité...implique qu’il soit tenu compte de toute décision antérieure pour la détermination d’une éventuelle sanction ». N’est-ce pas le cas lorsqu’il y a application simultanée des deux règles par la même autorité ?
Pourtant, une évolution récente de la Cour européenne, sans remettre en cause la consécration de la règle non bis in idem, tend à estomper les divergences entre la jurisprudence française et la jurisprudence européenne, quant à son application entre des juridictions distinctes. En effet, la Cour européenne est revenue sur sa solution de 1995 en jugeant, le 30 juillet 1998[118], que « l’article 4 du protocole n° 7 ne s’oppose pas à ce que des juridictions distinctes connaissent des infractions distinctes, fussent-elles les éléments d’un même fait pénal ». La position de la chambre criminelle s’en trouve donc confortée. Il nous semble que la règle non bis in idem devrait être étendue aux contentieux répressif de la matière pénale, quelle que soit la nature de ce contentieux, pénal ou répressif administratif.

3°) Le procès équitable, droit substantiel

41 - La construction d’un triptyque par vingt-deux ans d’évolution européenne. En vingt-deux ans, entre l’arrêt Golder du 21 février 1975 et l’arrêt Hornsby du 19 mars 1997, la Cour européenne a finalement construit un droit au procès équitable extrêmement large, droit qui comprend désormais trois volets ; le droit à un procès équitable au sens large forme un tout, un triptyque, dont le premier volet est le droit d’accès à un tribunal, le deuxième, le droit à une bonne justice dans ses deux aspects d’organisation du tribunal (indépendance, impartialité) et de garanties dans le déroulement de l’instance (droit à un procès équitable au sens strict, publicité de l’audience et délai raisonnable) ; le troisième volet, droit à l’exécution, est désormais détaché de l’exigence du respect du délai raisonnable pour devenir un droit autonome.
Dans les trois cas, il s’agit bien d’un véritable droit substantiel, à caractère fondamental. C’est ce procès qui constitue un modèle universel, dans le cadre d’un mouvement plus général de mondialisation de la procédure qui participe à la modélisation des procès. Il convient donc de préciser les principaux aspects de ce mouvement.

 ii) la modélisation des procès dans la mondialisation des procédures

42 - La mondialisation du droit et des procédures. Phénomène marquant de cette fin de siècle, la mondialisation du droit[119] concerne en tout premier lieu le droit du procès. Sous l’effet de l’attraction, notamment internationale, de la procédure par les droits fondamentaux, un modèle universel du procès apparaît, quel que soit le type de contentieux (A). Parallèlement, en matière pénale, un modèle mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire, se construit en droit international et en droit européen (B). Enfin, le modèle français se transforme, qu’il s’agisse du procès civil ou du procès pénal, avec, de surcroît, un croisement des contentieux qui tend à brouiller ce paysage ( C ).

a) un modèle universel : le droit à un procès équitable

43 - Les garanties d’une bonne justice dans le modèle européen de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (article 14) et, surtout, la Convention européenne des droits de l’homme, avec son article 6 §1 sur le procès équitable, ont beaucoup contribué, sinon au rapprochement des procédures, tout au moins, au-delà de leur diversité maintenue, à la construction d’un fonds commun procédural qui s’impose à tous les Etats soumis à l’emprise de ces instruments internationaux (sur lesquels, v. supra, I, B). Véritable socle de standards d’une bonne justice ces droits fondamentaux du procès contribuent déjà à la modélisation des procès, quel que soit d’ailleurs le type de contentieux, quel que soit le pays. En effet, la notion de matière civile, pas plus que celle de matière pénale ne recoupe le procès civil ; une matière civile peut faire l’objet devant une juridiction civile, mais aussi devant une juridiction administrative ou disciplinaire ; même remarque pour la matière pénale, qui n’appartient pas qu’aux juridictions répressives stricto sensu, qui déborde sur le contentieux répressif administratif, économique par exemple. Le modèle européen issu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en est d’autant plus transversal, par rapport à nos schémas traditionnels. Il est d’autant plus utile que certains contentieux nouveaux, ceux nés de la régulation économique par des autorités de marché, n’ont pas toujours disposé, tout au moins à l’origine, de règles de procédure suffisamment précises pour que soient respectés les principes fondateurs d’une procédure démocratique et respectueuse des droits de la défense. C’est ainsi que l’assemblée plénière de la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 5 février 1999, que le principe de la séparation des autorités de poursuite, d’enquête et de jugement s’appliquait aux procédures quasi-pénales, par exemple devant la Commission des opérations de bourse.
Ce droit à un procès équitable s’exprime aujourd’hui à travers un triptyque, déjà signalé, v. supra, n° 41.

b) un modèle pénal mixte en droit international et européen

44 - L’accusatoire et l’inquisitoire dans la procédure suivie devant le tribunal pénal international de La Haye. En juillet 1998, les 9 et 10 précisément, il s’est passé à La Haye un événement important au Tribunal pénal international ad hoc, compétent pour connaître des crimes contre l’humanité commis dans l’ex-Yougoslavie et qui préfigure la future Cour pénale internationale. Ces jours-là, le Tribunal a modifié pour la treizième fois son règlement de procédure et, sous la présidence d’un juge américain, a mis en place un juge de la mise en état des affaires pénales pour contrôler l’action du Procureur pendant la phase de recherche des preuves. En d’autres termes, l’inquisitoire a fait reculer l’accusatoire, la procédure française l’a emporté, à ce stade du procès, sur la procédure anglo-saxonne, jugée inapte à permettre le fonctionnement de cette juridiction pendant la phase d’enquête. Dans le même temps, il était décidé de confier aux magistrats participant à la juridiction de jugement un pouvoir de direction pour fixer l’ordre des dépositions, pour intervenir dans l’interrogatoire des parties et pour obliger les parties, dont le Procureur, à produire leurs preuves.

45 - L’accusatoire et l’inquisitoire dans la procédure suivie devant la future Cour pénale internationale. Parallèlement à ce qui se passait à La Haye, était adoptée à Rome, le 17 juillet 1998, la Cour pénale internationale qui entrera en vigueur soixante jours après que le soixantième Etat aura déposé ses instruments de ratification (120 Etats sur 160 ont voté pour le statut de la nouvelle Cour, mais trois grands, les Etats Unis, la Chine et l’Inde, ainsi qu’Israël, ont voté contre). Compétente pour connaître des génocides, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des agressions, la Cour, qui siégera à La Haye, suivra une procédure mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire, mais à dominante largement accusatoire, le partage n’étant pas moitié-moitié. Il n’en reste pas moins que le modèle de common law n’a pas été adopté pour l’ensemble de la procédure.
- Il y aura une phase préalable de mise en état du procès pénal. Celle-ci sera placée sous la domination du Procureur qui jugera de la nécessité d’ouvrir une enquête, d’engager des poursuites. S’il décide de ne pas poursuivre, il en informe les Etats concernés, le Conseil de sécurité et la chambre « préliminaire » (= d’instruction) qui ont un pouvoir d’examen de cette décision de ne pas poursuivre. S’il décide de poursuivre, le Procureur il demande la remise de la personne ou sa présentation devant la chambre préliminaire. C’est lui qui aura la charge de la preuve. Commence alors une phase inquisitoire.
En effet, l’instruction devant la chambre préliminaire est, en partie, inspirée du modèle français et est conçue comme l’avait souhaité la France avec une procédure en deux temps. Dans un premier temps, la chambre préliminaire instruit, c’est à dire prend des actes relatifs à la liberté individuelle, comme le fait jusqu’à présent un juge d’instruction français (mise en détention, mise en liberté) ; mais la chambre ne fait qu’aider les personnes à rassembler les preuves ; elle dispose cependant de prérogatives particulières quand les preuves risquent de disparaître (exhumation, personnes malades). Mais la chambre n’instruit pas au sens français du terme, puisqu’il appartient au Procureur de rassembler les preuves. Dans un second temps, la chambre préliminaire organisera une audience de confirmation, au besoin sans la présence de la personne poursuivie, mais selon une procédure plus proche du modèle anglo-saxon ; au cours de cette audience, le Procureur présentera ses charges, que les personnes poursuivies pourront contester. L’audience se termine par une décision de renvoi devant la Cour ou de non-lieu ou de suspension de confirmation ; la majorité simple est requise et les opinions dissidentes ne seront pas exprimées.
La phase de jugement devra toujours se faire en présence de l’accusé, la contumace n’étant pas prévue. La procédure est alors conforme à ce que voulaient les autres Etats, c’est à dire accusatoire.

46 - L’accusatoire et l’inquisitoire dans le modèle européen du Corpus juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de l’Union européenne. Rédigé par un groupe de juristes réunis sous l’autorité de Mme Mireille Delmas-Marty, ce texte devrait permettre la libre circulation des magistrats dans un espace judiciaire rénové, dès lors que sont en cause les intérêts financiers de l’Union européenne[120]. Il vise ainsi à pallier les insuffisances actuelles des instruments traditionnels de lutte contre la criminalité internationale et la corruption[121].
a) L’idée générale est d’abandonner les notions, classiques en droit communautaire, « d’harmonisation » et « d’assimilation » qui devaient conduire à « l’unification » du droit en Europe. Il s’agit de mettre en œuvre un instrument proprement communautaire, applicable directement sur l’ensemble du territoire européen. Le Corpus juris donne une définition des infractions les plus fréquentes dans la protection des intérêts financiers de la Communauté européenne (fraude au budget communautaire, fraudes à la passation des marchés, corruption, abus de fonction, malversation, révélation de secrets de fonction, blanchiment, y compris le recel, association de malfaiteurs) et prévoit la responsabilité pénale des personnes morales.
b) Surtout, le Corpus juris contient des règles de procédure. Celles-ci reposent toutes sur l’idée que « pour les besoins de la recherche, de la poursuite, du jugement et de l’exécution des condamnations [...], l’ensemble des territoires des Etats membres de l’Union européenne constitue un espace judiciaire unique ». C’est le principe de territorialité européenne. D’où une compétence élargie des procureurs nationaux qui pourront se déplacer librement sur le territoire de l’Union ; ce seront des procureurs itinérants. D’où aussi le caractère exécutoire, dans les autres Etats, des mandats délivrés par un Etat membre, ainsi que des jugements rendus par les tribunaux nationaux. D’où enfin et surtout, la création d’un véritable ministère public européen, avec le désignation, parmi les procureurs nationaux et sous l’autorité d’un Procureur général placé à Bruxelles, de procureurs européens compétents pour les infractions relevant de la protection des intérêts financiers de l’Union. Ces procureurs européens bénéficieraient du principe d’indivisibilité du Parquet et de solidarité entre eux. Chacun devrait apporter son assistance aux autres procureurs nationaux. Le Procureur général assurerait la coordination et l’impulsion de l’ensemble. Tout ceci fait penser au F.B.I. américain.
c) Les règles de procédure réalisent la synthèse des procédure accusatoire et inquisitoire. Si l’autorité publique a le monopole des enquêtes et de la poursuite (procédure inquisitoire), il est créé un juge des libertés, juge national chargé, dans la phase préparatoire, d’autoriser tous les actes attentatoires aux libertés individuelles non seulement des mis en cause, mais aussi des témoins (système accusatoire). Ce juge contrôlerait la légalité et la régularité des mesures demandées par les procureurs et le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
En ce qui concerne les preuves, le Corpus juris d’une part, prévoit des règles minimales communes afin de réduire l’hétérogénéité des critères nationaux d’admissibilité des preuves, d’autre part, prévoit des modes de témoignages adaptés au caractère international de ces procédures ; ainsi, les témoignages pourront être recueillis par relais audiovisuel, à partir des déclarations du témoin dans un autre Etat membre ; de même, un procès-verbal d’audition, devant un juge, en présence de la défense, pourra être enregistré par vidéo, à la fois pour les témoins et pour l’accusé, pourvu que soient respectés les droits de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La phase de jugement se déroulera selon les règles internes à l’Etat membre.

c) un modèle français en devenir

47 - Vers un nouveau modèle de procès civil. Avec le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, le juge de la mise en état est compétent pour connaître de toutes les exceptions de procédure que lui présenteraient les parties postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, alors que dans le droit antérieur à ce décret il ne pouvait connaître que des exceptions dilatoires et des nullités pour vice de forme (art. 771, al. 2, réd. issue de l’article 16 du décret). L’objectif est clair : arriver à l’audience de jugement avec un dossier complètement apuré de tous les incidents de procédure ; ainsi se profile plus nettement qu’autrefois une instance en deux phases fonctionnellement bien distinctes : une phase d’instruction et de jugement des incidents et une phase de jugement au fond.

48 - Vers un nouveau modèle de procès pénal ? Largement inquisitoire dans la phase de l’instruction, le procès pénal français pourrait s’orienter prochainement vers un modèle mixte, teinté d’accusatoire dès la phase de l’instruction. On assisterait ainsi à la même évolution que pour le modèle retenu au niveau international pour la Cour pénale internationale et par le Corpus juris pour les infractions mettant en cause les intérêts financiers de l’Union. Les premières tentatives sont apparues en 1993, avec la loi du 4 janvier qui accroît les droits des mis en examen (demandes d’investigation, etc..). Surtout, le projet en cours de discussion devant le Parlement au printemps 1999 accentue le caractère accusatoire de l’instruction :
- il prévoit l’instauration d’un juge de la détention provisoire, distinct du juge d’instruction, qui statuera sur les placements sous mandat de dépôt, leurs prolongations et les demandes de remise en liberté. Les audiences seraient publiques si le mis en examen en fait la demande.
- Le projet prévoit aussi l’intervention de l’avocat dès la première heure de garde à vue.
- Les personnes mises en examen et les parties civiles pourraient demander au juge d’instruction « tout acte qu’elles estiment nécessaire à la manifestation de la vérité ». Mais le projet ne va très loin dans l’accusatoire puisque l’enquête reste l’œuvre du juge et que le juge pourra toujours, sous le contrôle de la chambre d’accusation, refuser la mesure demandée, ce qui ne devrait pas changer grand chose par rapport au système actuel qui n’associe qu’avec parcimonie les parties privées à la conduite de l’instruction.
- Le caractère contradictoire des expertises pénales serait renforcé et, au cours de l’audience de jugement, les avocats auraient la possibilité d’interroger directement les témoins, sans passer par l’intermédiaire du président.
- Un calendrier prévisionnel de l’instruction serait établi afin de favoriser le respect du caractère raisonnable du délai de la procédure. Ce calendrier serait notifié aux parties par le magistrat instructeur en début de procédure et, à l’expiration du délai fixé, au plus tard au bout d’un an, les parties pourraient demander au juge, si l’information est toujours en cours, de clôturer la procédure. A défaut de réponse ou si le juge souhaite continuer l’instruction, les parties saisiraient la chambre d’accusation.
Certains députés, tous clivages politiques oubliés, auraient voulu aller plus loin et basculer largement vers un système davantage accusatoire, mais le Garde des Sceaux n’a pas souhaité dépasser les axes d’origine du projet du gouvernement, arguant des inconvénients de la procédure accusatoire à l’anglo-saxonne : « faible contrôle juridictionnel sur les activités policières » et procédure qui ne serait « bonne que pour les riches qui peuvent s’offrir certains avocats »[122]. Vision un peu caricaturale, mais réaliste, car on ne peut importer brutalement un système accusatoire de common law, dans un pays de tradition inquisitoriale et de culture juridique romano-germanique. Le projet s’il est voté apportera déjà un réel progrès dans la protection des libertés des mis en examen, même s’il reste insuffisant au regard des pouvoirs des juges d’instruction et de leur lobbying inacceptable, puisqu’il ne revient pas à ceux qui sont chargés d’appliquer la loi d’en contester, par avance et par tous les moyens, les changements que le représentation nationale, seule autorité légitime, souhaitent introduire dans notre législation.

49 - Des modèles qui se brouillent : le croisement des contentieux. Le contentieux confié aux autorités administratives indépendantes relève souvent, en appel, du ressort de la Cour d’appel de Paris, devenue ainsi, pour certains, une juridiction administrative[123]. Les règles du nouveau code de procédure civile sont donc applicables en appel et en cassation à des procès qui ne les ont pas connus en première instance. Il faut même appliquer le droit répressif procédural dégagé par la Cour européenne des droits de l’homme, dans la mesure où ces procédures font partie de la matière pénale, lorsque ces autorités ont prononcé des sanctions qui, pour être administratives, n’en sont pas moins répressives. Il arrive même, selon la nature de la décision prise par cette autorité que le recours soit porté devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou, au contraire, devant une juridiction administrative, ainsi pour les décisions de l’Autorité de régulation des télécommunications[124].
Le contentieux sportif est mixte lui aussi, les institutions sportives étant complémentaires des juridictions étatiques[125].
Contentieux brouillé encore lorsque le législateur décide, par exemple, que l’on appliquera devant le TGI compétent, dans certaines hypothèses, pour connaître des procédures collectives des entreprises en difficultés, les règles de la représentation devant le tribunal de commerce (art. 175, décret n° 85-1388, 27 déc. 1985 qui renvoie aux l’article 853 et s., NCPC).
Croisement encore, lorsque les juges administratifs appliquent le droit privé dans les relations de l’administration avec certaines personnes privées, par exemple pour la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l’égard des maîtres d’ouvrages publics[126]. A l’inverse, le juge judiciaire est parfois amené à appliquer le droit administratif[127].
Enfin, le juge civil est parfois conduit à appliquer des dispositions procédurales de la loi sur la presse, notamment lorsque le juge des référés est saisi en matière de diffamation[128]. La jurisprudence est allée très loin en acceptant la compétence du juge civil des référés (TGI), dans les affaires de diffamation pour faire cesser rapidement, immédiatement, toute atteinte à l’honneur ou à la vie privée, nonobstant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Consacré par la deuxième chambre civile, même lorsque cette loi interdit de porter l’action civile nés des délits de diffamation devant la juridiction civile, ce recours au juge des référés civil connaît un développement considérable[129]. Le précédent jurisprudentiel lointain était venu d’une juridiction de référé qui avait sanctionné des propos relatifs aux chambres à gaz[130].
Il s’était poursuivi par la condamnation de propos diffamatoires, en référé, par un arrêt confirmatif qui fut cassé, précisément par l’arrêt de la deuxième chambre du 5 fév. 1992, mais pour non-respect du délai de 10 jours (la cour retenant le principe de la compétence)[131]. La seule réserve est en effet, de respecter, au profit de la personne attraite en référé pour diffamation, le délai de 10 jours que la loi de 1881 lui accorde pour apporter la preuve de la véracité des allégations prétendues diffamatoires. Cette dernière exigence conduit d’ailleurs à une situation curieuse, puisque le juge saisi va statuer par une première ordonnance, retenir sa compétence, ne pas vider sa saisine et prendre sa décision définitive 10 jours plus tard au vu des éléments fournis. La mesure peut aller jusqu’à la saisie du livre ou de la publication ou la suppression de certains passages du livre[132].
Enfin, la question est posée de savoir si la décision obtenue en référé ne permet pas ensuite d’aller, avec plus de chances de succès, devant le juge pénal. Il y aurait alors une sorte d’action (en référé) pour « voir », pour tester ses chances dans une procédure pénale future. On l’a vu récemment dans l’affaire précité où les deux personnalités attaquées injustement avaient choisi des voies différentes, l’une au civil, en référé, l’autre directement au pénal. L’action de la première pouvait servir la seconde et n’interdisait pas à celui qui l’avait choisie de porter son action au pénal. A l’inverse, le fait de ne citer, devant la juridiction pénale, que l’un des participants à l’infraction, tels que désignés aux articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, épuise le droit de la victime d’une diffamation par voie de presse d’attraire, en raison de la même infraction, les autres participants à celle-ci devant la juridiction civile. L’action intentée par la victime d’une telle diffamation devant la juridiction civile à l’encontre de l’auteur des écrits litigieux est en conséquence irrecevable, dès lors que ces écrits ont servi de fondement à la citation antérieure de l’éditeur, par la même victime devant la juridiction répressive[133].

iii) l’émergence de nouveaux principes directeurs du procès

50 - Les principes directeurs actuels : opposition entre la procédure civile et les autres types de procédure. La procédure civile est, sur ce point au moins, nettement en avance sur les autres contentieux, dans la mesure où le code qui la régit comporte l’énoncé de principes directeurs dans un chapitre qui porte cet intitulé (articles 1 à 24). On y trouve pêle-mêle, le principe accusatoire ou d’initiative, selon lequel les parties ont la maîtrise de l’impulsion du procès, le principe dispositif qui confère aux parties la maîtrise de la matière litigieuse, le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire, le principe (largement atténué d’ailleurs) de l’immutabilité du litige qui empêche les parties de modifier le cadre de l’instance une fois qu’elle est engagée et, surtout, le principe de l’indisponibilité du litige, de son objet, le juge ne pouvant pas le modifier (art. 5) ; on y ajoutera le principe que les parties sont tenues à une obligation de réserve envers la justice (article 24, NCPC).
Les autres contentieux ne sont pas régis officiellement, de source législative, par des principes directeurs. On les chercherait en vain dans le code de procédure pénale ou dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, codes de procéduriers, pas de processualistes. Et pourtant leur énoncé ne serait pas inutile pour cadrer l’action des acteurs de ces deux types de procès. Quant aux procédures disciplinaires ou suivies devant les autorités administratives indépendantes, elles ne retrouvent des principes directeurs que dans la jurisprudence qui va chercher dans les principes procéduraux de droit naturel (largement inspirés de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme) les principes directeurs de ces contentieux.
Une tentative a été faite, en procédure pénale, hors code, avec l’énoncé de dix principes directeurs par la commission « justice pénale et droits de l’homme », présidée par Madame Delmas-Marty. On y trouve le principe de légalité, la garantie des libertés, le principe de proportionnalité, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, l’égalité entre les justiciables, le dignité de la personne humaine, l’égalité des armes, la célérité de la procédure et l’accès des victimes à la justice pénale. On remarquera que certains de ces principes sont directement repris du droit européen (proportionnalité, égalité des armes, célérité, accès à la justice). En doctrine, une présentation de trois principes directeurs a été faite en ouverture d’un manuel de procédure pénale, pour en constituer la première partie : l’unité de la justice civile et de la justice pénale, la présomption d’innocence et la théorie des preuves ;[134] on est donc assez loin des dix principes retenus par la commission précitée, le respect des droits de la défense n’y figurant pas à titre autonome. Enfin, le projet de loi visant à réformer la procédure pénale, en cours de discussion au Parlement (mars/avril 1999), contient dans son article 1er, l’exposé de principes directeurs du procès pénal qui, s’ils sont adoptés, figureront en article préliminaire du code de procédure pénale : présomption d’innocence et respect des droits de la défense et du principe du contradictoire ; compétence exclusive de l’autorité judiciaire pour décider de mesures de contrainte ou les contrôler ; ces mesures devront avoir un caractère proportionnel à la gravité de l’infraction reprochée et être strictement limitées aux nécessités de la procédure ; respect d’un délai raisonnable pour statuer sur l’accusation ; réparation et répression des atteintes à la réputation de la personne accusée par les dispositions du code de procédure pénale, du code civil, du code pénal et des lois sur la presse ; compétence de l’autorité judiciaire pour veiller à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

51 - Vers de nouveaux principes directeurs communs à toutes les procédures. Si, en partant des grandes évolutions de notre société, des attentes nouvelles des justiciables, on recherche un dénominateur commun à tous les contentieux, dans une perspective prospective, quels sont les principes directeurs susceptibles de se dégager en cette fin de siècle ? Avec le risque d’en oublier ou, plus exactement de minimiser certaines évolutions, nous avancerons l’idée que trois principes se profilent derrière les principes actuellement retenus, qui correspondent à des besoins nouveaux, telles que les expriment les justiciables et les citoyens : un besoin de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de célérité (que l’on trouvait déjà dans les principes énoncés par la commission justice pénale et droits de l’homme). Ce sont les principes directeurs de demain. Deux de ces principes font l’objet de recherches sous notre direction, en vue de la soutenance d’une thèse[135].

a) le principe de loyauté

52 - En procédure civile. Ce principe n’apparaît pas en tant que tel dans le nouveau code de procédure civile ; indirectement on le trouve exprimé dans le droit de la preuve, aux articles 9 (« conformément à la loi ») et 10 (« mesures légalement admissibles »), dispositions que l’on retrouve dans les textes sur les mesures d’instruction. Motulsky y voyait l’une des composantes des droits de la défense, au même titre, pour les parties, que l’obligation de donner connaissance de l’introduction de l’instance et de l’obligation de permettre la comparution et aux côtés de l’obligation, pour le juge, de sanctionner les violations des droits de la défense commises par les parties, d’observer une stricte neutralité et de motiver ses jugements et, pour le législateur, d’organiser un système rationnel de voies de recours[136].
Le principe de loyauté procédurale tend à acquérir une importance autonome, au-delà du domaine de la preuve[137]. Cette évolution doit être rapprochée de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, (qui est une forme de l’obligation de loyauté) et de l’introduction de l’estoppel en droit français. En effet, sont récemment apparues en droit interne français des hypothèses où le juge a rejeté la prétention d’un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une situation qu’il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l’apparence ou de la règle nemo auditur ; ainsi, lorsqu’une « mère » adoptive sollicita la révocation de l’adoption du jeune homme qu’elle n’avait adopté, en fait, que pour échapper, en tant que bailleur, à la législation sur les baux ruraux[138] ; ou encore, lorsque le cédant d’actions sociales n’ayant pas notifié cette cession invoque l’absence d’agrément des cessionnaires[139] ; ou enfin, lorsqu’il est décidé « qu’un prévenu n’est pas recevable à invoquer l’inopposabilité en France d’une décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa demande »[140]. Cette interdiction de se contredire au détriment d’autrui, véritable principe général du droit du commerce international[141] et qui tend à être sanctionné par l’irrecevabilité en droit privé interne (donc présenté par le moyen d’une fin de non-recevoir) pourrait, selon un auteur, être systématisée, formalisée par l’institution anglaise de l’estoppel, « mécanisme purement défensif, enraciné dans l’équité et tendant à la moralisation des comportements processuels »[142]. Ce mécanisme pourrait même, dans l’ordre international, « prendre le relais de la fraude au jugement »[143]. En tout cas, on voit poindre, en droit français, une technique d’irrecevabilité fondée sur l’idée plus générale de loyauté dans le pouvoir d’agir en justice. Il ne serait pas anormal alors, d’y voir une nouvelle fin de non-recevoir, plutôt qu’une défense au fond ; on remarquera à cet égard que dans le lexique anglo-français du Conseil de l’Europe (1993), l’estoppel correspond à trois institutions françaises, dont la fin de non-recevoir[144].

53 - En procédure pénale. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, compte tenu de l’importance de ce contentieux pour la protection des libertés fondamentales, la procédure pénale ne consacre pas encore une obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves. Il est significatif de signaler, à cet égard, qu’en mars 1999, au cours du débat à l’Assemblée nationale sur la réforme de la procédure pénale et de la présomption d’innocence, un amendement tendant à ce qu’il soit statué sur l’accusation « sur le fondement de preuves loyalement obtenues » a été combattu par des députés et notamment par un avocat ! On aurait cru la jeune génération de députés venus du Barreau plus proche des libertés et droits fondamentaux qui fondent notre procédure pénale[145].
Certes, le policier dans l’enquête, comme le juge d’instruction dans l’instruction, doivent administrer la preuve dans le respect du principe de légalité, ce qui implique que cette administration soit loyale, sans stratagème ni artifice. C’est la fameuse affaire Wilson de 1888 dans laquelle les Chambres réunies de la Cour de cassation avaient sanctionné l’attitude d’un juge qui s’était fait passer pour un tiers, au téléphone, afin de mieux obtenir, par la ruse, les confidences d’un complice de l’infraction[146]. La chambre criminelle a confirmé cette jurisprudence par la suite[147]. Même solution pour un policier qui avait enregistré les propos d’un suspect en dissimulant un magnétophone[148]. C’est aussi tout le problème des écoutes téléphoniques, pour lequel l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux internationaux est forte, puisque la France a dû adapter sa législation par une loi du 10 juillet 1991, suite à sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme[149].
Pour autant, l’obligation de loyauté n’est pas encore, en procédure pénale, un impératif absolu, comme on va pouvoir en juger : beaucoup reste à faire pour conforter le principe de loyauté :
- Ainsi, est-il admis depuis l’arrêt Wilson, que si un juge ne peut procéder par ruse, la même obligation ne pèse pas avec la même force sur le policier, « la dignité ayant des exigences variables suivant le rang qu’on occupe dans la hiérarchie ». D’où l’admission de la preuve par un cinémomètre associé à un appareil de photo et dissimulé, ce procédé ne portant pas atteinte, selon la Chambre criminelle, à la vie privée (protégée par l’article 8 de la Convention européenne)[150]. De même, le principe de loyauté oblige seulement les policiers ou gendarmes à justifier de l’homologation de l’appareil qu’ils utilisent pour contrôler le taux d’alcoolémie des conducteurs ; ils n’ont pas à joindre le ticket imprimé par l’appareil, la preuve de l’alcoolémie résultant suffisamment du taux indiqué sur le P.V par le policier[151].
- Les provocations policières elles-mêmes sont admises, dès lors qu’elles visent seulement à administrer la preuve de l’infraction, alors qu’elles entraînent la nullité de la procédure si elles tendent à provoquer une infraction. « La chambre d’accusation a justifié sa décision d’étendre la nullité des écoutes téléphoniques aux actes de la procédure qui les ont suivies dès lors que l’interpellation de l’intéressé a procédé d’une machination de nature à déterminer ses agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l’établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves »[152].
- De même, les parties civiles peuvent produire en justice des preuves établies de manière déloyale[153], voire au prix d’une infraction, par exemple en matière d’écoutes téléphoniques illégales[154]. « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale »[155]. Le juge doit joindre ces éléments au dossier pénal, les victimes pouvant faire ce que les policiers ne peuvent faire ! Cette jurisprudence est tout à fait critiquable, la déloyauté devant être sanctionnée d’où qu’elle provienne. On va pourtant la retrouver dans le contentieux répressif économique.

54 - En contentieux économique. Devant les autorités administratives indépendantes et spécialement devant le Conseil de la concurrence, la jurisprudence, dans le silence des textes a dégagé une obligation de loyauté dans la recherche des preuves des infractions[156], s’inspirant en cela de la procédure pénale, ce qui n’est guère étonnant dans une procédure qui relève de la matière pénale au sens de la jurisprudence de la Cour européenne. Cette jurisprudence de la Cour de Paris comporte deux aspects[157] :
- d’une part, l’obligation, pour les enquêteurs, de faire connaître l’objet de leur enquête aux personnes interrogées ; il est piquant que l’on redécouvre une obligation qui fut l’une des conquêtes du droit procédural moderne contre le droit de l’Ancien régime ;
- d’autre part, l’obligation de respecter une véritable déontologie de l’enquête. Ainsi, les enquêteurs ne doivent pas présenter l’objet de leur enquête comme étant simplement le moyen de vérifier le prix des carburants, alors que l’objet véritable de cette enquête est de rechercher des déclarations qui seront ensuite utilisées pour faire la preuve, contre les personnes interrogées, d’une pratique anticoncurrentielle.
En revanche, le Conseil de la concurrence admet, comme en procédure pénale, que les moyens de preuve obtenus d’une manière déloyale par les parties peuvent être produits devant lui, notamment l’enregistrement et la transcription des conversations téléphoniques obtenues à l’insu de l’intéressé ; le Conseil se réfère expressément la décision précitée de la Chambre criminelle du 15 juin 1993, reprenant sa motivation, ajoutant qu’il est « chargé de la défense de l’ordre public économique et non de se prononcer sur le bien-fondé des demandes dirigées par une partie contre une ou plusieurs autres »[158].

b) le principe de dialogue

1°) Dans le procès civil

55 - Illustrations diverses. On ne peut reprendre ici tous les exemples contemporains qui illustrent la percée de ce nouveau principe directeur en procédure civile. Pour l’essentiel, on notera qu’il se manifeste à tous les stades de l’instance.

a) Dans l’introduction de l’instance

56 - La requête conjointe. C’est bien sûr la possibilité d’introduire l’instance par requête conjointe (art. 54 et 57 et s., NCPC), cet espoir mis par les rédacteurs du code dans l’esprit de conciliation, en tout cas de dialogue, qui irait jusqu’à s’entendre sur l’existence de son différend au point de saisir ensemble le juge. La lecture de l’exposé des motifs du décret du 9 septembre 1971 révèle l’importance que revêtait, pour ses rédacteurs, la faculté offerte aux plaideurs de s’entendre avant le déclenchement des hostilités pour saisir conjointement le tribunal par une requête. Espoir déçu sans doute, à en juger à l’utilisation quasiment inexistante de ce mode d’introduction de l’instance en dehors du divorce[159].

57 - L’assignation qualificative. Le dialogue c’est aussi le dialogue entre le juge et les parties, dès l’introduction de l’instance que consacre le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, en imposant une assignation qualificative. Dès l’introduction de l’instance par assignation, les parties ont l’obligation depuis le 1er mars 1999, de préciser « l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit », ainsi que l’exige désormais le nouvel article 56, al. 1er, 2°). En fait et en droit, dit le nouveau texte, mais n’était-ce pas déjà le cas dans la plupart des assignations, tout au moins lorsque les avocats jouaient le jeu déontologique de la qualification des prétentions[160] ? Cette obligation, désormais légale et non plus seulement déontologique, ne remet pas en cause les principes directeurs du procès civil, ces tables de la loi fondatrices de notre procédure civile contemporaine ; on ne saurait, à cet égard, invoquer les articles 6 et 12 pour y voir une atteinte à une summa divisio qui passerait par une division dogmatique entre le fait qui appartiendrait aux parties et le droit qui relèverait de la compétence exclusive du juge ; la doctrine contemporaine a maintes fois souligné que cette vision deviendrait caricaturale s’il fallait la tenir pour une répartition rigide du rôle respectif des parties et du juge. Avoir l’obligation d’alléguer les faits propres à fonder les prétentions (art. 6, NCPC) n’a jamais signifié que les parties ne pouvaient pas intervenir dans le domaine du droit ; d’ailleurs, l’article 12, al. 2 reconnaît implicitement aux parties la possibilité de qualifier les faits puisque le juge est fondé dans une telle hypothèse à donner ou restituer aux faits et aux actes litigieux leur exacte qualification, sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; de même et à l’inverse, avoir l’obligation de statuer en droit pour le juge (art. 12, al. 1er, NCPC) n’a jamais signifié que les parties se voyaient interdire toute intervention en ce domaine. La nouvelle rédaction de l’article 56 a donc le mérite de clarifier le rôle exact des parties, plus exactement de leurs représentants, dans la présentation de leur affaire au juge ; l’obligation légale d’exposer le droit conforte l’ardent impératif déontologique de qualifier les prétentions. N’est-ce pas le moins que l’on puisse exiger d’un auxiliaire de la justice ? Il n’est guère admissible qu’un dossier puisse être présenté sans un minimum de droit, avec seulement un exposé des faits, à charge pour le juge de se débrouiller avec cet exposé ; l’œuvre de justice est une œuvre commune et la chose commune se détermine dès l’introduction de l’instance. La sanction est la nullité de l’assignation puisque l’ajout est inséré dans l’alinéa 1er qui commence par ces mots « l’assignation contient à peine de nullité...[161] ».

b) Dans le déroulement du procès civil

58 - Le dialogue dans la mise en état des affaires civiles. Les textes et la pratique de la mise en état des affaires civiles confortent le principe de dialogue. Ainsi, toute la réglementation de la mise en état devant le tribunal de grande instance, dans le nouveau code tel qu’il était à l’origine, repose sur la nécessité d’un dialogue entre le juge et les représentants des parties, dès la conférence du président[162]. Le dialogue est intimement lié au principe de la contradiction, lequel ne se conçoit pas sans échanges entre le juge et les parties ou entre les parties. Le dialogue est aussi inscrit au articles 8 et 13 avec la possibilité reconnue au juge de solliciter l’avis des parties sur les faits et sur le droit. Mais de la théorie à la réalité il y a une marge, les choses ne se passant pas tout à fait comme les rédacteurs du code l’avaient envisagé. Le code a prévu la tenue d’une audience dite d’appel des causes, afin que le président puisse conférer avec les avocats en vue de connaître l’état d’avancement de l’affaire et déterminer avec eux la suite à lui réserver, selon l’état d’instruction du dossier. D’où l’article 759, dont l’alinéa 2 dispose que le président « confère de l’état de la cause avec les avocats présents ». En pratique, malheureusement, en raison de la pratique contra legem, de la remise au greffe de la constitution de l’avocat du défendeur, non pas par cet avocat, mais par celui du demandeur les choses ne se passent pas ainsi. L’avocat du demandeur vient seul à l’audience (le plus souvent, l’avocat du défendeur n’est même pas prévenu de la date de l’audience d’appel des causes, n’étant pas encore connu du greffe, par hypothèse) ; il remet, ce jour là, la constitution d’avocat de son adversaire, ce qui évite à ce dernier un déplacement au Palais mais présente l’inconvénient de ne pas permettre la conférence avec le président au cours de l’audience d’appel des causes, à la date initialement fixée par le président. L’audience qui aurait dû être un temps d’échanges, de premiers échanges, d’une véritable conférence à trois (ou plus) se transforme en un dialogue entre le président et l’avocat du demandeur et en une audience de renvoi !
Dans le souci de répondre aux besoins des avocats et d’une saine concertation entre le juge civil et les auxiliaires de justice, la pratique s’est instaurée d’établir un calendrier de conférences successives entre le président et les avocats, au cours des audiences d’appel des causes qui se succèdent au sein de la juridiction. L’avantage est de permettre une bonne appréhension du dossier par le président, de laisser aux parties un peu de temps, mais sous le contrôle du président et dans les délais qu’il leur impartis d’audiences en audiences. L’inconvénient, outre de ne pas tenir compte du texte de l’article 761, qui ne semblait pas avoir prévu la tenue de plusieurs conférences pour la même affaire (à preuve la demande de renvoi de l’une des parties à titre de sanction, mais ici, on suppose un accord entre les parties pour les renvois successifs), c’est que cette pratique transforme le rôle du président et la nature de cette procédure. Le président devient un juge de la mise en état et la procédure d’appel des causes une procédure d’instruction de l’affaire, avec des phases de concertation. Les avocats étant d’accord sur cette pratique, on ne peut que l’encourager si elle doit favoriser une meilleure instruction des affaires et un délai de jugement raisonnable. En tout cas, elle favorise le dialogue entre les parties et le juge[163].
Le décret précité du 28 décembre 1998 accentue cette obligation de dialogue en permettant au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge de la mise en état de demander aux représentants des parties d’accomplir leurs nouvelles obligations en matière de conclusions qualificatives et récapitulatives, avant que la sanction ne tombe. Ce nouveau pouvoir d’injonction est aussi un élément du dialogue entre le juge et les parties ; il doit être rapproché de l’actuel 13 du nouveau code qui permet au juge d’inviter les parties à fournir les explications de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige. Dans le premier cas l’invitation du président lui permettra d’utiliser le circuit court de la conférence avec les avocats pour mettre l’affaire en état ; dans le second cas, le juge (ou le conseiller) de la mise en état pourra parvenir plus rapidement à une clôture de l’instruction.

59 - Le dialogue entre les parties et le ministère public. Cela concerne tant les juridictions du fond que la Cour de cassation, avec des dispositions communes dans les articles 443 et 445.
- Lorsque le ministère public est partie jointe, il a la parole en dernier (article 443, al. 1er, NCPC). Mais les parties peuvent transmettre à la juridiction des notes en délibéré, spécialement « en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public » (article 445). Cette disposition peut sans doute permettre de respecter le contradictoire à ce niveau, c’est une amorce de dialogue.
- La Cour européenne considère que le respect du principe de l’égalité des armes exige que le demandeur d’une indemnité pour une détention subie, obtienne communication des observations du procureur général devant la Cour d’appel et qu’il ait la possibilité de les commenter[164].
- Mise à disposition des parties des conclusions écrites du parquet ? Cette obligation n’est prévue que par l’article 431 lorsque le parquet n’étant ni partie principale, ni représentant d’autrui, ni tenu d’assister à l’audience, ne souhaite pas effectivement y assister et adresse au tribunal des observations écrites ; l’article 431 lui impose alors de communiquer aux parties ses conclusions, plus exactement de les mettre à leur disposition, mais la cour de cassation considère que, dans ce cas, il n’est pas tenu de les communiquer aux parties avant l’audience et qu’il suffit qu’il les mette à leur disposition le jour de l’audience[165]. Cette solution ne nous paraît guère conforme aux exigences de la convention européenne des droits de l’homme.
- La question prend un tour plus particulier devant la Cour de cassation, la Cour européenne ayant jugé contre la Belgique et contre le Portugal, que si elle ne doute pas que le ministère public devant les juridictions suprêmes de ces Etats soit un magistrat indépendant, impartial et objectif, dans la mesure où il émet un avis qui est destiné à influencer la Cour, les parties doivent en avoir connaissance. Ce n’est pas son objectivité qui est en cause, mais le respect du contradictoire[166]. Ces affaires sont d’autant plus intéressantes, qu’intervenant après l’arrêt Borgers de 1991, la Cour européenne ne reprend plus l’argument de la présence du ministère public au délibéré ; il suffit qu’il n’ait pas transmis ses observations à la partie pour qu’il y ait violation du principe de l’égalité des armes. Cette jurisprudence a été confirmée par quatre arrêts rendus l’un à nouveau contre la Belgique, le deuxième contre l’Autriche et les deux derniers contre les Pays-Bas[167]. Mais la Cour européenne ouvrait la voie à une possibilité d’échapper à la condamnation avec la pratique des notes en délibéré, d’ailleurs expressément visées par la Commission européenne[168]. Or il se trouve que la Cour de cassation française a une pratique interne conforme à cette possibilité ouverte aux parties par le NCPC[169]. Et la Cour européenne a considéré que cette pratique française « eu égard au fait que seules les questions de pur droit sont discutées devant la Cour de cassation et que les parties y sont représentées par des avocats hautement spécialisés, est de nature à offrir à celles-ci la possibilité de prendre connaissance des conclusions litigieuses et de les commenter dans des conditions satisfaisantes »[170]. Certes, l’arrêt a été rendu en matière pénale, mais le coup de chapeau est transposable, non seulement en raison de la généralité de ses termes, mais aussi parce que dans cette affaire la Cour européenne avait pris soin de souligner (§74 et §75) que le ministère public devant la Cour de cassation « n’agit qu’en qualité de partie jointe à l’action pénale » et que « sa mission n’est pas de soutenir l’accusation mais de veiller à l’exacte application de la loi ». En l’espèce, la preuve que la pratique de la note en délibéré existait en 1993, à l’époque des faits, n’étant pas rapportée, la Cour retient ce chef pour condamner la France. Mais ce n’était pas le seul. Il restait la question de la communication au ministère public de documents non transmis aux parties.

60 - Le dialogue entre les parties privées, le conseiller rapporteur et le ministère public devant la Cour de cassation. La France a été condamnée pour une autre raison dans l’affaire précitée du 31 mars 1998. La Cour européenne relève une disparité constitutive d’un manquement à la garantie d’un procès équitable dans le fait que l’avocat général près la Cour de cassation reçoit communication du rapport du conseiller-rapporteur et du projet d’arrêt, alors que les parties ne reçoivent que le premier volet du rapport (exposé des faits, procédure suivie, moyens de cassation) et, quelques jours avant l’audience, le sens de l’avis du rapporteur (§ 105). Comment rétablir l’équilibre ? Soit en communiquant aux parties les mêmes documents qu’au ministère public, soit en ne communiquant rien aux deux. On a fait observer, en reprenant un argument développé par la Cour européenne, que la première solution présenterait l’inconvénient de violer le secret du délibéré ; l’argument n’est guère pertinent, car s’il y a déjà violation elle est admise, mais au seul profit du ministère public ; ensuite, y a-t-il vraiment violation, alors qu’il ne s’agit que d’un projet d’arrêt ? Affaire à suivre sans doute.

61 - Le dialogue dans la recherche de la conciliation, d’une médiation et d’une transaction. Le temps est aux modes alternatifs de règlement des conflits (les MARC en abrégé) et à la recherche amiable d’une solution que ce soit avec ou sans le juge. Le procès fait aujourd’hui systématiquement l’objet d’un traitement consensuel.
Bien sûr, le nouveau code n’ignorait pas le pouvoir conciliateur du juge expressément consacré aux articles 21 (« il entre dans la mission du juge de concilier les parties ») et 127 à 131. Qui dit recherche d’une solution négociée, dit dialogue pour arriver à cette solution.
a) Le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 (pris en application de la loi n° 95-125 du 8 février 1995) a favorisé cette possibilité de dialogue sous l’égide du juge, d’une part en organisant la médiation devant toute juridiction (articles 131-1 à 131-15) et, d’autre part, en associant les conciliateurs de justice (ceux du décret n° 78-381 du 20 mars 1978) à la conciliation devant le juge d’instance, lorsque la procédure commence par une demande de tentative de conciliation (articles 830 à 835).
Deux textes de 1998 accroissent cette possibilité de dialogue, le favorisent, qu’il s’agisse d’un dialogue sans le juge (avant ou pendant une instance judiciaire) ou avec lui.
b) La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 se réfère expressément, dans son intitulé, à la recherche de règlements amiables. Relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, elle étend la possibilité d’obtenir l’aide juridictionnelle aux pourparlers « en vue de parvenir à une transaction avant l’introduction de l’instance » (art. 1er-I, qui modifie l’article 10, al. 2 de la loi du 10 juillet 1991). La formule permet d’accorder ce bénéfice même en cas d’échec de ces pourparlers. Cependant, dans ce cas, la loi pose deux gardes-fous dans l’article 39 de la loi de 1991 (art. 1er-IV de la loi du 18 déc. 1998) : d’une part, le versement de la rétribution due à l’avocat est subordonné à la justification, dans les six mois de la décision d’admission à l’aide juridictionnelle, « de l’importance et du sérieux des diligences accomplies par ce professionnel » ; d’autre part, si une instance est engagée après l’échec des pourparlers, la rétribution versée à l’avocat à ce titre s’impute sur celle qui lui est due pour l’instance.

c) Mais c’est surtout le décret du 28 décembre 1998 qui apporte, en cette matière, des innovations intéressantes. Il contient plusieurs dispositions, disséminées dans le corps du texte, qui tendent à organiser et à favoriser les modes de résolution amiable des conflits.

1) Les articles 9 et 10 du décret complètent les textes sur la suspension de l’instance et sur le radiation, afin de favoriser le règlement amiable des litiges, sans encombrer inutilement la juridiction saisie d’affaires en cours de pourparlers. D’où un recadrage du retrait du rôle vers une mesure véritablement voulue par les parties et non pas plus ou moins imposée par leurs conseils ; d’où des dispositions qui mettront mal à l’aise les auxiliaires de justice.
- Le premier texte cité (art. 9) se contente de modifier l’article 377 du nouveau code pour faire du retrait (conventionnel) du rôle un troisième cas de suspension de l’instance (sans compter les cas « où la loi le prévoit »).
- Le second texte (art. 10) introduit dans la section que le nouveau code consacre à la radiation (articles 381 à 383) la notion de retrait (conventionnel) du rôle, notion que la Cour de cassation avait déjà dégagée en 1989 par un arrêt de son assemblée plénière en date du 24 novembre. Les deux concepts sont définis aux nouveaux articles 381 et 382 : la radiation reste une sanction du défaut de diligence des parties, qui continue d’entraîner la « suppression » (au lieu du « retrait » antérieurement au décret du 28 décembre) de l’affaire du rang des affaires en cours ; le décret ajoute dans l’article 381 l’obligation de notifier aux parties et à leurs représentants la décision de radiation (par lettre simple) et de préciser dans cette notification le défaut de diligences qui a servi de fondement à la radiation. Il faut y voir une menace pour les auxiliaires de justice dont les carences seront ainsi systématiquement dénoncées à leurs clients par le greffe ; on s’éloigne de la justice consensuelle qui inspire l’ensemble de ces dispositions et on peut se demander s’il était bien utile d’introduire une forme de délation dans les relations entre les professionnels de la justice et leurs clients. A l’inverse, le retrait du rôle ne peut être que conventionnel, consensuel, puisqu’il ne peut être ordonné que lorsque toutes les parties en font la demande ; mais le décret (nouvelle mesure de défiance à l’égard des professionnels de la justice) ne se contente pas de la parole des avocats ou avoués aux conférences de mise en état, puisqu’il exige une demande écrite et motivée de toutes les parties (article 382). L’objectif est donc clairement affiché : il ne s’agit pas de faciliter les retraits de complaisance au profit des auxiliaires de justice, mais de permettre d’évacuer du rôle des affaires en cours celles qui font l’objet de véritables pourparlers en vue d’une solution amiable et de désencombrer les tribunaux d’affaires inutilement inscrites à ce rôle. On rapprochera de cet objectif la phrase que l’on trouvait dans l’arrêt du 24 novembre 1989 : « au cas où les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre le cours de l’instance en formant une demande conjointe de radiation, laquelle s’impose au juge ». Il s’agit bien de différer ou d’éviter une solution judiciaire, mais le juge retrouve ici un pouvoir de contrôle de la demande de retrait de rôle, puisque cette demande doit être « motivée », ce qui sous-entend un contrôle de cette motivation ; on conçoit mal cependant, en pratique, qu’un juge puisse s’opposer à une demande conjointe de retrait de rôle.
- Dans les deux cas, radiation (unilatérale et sanctionnatrice) et retrait du rôle (conjoint et régulateur) les décisions qui les ordonnent sont des mesures d’administration judiciaire (art. 383, al. 1er, qui reprend la solution de l’ancien article 382 en l’étendant au retrait du rôle), donc insusceptibles de recours (art. 537), mais qui ne s’opposent pas à un rétablissement de l’affaire, sauf si la péremption a joué entre-temps, au vu soit de l’accomplissement des diligences (radiation), soit d’une demande de l’une des parties en ce sens (retrait du rôle) (art. 383, al. 2).

2) Les articles 25 et 26 apportent quelques retouches à la conciliation devant le tribunal d’instance que le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 avait déjà réorganisée. Dans la procédure introduite par assignation à toutes fins, les conciliateurs de justice pourront être associés à ces tentatives de conciliation, puisque le nouvel article 840 prévoit dans son alinéa 2 que le juge peut, sans formalité particulière, mais avec l’accord des parties, désigner un conciliateur de justice pour conduire cette tentative. En fait, le décret consacre une pratique parisienne de certains tribunaux d’instance. La même possibilité est offerte au juge d’instance lorsque la procédure est introduite par requête conjointe ou par présentation volontaire des parties (article 847 modifié par l’article 25) ou par déclaration au greffe (article 847-3 ajouté par l’article 26). Dans ces deux derniers cas le juge tranche le différend si les parties ne parviennent pas à se concilier.

3) Enfin, l’article 30 du décret introduit dans le nouveau code (au titre 4 sur les obligations et les contrats) un article 1441-4 qui forme à lui tout seul le chapitre 6, pour organiser une procédure simplifiée, rapide et simple, de reconnaissance de la force exécutoire aux transactions conclues sous signatures privées. La demande est adressée au président du tribunal de grande instance, par l’une des parties à la transaction, dans la forme des requêtes. Il est certain que la volonté de favoriser le dialogue entre des personnes susceptibles d’entrer en conflit judiciaire est réelle.

c) Dans l’aboutissement de l’instance

62 - La rédaction du jugement, œuvre commune issue d’un dialogue ? Il semble bien que la tendance contemporaine au dialogue entre les parties et le juge se retrouve dans les nouvelles dispositions sur la rédaction des jugements issues du décret du 28 décembre 1998. L’alinéa 1er de l’article 455 du nouveau code est complété d’une phrase (art. 11 du décret) autorisant le juge à n’exposer les prétentions et moyens des parties que par « un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date ». Si cette nouvelle disposition ne facilitera pas pour les tiers et autres commentateurs des décisions de justice, la lecture et la compréhension des jugements, puisqu’ils n’auront pas connaissance des écritures des parties, elle manifeste bien l’idée que le jugement est une œuvre commune des parties et du juge ; peut-être reviendra-t-on un jour au rétablissement des qualités !

2°) Les difficultés du dialogue dans le procès pénal

63 - L’émergence d’un dialogue, malgré le principe d’indisponibilité du procès pénal. - Médiation et transaction. L’initiative du procès pénal appartient au Parquet, même si la victime, en se constituant partie civile, met en mouvement l’action publique. De plus, dès qu’une poursuite est déclenchée, l’instance doit se poursuivre, le ministère public ne disposant pas de l’instance. Pour autant, la médiation et la transaction ne sont pas inconnues dans le procès pénal :
- préalablement à toute décision de poursuite, lorsqu’il s’apprête à classer sans suite un dossier, le procureur de la République peut décider de recourir à une médiation, manifestation extérieure d’un dialogue ; la médiation a été introduite dans le code de procédure pénale (article 41, al. 7) par la loi n° 93- 2 du 4 janvier 1993 : « le procureur de la République peut enfin, préalablement à sa décision sur l’action publique et avec l’accord des parties, décider de recourir à une médiation s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction et de contribuer au reclassement de l’auteur de l’infraction ». On le voit, la médiation ne heurte pas de plein front le principe d’indisponibilité du procès pénal, puisque l’action publique n’est pas encore déclenchée lorsqu’elle intervient. En tout cas, elle est l’expression d’un dialogue (art. D. 15-1 à D. 15-8) entre la victime et l’auteur de l’infraction. La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998, relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, prévoit que la médiation pénale puisse désormais être prise en charge par l’Etat au titre de l’aide juridique (art. 13 qui modifie l’article 1er de la loi du 10 juillet 1991). D’autre part, il peut être créé dans le ressort de chaque TGI une « Maison de justice et du droit » dont la mission est notamment d’assurer « une présence judiciaire de proximité » et de concourir « à la prévention de la délinquance et à l’aide aux victimes », à côté de l’accès au droit (COJ, art. L. 7-12-1-1, al. 3, réd. art. 21 de la loi de 1998).
- Dialogue encore dans la possibilité de recourir à une transaction pour certaines infractions, transaction qui va éteindre l’action publique. Certaines administrations en effet, ont le pouvoir de transiger avec le délinquant[171]. Celui-ci reconnaît l’infraction, verse une certaine somme d’argent ou exécute certaines obligations et, en contrepartie, l’administration abandonne les poursuites. Une telle pratique ne peut aboutir qu’à la suite d’un dialogue avec le délinquant.
- Enfin, dialogue entre le Parquet et le délinquant en matière de stupéfiants, puisque le Parquet peut ordonner une cure de désintoxication et que si le toxicomane l’accepte (ou s’y soumet de sa propre initiative) l’action publique est éteinte (C. santé publique, art. L. 628-1).

64 - L’échec de l’injonction pénale. - Le projet de composition pénale. Une loi votée par le Parlement a été invalidée par le Conseil constitutionnel en février 1995. Elle prévoyait que le Procureur de la République pouvait « proposer » à l’auteur de certaines infractions (celles visées à l’article 48-2 du projet), par la voie d’une injonction et en contrepartie de l’extinction de l’action publique, l’exécution de certaines obligations (versement au Trésor public d’une somme fixée par le Procureur dans les limites définies par la loi ; participation à une activité non rémunérée au profit d’une personne morale de droit public ou d’une association habilitée à cet effet, dans la limite de quarante heures). La personne devait reconnaître les faits et l’action publique ne devait pas avoir été mise en mouvement ; le procureur devait justifier que cette procédure était susceptible de mettre fin au trouble résultant de l’infraction, de prévenir le renouvellement de celle-ci et d’assurer, s’il y a lieu, la réparation du dommage causé à la victime. L’accord du délinquant résultait de l’exécution des obligations mises à sa charge, dialogue a posteriori en quelque sorte. Le Conseil constitutionnel a considéré que, dès lors que certaines mesures étaient de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et constituaient des sanctions pénales, leur prononcé et leur exécution ne pouvaient, même avec l’accord de la personne susceptible d’être pénalement poursuivie, intervenir à la seule diligence d’une autorité chargée de l’action publique, mais requerraient la décision d’une autorité de jugement, conformément au principe du respect des droits de la défense et à celui de la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement (considérant n° 5)[172]. Ce n’est donc pas l’amorce d’un dialogue (d’une négociation sur la poursuite) qui est sanctionnée, mais la confusion sur la même tête de la décision de poursuivre ou non et de prononcer une « peine », même déguisée en obligation pécuniaire ou de faire.
Un projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l’efficacité de la procédure pénale a été discuté à l’Assemblée nationale en mars 1999. Il s’agit de permettre au Procureur de recourir plus largement à la médiation. Une nouvelle sanction est instituée : la composition pénale qui est soit une indemnité compensatrice versée par l’auteur d’une infraction, d’un montant maximum de 10000F, soit un travail d’intérêt général d’une durée maximale de 60 heures, soit la suspension du permis de conduire, soit des restitutions, etc.. Elle doit être proposée par le Parquet et validée par le président du TGI ; elle ne vaudra que pour certaines infractions, bagarres, petits faits de violence, petites dégradations, vols simples.

65 - L’émergence d’un dialogue malgré le droit de se taire et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Consacré par la Cour européenne des droits de l’homme le droit de se taire [173], et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination[174] sont des obstacles rédhibitoires au dialogue entre le mis en cause et la justice, voire la victime. Les deux droits ne se confondent pas, la Cour européenne considérant que le premier cité est plus large que le second[175]. La Cour européenne estime que ces deux droits sont au cœur de la notion de procès équitable ; ils font partie du noyau dur de cette garantie. Mais ces deux droits ne sont pas sans limites, qui sont autant d’incitations au dialogue :
- d’une part, si « le droit de se taire implique qu’on ne puisse fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du prévenu ou sur son refus de répondre à des questions ou de déposer, il est tout aussi évident que ces interdictions ne peuvent et ne sauraient empêcher de prendre en compte le silence de l’intéressé, dans des situations qui appellent assurément une explication de sa part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge »[176]. Ce droit n’est donc pas absolu.
- D’autre part, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination n’englobe pas la possibilité de refuser de remettre des documents à charge, ni celle d’empêcher l’utilisation de tels documents dans une procédure pénale, lorsqu’ils ont été obtenues par la contrainte. La Cour européenne[177] rejoint ici la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés[178].
- Enfin, dans une affaire mêlant les deux droits, la Cour européenne a considéré que « les condamnations du requérant à des amendes en raison de son refus de prêter serment devant le juge d’instruction qui l’avait convoqué comme témoin, ne s’analyse pas en une violation du droit de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination ». La Cour considère en effet que si le requérant pouvait redouter que par le biais de certains des propos qu’il pouvait être amené à tenir devant le juge d’instruction, il témoigne contre lui-même, ce qui l’autorisait à ne pas répondre à celles des questions qui auraient été de nature à le pousser dans cette direction, il ne pouvait pas d’emblée refuser de prêter serment[179].

66 - L’émergence d’un dialogue dans le cours de l’instruction, malgré la nature inquisitoire de celle-ci. La loi du 4 janvier 1993 a apporté un incontestable progrès dans la reconnaissance des droits des mis en examen en instaurant un début de dialogue entre les parties privées et le juge d’instruction, même si cela reste nettement insuffisant et, parfois, très indirect. Le maintien du principe d’une procédure d’instruction essentiellement écrite ne favorise pas le dialogue ! C’est l’émergence de l’oralité qui change progressivement les choses et accroît les possibilités de dialogue. Ainsi, du débat préalable au placement en détention provisoire (art. 145, al. 4, CPP), de la possibilité pour les parties de comparaître personnellement devant la chambre d’accusation (art. 199, al. 3 et 5), de prendre la parole en dernier devant cette juridiction[180]. Dans le même ordre d’idées, la possibilité de demander une contre-expertise ou un complément d’expertise (art. 167), d’être présent lors des perquisitions et saisies (art. 95 et 96) et, surtout, de réclamer au juge d’instruction, à tout moment, certaines investigations (art. 81, al. 9 et 82-1). Il reste que le refus d’accorder ces investigations n’est soumis qu’à un appel restreint (art. 186-1). La volonté d’introduire un peu de dialogue dans la procédure d’instruction ne va pas encore jusqu’à ouvrir largement le respect des droits de la défense. La France est encore très en retard sur le plan d’une participation équilibrée de toutes les parties à l’instruction. Il reste beaucoup faire et le déficit démocratique est encore fort.

c) le principe de célérité

67 - Principe essentiel de procédure. La lenteur a pu être considérée autrefois comme une sagesse qui « donne le temps de déjouer les calcules d’un adversaire trop habile et rassure la conscience du juge » (Garsonnet et Cézar-Bru). Ce temps est révolu, car la justice, service public, doit trancher les litiges dans les délais les plus rapides afin de garantir l’effectivité de leurs droits. La célérité participe à cette effectivité. D’ailleurs, certaines législations étrangères n’hésitent pas à inscrire dans leurs textes que « la solution juste et en même temps rapide des litiges apparaît comme un but essentiel »[181].On retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme et, d’autre part, dans les propositions de la commission Justice pénale et droits de l’homme, la célérité étant donnée comme l’un des dix principes directeurs de la procédure pénale.

1°) La célérité, exigence commune à toutes les procédures

68 - Le respect d’un délai raisonnable selon le droit européen. La Cour européenne veille scrupuleusement au respect d’un délai raisonnable entre le début de l’instance et l’exécution du jugement. Selon les termes mêmes de la Cour européenne, « le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes »[182].
La Cour européenne a eu l’occasion de fixer les deux moments qui doivent être pris en compte pour déterminer le délai permettant d’apprécier le caractère non raisonnable de la durée de la procédure. Le point de départ de la période à considérer pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d'une procédure civile est la date de l'assignation des requérants devant le TGI[183]. Le terme du délai est la date du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation[184]. Mais la procédure d'exécution du jugement constitue une phase de l'instance, car la réalisation effective du droit inclue l'exécution du jugement au fond[185].

69 - Sanction, en droit interne, du caractère non raisonnable du délai. Outre la sanction pécuniaire de l’article 50 de la Convention européenne, un délai non raisonnable peut constituer une faute lourde du service de la justice au sens de l’article L. 781-1, COJ[186]. Le service public de la justice a un devoir de protection juridictionnelle de l’individu[187].

2°) Le traitement de la célérité en procédure civile

70 - Le nouveau code de procédure civile et le décret du 28 décembre 1998. Le principe de célérité n’est pas inconnu du nouveau code. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les articles relatifs aux principes directeurs pour y voir poindre quelques exigences de rapidité (art. 2, sur les délais requis ; art. 3, sur le pouvoir du juge d’impartir des délais ; art. 15, sur le temps utile). Que l’on songe encore aux procédures d’urgence, jour fixe, référé, ou aux textes sur la mise en état, avec ses trois circuits (dont un court) et le pouvoir général du juge de la mise en état tel que l’exprime l’article 763, al. 2 (il « a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces »). C’est bien sûr, au-delà du référé et autres procédures d’urgence, les réformes introduites par le décret n° 98-1231 du 28 décembre qui retiennent l’attention, comme illustration de l’émergence d’un principe de célérité. L’essentiel du décret du 28 décembre est de permettre à la justice civile de traiter plus rapidement des affaires enrôlées, désencombrer à terme les rôles des juridictions civiles. Trois séries de dispositions peuvent être dégagées : les unes tendent à faciliter le travail du juge et traduisent en partie le renforcement du principe de dialogue, les autres à accélérer l’instruction des affaires, les dernières à créer une véritable justice de l’urgence, non sans complications d’ailleurs. Toutes ne sont pas sans dangers potentiels pour la qualité de la justice qui sera rendue dans ces conditions nouvelles ; il faudra veiller à ce que vitesse et précipitation ne se confondent pas. Mais la pression de l’exigence d’un délai raisonnable, au sens de l’article 6 §1 de la Convention européenne, est forte.

a) Faciliter le travail du juge

71 - Faciliter le travail du juge par des conclusions récapitulatives. L’innovation la plus radicale, celle qui avait donné lieu à des réactions parfois très vives des professionnels concernés, consiste dans l’obligation qui pèse désormais sur les parties et leurs représentants de « reprendre dans leurs dernières conclusions (art. 753, al. 2, pour le TGI), ou « écritures » (art. 954, al. 2, pour la cour d’appel,), « les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures » (art. 753 pour le TGI) ou « précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures » (art. 954 pour la cour d’appel). C’est tout le problème des conclusions dites récapitulatives, que le nouveau code connaissait déjà mais uniquement en appel et à titre facultatif, seulement si le juge sollicitait des avoués la récapitulation des moyens « successivement présentés » (art. 954, al. 2 ancien) ; les prétentions elles-mêmes n’étaient pas visées[188]. La faculté est étendue au tribunal de grande instance et, surtout, devient une exigence légale, ce qui introduit un facteur d’autorité dans les relations du juge avec les parties qui se substitue au dialogue, vertu contemporaine du procès civil, vertu qu’il convient de restaurer et de promouvoir. L’obligation est aussi étendue aux prétentions, ce qui devrait briser la solution admise par la Cour de cassation dans un arrêt de sa deuxième chambre civile rendu le 7 janvier 1998 (Procédures, avr. 1998, n° 79, obs. Perrot) qui estimait, à juste titre, en raison de la rédaction initiale de l’article 954, que le défaut de récapitulation des moyens ne pouvait permettre de considérer que les prétentions étaient aussi regardées comme abandonnées, en dehors de tout renoncement exprès ou implicite ; le juge ne pouvait se permettre de ne retenir que les seules prétentions formulées dans les dernières conclusions. Cette jurisprudence nous semble caduque : dès lors que des prétentions n’auront pas été reprises dans les dernières conclusions, elles devront être considérées comme abandonnées ; l’absence de récapitulation constitue désormais un signe d’abandon, pour les prétentions comme pour les moyens. Il sera prudent, pour les parties, de reprendre les prétentions et les moyens dès le deuxième jeu de conclusions, pour éviter toute contestation sur le sens de l’expression « dernières conclusions » (the last, but not the least).

b) Accélérer et améliorer l’instruction des affaires civiles

72 - Instauration d’un juge spécialisé dans le contrôle des mesures d’instruction confiées à un technicien. L’article 5 du décret introduit, dans le nouveau code de procédure civile, un article 155-1 qui permet au président d’une juridiction d’installer un juge spécialisé dans le contrôle de l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien ; l’initiative en reviendra au président de chaque juridiction qui jugera si l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans sa juridiction justifie la création de ce juge. Si cette décision est prise, cela ne signifie pas que ce juge se verra confier le contrôle de toutes les mesures d’instruction confiées à un technicien. En effet, le décret du 28 décembre maintient en vigueur l’article 155, dont les deux premiers alinéas prévoient que le contrôle de ces mesures est confié au juge qui a ordonné la mesure (al. 1er) ou, en cas de mesure ordonnée par un formation collégiale, au juge chargé de l’instruction et, à défaut au président de cette formation s’il n’a pas été confié à un membre de celle-ci (al.2, dont la rédaction subit quelques retouches de rédaction purement formelles). C’est seulement si le juge chargé de l’instruction ou la formation collégiale le décident que le contrôle sera confié au juge spécialisé (art. 155, al. 3 nouveau, issu de l’article 4 du décret). On peut penser que le président qui aura instauré un juge spécialisé veillera à ce qu’il soit abondamment pourvu en mesures d’instruction à contrôler !

73 - Encadrement des délais de l’expertise. Plusieurs dispositions viennent accroître les obligations qui incombent à l’expert ou aux parties dans le but de rendre l’expertise plus rapide.
- Ainsi, l’expert devra dorénavant informer le juge non seulement de l’avancement de ses opérations, mais aussi « des diligences par lui accomplies » (art. 273 complété par l’article 6 du décret.
- Quant aux parties elles seront sanctionnées par la juridiction de jugement en cas de défaut de communication de documents à l’expert ; en effet, la juridiction de jugement pourra « tirer toute conséquence de droit » de ce défaut de communication (art. 275, al. 2, complété par l’article 7 du décret).

c) Créer une véritable justice civile de l’urgence

Plusieurs dispositions dessinent, si on les rapproche, l’ébauche d’une véritable justice civile de l’urgence.
74 - Simplification et accélération de la technique de la passerelle devant le TGI. L’article 21 du décret rétablit un article 811 qui améliore sensiblement la technique de la passerelle entre la procédure de référé et la procédure au fond devant le TGI ; désormais, le juge des référés peut directement fixer dans son ordonnance de non lieu à référer la date de l’audience au fond, sans qu’une nouvelle assignation soit nécessaire, puisque « l’ordonnance emporte saisine du tribunal ». La passerelle doit être demandée par l’une des parties et être justifiée par l’urgence ; le juge doit veiller à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense. Pour la constitution d’avocat par le défendeur et pour le déroulement de l’audience, l’article 811 renvoie respectivement aux dispositions des articles 790 et 792, al. 2 à 4. En conséquence de ce nouveau texte, l’article 788, dernier alinéa est abrogé par l’article 20 du décret, ce qui a pour effet de ne plus permettre une utilisation d’office de la passerelle ; la technique doit obligatoirement être demandée par l’une des parties. La technique n’a pas été étendue au tribunal d’instance, pas plus qu’au tribunal de commerce ; sans doute une occasion manquée.

75 - L’accélération, en appel, du circuit court de l’article 910, al. 2. Le décret du 28 décembre crée une audience à bref délai dans le cadre des dispositions de l’article 910, al. 2 qui, pour l’essentiel, sont maintenues sur les autres points. Lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée (le texte ne vise plus le critère de pouvoir être jugée à bref délai), le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande de l’une des parties, « fixe à bref délai l’audience à laquelle elle sera appelée ». Le texte ne se contente donc plus d’une fixation aux « jour et heure auxquels l’affaire sera appelée ». Il est clair que les rédacteurs du décret ont voulu renforcer la possibilité offerte aux parties et au président d’accélérer en appel le jugement des affaires urgentes (en apparence au moins) ou en état d’être jugée (en apparence aussi). La seule difficulté consistera à trouver une date d’audience à bref délai pour toutes les affaires qui répondront à l’une de ces conditions ! A force de créer des procédures accélérées on s’apercevra vite que tout est urgence et que les disponibilités des juridictions ne permettront pas de répondre aux demandes. Pour le reste il est procédé selon les dispositions des articles 760 à 762 (renvoi à l’audience).

76 - La nouvelle complexité de l’appel des ordonnances de référé. Avec le nouvel article 490-1 que l’article 12 du décret introduit dans le nouveau code, c’est à un bouleversement du régime de l’appel des ordonnances de référé auquel on assiste ; le régime de l’appel va désormais dépendre du fondement textuel du référé, avec un appel à plusieurs vitesses (trois) :
1) pour tous les référés autres que ceux des articles 808 et 809, al. 1er, et notamment pour le référé-provision de l’article 809, al. 2 ou pour les référés des tribunaux d’exception, en l’absence de péril, l’appel suivra les règles du circuit ordinaire actuel (première vitesse). En revanche, en cas de péril, l’alinéa 2 du nouvel article 490-1 permet une instruction et un jugement de cet appel « dans les conditions et selon la procédure de l’article 917 » (procédure à jour fixe lorsque les droits d’une partie sont en péril ; deuxième vitesse).
2) Pour les référés des articles 808 et 809, al. 1er, c’est le régime particulier de l’audience à bref délai qui jouera (le 910, al. 2 renforcé que nous venons de présenter), sans que le péril soit nécessaire à la mise en œuvre de cette procédure (troisième vitesse). L’article 490-1, al. 1er impose cette procédure au président de la chambre à laquelle l’ordonnance est distribuée ; l’indicatif (« le président... fixe à bref délai l’audience à laquelle l’ordonnance sera appelée ») vaut impératif. Il sera procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 (renvoi à l’audience).

3°) La justice pénale de l’urgence

77 - Célérité et droits de la défense. L’équilibre est ici plus difficile à tenir entre l’exigence d’une justice pénale rapide, qui participe à l’efficacité de la répression (cf. Beccaria, point n’est besoin de peines trop sévères, dès lors que la certitude de la peine et la rapidité de son prononcé sont acquises) et le respect des droits de la défense, qui constitue l’un des fondements d’un Etat de droit. La procédure pénale contemporaine répond déjà à cette exigence, avec notamment l’enquête flagrante qui donne à ceux qui en sont chargés des pouvoirs de contrainte justifiés par l’urgence et avec la procédure de comparution immédiate. Il semble difficile d’aller beaucoup plus loin, sauf à remettre en cause les droits de la défense.

4°) Le traitement de la célérité dans la justice administrative

a) Vers une véritable justice de l’urgence ?

78 - Les insuffisances actuelles de la justice administrative de l’urgence. Le juge administratif n’était pas habitué, jusqu’à une époque récente, à statuer dans l’urgence ; cela ne faisait pas partie de sa culture. Certes, la loi du 22 juillet 1889 sur les Conseils de préfecture, faisait application de la pratique du constat d’urgence, par laquelle le juge désigne un expert pour constater des faits sans délai et cette procédure est aujourd’hui reprise aux articles R. 136 et R. 137 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (ci-après Code des TA/CAA). Mais, il faut attendre la loi du 28 novembre 1955 pour constater l’introduction d’un juge des référés dans le contentieux administratif, avec des pouvoirs d’ailleurs limités, l’administration ne souhaitant pas voir son action gênée par un juge administratif trop audacieux ! Aujourd’hui, pour le contentieux de droit commun et sous réserve de quelques contentieux particuliers, le référé-instruction, qui permet au juge d’ordonner toutes mesures utiles d’expertise ou d’instruction, n’est pas lié à l’urgence mais à l’utilité de la mesure réclamée. Le référé-provision n’existe que depuis le décret du 2 septembre 1988, rattrapant ainsi un retard considérable sur le contentieux civil. Le référé conservatoire suppose l’urgence de la mise en œuvre de la mesure demandée. Par ailleurs, quelques contentieux particuliers connaissent d’un référé spécifique ; ainsi, du contentieux fiscal pour accorder au contribuable qui conteste son imposition un sursis au paiement, sursis que lui refuse l’administration. Ou encore, le référé pré-contractuel des articles L. 22 et L. 23 qui ne date que de la loi du 4 janvier 1992 (revue par la loi du 29 janvier 1993) et qui permet de faire censurer des infractions aux règles de passation des marchés publics (règles de publicité et de mise en concurrence).
Le juge des référés ne peut pas encore, sauf rares exceptions (par exemple dans la procédure de contrôle de légalité des arrêtés de reconduite à la frontière), ordonner la suspension d’une décision administrative ; or, les recours n’étant pas suspensifs et les délais de jugement devant la juridiction administrative étant longs, l’exécution provisoire sans possibilité d’agir en référé donne l’avantage à l’administration sur l’administré. Il a fallut attendre la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (loi commune aux trois grands contentieux) pour que soit reconnue la possibilité de demander au président du tribunal administratif la suspension provisoire d’exécution d’une décision dont le sursis à exécution est par ailleurs sollicité de la juridiction administrative (art. L. 10, Code des TA/CAA). Mais c’est une possibilité aux effets encore limités car les conditions du prononcé de cette mesure provisoire sont les mêmes que celles qui doivent être remplies pour obtenir le sursis à exécution, à savoir le risque de conséquences irréversibles et l’existence d’un moyen sérieux d’annulation.

79 - Les propositions de création d’une véritable justice de l’urgence. « Les insuffisances du sursis à exécution et le strict encadrement des pouvoirs d’injonction confiés au juge administratif dans le cadre des procédures d’urgence » ont été critiqués par un groupe de travail réuni, en 1998, au Conseil d’Etat et dont le rapport devrait servir de base à l’élaboration d’une loi[189]. Rejetant la généralisation du mécanisme du recours suspensif, le groupe de travail a cherché, pour les procédures d’urgence, d’une part à accroître les pouvoirs du juge des référés et, d’autre part, à adapter la procédure aux contraintes de l’urgence :
- Sur le premier point, celui des pouvoirs du juge des référés, on s’orienterait, si ces propositions étaient adoptées, vers une rénovation du sursis à exécution d’une décision administrative, à la fois dans ses conditions et dans le pouvoir d’injonction reconnu au juge. Après avoir envisagé de ne plus le fonder sur les deux conditions classiques rappelées, mais sur « le bilan des intérêts en cause : le juge rechercherait si la décision attaquée est susceptible de porter à la situation du requérant une atteinte disproportionnée au regard de l’intérêt en vue duquel la décision a été prise », le groupe de travail s’est orienté dans une autre voie, estimant que la technique du bilan des intérêts en cause était trop étrangère aux principes du droit administratif « en ce qu’elle conduirait le juge à suspendre l’exécution d’une décision administrative abstraction faite de toute considération touchant à la légalité de cette décision » (p. 7 du rapport). Finalement, le groupe de travail a préféré proposer une rénovation du système actuel du sursis à exécution, en essayant de corriger l’interprétation restrictive de la jurisprudence par l’assouplissement des conditions d’octroi du sursis et par la modulation des effets d’une décision de sursis. A la condition de préjudice succéderait une condition d’urgence, appréciée in concreto ; au caractère sérieux du moyen se substituerait la notion de « moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». En conséquence de quoi, le sursis à exécution deviendrait un « référé-suspension ». Quant aux effets de la décision de suspension ils seraient modulables par le juge, dans le temps et dans leur étendue, ne pouvant concerner que certains des effets de la décision administrative. Par ailleurs, les pouvoirs d’injonction du juge administratif de l’urgence seraient accrus, afin de lui permettre d’intervenir dans des situations où ne sont pas en cause des décisions administratives aisément identifiables, c’est à dire dans des situations où la simple suspension de l’exécution d’une décision administrative ne suffit pas à garantir les droits des justiciables. « Ce référé-injonction permettrait au juge administratif d’ordonner à toutes parties en cause, y compris aux autorités administratives, de prendre toutes mesures conservatoires utiles ». Mais ce pouvoir d’injonction serait cantonné aux situations où est en cause une liberté fondamentale, où serait portée, du fait de l’administration, une atteinte grave et manifestement illégale à une telle liberté.
- Sur le second point, les adaptations procédurales nécessaires à l’intervention en urgence du juge administratif, le groupe de travail propose « de décloisonner les procédures d’urgence et de définir un régime procédural unique pour toutes les interventions d’urgence du juge administratif ». On aurait ainsi une procédure à juge unique, qualifié de juge des référés, sans intervention d’un commissaire du Gouvernement, avec un calendrier de procédure, une place importante laissée à l’oralité des débats, la dispense du droit de timbre. Les voies de recours de cette justice de l’urgence seraient revues, sans que le groupe de travail ait réussi à trancher entre un système classique combinant appel et pourvoi en cassation (le système actuel) et un mécanisme plus novateur, insistant sur le caractère provisoire des mesures ordonnées par le juge des référés et sur leur éventuelle adaptation par ce même juge, sous un simple contrôle de cassation. En quelque sorte, le Conseil redécouvre les mérites de l’absence d’autorité de la chose jugée en référé civil sur le principal, ce qui autorise ce juge, en cas de circonstances nouvelles, à revenir sur sa décision et à modifier les mesures ordonnées précédemment.
Si ces réformes étaient acceptées elles s’accompagneraient de la simplification du droit des procédures d’urgence par l’abrogation de la suspension provisoire d’exécution et des régimes particuliers de sursis à exécution.
En tant que juriste familier de la procédure civile, on reste étonné d’une part, par tant de retard à mettre en place une véritable justice de l’urgence, d’autre part, par le caractère souvent byzantin des discussions conduisant somme toute à des propositions timorées, l’exemple en étant donné par l’incapacité du groupe de travail à se départager sur le système des voies de recours, alors que d’autres contentieux connaissent, sans inconvénients, de l’un des deux systèmes, le plus novateur, depuis des années. Tout ceci tranche aussi, singulièrement, avec le contentieux des autorités de régulation, qui a su s’adapter très vite à l’exigence de célérité (v. infra, 5°).
Un projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives a été déposé en mars 1999. Il prévoit que le juge des référés pourra ordonner la suspension d’une décision administrative lorsque les requérants invoquent un argument propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité. La procédure de sursis à exécution disparaîtra. Le juge des référés pourra ordonner toute mesure de sauvegarde justifiée par l’urgence lorsqu’un acte de l’administration porte une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale ; il statuera dans l’urgence, selon une procédure publique, simplifiée et contradictoire, où l’oralité jouera un rôle important. Les requérants pourront se pourvoir en cassation. Il est prévu qu’un décret organisera un calendrier de la procédure de telle façon que les justiciables sachent exactement le jour où leur affaire sera examinée.

b) La célérité dans les affaires non urgentes

80 - Les retards dans la mise en œuvre d’une véritable mise en état, avec un calendrier de procédure. Il faut attendre le décret n° 97-563 du 29 mai 1997 pour que le contentieux administratif connaisse du calendrier de procédure, dont l’objet et l’utilité sont tout de même d’accélérer l’instruction des affaires. L’article R. 142 pour le tribunal administratif et l’article R. 147 pour la cour administrative d’appel autorisent le président de la formation de jugement ou de la chambre à fixer la date à laquelle l’instruction de l’affaire sera close, dès l’enregistrement de la requête et si les circonstances de l’affaire le justifient et, notamment, en cas de conclusions à fin de sursis à exécution de la décision attaquée.

5°) En droit processuel économique

81 - Un contentieux qui répond parfaitement à un impératif de rapidité. Les contentieux des autorités de marché[190] fournissent un bon exemple de l’adaptation de la procédure à un impératif de rapidité, que ce soit dans l’organisation réglementaire des recours contre les décisions de ces autorités ou dans la pratique suivie par la Cour d’appel de Paris dans l’application de cette réglementation : simplicité des formes de recours, possibilité pour le juge saisi de suspendre l’exécution de la décision, tant au fond que dans les mesures conservatoires prises par l’autorité de régulation, calendrier de procédure fixé dès le dépôt de la requête, jugement en moins de six mois etc..[191].
Pour s’en tenir, par exemple, au contentieux de la concurrence, il connaît depuis l’ordonnance du 1er décembre 1986, une véritable justice de l’urgence, les mesures conservatoires pouvant être ordonnées soit par le Conseil de la concurrence (art. 12, ord. 1er déc. 1986), soit par le juge des référés, avec cette particularité que devant ce dernier juge, l’urgence n’est pas expressément exigée comme condition de son intervention (art. 36, dernier alinéa, ord. 1er déc. 1986). Dans le premier cas, l’urgence est la condition nécessaire à la mise en œuvre des mesures conservatoires, dans le second elle est présumée[192].
Voilà donc un contentieux d’urgence particulièrement adapté aux nécessités de notre temps.



[1] V. Serge Guinchard, L’ambition d’une justice civile rénovée : D. 1999, chron. 65.
[2] Sur ces pratiques, Foulon, in Le NCPC, vingt ans après, colloque de la Cour de cassation, déc. 1997, Doc. fr. 1998.
[3] Peter E. Herzog, Le nouveau code de procédure civile - Quelques appréciations d’Outre-Atlantique : Justices, 1996-3, p. 445, spéc. p. 446 et 450.
[4] V. pour le droit américain, le Federal Rules of civil Procedure, Rule 1 et le New York Civil Pratice Laws and Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog, Le nouveau code de procédure civile - Quelques appréciations d’Outre-Atlantique : Justices, 1996-3, p. 445, spéc. p. 446 et 450.
[5] Série A, n° 32.
[6] CEDH, 2 sept. 1998, arrêt Yasa c/ Turquie (§ 64).
[7] Et sur lesquelles, v. notamment Bruno Genevoix, La jurisprudence du Conseil constitutionnel, STH éd. 1988. - Marie-Luce Pavia, éléments de réflexion sur la notion de droit fondamental, Les Petites affiches, 6 mai 1994, p. 6. - V. Champeil-Desplats, La notion de « droit fondamental » et le droit constitutionnel français, D. 1995, chron. 323.
[8] L. Favoreu, Droit de la Constitution et constitution du droit, RFDC, 1990, p. 71 et s., spéc. p. 81-82 ; Universalité des droits fondamentaux et diversité culturelle, in L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, colloque international de l’Île Maurice, 29 sept. - 1er oct. 1993, AUPELF/UREF éd., 1994, p. 48. - L. Favoreu et alii,Droit constitutionnel, Dalloz, 1998, p. 779 à 794. - V. aussi, J.J. Israël, Droit des libertés fondamentales, LGDJ, 1998, p. 35.
[9] CEDH, 8 février 1996.
[10] V. notamment la surprenante chronique de Cyril Rojinsky, La procédure civile, parent pauvre de l’Etat de droit, Le Monde, 2 mars 1999, qui passe totalement sous silence la constitutionnalisation de la procédure civile (et son attraction par la Convention européenne), pour en déduire et regretter que la procédure civile ne soit pas protégée par un statut de nature législative.
[11] Notamment, L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, 1998. E. Zoller, Droit constitutionnel, PUF, 2ème éd., 1999.
[12] L. Favoreu et alii, op. cit., préface par L. Favoreu, p. 6.
[13] L. Favoreu et alii, op. cit., p. 777 à 885 (Le droit constitutionnel des libertés). E. Zoller, op. cit., p. 499 à 608 (La garantie des droits).
[14] L. Favoreu et alii, op. cit., n° 481, p. 344.
[15] Sur l’article 62, al. 2, v. B. Genevoix, La jurisprudence du Conseil constitutionnel, Principes directeurs, STH 1988,, p. 58. La Constitution de la République française, Economica, 1987. G. Drago, L’exécution des décisions du Conseil constitutionnel, Economica et PUAM, 1991, préface Y. Gaudemet, spéc. p. 26 à 40, 276 à 290 et 311 à 324. V. surtout, Favoreu et Philip, Grandes décisions, 9ème éd. 1997, n° 13-23 à 29, spéc. 28 et 29, p. 180-182. Fr. Luchaire, Le Conseil constitutionnel, 2ème éd. Jurisprudence, 1ère partie, L’individu, 1998, Economica, p. 1 et s. (autorité et influence du Conseil).
[16] Décision 62-18 L, 16 janv. 1963, Loi d’orientation agricole.
[17] L. Favoreu, La constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure pénale, Mélanges Vitu, Paris, 1989, 194.
[18] Décision 88-248 DC, 17 janvier 1989, Conseil supérieur de l’audiovisuel, Rec. Litec, I-339 ; Grandes décisions, Dalloz, n° 44 ; RDP 1989, 399, note L. Favoreu ; RFDA 1989, n° 2, p. 215, chron. Genevois (§ 35 : « il résulte des dispositions de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient respectés ....le principe du respect des droits de la défense » ; § 36 : « ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire »).
[19] Décision 73-76 L, 20 fév. 1973, Rec. p. 29.
[20] Décision 80-113 L, 14 mai 1980, Rec. p. 61.
[21] Décision préc. 14 mai 1980 (la disposition énonçait que certains jugements rendus en matière fiscale par le TGI ne pourraient être attaqués que par la voie de la cassation).
[22] Décision 80-119 L, 2 décembre 1980, Rec. p. 74.
[23] Décision 72-75 L, 21 déc. 1972, RJC (par Favoreu, Litec), II, 50, considérants 1 et 3.
[24] Décision 85-142 L, 13 nov. 1985, Rec. p. 116. V. E. Zoller, Droit constitutionnel, PUF, 1998, n° 297. L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, 1998, n° 1344.
[25] Décision 83-143 DC, 30 juill. 1982, Blocage des prix et des revenus, Rec. p. 57 ; RDP 1983, 333, note L. Favoreu ; Grandes décisions, n° 33.
[26] L. Favoreu, Le pouvoir normatif primaire du gouvernement en droit français, Rev. fr. dr. const. 1997-32, spéc. p. 719.
[27] L. Favoreu et Th. Renoux, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Sirey, 1992, extrait du Répertoire de contentieux administratif, Dalloz. V. aussi Fr. Luchaire, Procédures et techniques de protection des droits fondamentaux, in Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, Economica et PUAM, 1987, p. 62.
[28] L. Favoreu et Th. Renoux, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, loc. et op. cit., n° 14, p. 9.
[29] Ibid., n° 17, p. 11.
[30] Ibid., in fine.
[31] Ibid., n° 33, p. 20.
[32] Décision 98-396 DC, 19 fév. 1998,, JCP 1998, II, 10104 et rect. 10158 bis, note A. QUINT ; JCP 1998, I, 179, chron. B. Mathieu et M. Verpeaux, n° 10 ; AJDA 1998, 305, obs. Schoetti ; Petites affiches 27 nov. 1998, note L.B-P ; Gaz. Pal. 12 dééc. 1998, chron. J.L. Gallet.
[33] Th. Renoux, Le Conseil constitutionnel et le pouvoir judiciaire en France dans modèle européen de contrôle de constitutionnalité des lois, Rev. inter. dr. comp. 1994, 891.
[34] Décision du 25 juill. 1989, Dr. social 1989, 627 ; AJDA 1989 ? 796, note F. Benoit-Rohmer.
[35] Décision 89-257 DC, 25 juill. 1989, Rec. p. 59.
[36] V. infra, n° 121.
[37] L. Favoreu, Légalité et constitutionnalité, in Les cahiers du Conseil constitutionnel, 1997-3, Dalloz, p. 79, colonne de gauche.
[38] L. Favoreu, in La constitutionnalisation des branches du droit, Economica, 1998, p. 185.
[39] Décision 97-388 DC, 20 mars 1997, JO, 26 mars 1997, p. 4661.
[40] L. Favoreu et Th.Renoux, Rapport au colloque La cour de cassation et la Constitution de la République, Doc. fr. 1995. V. aussi le rapport Jéol sur les techniques de substitution et, pour une application aux interpellations, Civ. 28 juin 1995, Petites affiches, 6 oct. 1995, note E. Spitz ; JCP 1995, II, 22504, conclusions Jerry Sainte Rose. G. Drago, thèse préc., p. 311 à 34 ; Contentieux constitutionnel français, PUF, 1998, 500.
[41] Cass. Ass. Plénière, 30 juin 1995, D. 1995, 513, note R Drago et concl. Jéol ; JCP 1995, II, 22478, note Perdriau ; Bull. inf. Cass. 1er août 1995, rapport Ancel.
[42] L. Favoreu et Th. Renoux, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Sirey, 1992, extrait du Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, n° 11, p. 8. L. Favoreu, Légalité et constitutionnalité, in Les cahiers du Conseil constitutionnel 1997-3, Dalloz, p. 73 et s. Spécialement p. 70, colonne de gauche : les juges ordinaires peuvent contrôler la constitutionnalité et la légalité des actes administratifs et juridictionnels ».
[43] L. Favoreu, Légalité et constitutionnalité, loc. et op. cités, p. 78, col. de gauche.
[44] Ibid., p. 78, colonne de droite.
[45] Rev. fr. dr. constitu., par Th. Di Manno. Rev. Justices, puis Rev. Gén. des procédures, par G. Drago et N. Molfessis. JCP, par B. Mathieu et M. Verpeaux.
[46] V. notamment, sur la justification de cette distinction, la chronique de B. Mathieu et M. Verpeaux, JCP 1997, I, 4066, n° 1.
[47] V. B. Mathieu et M. Verpeaux, Avant-propos au colloque sur La constitutionnalisation des branches du droit, Economica, 1998, p. 7.
[48] Avis du 9 sept. 1997, §98, AJDA 1998, 990,obs. Flauss.
[49] CEDH, 23 mars 1995, Loizilou : RUDH, 1995, 130 ; D. 1996, som. com. 201, obs. S. Perez. V. J.P. Gridel, Déclin des spécificités françaises et éventuel retour d’un droit commun européen : D. 1999, chron. 139, spéc. p. 141.
[50] L. Favoreu, Les cours constitutionnelles, Que sais-je ?, 1992, p. 94 ; La légitimité du juge constitutionnel, Rev. inter. dr. comp. 1994, 557.
[51] Le lecteur consultera, avec profit, les ouvrages fondamentaux suivants : L. Favoreu et Th. Renoux, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, op. cit. Luchaire, Le Conseil constitutionnel, 2ème éd., t. 1, Organisation et attribution, 1997 ; t. 2, 1ère partie, L’individu, 1998. B. Genevoix, La jurisprudence du Conseil constitutionnel, STH éd., 1988, p. 190-207. Th. Renoux et M. de Villiers, Code constitutionnel, Litec.
[52] Sur la déclaration elle-même, v. Conac, Debène et Teboul (sous la direction de), Histoire, analyse et commentaire de cette Déclaration, Economica, 1993. Rev. Droits, 1998-8, notamment St. Rials, Le mystère des origines, p. 3 ; M. Thomann, Origines et sources doctrinales, p. 55.
[53] Th. Renoux, L’évolution du principe d’égalité devant la justice dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Gaz. Pal. 1er oct. 1985.
[54] V. Picard, JCP 1992, I, 3621, n° 5.
[55] J. Carbonnier, De la République dont les lois ont engendré ds principes, Mélanges Jean Foyer, PUF, 1997, 45.
[56] G. Vedel, Le précédent judiciaire en droit public français, Rev. int. dr. comp. 1984, vol. 6, p. 51.
[57] L. Favoreu et Th. Renoux, Rapport introductif, colloque de la Cour de cassation, Doc. fr. 1995.
[58] N. Molfessis, RTDCiv. 1997, 787.
[59] L. Favoreu, Principes généraux du droit et principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, RFDA 1996, 882 (à propos de l’arrêt Koné, CE 3 juill. 1996). Pour un point de vue plus nuancé, P. Delvové, RFDA 1996, 908. Pour une synthèse, B. Mathieu et M. Verpeaux, D. 1997, chron. 219. V. aussi, B. Genevoix, Une catégorie de principes de valeur constitutionnelle : les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, RFDA 1998, 477. Fr. Moderne, Actualité des principes généraux du droit, RFDA 1998, 495.
[60] Sur l’influence de la Révolution française sur le droit, Rev. Droits, 1993-17.
[61] L. Henkin, Droits économiques et constitution américaine, Rev. Inter. dr. comp. 1993, 421.
[62] Sur le rapprochement des raisonnements utilisés par les juges constitutionnels et des principes constitutionnels affirmés par eux au niveau mondial, Michel Rosenfeld (prof. À la Carduzo School of Law de New York, Le Monde, 26 juill. 1997.
[63] Sur ces sources communes, mais aussi leurs différences, J. Robert et J. Duffar, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Domat, 5ème éd., 1993, p. 38-39. St. Rials, Le mystère des origines, in La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Rev. Droits, 1998-8, p. 3, spéc. p. 12 à 14. Sur la justice constitutionnelle dans la constitution américaine de 1787, la Déclaration de 1789, les constitutions norvégienne de 1814 et belge de 1831, Eivind Smith, Constitutional justice under old constitution, 1995, compte rendu par P. Vialle, Rev. Inter. dr. comp. 1996, 972.
[64] M.A. Frison-Roche, RTDCiv. 1997, 1030, n° 3, i fine. La raison en est simple : l’un est fondé sur une idéologie raciste et d’extermination, dès l’origine ; l’autre, tout au contraire, est bâti sur l’idée de rassemblement des hommes et d’égalité entre eux.
[65] Sur ces deux arrêts et la question plus générale de l’application du droit par la Cour de cassation, v. Serge Guinchard, Le droit a-t-il encore un avenir à la Cour de cassation ? Qui cassera les arrêts de la Cour de cassation ? Mélanges Terré, PUF, 1999.
[66] Com. 17 fév. 1998 : D. 1998, note F. Derrida et Perdriau.
[67] Civ. 1ère, 28 avr. 1998 : Procédures, juill. 1998, n° 165, obs. Perrot ; RG Procédures 1998, vol. 3, obs. Wiederkehr.
[68] F. Sudre, JCP 1998, I, 100, p. 10.
[69] Crim. 3 juin 1975 : Bull. n° 141. - 5 déc. 1978 : Bull. n° 346 ; D. 1979, 50, note Kerhig. - 6 mars 1986 : D. 1986, 315, note Mayer. - Civ. 1ère, 18 mai 1989 : Bull. I, n° 198.
[70] Crim. 30 juin 1976 : D. 1977, 1, note Coste-Floret ; JCP 1976, II, 18435, rapp. Mongin.
[71] J.P. Gridel, Déclin des spécificités et éventuel retour d’un droit commun européen : D. 1999, chron. 139, spéc. p. 141.
[72] Crim. 21 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 214, obs. Buisson ; RSC 1997, 858, obs. Dintilhac (avec Crim. 6 mai 1997).
[73] Crim. 22 nov. 1995 : Gaz. Pal. 7 mai 1996, som. de jurisp. Pénale.
[74] TGI Saintes, 21 fév. 1997 : Gaz. Pal. 1997, 1482, note M. Peisse ; RTDCiv. 1998, 521, obs. Marguénaud ; D. 1999, som. com. 23, obs. M. L. Niboyet. - Limoges, 19 nov. 1998 : Gaz. Pal. 11 mars 1999 et doctr. (contraire) M. Besserve. - Contra : Montpellier, 27 janv. 1999 : Gaz. Pal. 11 mars 1999, som. des Cours et Tribunaux, V° Contrats et obligations.
[75] TGI Paris, 3 mars 1999 : D. 1999, 13 ème cahier, Flash.
[76] CE 5 déc. 1997 : AJDA 1998, p. 97, chron. Girardot et F. Raynaud ; p. 149, arrêt et concl. Bergeal ; p. 167, avis ; RG Procédures 1998, 242, obs. Flauss ; Petites affiches, 15 juin 1998, note Le Gras.
[77] Cons. Const. 15 janv. 1975 : D. 1975, 529, note Hamon.
[78] Commission, avis du 9 sept. 1997 (§ 98), affaire Zielinski et Pradal c/ France : AJDA 1999, 990, obs. Flauss (la loi de validation était intervenue pendant l’instance en cassation d’arrêts d’appel qui avaient donné tort à l’Etat et raison aux requérants).
[79] Boyer, La notion d’équité et son rôle dans la jurisprudence des Parlements : Mélanges Maury, 1960, t. 2, p. 257.
[80] Edition Le Robert, sous la direction d’Alain Rey, V° équité.
[81] Rép. Dr. civil, V° équité, n° 1.
[82] V° équité, PUF, 1994, sous la direction de Gérard Cornu.
[83] Civ. 2ème, 19 janv. 1983 : Gaz. Pal. 198, Pan., 177, obs. Guinchard) ; il ne peut pas non plus se fonder sur l’équité (Soc. 21 fév. 1980 : JCP 1980 ; IV, 176. - 11 mai 1994 : D. 1995, 626, note C. Puigelier. - Civ. 3ème, 22 mars 1995 : Gaz. Pal. 16 mai 1996, som. ann. , V° Preuve, obs. Croze et Moussa). - Revue Justices, 1998-9, L’équité du juge.
[84] v. Dictionnaire Collins, English langage dictionnary, 1992, V° Equity.
[85] Serge Guinchard, Le procès équitable, droit fondamental ? AJDA, n° spécial, juill./août 1998, p. 191. - Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel ? Mélanges Farjat, Credeco, Nice, 1999. - Mégacode de procédurre civile, Dalloz éd. 1999, ss. art. 6, CEDH. - Opinion dissidente du juge Lopes Rocha, sous CEDH, 20 fév. 1996, arrêt Lobo Machado c/ Portugal : Rec. 1996-I, vol. 3, p. 210.
[86] Déc. 95-360 DC, 2 fév. 1995, Injonction pénale : RJC I, 632 ; D. 1995, chron. 171, Pradel et 201, Volff ; RFDC, 1995-22, 405, note Th. Renoux ; D. 1997, som. com. 130, obs. Th. Renoux.
[87] RTDCiv. 1928, 371.
[88] Psaume 84-II.
[89] J.Cl. Soyer et M. de Salvia, in La convention européenne des droits de l’homme, commentaire article par article, sous la direction de L.E. Pettiti, E. Decaux et P.H. Imbert, économica, 1995, p. 251.
[90] J.Cl. Soyer, La loi nationale et la Convention européenne des droits de l’homme, in Mélanges Foyer, PUF, 1997, p. 137.
[91] Serge Guinchard, Le procès équitable, droit fondamental ? AJDA, n° spécial sur les droits fondamentaux, juill./ août 1998, p. 193. J. Cl. Soyer La loi nationale et la CEDH : Mélanges Foyer, PUF, 1997, 125. - Colloque de l’Institut de droit européen des droits de l’homme, Montpellier, 13 et 14 mars 1998, sur l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant et Nemesis éd., 1998.
[92] CEDH, 9 déc. 1994, arrêt Ruiz, série A, n° 303-A, § 29 et arrêt Hilani, série A, n° 303-B, §27, c/ Espagne : Justices, 1996-3, p. 236, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[93] M. Delmas-Marty, Vers une autre logique : à propos de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : D. 1988, chron. 221.
[94] CEDH, 28 juin 1978, arrêt König, série A, n° 27.
[95] CEDH, 28sept. 1995, arrêt Procola c/Luxembourg (recours contre un règlement en matière économique qui avait trait au droit de transformer ou de vendre du lait sans un prélèvement complémentaire). - 20 nov. 1995, arrêt British American Tobacco c/ Royaume Uni.
[96] AJDA 1997, 980, obs. Flauss.
[97] CEDH, 16 juill. 1971, arrêt Ringeisen : Rec. série A, n° 13 ; Ann. Fr. dr. inter. 197, 334, chron. R. Pelloux. - 29 mai 1986 : JDI 1987, 778, note Tavernier.
[98] CEDH, 8 juin 1976, arrêt Engel c/ Pays-Bas, série A, n° 22, § 81 (application aux poursuites disciplinaires militaires) ; V. Berger, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 5ème, éd. 1996, n° 73, § 572 et s.
[99] CEDH, 22 fév. 1996, Putz c/ Autriche : Rec. 1996-I, vol. 4, p. 312 ; RSC 1997, 469, obs. R. Koering-Joulin ; RTDH 1997, 493, note Fl. Massias ; Justices, 1997-5, 191, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. Et déjà, CEDH, 23 mars 1994, Ravnsborg c/ Suède : RTDH 1994, 515, note Flauss.
[100] CEDH, 21 avr. 1998, Estima Jorge c/ Portugal : D. 1998, som. com. 369, obs. Fricéro ; RTDCiv. 1998, 993, obs. Marguénaud ; JCP 1999, I, 105, n° 21, obs. Sudre.
[101] CEDH, 28 oct. 1998, Perez de Rada Cavamilles c/ Espagne : JCP 1999, I, 105, n° 21, obs. Sudre.
[102] Bruylant éd. 1996, p. 81.
[103] Cohen-Jonathan, Rapport au colloque du 22 mars 1996 préc., p. 170.
[104] CEDH, 23 fév. 1995, série A, n° 306-B, AJDA, 1995, 721, obs. Flauss.
[105] Ibid., p. 722.
[106] CEDH, 24 fév. 1995, arrêt Mc Michaël c/ Royaume Uni, série A, n° 307-B, § 87.
[107] CEDH, 7 août 1996, arrêt Zubani c/ Italie, AJDA, 1996, 1007, obs. Flauss.
[108] Opinion des juges Martens et Matscher sous CEDH, 25 avril 1996, arrêt Gustafsson c/ Suède, AJDA, 1996, 1007, obs. Flauss.
[109] Commission, 10 mai 1994, affaire Saunders c/ Royaume Uni, Justices, 1996-3, p. 244, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. CEDH, 17 déc. 196, même affaire, Rec. 1996-VI, Vol. 24, p. 2024.
[110] CEDH, 20 oct. 1997, arrêt Serves c/ France, Bull. du greffier de la Cour, p. 6.
[111] CEDH, 24 juin 1993, série A, n° 253, arrêt Schuler-Zgraggen.
[112] Commission, 19 mai 1994 et CEDH, 23 octobre 1995, affaire Gradinger c/ Autriche, Justices, 1996-3, p. 249, obs. Cohen-Jonathan et Flauss.
[113] Crim. 20 juin 1996, D. 1997, 249, note Tixier et Lamulle.
[114] CE, Avis, 4 avril 1997, Jammet, Req. n° 183658 : Courrier juridique des finances, mai 1997, p. 6 ; D. 1997, IR, 125.
[115] Conseil de la concurrence, décision n° 95-D-76, 29 novembre 1995, BOCC, 15 mai 1996, 174.
[116] Décision déc. 97, D.21, Appareils de détection des métaux, BOCCRF, n° 12, 8 juill. 1997 ; Justices, 1997-8, 159, obs. L. Idot.jj
[117] CJCE, 13 février 1969, arrêt Walt Wilhem, aff. 14/68 : Rec. p. 1.
[118] CEDH, 30 oct. 1998, Oliveira c/ Suisse : AJDA 1998, 992, obs. Flauss.
[119] M. Delmas-Marty, La mondialisation du droit : chances et risques : D. 1999, chron. 43.
[120] Corpus juris, Economica, 1997.
[121] J. Cl. Fourgoux, Un espace judiciaire contre la fraude communautaire : un corpus juris entre rêve et réalité : D. 1997, chron. 348 ; Espaces judiciaires européens, corpus juris et le reste : Rev. Europe, oct. 1997, Repères. - Christine Van Den Wyngaert, in Les systèmes comparés de justice pénale - De la diversité au rapprochement : Actes de la conférence internationale de droit pénal, Syracuse, 16-20 déc. 1997, Erès éd., 1998, p. 443. - Francesco de Angelis, Le corpus juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de l’Union européenne : origines et perspectives : D. 1998, chron. 221. - Rosaria Sicurella, Le corpus juris : proposition d’un modèle d’espace judiciaire européen : D. 1998, chron. 223.
[122] Séance du mercredi 24 août 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p. 10.
[123] R Drago, Le juge judiciaire, juge administratif : RFDA 1990, 757
[124] Code des PTT, art. L. 36-8-IV (recours devant la Cour d’appel de Paris) et L. 36-11-4°) (recours devant le Conseil d’Etat), réd. L. n° 96-659, 26 juill. 1996.
[125] Karaquilo : D. 1996, chron. 87. - Auneau et Jacq : JCP 1996, I, 3947.
[126] CE, 22 juill. 1992 : D. 1993, 348, note Anne Klebes-Pelissier.
[127] V. Agathe Van Lang, Juge judiciaire et droit administratif, LGDJ, 1996, Biblio. Dr. public, t. 183, préface Truchet.
[128] D. Boccara, Légitimité du référé-diffamation et conditions de ses prescriptions : Gaz. Pal. 7 mars 1995, doctr. - Le régime procédural de la loi sur la presse aux prises avec les procédures civiles et pénale : Petites affiches, 24 oct. 1997, p. 8. - E. Durieux, Référé et liberté d’expression : JCP 1997, I, 4053. - A. Lacabarats, note sous TGI Paris 11 déc. 1996 : JCP 1997, II, 22938. - M.N. Louvet, Le référé en droit de la presse, in Liberté et droit de la personne, Dalloz, collec. Thèmes et documents, 1997, 87.
[129] Civ. 2ème, 3 mai 1985 : JCP 1985, IV, 243 : « le juge des référés est compétent pour interdire sous astreinte, l'exposition, la diffusion, la distribution et la mise en vente d'une brochure contenant des propos outrageants à l'égard d'un magistrat à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et cela malgré l'article_46 de la loi du 29_juillet 1881 qui interdit à la juridiction civile de connaître de l'action civile née des délits de diffamation commis envers des fonctionnaires publics, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité ».
Civ. 2ème, 5 fév. 1992 : « l’interdiction faite à la justice civile par les articles 31 et 46 de la loi du 29 juillet 1981 de connaître de l’action civile née des délits de diffamation commis envers un membre du gouvernement en raison de ses fonctions n’est pas un obstacle à ce que le juge des référés prenne les mesures prévues à l’article 809, al. 1er ».
[130] TGI Nanterre (réf.), 23 sept. 1987 (condamnation à 1F de dommages-intérêts, ce qui était une première en jurisprudence) : Gaz. Pal. 1987, 673, chron. Bertin ; confirmé par Versailles, 28 janv. 1988 : note 45, sous 809.
[131] TGI Paris, 11 juin 1990 et Paris, 12 juin 1990 (réf.) : Gaz. Pal. 1990, 378 et chron. Bertin (affaire J. Chr. Mitterrand).
[132] TGI Paris, 13 oct. 1997 (affaire Léotard c/ Rougeot et autres) : Gaz. Pal. 14 oct. 1997, note J.G. Moore ; Bull. inf. Cass., 1er mars 1998, n° 274. - 28 oct. 1997 (même affaire, après le délai de 10 jours) : Gaz. Pal. 8 nov. 1997 ; Bull. inf. Cass. , 1er mars 998, n° 275. - Ensemble : Petites affiches, 3 nov. 1997, chron. D. Boccara ; D. 1998, 154, note Burgelin ; JCP 1997, II, 22964 (« dès lors qu’il apparaît à l’évidence qu’il existe un déséquilibre flagrant entre une accusation d’une gravité extrême [commandite d’un assassinat] et des éléments d’enquête manifestement dépourvus de tout lien consistant avec cette accusation, que les défendeurs sont dans l’incapacité d’apporter la preuve de leurs allégations diffamatoires, la publication litigieuse cause au demandeur un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser ».
[133] Cass. Ch. mixte, 3 juin 1998 : Bull. inf. Cass. 15 sept. 1998, concl. Joinet.
[134] Conte et Maistre du Chambon, Procédure pénale, 2ème éd. 1998, p. 15.
[135] Sur le principe de dialogue, Mme Patricia Aubijoux. Sur le principe de loyauté, Melle Emma Boursier.
[136] Motulsky, Mélanges Roubier, n° 13 et s., note 27.
[137] J. Carbonnier, Introduction, PUF, n° 188. Bulletin d’information du Bâtonnier de Paris, 18 janv. 1994, p. 15 : « la loyauté dans les relations entre les avocats constitue une impérieuse nécessité ». V. aussi, A. Leborgne, L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand principe, RTDCiv. 1996, 535. Mélanges Cerexhe, La loyauté, Larcier éd., 1997, spéc., pour le droit procédural : Ph. Couvreur, La loyauté dans les rapports judiciaires internationaux, p. 67 ; Fr. Delpérée, A la loyale, p. 116 ; X. Dijon, La loyauté osmotique, p. 127 ; P. Martens, Sur les loyautés démocratiques du juge, p. 249. Colloque sur l’obligation, Ass. Philo. Dr., 9 et 10 avr. 1999, rapport L. Aynès, L’obligation de loyauté.
[138] Civ. 1ère, 19 nov. 1991 : Bull. I, n° 316.
[139] Com. 27 mars 1990 : D. 1991, 503, note Bonnard.
[140] Crim. 11 juin 1996 : D. 1997, 576, note Agostini.
[141] E. Gaillard, Rev. arbitr. 1985, 241. - Ph. Pinsolle, Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le commerce international : Clunet, 1998, 905.
[142] H. Muir Watt, Pour l’accueil de l’estoppel en droit privé français : Mélanges Loussouarn, Dalloz, 1994, 303. Sur l’estoppel, O. Moreteau, L’estoppel et la protection de la confiance légitime, thèse Lyon III, 1990.
[143] H. Muir Watt, préc.
[144] V. Méga code de procédure civile, commenté par Serge Guinchard, ss. art. 126, n° 012. - Vincent et Guinchard, Procédure civile, 24ème éd. 1996, n° 145, c.
[145] Débats du mercredi 24 mars 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p. 10. Les réserves ont notamment été émises par Maître Arnaud de Montebourg...
[146] Ch. réunies, 31 janv. 1888 : S. 1889, 1, 241.
[147] Crim. 9 oct. 1980, arrêt Tournet : JCP 1981, II, 18578, note Di Marino. 28 oct. 1991 : JCP 1992, II, 21952, note Pannier.
[148] Crim. 23 août 1994 : Bull., n° 291. - 16 déc. 1997 : D. 1998, 537, note Pradel.
[149] CEDH, 24 août 1990, arrêt Kruslin.
[150] Crim. 7 mai 1996 : Procédures, sept. 1996, n° 270, obs. Buisson.
[151] Crim. 6 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 218, obs. Buisson.
[152] Crim. 27 fév. 1996, arrêt Schuller/Maréchal : D. 1996, 436, note Guéry ; JCP 1996, II, 22629, note Rassat. - V. aussi, Crim. 17 oct. 1991 : Dr. pénal, 1992, n° 27.
[153] Crim. 26 avr. 1987 : Bull. 173. - 11 fév. 1992 : Bull., n° 66 ; D. 1993, som. com. 206, obs. Pradel (avec Crim. 23 juill. 1993).
[154] Crim. 6 avr. 1993 : JCP 1993, II, 22144, note Rassat. Et déjà, Crim. 23 juill. 1992 : Bull., n° 274. - 6 avr. 1994 : Bull. n° 136.
[155] Crim. 15 juin 1993 : Bull. n° 210.
[156] Paris, 8 avr. 1994 : BOCCRF, 18 mai 1994. - Paris, 17 mai 1994 : BOCCRF, 7 juin 1994.
[157] E. Putman, Contentieux économique, PUF, 1998, n° 180, p. 175.
[158] Conseil de la concurrence, décision n° 98-MC 08, 8 sept. 1998 : Contrats-Concurrences-Consommation, fév. 1999, n° 25, obs. M. Malaurie-Vignal.
[159] Cornu, Rev. hist. Fac. Dr., 1995, vol. 16, p. 241 ; repris in La codification, Dalloz, collec. Thèmes et commentaires, 1996, p. 71.
[160] V. Bolard et Flécheux, D 1995, chron. 221.
[161] Commentaire Serge Guinchard : D. 1999, chron. 65.
[162] Motulsky, La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 : JCP 1966, I, 1996 et Ecrits, t. 1, p. 130, n° 68. - Vincent et Guinchard, op. cit., n° 864.
[163] Fr. Ruellan, L’office du juge dans le procès civil (à propos d’une expérience d’un schéma directeur de mise en état au TGI d’Annecy) : Petites affiches 12 juill. 1995 p. 23. Sur la pratique du contrat de procédure, Caratini : Gaz. Pal. 1985, doctr. 639 et 1er fév. 1986. - du Rusquec : JCP 1994, I, 3774. - Estoup : D. 1985, chron. 195 et Gaz. Pal. 1985, doctr. 680. - Gaudin : Gaz. Pal. 1er fév. 1986. - XXX : Gaz. Pal. 1986, doctr. 387. Sur les différentes pratiques de mise en état, v. Foulon, in Le nouveau code de procédure civile, vingt ans après, colloque Cour de cassation, 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 161.
[164] CEDH, 24 nov. 1997, Werner c/ Autriche : Rec. 1997-VII, Vol. 56, p. 2496.
[165] Civ. 1ère, 20 juill. 1994 : Bull. I, n° 259.
[166] CEDH, 20 fév. 1996, arrêts Vermeulen c/ Belgique et Lobo Machado c/ Portugal : Rec. 1996-I, vol. 3, 210 ; AJDA 1996, 1028, obs. Flauss ; RTDCiv. 1996, 1028, obs. Marguenaud ; ibid. 1997, 992, obs. Perrot et 1006, obs. Marguenaud et Raynard ; RTDEur.1997, 373, note Fl. Benoît-Rohmer ; Clunet 1997, 203, obs. P.B. ; Justices, 1997-5, 195, obs. Cohen-Jonathan et Flauss ; D. 1997, som. com. 208, obs. Fricero.
[167] CEDH, 25 juin 1997, arrêt Van Orshoven c/ Belgique : Rec. 1997-III, vol. 39, 1039 ; D. 1997, som. com. 359, obs. Fricero ; AJDA 1997, 988, obs. Flauss ; JDI 1998, 197, obs. P. Tavernier ; RGDP 1998, 237, obs. Flauss.
CEDH 24 nov. 1997, arrêt Werner c/ Autriche : RGDP 1998, 238, obs. Flauss.
CEDH 27 mars 1998, arrêt J. J. c/ Pays-Bas, série A, n° 201 (en matière fiscale). - CEDH 27 mars 1998, arrêt K. D. B. c/ Pays-Bas, série A, n° 202 (en matière civile).
[168] Commission, 10 oct. 1994, affaire Lassauzet et Guillot c/ France : AJDA 1996, 384, obs. Flauss.
[169] V. J.F Burgelin, Allocution du 10 janv. 1997 ; Gaz. Pal. 24 mai 1997.
[170] CEDH 31 mars 1998, arrêt Mme Reinhardt et Slimane Kaïd c/ France : RTDCiv. 1998, 512, obs. Marguenaud et Raynard ; Procédures juill. 1998, n° 177, obs. Buisson.
[171] En matière domaniale, administration des eaux et forêts, art. L. 153-2, C. forestier. - En matière de voirie routière, au profit du ministre chargé de cette voirie, art. L. 116-8, C. voirie rout. - En matière fiscale et d’infractions douanières et cambiaires, possibilité pour l’administration des douanes (art. 350, C. douanes) et pour celle des contributions indirectes (art. L. 248, Livre des procédures fiscales) de transiger.
[172] Déc. 95-360 DC, 2 fév. 1995, Injonction pénale : RJC I, p. 632 ; D. 1995, chron. 171, Pradel et 201, Volff ; RFDC, 1995-22, 405, note Th. Renoux ; D. 1997, som. com. 130, obs. Th. Renoux.
[173] CEDH, 8 fév. 1996, arrêt Murray c/ Roy. Uni : Procédures, juin 1996, n° 194, obs. Buisson ; RSC 1997, 476, obs. R. Koering-Joulin.
[174] CEDH, 25 fév. 1993, Funke c/ France : JCP 1993, II, 22073, note R. et A. Garnon ; JCP 1994, I, 3472, n° 13, obs. Sudre ; Justices, 1996-3, 244, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. - 17 déc. 1996, Saunders c/ Roy. Uni : RSC 1997, 478, obs. R. Koering-Joulin ; JCP 1997, I, 4000, n° 18, obs. Sudre ; AJDA 1997, 988, obs. Flauss. - 20 oct. 1997, Serves c/ France : JCP 1998, I, 107, n° 23, obs. Sudre ; RSC 1998, 395, obs. R. Koering-Joulin.
[175] CEDH, 17 déc. 1996, Saunders : préc. - Opinion dissidente du juge Martens (§12).
[176] CEDH, 8 fév. 1996 Murray, préc., §47.
[177] CEDH, 17 déc. 1996, Saunders c/ Roy. Uni, préc. § 69, 2ème phrase.
[178] CJCE, 18 oct. 1989, Orkem, aff. 347/87. - 10 nov. 1993, Otto/ Postbank, aff. C. 60/42.
[179] CEDH, 20 oct. 1997, Serves c/ France, préc.
[180] Crim. 28 sept. 1983 : D. 1984, 156, note Pradel.
[181] Pour le droit américain, Federal Rules of civil procédure, Rule 1 ; New York Civil Pratice Law and Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog : Justices, 1996-3, p. 446.
[182] M.-A. Eissen, La durée des procédures civiles et pénales dans la jurisprudence de la CEDH : Bull. inf. C. cass., 1er oct. 1995, p. 3. - Ch. Méral : Gaz. Pal. 1993, doctr. 480.
[183] CEDH 20 fév. 1991 : D. 1992, somm. 333, obs. Renucci ; Clunet, 1992, 779, obs. E.D.
[184] Ibid.
[185] CEDH, 25 oct. 1988, arrêt Martins Moreira, série A, n° 143, § 44. - 24 mars 1984, arrêt Silva Pontès, série A, n° 286-A, § 33 : Justices, 1995-1, 170, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. - 23 mars 1993 : Justices 1995, 1, 170, obs. G. Cohen-Jonathan et J.-F. Flauss. - 26 sept. 1996, arrêts Di Pede et Zappia c/ Italie: JCP 1997, I, 4000, n° 28, obs. Sudre; D. 1997, Som. com. 209, obs. Fricero ; Rec. 1996-IV, vol. 17, p. 1376 (arrêt Di Pede) et p. 1403 (arrêt Zappia).
[186] TGI Paris, 6 juill. 1994 : JCP 1994, I, 3805, n° 2, obs. Cadiet ; Dr. et patrimoine, janv. 1995, p. 9, obs. de La Vaissière. - 5 nov. 1997 : Gaz. Pal. 8 nov. 1997 ; D. 1998, note Frison-Roche.
[187] L. Favoreu, Du déni de justice en droit français, thèse, LGDJ, 1964, p. 534.
[188] Sur la portée des récapitulations et leur sanction, v. Serge Guinchard, D. 1999, chron. 65.
[189] Rapport du groupe de travail sur les procédures d’urgence, 1998, p. 4.
[190] Conseil de la concurrence, décret n° 87-849, 19 oct. 1987. - Commission des opérations de bourse, décret n° 90-263, 23 mars 1990. - Conseil des marchés financiers, décret n° 90-869, 3 oct. 1996. - Autorité de régulation des télécommunications, décret n° 97-264, 19 mars 1997.
[191] Sur tous ces points, v. G. Canivet, Le principe d’efficience, Mélanges Drai, Dalloz, à paraître 1999.
[192] E. putman, Les spécificités du droit processuel économique de l’urgence : Rev. de la concurrence et de la consommation, ministère de l’économie et des finances, n° 98, supplément juill./août 1997, p. 35.

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