mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 10: LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES AVOCATS

SOMMAIRE
I – LA FORMATION À L’ÉCOLE DE FORMATION DU BARREAU DE PARIS 1991-1993
II – ARTICLE À VENIR : PETITS CAILLOUX SUR LE CHEMIN CAHOTEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES AVOCATS

VOIR AUSSI :

La formation des futurs avocats, une exigence, une passion (co-signée avec Jean-Marc Mousseron), JCP 1992, I, 3571.


Commentaire des articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991 et des arrêtés d’application du 7 janvier 1993, sur l’accès des ressortissants de la CEE et des avocats étrangers à la profession d’avocat en France, Gaz. Pal. 2 mars 1993, doctr., co-signé avec Georges Flécheux


          La prétendue voie longue, un vrai danger pour la profession d’avocat, co-signé avec le bâtonnier Henri Ader, Gaz. Pal. 13 avr. 1995, doctr.


        Article traduit en langue italienne : La formazione degli avvocati in Francia a seguito della fusione delle professioni giuridiche e giudiziare, in Rassegna forense, Rivista quadrimestrale del Consiglio Nazionale Forense, sept.-déc. 1995, p. 387.
       
La formation des avocats, rapport au colloque des Barreaux européens, Paris 20 octobre 1995, Gaz. Pal. 6 janvier 1996, Doctr.

     Commentaire de l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 8 novembre 1995, sur la dispense accordée par l’arrêté du 7 janvier 1993 aux candidats à l’examen d’entrée dans un CRFPA,  titulaires d’un DEA, Gaz Pal. 6 janv. 1996.

       La gloire pour les élèves-avocats, sans la finance pour la profession, commentaire de la loi de validation n° 98-388 du 14 mai 1998, Recueil Dalloz, Dernière actualité, 25 juin 1998, n° 24. 

       Publication en japonais d’un rapport sur La formation des avocats et des magistrats au Japon, le système français, présenté à Université Hosei, Tokyo, les 13 et 14 mai 2000, Revue Hogaku-Shirin, Review of law and political sciences, (traduction de Naoki Kanayama).
 
 
 

I – LA FORMATION À L’ÉCOLE DE FORMATION

 DU BARREAU DE PARIS 1991-1993

LA FORMATION INITIALE À L'ÉCOLE DE FORMATION DES BARREAUX DU RESSORT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS – 1991-1993 

ou le fabuleux destin du foisonnement


 (Publié en 2003)
             
          Dans le cadre de cet ouvrage collectif il m’a été demandé de traiter de la formation initiale à l’école de formation des barreaux du ressort de la cour d’appel de Paris, à partir de mon expérience de directeur de cette école de 1991 à 1993, école qui ne s’appelait pas encore EFB, mais, tout simplement, Centre régional de formation professionnelle des avocats de la cour d’appel de Paris. Le lecteur me pardonnera donc les aspects rédactionnels qui traduisent les souvenirs personnels que j’ai gardés de cette époque, au-delà de la mise en place d’une formation entièrement nouvelle dès la rentrée 1992. à décharge, on voudra bien considérer que ces aspects personnels ont beaucoup joué dans la réussite de cette merveilleuse expérience. C’est en premier lieu aux Bâtonniers Henri ADER, Georges FLécheux et Jean-René FARTHOUAT que vont mes remerciements : le premier nommé parce qu’il m’a fait l’honneur de me demander d’accepter la direction de l’EFB (en septembre 1991), le deuxième parce qu’amoureux fou de pédagogie à laquelle il voue une véritable passion, il m’a laissé entièrement libre de concevoir le nouveau programme et m’a donné les moyens de le mettre en pratique, le troisième parce qu’il a confirmé les options prises dès son dauphinat au 1er janvier 1993 et postérieurement à mon départ en permettant à mon collègue et ami le Professeur Jean-Jacques Israël de maintenir ce qui avait été fait. Mais c’est aussi à toute l’équipe pédagogique et à l’ensemble du personnel administratif, dévoué et compétent, que vont mes remerciements ; sans eux, en effet, rien n’aurait été possible. La qualité de leurs prestations a été pour beaucoup dans ce qui fut, je le répète, une formidable aventure. On me permettra ici d’isoler et de citer le nom de Jean-Jacques Nérondat, véritable âme du Centre, qui savait recevoir les élèves avec beaucoup d’attention, les guider dans leur travail et notamment la rédaction de leur rapport de stage et parfois même consoler les cœurs ! Il m’a fait découvrir le Barreau de Paris et l’aimer, mais sur ce point ceux qui me connaissent savent qu’il n’y avait pas besoin de beaucoup m’aider tant il est vrai que le Barreau, auquel je n’appartiens pas, fait partie de ma famille. Mais Jean-Jacques était toujours là quand on avait besoin de lui et cette remarque ne vaut pas seulement pour les élèves. Cet article, parce qu’il lui doit beaucoup lui est affectueusement dédié.
            Pour comprendre le caractère novateur de la nouvelle formation mise en place à la rentrée 1992, il faut en rappeler les circonstances (I), en décrire les objectifs visés par le signataire de ces lignes (II) avant d’exposer les moyens pédagogiques utilisés (III).

I – Les circonstances favorables à la mise en place d’une nouvelle formation initiale

            1) Une première circonstance apparaît plus conjoncturelle que structurelle : 1992 marque la première rentrée des élèves avocats placée sous le signe de la fusion des professions de conseils juridiques et d’avocats, avec la création du Conseil national des Barreaux dont la commission formation, statutaire, va ensuite exercer une influence considérable sur la mise en place des nouveaux programmes par l’impulsion qu’elle va donner à la question de la formation initiale des nouveaux avocats ; l’influence des anciens conseils juridiques est ici très forte, non seulement parce qu’ils sont largement représentés au sein de cette commission, mais aussi parce qu’ils ont beaucoup d’idées en matière de formation, idées qui reposent sur l’expérience du DJCE, filière et diplôme d’université qui ont permis à cette profession aujourd’hui disparue de se structurer autour d’une formation de base forte et largement commune à l’ensemble du territoire français ; on ne saurait ici oublier le rôle joué par le regretté Jean-Marc MOUSSERON, Professeur à l’Université de Montpellier, mais aussi et surtout président-fondateur de la Fondation nationale du droit de l’entreprise qui jouera le rôle du fédérateur de l’ensemble des DJCE ; on retrouvera Jean-Marc MOUSSERON dans les modules mis en place à l'EFB.
             
           2) Une deuxième circonstance concerne le contexte de l’EFB en août et septembre 1991. Le Bâtonnier Ader et son dauphin, le Bâtonnier flécheux, souhaitent qu’un universitaire prenne en charge la pédagogie à l’école. C’est une conviction forte qu’ils défendront contre les pressions de ceux qui ne voyaient pas d’un bon œil l’arrivée d’un professeur des Facultés de droit à la tête d’une école professionnelle appartenant au Barreau. Dans cette optique, je me souviens, par exemple, être allé présenter le nouveau programme aux membres du Conseil de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris. Je me souviens aussi des réunions du Conseil de direction à 7H30 le matin, une fois par semaine, rue de Charenton, sous la direction du Bâtonnier, en qualité de président du Centre de formation, réunion suivie de celle du Conseil de la pédagogie à 9H 30. Tout se décidait là, tout se discutait là aussi, car je tenais beaucoup, en tant que directeur du centre, à la transparence dans les prises de décision, après une discussion approfondie entre tous les acteurs de cette formation initiale. J’avais transposé ici les méthodes de fonctionnement que je connaissais au sein de la Mairie de Lyon, avec le Conseil des adjoints, instance de préparation et d’évocation de toutes les questions qui constituent le pain quotidien d’une vie locale intense. L’heure choisie n’était pas innocente : elle permettait de s’assurer plus facilement de la présence de tous, avant qu’ils ne soient happés par leurs activités professionnelles ; accessoirement, ce choix permettait de diviser la matinée en deux périodes de travail !
            3) Troisième circonstance favorable, les souhaits du barreau de Paris d’investir, financièrement s’entend, dans la formation à l’école. Il est vrai qu’à l’époque le Barreau ne connaissait pas de difficultés budgétaires. Plus exactement, il pouvait affecter sans trop de difficultés, une proportion importante de ses ressources aux dépenses de formation, investissant ainsi sur l’avenir du corps.

II – Les objectifs visés

            1) Principalement, il s’est agi de répondre au premier besoin exprimé par les élèves-avocats à leur entrée dans le Centre de formation, à savoir, plonger très vite dans la pratique du droit, se confronter aux dures réalités des applications quotidiennes des principes et règles appris à l’Université. Il ne faut pas perdre de vue en effet, que beaucoup d’élèves (progressivement les deux tiers, voire les trois-quarts) ont suivi un troisième cycle d’études supérieures, ont donc derrière eux au moins cinq d’études universitaires et ont entre 23 et 26 ans en moyenne. L’aspiration à entrer dans la vie active après la réussite à un examen difficile (environ et en moyenne 35% de réussite à Paris) est forte et se concilie mal avec l’obligation de suivre des enseignements plus ou moins pratiques au Centre de formation. Ce que veut le jeune élève-avocat c’est l’immersion en cabinet. Il a fallu répondre à cette aspiration sans négliger pour autant sa formation de base à l’école du Barreau.
            2) Un autre objectif était de permettre aux élèves qui le souhaitaient de suivre, parallèlement au cursus de l’école, une autre formation, notamment un troisième cycle en vue d’obtenir un DEA ou un DESS, ou une école de commerce. D’où la décision de dispenser de la formation complémentaire à la formation de base (cf. infra) non seulement ceux qui étaient titulaires d’un DEA ou d’un DESS en entrant au Centre, mais aussi ceux qui, pendant leur scolarité au Centre, souhaitaient préparer un tel diplôme. D’où l’autre décision – purement administrative, mais aux effets pédagogiques forts - d’intégrer ces étudiants dans les séries de l’école dont les enseignements rue de Charenton étaient reportés à septembre et octobre. Toute la scolarité fut organisée pour permettre le double cursus.
            De la même façon, mais dans un autre objectif, toute activité parallèle à la formation suivie au Centre, fut favorisée, par exemple la formation à une activité théâtrale ou à la pratique volontaire d’une langue étrangère. Sur ce dernier point, le Centre de la rue de Charenton a toujours bénéficié, sous la haute autorité de Catherine Lisfranc, d’un excellent outil pédagogique en matière d’apprentissage et d’approfondissement des langues étrangères. Si l’on ne peut, cinq ans après le baccalauréat, transformer en excellent linguiste, un élève modeste en la matière, on peut néanmoins le remettre à niveau et, pour les plus doués, les faire progresser vers l’apprentissage du langage juridique dans la langue étrangère étudiée.
            3) Le troisième objectif fut de mixer en permanence le judiciaire et le juridique, tant au niveau des programmes que des intervenants. Il fallait que la fusion des avocats et des conseils juridiques tire, sur le plan de la formation, le meilleur de ces deux professions désormais réunies. L’art oratoire ne fut pas négligé, pas plus que les techniques contractuelles, pour ne prendre que ces deux symboles de l’une et l’autre des deux professions.

III – Les méthodes pédagogiques

             La pédagogie privilégiait les techniques de formation active (préparation de dossiers, études de cas...) et la participation individuelle des élèves sans en éluder les aspects déontologiques. Rien n’a été laissée au hasard, tout a été pensé en fonction des besoins de la profession d’avocat, de ses exigences dans le recrutement de confrères pour la formation desquels la profession accepte de fournir un important effort financier.
Pour caractériser ces méthodes d’un trait, disons (je ne l’avais jusqu’à présent jamais révélé) qu’elles se sont inspirées aussi bien des méthodes pratiquées dans les jeux radiophoniques, que de la gestion des parkings dans le centre des grandes agglomérations et des méthodes médicales de perfusion ! D’où une succession de petits ateliers (A), la création du fameux foisonnement (B) et l’apport des meilleurs intervenants extérieurs, tant dans le juridique que dans le judiciaire (C). On y ajoutera une formation complémentaire spécifique au Centre, mais en liaison avec l’Université (D) et un apprentissage de l’art oratoire avec des acteurs de théâtre (E).

A) La méthode de séquences courtes et se succédant à un rythme soutenu

           En arrivant au Centre de formation de la rue de Charenton, j’ai découvert une situation qui se caractérisait par l’accumulation d’ateliers sans remise en cause des ateliers anciens et par l’allongement toujours plus important de la durée des ateliers ; certains se déroulaient ainsi sur trois semaines, avec une déperdition des auditeurs largement proportionnelle à cette durée ! Ma participation à plusieurs d’entre eux, avant mon entrée en fonctions, au cours d’une étude que le Bâtonnier Philippe LAFARGE m’avait demandé de mener, m’avait convaincu qu’il fallait tout reprendre, restructurer, non pas parce que les intervenants n’étaient pas été la hauteur de l’objectif qui leur était assigné, mais, tout simplement, parce que, le temps passant, la routine s’était progressivement installée.
            Je suis parti de l’idée, remarquablement mise en œuvre par un maître des jeux radiophoniques il y a plus de vingt ans (Pierre Bellemare), que l’attention des participants à un atelier, un module (appelons-le comme on veut), fléchit rapidement au fur et à mesure que le temps s’écoule. Si l’on préfère une comparaison que certains jugeront plus noble (mais l’art d’amuser sur les ondes radiophoniques n’est pas un art mineur), on peut rapprocher cette expérience de celle des leçons d’agrégation en droit ; tous ceux qui enseignent connaissent cette nécessité de capter l’attention de l’auditoire par une succession de séquences courtes et rondement menées ; les leçons d’agrégation de droit sont à cet égard exemplaires dans le balancement savamment mesuré des parties qui composent les 45 minutes de la leçon.
            En conséquence, les séquences devaient se succéder à un rythme soutenu, afin, d’une part, de ne pas perdre de temps à exposer des notions théoriques connues (ou supposées connues) et, d’autre part, à mettre les élèves en condition de travail intensif, comme c’est le cas dans la profession d’avocat.
            D’où une succession d’ateliers de courte durée (trois jours) dans la même semaine, pour habituer les élèves à ce travail intensif qui les attend et sur des matières différentes pour les habituer à passer de l’une à l’autre, pour développer leur agilité d’esprit. Ce sont les mêmes objectifs qui vont inspirer le fameux foisonnement.

B) La méthode du foisonnement

            Beaucoup aujourd’hui tendent à s’approprier cette technique d’enseignement au fabuleux destin. Les explications les plus fantaisistes courent sur l’origine de cette appellation. Tant mieux pour son succès, mais l’honnêteté intellectuelle m’oblige à rétablir la vérité.
Le foisonnement a consisté à mettre les élèves en situation la plus proche possible du travail quotidien en cabinet, avec la réception de clients venant avec leurs lots d’affaires de nature très différente ; il s’est agi alors de distribuer en même temps, au début d’une période de deux à trois semaines, trois à quatre dossiers, dont un en référé, dossiers étudiés par les élèves en-dehors du centre de formation, avec retour en milieu de période pour échanges des pièces et mise en état.
L’idée en revient à Maître Patrick Charlemagne et à Serge Guinchard, alors directeur du Centre ; en échangeant nos expériences, nous nous sommes rendus compte que les élèves, frais émoulus de l’université, avaient besoin d’être “ mis en condition ”, pour tout dire, un peu bousculés dans leurs habitudes acquises en quatre ou cinq ans d’études universitaires.
Le nom de foisonnement ne provient pas de l’abondance des matières traitées, mais du fait que les dossiers foisonnent entre eux, se croisent, comme dans un parc public de stationnement on fait foisonner les abonnés avec les usagers horaires en mettant plus de places à disposition de ces derniers qu’il n’y a de places théoriquement libres une fois déduits les abonnés. Pourquoi avoir choisi ce nom ? Tout simplement parce qu’à l’époque je dirigeais à Lyon la Société d’économie mixte Lyon Parc Auto qui avait en charge la construction de huit parcs publics de stationnement en six ans pour près de 10 000 places, tout en gérant le stationnement de voirie et les parcs déjà construits ; c’est au contact des techniciens de cette société que j’ai appris ce qu’était le foisonnement des voitures dans les parcs de stationnement et j’ai trouvé que cette situation correspondait bien à celle des élèves obligés de venir voir un formateur au début de ce module pour prendre connaissance des dossiers qu’ils auraient à traiter, retourner travailler chez eux, en cabinet ou en bibliothèque, passer d’un dossier à un autre, revenir vers le formateur pour l’échange des pièces, etc..
Le foisonnement fut un succès immédiat et complet, succès qui ne s’est jamais démenti, grâce notamment à la qualité des intervenants et de ceux qui coordonnaient ce foisonnement, en particulier, au premier jour, l’ami fidèle, Monsieur le Premier président Jean-Marie Coulon et, plus tard, Monsieur le Haut conseiller Gérard Pluyette.

C) La méthode de la perfusion

            Je suis parti du principe que le meilleur de ce qui existait en France en matière de formation devait être donné aux élèves avocats de paris. Un Barreau d’excellence mérite une formation d’excellence ; heureusement, je l’ai déjà souligné, l’argent ne manquait pas.
Les deux branches de la nouvelle profession d’avocat ont bénéficié de cette (relative) aisance financière et de ces apports extérieurs : le judiciaire classique, avec la défense des personnes objet d’une accusation en matière pénale (a) et le juridique, avec le module sur les techniques contractuelles directement importé de l’école du droit de l’entreprise de Montpellier (b).
             
a) La chaîne pénale
            Un enseignement de droit pénal et de procédure pénale était assuré de longue date au Centre de Paris ; comment aurait-il pu en aller autrement, alors que le Barreau de Paris est à la pointe de la défense des droits de la défense ? Mais il fallait s’adapter au nombre croissant des élèves et le module existant ne le permettait pas. Il reposait en effet sur les épaules, certes solides, de deux avocats éminents et pour lesquels j’ai gardé une réelle estime et un profond respect pour leur compétence et leur sens de l’humain, je veux parler de Maîtres Jean Dubois et Pierre Fayon ; mais l’affirmation claire d’une semaine de pénal pour chaque élève supposait de renforcer l’équipe et de multiplier le nombre des interventions ; le système des conférences ne le permettaient pas ; pour autant, on ne pouvait perdre le bénéfice de cette transmission d’un savoir-faire acquis par des années de pratique du barreau de Paris. D’où l’idée de maintenir les conférences de maîtres Dubois et Fayon mais d’introduire, parallèlement, un autre type d’enseignement de la procédure pénale, selon une méthode chronologique, en partant de la recherche des auteurs d’une infraction par la police jusqu’au procès et l’exécution de la peine et en faisant appel à des intervenants issus de la profession concernée par telle ou telle phase du procès pénal.
Ainsi est née la chaîne pénale avec, sous l’autorité du regretté Jean-Claude Fouque, une succession d’intervenants, avocats, policiers, magistrats du siège et du Parquet, juges d’instruction, d’un bout à l’autre de cette chaîne du pénal, de la commission de l’infraction et des premières constatations jusqu’au jugement et l’exécution de la peine. Merci ici à Jean-Claude Fouque et à Sylvia Zimmerman qui lui a succédé. Je dois ajouter que grâce à mon ami Jacques Buisson, alors directeur de l’Ecole de police de Saint Cyr au Mont d’or (dans la banlieue lyonnaise), nous avons pu bénéficier de la participation de commissaires de cette Ecole qui, grâce au TGV, venaient dans la journée au Centre de Paris ; merci à Jacques, au TGV et à la proximité de la rue de Charenton de la gare de Lyon. La participation des juges d’instruction et des avocats ensemble, dans un même lieu en même temps, fut parfois plus difficile à obtenir : si certains, de part et d’autre, l’ont accepter sans hésiter, d’autres (dont on taira les noms) refusèrent ; j’eus alors l’idée de réunir tout le monde un soir au Centre et de proposer l’accord suivant : une plage réservée à un avocat seul, une autre au juge d’instruction seul et, ensuite, une plage où ils seraient ensemble ; à mon grande surprise, les plus réticents ont accepté. Il faut reconnaître que le doigté et le respect qu’inspirait Jean-Claude Fouque ont beaucoup facilité l’accommodement proposé.

 b) Les techniques contractuelles et l’école du droit de l’entreprise de Montpellier
L’autre pilier de la nouvelle profession d’avocat devait être la partie conseil, la part qui revenait aux anciens conseils juridiques. Le meilleur était ailleurs qu’à Paris, à Montpellier ; plus exactement, les grands cabinets d’affaires auxquels je m’étais adressé pour prendre en charge cette partie de la formation n’avaient pas, pour le moins, manifesté un enthousiasme débordant pour se charger de cet enseignement. Et puis, il y avait le réseau de la Fondation pour le droit de l’entreprise, celui des DJCE et, au cœur de tout ceci, Jean-Marc Mousseron qui, dans le même temps siégeait à la Commission formation du Conseil national des Barreaux. Nous avions écrit ensemble un article sur la formation, à cette époque où la profession se cherchait en ce domaine ; cela créait des liens. Je l’ai sollicité pour mettre en place, à Paris, l’équivalent d’une chaîne pénale dans le domaine du juridique. Il accepta avec enthousiasme et ce fut le fabuleux module des techniques contractuelles.
La perfusion fut totale, car la création de ce module sur les techniques contractuelles, fut entièrement confiée à une équipe de professeurs et de praticiens réunis par Jean-Marc Mousseron, avec un support pédagogique commun à tous les élèves et distribués avant les séances de regroupement. L’idée était d’apporter le meilleur existant sur ce créneau aux élèves de Paris. Succès total, mais suppression quelques années plus tard pour cause de restrictions budgétaires. Je le regrette, car je reste persuadé qu’il n’était pas mauvais qu’un peu de la province vînt à Paris pour donner, pas seulement pour recevoir ; en outre, si la profession d’avocat veut conserver et développer le savoir-faire des anciens conseils juridiques, elle a besoin de l’apport de ceux qui baignent dans ce milieu. L’Ecole du droit de l’entreprise apportait ce savoir-faire et la reconnaissance d’une profession que la fusion faisait disparaître.

D) La coopération avec l’université dans la formation complémentaire

Le Centre de Paris (EFB) avait organisé une formation complémentaire de 320 h, dès la rentrée 1994, en reprenant, avec quelques adaptations, la formation optionnelle mise en place en 1992 et en la transformant en un diplôme d'enseignement supérieur (le DESUP) de “ Droit et pratique du Barreau ”, qui a valeur de diplôme d'Université. Co-délivré par les Universités Paris 1, Paris 2, Malakoff et St-Maur, ce diplôme conférait à ses titulaires les mêmes droits que les DEA et DESS et se substituait à eux pour les élèves-avocats qui n'en étaient  pas titulaires. La formation du DESUP se voulait pratique et de culture générale.

Les enseignements de formation commune de base et de formation complémentaire étaient organisés de façon à assurer la parfaite cohésion de leurs programmes.

 Contestée par les étudiants qui devaient la suivre (ceux-là même qui n’avaient pas voulu intégrer une DEA ou un DESS ou qui, l’ayant voulu, n’avaient pas été admis dans l’une de ces filières très sélectives), le DESUP a été supprimé purement et simplement trois ans après sa création ; disparition regrettable, car c’était le moyen pour les moins bons des élèves-avocats de se hisser au niveau des meilleurs ! L’échec du DESUP est un échec pour la profession d’avocat, mais aussi la traduction de la tendance que les étudiants entrant dans un centre de formation souhaitent d’abord se confronter à la pratique que de perfectionner leurs connaissances juridiques, même au moyen d’un diplôme pratique.



E) La coopération avec des acteurs de théâtre dans l’apprentissage de l’art oratoire

             L’art oratoire ne peut être absent de la formation initiale des jeunes avocats et l’Ecole ne m’avait pas attendu pour l’enseigner. Je me suis donc contenté de développer “ l’école de l’éloquence ”, en faisant appel à de jeunes troupes de théâtre, en incitant les élèves à suivre les séances de la Conférence du stage, de la Petite Conférence, des Conférences Berryer, de la coupe Libersa, de la Ligue d’improvisation du Barreau de Paris. J’assistais moi-même à certaines de ces séances pour en évaluer l’impact sur les étudiants.


XXX

Voilà, brièvement racontée, ce qu’a été la mise en place de la formation initiale à l’EFB en 1991 ; que ceux qui m’ont précédé sur ce chemin ne m’en veuille pas d’avoir personnalisé cette présentation et que ceux qui me succèdent ne se sentent pas obligés de reprendre ce qui a été fait à une certaine époque : la pédagogie, comme la vie, évolue, s’adapte. ce qui était bien à un moment donné ne le sera plus peut-être demain. Que chacun soit libre de choisir sa voie dans les fonctions de directeur de la pédagogie. Le point commun, c’est que l’école reste un lieu merveilleux de rencontres entre tous les acteurs de la vie juridique et judiciaire ; c’est cela aussi le Barreau. 


II – ARTICLE À VENIR : PETITS CAILLOUX SUR LE CHEMIN CAHOTEUX

DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES AVOCATS


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire