RÉFORMER LA PROCÉDURE CIVILE,
RÉPONSE AU QUESTIONNAIRE DE LA CHANCELLERIE
4 DÉCEMBRE 2017
SOMMAIRE
I – PROLÉGOMÈNES
II – ÉTABLIR UN PACTE DE CONFIANCE ENTRE LE JUGE ET LE
CITOYEN JUSTICIABLE
A) PREMIER
PILIER : RÉÉQUILIBRER L’APPORT RESPECTIF DES FAITS ET DU DROIT ENTRE LES
PARTIES ET LE JUGE
B) DEUXIÈME
PILIER : CONSACRER SOLENNELLEMENT, DANS LE CODE DE PROCÉDURE CIVILE, LE
PRINCIPE DE LOYAUTÉ
C) TROISIÈME
PILIER : ÉCARTER TOUTE MESURE D’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ DE LA JUSTICE PAR
LES HABITANTS DU RESSORT
III – CONFORTER LES DROITS FONDAMENTAUX DES
JUSTICIABLES
A) L’EXAMEN
DES PROPOSITIONS À L’AUNE DU DROIT À UN JUGE
a)
Les
propositions qui pourraient altérer ce doit
b)
Les mesures
qui pourraient altérer l’effectivité du droit à un juge
§ 1 La dématérialisation des
écritures ?
§ 2 Le recours aux MARD ?
§ 3 Les modes de saisine des
juridictions ?
§ 4 La généralisation de la
procédure écrite ?
§ 5 La généralisation de la
représentation obligatoire ?
§ 3 La généralisation de
l’exécution provisoire ?
B) LE DROIT À
UN BON JUGE
a)
Le respect
du contradictoire
b)
Les
obstacles à un règlement simplifié des incidents de compétence ?
§ 1 La solution rejetée par
la commission Guinchard
§ 2 Un autre système ?
c)
Le rôle du
juge de la mise en état
C) LE DROIT À
L’EXÉCUTION DE LA DÉCISION DU JUGE
§ 1 La question sur le
concours de la force publique
§ 2 La question sur la
médiation au stade de l’exécution
1) Le code de procédure civile de 1976 a été préparé par des commissions et
groupes de travail qui ont siégé en toute sérénité et sans précipitation,
pendant de longues années, pour aboutir à un code rédigé par des plumes
doctrinales averties des concepts procéduraux (on pense, dans l’ordre
alphabétique et sans que l’énumération soit limitative, à Gérard Cornu, Jean
Foyer et Henry Motulsky) et confortées dans leur vision d’un code moderne,
harmonieux et équilibré, par des magistrats comme Jean Buffet, P. Francon et
Claude Parodi et d’autres professionnels de la justice (le président Fontaine,
avoué à Dijon). Ce fut aussi le cas (avec un délai réduit à 6 mois) pour les
deux commissions les plus récentes qui ont eu à réfléchir, partiellement au
moins, sur le thème proposé aujourd’hui (commission dite Guinchard sur L’ambition
raisonnée d’une Justice apaisée »
et commission dite Delmas-Goyon sur La Justice du XXIème siècle-Les juges).
2) Mais je ne suis pas de ceux qui vivent éternellement dans le culte du passé
et le souvenir des heures « glorieuses » de ces années-là (les années
60-70), qu’il s’agisse des réformes de droit substantiel (on pense à Jean
Carbonnier) ou de droit procédural (on pense à Henry Motulsky). Droit
procédural écrivons-nous, car le droit processuel n’était que naissant au début
des années 60, tout au moins dans le sens que la doctrine la plus moderne lui
donne aujourd’hui, celle qui s’appuye sur les droits fondamentaux du procès et
le procès équitable de l’article 6 de la Convention EDH.
3) Sous ce regard, envisager de réformer la procédure civile, avec pour
objectif sa simplification, est louable et cet objectif doit être soutenu, mais
l’atomisation des questions posées et leur inégale intérêt, laissent perplexe :
ainsi, des questions (majeures) sur les principes directeurs, la représentation
obligatoire ou pas, la suppression ou pas des procédures orales, l’évaluation
du travail des juges par les citoyens, côtoient des questions de moindre
importance pour les justiciables, sur la signature électronique des jugements
ou le développement du recours aux formations mixtes ou plénières des TGI et
des cours d’appel, pour ne citer que ces exemples. C’est en effet aux
justiciables qu’il faut toujours penser et qu’il faut mettre non pas au cœur,
mais au centre du système judiciaire, car le cœur, comme dans une centrale
nucléaire, c’est celui que constituent les juges, le personnel des juridictions
et les auxiliaires de la justice, qui font « tourner la
machine » ! Quelle ratio legis sous-tendra
la réforme ? Selon la nature et la qualité de l’attention accordée aux uns
et/ou aux autres, les réponses peuvent être différentes.
4) Tout projet politique de réforme touchant à la Justice (et c’est le cas
de la procédure civile) se doit de porter une vision politique forte. C’est
d’ailleurs une nécessité pour tous ceux qui entendent réformer, aujourd’hui
comme hier : il faut être à la fois un visionnaire et un gestionnaire.
Pour ce qui concerne la procédure civile, matière technique et aride s’il en
est, la lecture attentive du questionnaire qui nous a été adressé, malgré son
classement thématique, laisse percer la préoccupation majeure, quasi exclusive,
de ses rédacteurs (ce n’est pas un reproche) : gérer les flux des
contentieux (pas toujours croissants), à budget « contraint » comme
on dit en vocabulaire de la techno-structure, c’est-à-dire, restreint. Cela,
c’est l’aspect gestionnaire ; loin de nous l’idée d’en nier l’importance
en période budgétaire difficile pour notre pays. Comme je le disais en note,
quelques lignes plus haut, j’ai eu à gérer des budgets contraints, mais il faut
adosser cet objectif de gestion des flux à une vision à long terme, celle qui permettrait
de donner à la réforme envisagée d’autres objectifs, différents de ceux des
codes qui ont précédé la réforme à venir, mais forts. Un bref rappel historique
est donc nécessaire, pour connaître les besoins du passé afin de mieux mettre
en perspective ceux de notre temps.
5) Sans remonter au code d’Hammourabi de Babylone ou au droit romain ou à
l’époque franque, l’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye d’avril 1667
(appelée code Louis, pour Louis XIV, voire Code civil) avait poursuivi
deux objectifs : d’une part, unifier les règles applicables dans tout le
royaume et, d’autre part, mieux distinguer la procédure civile de la procédure
pénale ; on conviendra que ces deux objectifs sont obsolètes (encore que, mutatis, mutandis, des règles
européennes de procédure civile peuvent s’appliquer à des litiges
transfrontaliers, mais pas à des litiges « nationaux » et donc
coexister sur le territoire national). On a reproché à cette ordonnance son
manque d’audace, puisqu’elle avait adopté le principe d’une procédure orale et
non pas écrite, qui aurait été plus savante, thème qui reste d’actualité, 350
ans après.
6) Les
ambitions du code d’avril 1806
(entré en vigueur le 1er janvier 1807) étaient plus modestes :
avec le double d’articles (1042 contre 502) et malgré quelques innovations
intéressantes, il était la copie conforme de l’ordonnance de 1667, un code de
formalités à accomplir. D’où son nom de code de procéduriers, comme le code de
commerce fut appelé le code des boutiquiers ! Il avait au moins le mérite
de redonner vie à une procédure connue des professionnels de la justice, donc
d’introduire un peu de sérénité après une période agitée. Gérard Cornu avait
fait remarquer que Napoléon, en militaire qu’il était, avait voulu ne pas
bouleverser le front procédural (= l’intendance de la justice), pour mieux
faire passer ses réformes de fond (essentiellement code civil et code pénal).
7) Le code
applicable depuis le 1er janvier 1976, n’a pas subi la concurrence frontale de la réforme du code civil ou du
code commerce, puisque l’essentiel des grandes réformes civilistes fut rédigé
par le doyen Carbonnier dans les années 1960, jusqu’en 1972 environ (loi de
janvier sur les successions) ; de même, pour la réforme du droit
commercial substantiel avec la loi de 1966 sur les sociétés et celle de 1967
sur la « faillite ». On s’accorde à dire que c’est un code rédigé clairement,
avec la précision technique du vocabulaire juridique et, souvent, le souci de
définir les expressions utilisées (v. articles 30 43, 53, etc.).
C’est un code qui instaure de nouvelles relations entre le juge et les parties,
à base de dialogue (encore un problème d’actualité), mais aussi de pouvoirs
accrus du juge, un code qui a su offrir des circuits procéduraux souples et
variés. Un code d’harmonie comme le sont les symphonies de Robert Schumann, un
« code Cornu »,
l’exemple d’une codification réussie, avec une unité de pensée et de plume,
celle du Doyen G. Cornu, qui a beaucoup contribué à faire
passer un souffle nouveau sur le droit procédural, à forger une force
doctrinale au service de la pratique et de ses problèmes quotidiens.
8) Il est toutefois intéressant de relever, dans la perspective d’être
complet et objectif dans cette recherche d’un fil conducteur à toute réforme
qui ambitionne de simplifier la procédure civile, qu’un auteur (un seul à notre
connaissance) a eu une vision plus pessimiste des bienfaits du code de 1976.
Raymond martin
a écrit : « le nouveau code ne m’a jamais convenu. Dès les
premiers décrets préparatoires, j’y ai vu une dérive vers un totalitarisme
judiciaire... Pour moi, le nouveau code n’innovait pas, il perfectionnait une
déviation de longue date et l’érigeait en système... Le NCPC a été un accident
de l’histoire. Il a dessiné un procès civil qui n’est pas celui de notre
époque, démodé alors qu’il naissait. Mon ambition est de poser les linéaments
d’un possible procès revu et corrigé, celui d’une société libérale ».
9) Quarante
ans ont passé et, pour rechercher le « souffle » à donner à une
réforme de la procédure civile, il faut se souvenir que la procédure civile ne peut plus
être envisagée uniquement comme un corps de règles techniques permettant de
conduire (ou de subir) un procès pour obtenir la consécration de ses droits par
un jugement opposable à tous. Ce procès doit être conduit dans le respect des
libertés et droits fondamentaux des parties et des tiers. Dès lors, chaque
règle technique, même d’apparence insignifiante comme le sont, par exemple les
règles de forme, doit être rattachée à un principe fondamental de protection de
nos libertés ; si ce principe ne peut être trouvé, on doit alors
s’interroger sur la nécessité du maintien de la règle, car la procédure civile,
comme toute procédure, si elle est une « technique d’organisation du
procès », elle ne peut être que cela. Sous ce regard, elle est au
service d’une cause qui la dépasse et la transcende, elle est culture. On
rejoint ici l’observation du jurisconsulte Thouret qui, à propos de la
procédure à suivre devant les juges de paix disait, à la tribune de l’Assemblée
constituante (à propos de la discussion de la loi du 26 octobre 1790),
qu’il fallait « des formes expéditives, très peu dispendieuses et qui
fassent arriver au jugement sans que l’on s’en soit aperçu, pour ainsi dire
qu’on ait fait une procédure ». Bref, une procédure qui s’efface ! Et
une démocratie procédurale qui se profile à l’horizon.
10) En conséquence, au-delà du devenir règlementaire des réponses qui seront
apportées au questionnaire, plus exactement de l’exploitation qui en sera tirée
par ceux qui auront la lourde charge de les lire et de les synthétiser (en
auront-ils le temps ?), je pense qu’il faut replacer l’ambition d’une
procédure civile simplifiée à la fois dans le contexte d’un droit du procès
rénové et dans le souci de préserver les droits fondamentaux du justiciable,
notamment des plus démunis (problème de leur accès au droit et à la Justice).
11) C’est pourquoi, j’ai choisi de ne pas répondre à toutes les questions, d’autant
plus que certaines concernent le fonctionnement interne des juridictions (par
exemple, le recours aux formations mixtes ou plénières au sein des TGI et CA,
la visioconférence) pour lesquelles je ne me sens pas légitime à émettre un
avis. Et que le procédé est trop réducteur, peut susciter des malentendus et
des interprétations erronées, parce que répondre dans des cases préétablies ne
permet pas d’exprimer sa pensée avec les nuances nécessaires pour être bien
compris.
12) J’ai donc choisi d’en sélectionner quelques-unes pour les mettre en
perspective, dans une vision globale et, je l’espère, cohérente, d’une réforme
de la Justice sous le prisme de la procédure civile, orientée autour de deux
axes :
-
Établir un pacte de
confiance entre le juge et le citoyen-justiciable (II) ;
-
Conforter les droits
fondamentaux du justiciable (III).
13) Ces deux axes traduisent l’influence d’un triple mouvement qui conduit la
justice vers ce que j’ai appelé une « démocratie procédurale »,
avec de nouveaux principes structurants qui forme les trois piliers des procès
de demain, non sans lien avec la « légitimité démocratique » de
Pierre Rosanvallon.
Ces trois principes expriment trois besoins :
-
Un besoin de confiance et de
respect de l’Autre par le principe de loyauté ;
-
Un besoin d’écoute de
l’Autre par le principe du dialogue ;
-
Un besoin de proximité
temporelle (pas nécessairement géographique) par le principe de célérité ;
le facteur temps a remplacé celui de l’espace.
Ce sont ces principes qu’un haut-magistrat a souhaité qu’ils soient
inscrits « en
lettres d’or aux frontons des palais de justice ».
Puisse-t-il être entendu par les réformateurs du jour.
II – Établir un pacte de confiance entre le juge et le
citoyen justiciable
Ce chantier – je le crois intensément – doit être l’occasion de (re)construire
un pacte de confiance entre le
justiciable et son juge. Je dis bien « son » juge et non pas
un juge, être désincarné dans une société de robots, pour souligner le
caractère humaniste de la Justice, qu’il nous appartient de préserver au-delà
des préoccupations quotidiennes des gestionnaires, préoccupations certes
respectables, mais secondaires au regard de cette relation ainsi qualifiée de
« pacte de confiance », qui tisse le lien social dans le champ qui la
concerne, celui du droit et du règlement des conflits et des litiges. Au-delà
du juge, c’est la Justice comme institution qui est concernée. Dans le domaine
de la procédure pénale qui m’est aussi chère que la procédure civile,
Pierre Rosanvallon a
montré que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents publics est
fonction des qualités de « justice procédurale » attachées à leur
comportement. En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984 à Chicago auprès d’individus ayant eu
personnellement maille à partir avec la police et la justice », il
résulte que « ces individus ont un
regard sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature
des sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus
dépendait évidemment, au premier chef, du verdict prononcé, leur appréciation
de la légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre
critère : celui de la perception de l’équité du procès ».
L’équité de la procédure légitime le fond d’une sentence. Ce qui vaut pour la
procédure pénale vaut pour la procédure civile.
Ce pacte de confiance repose sur trois piliers : rééquilibrer
l’apport du fait et du droit entre les parties et le juge (A), affirmer
solennellement dans le code de procédure civile le principe de loyauté (B) et,
enfin, écarter toute mesure « d’évaluation par les habitants d’un ressort
de la qualité de la justice » (C).
A) Premier
pilier : rééquilibrer l’apport respectif des faits et du droit entre les
parties et le juge
C’EST LA RÉPONSE à la question (dans le chapitre sur
les principes directeurs et mixée avec celle sur l’élargissement des fins de
non-recevoir que le juge pourrait « soulever » d’office)
« le juge doit-il avoir l’obligation
de soulever
d’office un moyen de pur droit ? »
Évidemment oui !
La première mesure à prendre
pour restaurer la confiance des citoyens dans leur justice, pour créer ce pacte
de confiance que nous préconisons, est de revenir à l’essence de ce qu’avaient
souhaité les rédacteurs du code de 1976 en rédigeant ses principes directeurs,
en l’occurrence son article 12. Le moindre qu’on puisse exiger du juge
est que, conformément à l’alinéa 1er de ce texte « il tranche
le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » et que
(al. 2) « il doit donner ou restituer leurs exactes qualifications aux
faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en
auraient proposée ». Il faut briser cette malheureuse jurisprudence
initiée par l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 21
décembre 2007, que tout spécialiste de procédure connaît, mais dont il n’est
pas inutile de rapporter ici les termes (pour les autres) : « si l'art. 12
CPC oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et
actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne
lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination
ou le fondement juridique de leurs demandes ».
a) À la vieille formule « donne-moi le fait, je te donnerai le
droit », il faut substituer la maxime : « donne-moi des faits juridiquement qualifiés » (parce que c’est
déjà le cas avec l’assignation et les écritures qualificatives) « et je te
rendrai en retour le droit vrai », certes celui que je pense être
vrai, mais dont j’ai l’obligation de rechercher le contenu et son application à
l’espèce, si nécessaire par la requalification de la dénomination et du
fondement juridique des demandes.
b) Cinq
raisons justifient ce retour à la règle pourtant énoncée clairement par
l’article 12 :
1) Raison de qualité de la justice rendue : si la France veut
progresser dans le classement du tableau de bord de la Justice établi chaque
année par la Commission européenne, elle doit s’inspirer du modèle allemand
dans lequel le juge doit non seulement qualifier et requalifier, mais aussi poser
des questions aux parties en vue de clarifier les faits et les demandes ou
défenses si cela s’avère nécessaire et donner aux plaideurs les indications
nécessaires s’il constate que leurs prétentions sont insuffisamment précises ou
mal formulées (cf. § 139, ZPO).
2) Raison intellectuelle : changer la dénomination ou le fondement
juridique d’une demande, c’est encore qualifier, c’est même qualifier à la
puissance deux ! La solution retenue en 2007 va à contrecourant de la
jurisprudence européenne et de celle des pays voisins. La Belgique
et le Luxembourg
ont posé explicitement l’existence d’un devoir pour le juge de requalifier les
faits litigieux et de relever d’office les moyens de de droit applicables au
litige. La Cour de justice de l’UE a balisé ce devoir par plusieurs arrêts,
allant tous vers un accroissement des pouvoirs du juge national dans l’application
d’office du droit de l’UE : le 14 décembre 1995, elle juge que s’il
revient au droit national de déterminer les hypothèses dans lesquelles le juge
national doit relever d’office le moyen tiré de l’application du droit de l’UE,
c’est à la condition que les modalités procédurales nationales ne soient pas
moins favorables pour ce droit que celles concernant des recours similaires de
nature interne.
Le même jour elle ajoutait que ces modalités procédures nationales ne doivent
pas rendre en pratique impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des
droits conférés par l’ordre juridique de l’UE.
Allant plus loin, la Cour de justice, en 2002, admet que, dans l’hypothèse où
un droit national interdirait au juge de relever d’office une règle d’ordre public
de protection (en droit de la consommation), à l’expiration d’un délai de
forclusion, le juge a la faculté de relever d’office ce moyen.
Enfin, en 2009 et 2013, pas supplémentaire en matière de clauses abusives. Elle
pose un devoir pour le juge national d’examiner d’office le caractère abusif
d’une clause contractuelle
et de relever les moyens de droit nécessaires à la sanction d’une clause
abusive.
3) Raison d’éviter que les citoyens ne se fassent justice à eux-mêmes en
découvrant que leur juge n’a pas respecté ce pacte de confiance qu’on préconise
en violant une règle qui participe de l’État de droit.
4) Raison d’égalité entre les citoyens : à suivre la solution de 2007,
le juge n’a pas l’obligation de requalifier, mais il peut le faire, au gré de
son humeur ! Il y a donc rupture d’égalité entre les justiciables, selon
que le juge requalifie ou pas.
5) Raison d’équilibrer les relations entre le juge et les parties : aux
obligations nouvelles qui ont été mises à la charge des parties en matière de
qualification juridique des faits, doit correspondre l’obligation de changer
les qualifications inexactes, les dénominations et fondements juridiques
inadaptés à l’espèce. La notion d’équilibre qui participe de l’essence du
procès équitable (aequus ce n’est pas
l’équité, mais un procès équilibré, loyal, que l’équivalent anglais dans la
traduction de l’article 6 de la Convention EDH, montre mieux :
« équitablement » est traduit par « fair », comme dans le fair play britannique) doit être
comprise comme une pyramide à plusieurs étages et c’est le cumul de tous ces
étages qui permet de respecter le déséquilibre entre le juge et le justiciable ;
que l’un vient à manquer et c’est l’ensemble de l’édifice qui s’effondre et
fait perdre au justiciable sa confiance dans le service public de la justice.
- Au 1er étage on
a l’arrêt Césaréo du 7 juillet 2006,
rendu par la Cour de cassation en Assemblée plénière et que nous avons approuvé
au nom du principe de loyauté :
« il
incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande
l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci » et, s’il introduit une seconde
demande sur un autre fondement juridique « il
ne peut être admis à contester l’identité de cause des deux demandes en
invoquant un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps
utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée
relativement à la même contestation ».
- Au 2ème étage,
on a l’arrêt précité d’une autre Assemblée plénière, celui du 21 décembre 2007
qui fait débat et qui rompt l’équilibre entre les parties et le juge, puisque
ce dernier n’a pas l’obligation d’apporter le droit.
- Au 3ème étage,
on a l’appel, voie de réformation et son éventuelle suppression, par une limitation
draconienne des conditions d’ouverture de cette voie de recours ; au cas
où l’on irait plus loin que le droit positif actuel, cela constituerait un
deuxième motif de déséquilibre et de rupture du pacte de confiance. Non
seulement le justiciable aurait dû apporter le droit, que le juge n’a pas
l’obligation de relever d’office, mais en plus son droit d’appel serait limité.
- Au 4ème étage, on a l’effet
suspensif de l’appel et l’exécution provisoire sur décision du juge et non pas
de plein droit (sauf exception) ; même cause de déséquilibre si l’on
devait généraliser l’exécution provisoire de plein droit en supprimant l’effet
suspensif de l’appel (voir infra). Cette
fois, non seulement le justiciable aurait dû apporter le droit, que le juge n’a
pas l’obligation de relever d’office, mais en plus son droit d’appel serait
limité et, sanction injuste et finale, il serait obligé d’exécuter la décision
de première instance !
c) La rédaction pourrait être la suivante en ajoutant une phrase à l’article 12, al. 2 : « en tant que
de besoin, il [le juge] a l’obligation de changer la dénomination ou le fondement juridique de
leurs demandes » [ou : « s’il les estime inexacts », à la
place « d’en tant que de besoin »].
Première pièce
jointe sur l’article 12, CPC : article aux mélanges G. Wiederkehr, Dalloz
2008 « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée ».
B) Deuxième
pilier : consacrer solennellement, dans le code de procédure civile, le
principe de loyauté
Cela
concerne les deux volets de la question « comment
renforcer la pleine coopération des parties au bon avancement du procès ? »
a) Faut-il
affirmer un principe de loyauté dans la conduite du procès ?
b) Une
amende civile doit-elle pouvoir être prononcée en cas de difficultés, au-delà
de l’hypothèse de l’action dilatoire ou abusive (article 32-1 du CPC) ?
RÉPONSE SUR le b) d’abord :
quel intérêt à susciter des contentieux sur la
notion de « difficultés », alors que les juges répugnent déjà à
prononcer des amendes civiles ?
RÉPONSE SUR le a)
ensuite : vaste programme et controverse,
même si le signataire de ces lignes a préconisé dès 1999 cette consécration,
avant qu’un haut-magistrat déjà cité (M. le Premier président Magendie) ne
souhaite qu’on inscrive ce principe « en lettres d’or aux frontons des
palais de justice »
et que l’idée ne soit reprise en 2013 parmi les propositions du rapport Delmas-Goyon.
En renvoyant à d’autres de nos écrits pour un argumentaire complet (copie jointe)
et en n’ignorant pas que la culture du mensonge est encore profondément ancrée
dans nos mœurs,
on peut résumer les arguments en faveur de cette consécration par 10
constatations ou considérations :
1) Le Conseil de l’Europe le consacre déjà en le visant dans sa
recommandation n°(95) 5 du 7 février 1995.
2) Les Principes de
procédure civile transnationale
aussi en prévoyant que la partie qui a agi de mauvaise foi pendant le procès
(ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut être condamnée au
paiement d’une amende (Principes 11, 17 et 25).
3) Le
nouveau Code de procédure civile du Québec, promulgué en décembre 2015
pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2016, consacre de
nouveaux principes procéduraux, notamment l’obligation de bonne foi qui pèse
sur les parties au cours de l’instance (art. 19). Une application en a été
faite par la cour d’appel du Québec qui dénonce et condamne une stratégie, qui,
tout en se fondant sur la possibilité offerte par le code de suspendre une
instance au titre d’un incident prévu à l’article 32 de ce code, se
caractérise en réalité par la volonté de retarder l’issue du procès « en
rattachant l’examen d’un recours, fort simple, en garantie de qualité du
vendeur à une instance très complexe portant sur des fondements juridiques et
factuels différents, qui s’enlise et qui risque fort de perdurer pendant bien des
années » ; le comportement est jugé déloyal et contraire à « une
nouvelle culture judiciaire qui s’impose » avec le nouveau code.
4) L’affirmation existe encore en droit belge : outre la doctrine[31], la Cour
de cassation belge a jugé le 27 novembre 2014 « qu’en vertu du principe de loyauté qui s’impose aux parties dans
le déroulement d’une procédure civile, une partie qui change de domicile ou de
résidence au cours d’une procédure est tenue d’en informer les autres parties à
la cause » d’où le rejet de son pourvoi pour déloyauté)[32].
5) La consécration est déjà inscrite dans le droit français de
l’arbitrage (art. 1464, al. 3, CPC : « les parties et les
arbitres agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la
procédure ») ; pour le procès
devant les juridictions judiciaires, point ne serait besoin de viser le juge
puisque l’exigence de sa loyauté est déjà inscrite dans son obligation d’être
indépendant et impartial.
6) Elle est aussi inscrite dans
le code des procédures civiles d’exécution : à l’article L. 123-1 C. proc.
civ. d’exécution qui fait obligation aux tiers d’apporter leur concours aux
procédures d’exécution, sauf motif légitime[33].
De même, dans l’article R. 211-5, à propos de l’obligation d’information
qui pèse sur le tiers saisi dans le cadre de la saisie-attribution.
7) En jurisprudence, pour
l’administration de la preuve,
et pour faire simple, dans un arrêt du 7 janvier 2011, l’Assemblée
plénière de la Cour de cassation a solennellement reconnu son autonomie par
rapport au principe de la contradiction, en affirmant « qu’il résulte des
articles 9, C. proc. civ., 6, § 1 Convention EDH et du principe de
loyauté dans l’administration de la preuve, que l’enregistrement d’une
conversation téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus
constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de
preuve »[34]. Franchissant un
degré de plus dans son exigence d’un débat loyal dans l’administration de la
preuve, la première chambre civile sanctionne une situation dans laquelle la
preuve n’avait pas été obtenue à l’insu de la partie à laquelle elle était
ensuite opposée, sans stratagème.
8) Toujours en jurisprudence, le
principe de loyauté procédurale tend à acquérir une importance procédurale
autonome, au-delà du domaine de la preuve, dans les comportements des parties.
Nombreuses sont les hypothèses où les juges ont sanctionné, au nom
de ce principe, des comportements déloyaux, des manœuvres des parties.
a)
L’émergence du principe de loyauté trouve ses racines processuelles dans
l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, (qui est une forme de
l’obligation de loyauté) avec l’interdiction, en cassation, de soutenir un
moyen contraire à ses précédentes écritures[36].
b)
C’est surtout avec l’introduction de l’estoppel en droit français, que la cour de cassation impose
aux parties une loyauté minimale, sans leur interdire des stratégies
procédurales successives.
c)
L’émergence du principe de
loyauté se prolonge encore dans la sanction de comportements procéduraux jugés
déloyaux, sans qu’il soit besoin que la partie se contredise. D’ailleurs, l’article 763,
al. 2, C. pr. civ., énonce que le juge de la mise en état « a
pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure » ;
au visa de ce texte et/ou de l’article 15, la cour de cassation rappelle
régulièrement que, pour ne pas favoriser la déloyauté des débats, les juges du
fond doivent répondre aux conclusions qui sollicitent le rejet des écritures
tardives, que ces conclusions aient été déposées avant ou après le prononcé de
l’ordonnance de clôture. Au-delà du droit de la preuve, le débat judiciaire
doit être loyal et chacun doit apporter son concours à la justice en vue de la
manifestation de la vérité, sans essayer de jouer sur les mécanismes
procéduraux pour échapper à son juge[38].
Une première série de comportements traduit la ruse d’une partie, qui garde un
silence tactique sur ses moyens de droit, en demande comme en défense.
- Ainsi, dans le cas d’une femme
marocaine divorcée selon la loi française, qui ne demande pas l’application de
la loi marocaine (obligatoire, en raison d’un traité franco-marocain, lorsque
les deux époux sont de la même nationalité marocaine et du caractère
indisponible des droits), ni en première instance, ni en appel, réservant ce
moyen pour la Cour de cassation, parce qu’elle a perdu dans son affaire de
divorce. N’y a-t-il pas violation d’une obligation de bonne foi
processuelle ? N’est-ce pas une déloyauté que d’attendre d’arriver en
cassation pour invoquer un moyen qui aurait pu l’être utilement dans les
instances précédentes ? À l’époque (1996), la Cour de cassation
n’aurait-elle pas pu sanctionner cette déloyauté par le rejet du pourvoi ?[40] Au-delà
de ce cas particulier, avec la nouvelle jurisprudence sur le principe de
concentration des moyens, la partie qui ne fait pas état de tous ses moyens de
droit dès la première instance, risque de se voir opposer la nouvelle
jurisprudence de l’Assemblée plénière du 7 juillet 2006, sur l’autorité de
la chose qui n’a pas été jugée : pas de possibilité de réintroduire une
nouvelle instance sur les mêmes faits avec un moyen de droit nouveau et, depuis
le décret du 20 août 2004, possibilité pour le juge de relever d’office la
fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée[41].
Dans ces hypothèses, on trouve donc, comme pour l’estoppel, le double
souci d’économie procédurale et de loyauté des comportements : « ce
dernier étant désormais perçu, à travers le premier, comme un principe
directeur du procès, assurant la gouvernance de celui-ci en conjuguant
efficacité procédurale et procès équitable »[42].
- La déloyauté
peut aussi se manifester dans un comportement tactique au sujet de ses moyens
de défense. Ainsi d’un plaideur d’avancer successivement dans la même procédure
deux prétentions incompatibles de manière à interdire à l’autre partie de faire
valoir son droit et contraindre le juge à statuer conformément à son
intérêt ; pour être critiquable, ce comportement ne relève pas de l’estoppel,
mais de la violation d’une obligation de loyauté qui dépasse l’institution dont
il est ici question[43].
- Dans d’autres
hypothèses, ce sont de véritables manœuvres frauduleuses à l’encontre de
l’adversaire qui caractérisent la déloyauté procédurale, notamment dans le
domaine des droits de la défense ; la loyauté devient une qualité
d’honnêteté dans le contradictoire, puisque le juge doit, par exemple,
sanctionner une partie qui déposerait au dernier moment, par deux fois, des
conclusions tardives et ne communiquerait ses pièces que tardivement aussi[44] ;
ou qui ne s’expliquerait pas sur l’absence au dossier des pièces figurant dans
le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions[45].
9) Tous ces exemples jurisprudentiels
et de consécrations règlementaires partielles démontrent que le
moment est venu de cristalliser ce mouvement en inscrivant ce principe dans le
code.
10) Une dernière raison trouve sa source dans la réponse à
la question suivante sur l’évaluation de la justice par les citoyens.
Deuxième
pièce jointe : extrait du principe de loyauté dans le précis Dalloz de
procédure civile, 9ème édition, janvier 2017.
C) Troisième
pilier : écarter toute mesure d’évaluation de la qualité de la justice par
les habitants d’un ressort
Réponse à la question : « seriez-vous favorable à une
évaluation par les habitants d’un ressort de la qualité de la
justice ? »
Certainement pas.
Prima facie, on est
tenté de penser que les rédacteurs de la question se sont, eux aussi, inspirés
de la pensée de Pierre Rosanvallon ! En effet, dans le deuxième volet de son
enquête sur les mutations de la démocratie au XXIème siècle, Pierre Rosanvallon
propose une histoire et une théorie de cette « révolution de la
légitimité ».
L’idée est ainsi exposée dans la présentation de l’ouvrage :
« l’élection ne garantit pas qu’un
gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste. Le verdict
des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en
ont de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l’idée de
volonté générale s’est ainsi imposée. Un pouvoir n’est désormais considéré
comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et
de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression
majoritaire ». Un pouvoir démocratique « doit se plier à un triple impératif de mise à distance des
positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité),
de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de
réflexivité) et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de
proximité) ».
Mais la transposition relèverait
d’une grave confusion et serait source d’un grand danger pour notre démocratie.
Grave confusion, car Pierre Rosanvallon
parle d’un pouvoir démocratique élu, d’un gouvernement issu du verdict des urnes
(donc au niveau national), qui doit se ressourcer au-delà de ces urnes en
acceptant des épreuves de validation, concurrentes et complémentaires de
l’expression majoritaire. Ici, il est question d’un niveau local (le
« ressort ») pour juger de l’activité de juges qui ne sont pas élus.
Grand danger, car la mesure serait la
voie ouverte au populisme, aux dénonciations des juges dans des affaires où il
y a toujours un mécontent (le perdant), nonobstant la qualité de la procédure
suivie et du jugement rendu. Notre pays a connu les heures sombres de
l’occupation allemande, les dénonciations de Français par d’autres Français.
Épargnons-lui le déshonneur que la nuit et le brouillard ensevelissent de leur
linceul ces juges qui accomplissent leurs missions sereinement et en toute
loyauté, d’où l’importance de consacrer ce principe dans le code pour la
conduite des procès.
La solution à l’évaluation
de la justice ne peut être que d’ordre macro-économique, par des études de
statistiques comparatives entre les juridictions, par des audits internes à
l’institution.
Pour le reste, c’est-à-dire
au niveau micro-économique de la responsabilité personnelle des juges, des
mécanismes existent qui les mettent à l’abri de la vindicte des justiciables
tout en apportant des solutions à l’indemnisation de ceux qui sont victimes
d’un dysfonctionnement du service public de la justice.
Tout ceci est perfectible et nous ne sommes pas le dernier à proposer quelques
pistes, mais, de grâce, le pacte de confiance que nous proposons ne passera pas
par ce type d’évaluation. Bien au contraire, il le tuera.
III – Conforter les droits fondamentaux des
justiciables
Nous reprendrons ici (en
nous limitant à certaines des questions posées) le schéma du triptyque que nous
avons dégagé dans d’autres écrits pour synthétiser les garanties d’un procès
équitable : droit d’accès à un juge (A), droit à un « bon » juge
par des garanties institutionnelles et procédurales (B) et droit à l’exécution
des jugements (C).
A)
L’EXAMEN DES PROPOSITIONS À L’AUNE DU DROIT À UN JUGE
a) Examen des propositions qui pourraient altérer ce droit
1)
Question : « identifiez-vous
des tâches dont les juridictions judiciaires pourraient être déchargées ? »
Réponse : commencer par lister les propositions des commissions Guinchard (2008), Delmas-Goyon et Marshall
(2013) et étudier celles qui pourraient encore être concrétisées. Mais je crois
qu’on est arrivé « au bout du bout » en la matière.
Suggestion
impertinente d’un ancien directeur de l’Institut des assurances de
Lyon : ne faut-il pas s’inspirer,
pour les litiges en droit de la construction, qui mettent en cause des
professionnels, des compagnies d’assurances et des batailles d’experts, de la
loi Badinter du 5 juillet 1985 sur la
réparation des accidents causés par les véhicules à moteur ?
2)
Question : « faut-il
déléguer à un tiers autre que le juge le pouvoir de conférer force exécutoire à
des accords ? »
- Aux
conciliateurs de justice, aux médiateurs, aux avocats, huissiers de justice et
notaires ?
- Si oui, à
quelles conditions ?
RÉPONSE :
- Aux officiers ministériels
qui confèrent aux actes leur authenticité, certainement, avec la prudence que
l’huissier « certificateur » de cette force exécutoire, ne devrait
pas pouvoir procéder à l’exécution de cet acte (principe d’impartialité). Il
faut mentionner ici que dans
une affaire assez particulière où un huissier de justice, trésorier de la
chambre nationale et membre du bureau de cette chambre, chargé de la gestion du
patrimoine et des intérêts financiers de celle-ci, avait été mandaté par elle
pour signifier une assignation en référé aux fins d'expulsion et de paiement
d'une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation et au visa de
l'article 6, § 1er Convention EDH, la Cour de
cassation a jugé que « l'huissier de justice est tenu, lorsqu'il agit en
tant qu'officier public, délégataire de l'État dans l'exercice de sa mission
d'auxiliaire de justice, d'une obligation statutaire d'impartialité et
d'indépendance » ; dans l'espèce en question, « sa qualité est
de nature à faire naître un doute raisonnable, objectivement justifié »[49].
- Aux conciliateurs de justice et aux médiateurs, certainement pas :
ils n’ont aucune légitimité « professionnelle » et n’offrent aucune
garantie en la matière.
- Pour les avocats la réponse dépend ce celle qui sera apportée au
devenir de l’acte contresigné par avocat. Elle est éminemment politique.
b) Examen des mesures
proposées qui pourraient altérer l’effectivité du droit à un juge
§ 1 – LA DÉMATÉRIALISATION DES ÉCRITURES
LES TROIS QUESTIONS SUR LA DÉMATÉRIALISATION DES
PROCÉDURES
« Existe-t-il un obstacle à ce que la saisine de
la juridiction de première instance s’effectue exclusivement par voie
dématérialisée ? »
- à peine
d’irrecevabilité ?
- par un
acte électronique natif ou par un document numérisé ?
- faut-il
maintenir la possibilité d’une saisine par voie papier adressée ou déposée au
greffe ? Dans quelles hypothèses ?
Dans l’hypothèse d’une
dématérialisation complète des procédures de la saisine à la notification des
décisions, quels moyens mettre à disposition du justiciable non représenté pour
lui rendre la procédure dématérialisée accessible et intelligible ?
La remise
par la voie électronique par les avocats des actes de procédure et aux avocats
des avis, avertissements et convocations remis aux avocats sera rendue
obligatoire devant les TGI, pour la procédure contentieuse, au 1er septembre
2019. Faut-il généraliser cette
dématérialisation aux autres procédures au sein du TGI (avec ou sans
représentation obligatoire, gracieuse ou contentieuse) et aux autres
juridictions, quelle que soit la procédure suivie ?
REMARQUE PRÉLIMINAIRE SUR LA DÉMATÉRIALISATION
Ma conviction profonde est
qu’on ne peut s’opposer aux évolutions technologiques qui ont déjà révolutionné
notre vie quotidienne (qui se passerait aujourd’hui d’internet ?) et qui,
de toute façon, s’imposeront dans le monde de la justice de demain, au moins dans
les grandes démocraties des pays développés. La révolution numérique est … en
marche (sans jeux de mots) et il serait illusoire de vouloir s’y opposer ou la
freiner : d’abord parce qu’on n’y arriverait pas, pas plus que les scribes
n’ont pu s’opposer à l’invention de l’imprimerie ; ensuite, parce qu’un
jour proche, la génération formée par et avec le numérique sera en situation de
maîtriser l’outil dans tous les domaines de sa vie. En revanche, sur le plan de
la sociologie de la population, tous les citoyens n’ont pas encore accès à
internet, pour des raisons financières mais aussi techniques et
intellectuelles. La société duale existe aujourd’hui ; autant éviter que
l’écart se creuse. En attendant le croisement de ces deux lignes (celle de
l’offre du numérique et celle de sa réception effective par tous les Français),
il faut encadrer l’outil pour conforter les droits fondamentaux des
justiciables, notamment ceux des plus démunis. C’est ce que font les deux Cours
européennes, ainsi qu’il va être dit à l’instant, dans l’exposé de notre
réponse.
RÉPONSE COMMUNE AUX TROIS QUESTIONS SUR LA DÉMATÉRIALISATION
Sur le plan juridique, les obstacles (à surmonter) au principe d’une généralisation de ce
procédé de saisine proviennent d’une certaine jurisprudence de la CJUE pour les
petits litiges et d’une autre de la Cour EDH sur le formalisme procédural. Quant
à la sanction par l’irrecevabilité de la demande, quelle autre sanction, si les
moyens techniques et financiers sont donnés à tous pour procéder par ce type de
saisine ?
- Le
droit de l’Union européenne encadre le recours à la dématérialisation,
en considérant, par un arrêt
de la CJUE du 18 mars 2010,
consacré aussi à la question de la tentative obligatoire de conciliation, qui
sera vue plus loin, que : "Les
principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que le principe de protection
juridictionnelle effective ne s’opposent pas non plus à une réglementation
nationale qui impose, pour de tels litiges [ceux inférieurs à 4000 euros], la mise en œuvre préalable d’une procédure
de conciliation extrajudiciaire [….],
pour autant toutefois que la voie
électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à ladite procédure de
conciliation."
- La jurisprudence de la Cour EDH incite
à la prudence, sur ce terrain de l’effectivité du droit d’accès à un juge, car
la Cour retient parfois, sous condition, le formalisme procédural comme un
obstacle au droit à un tribunal. Sa jurisprudence peut être ainsi synthétisée.
Le principe posé par
la Cour EDH selon lequel « les limitations apportées au droit à un
tribunal ne doivent pas restreindre l'accès ouvert aux justiciables d'une
manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance
même », vaut aussi pour les règles relatives aux formalités et aux délais
à respecter pour former un recours : « une
interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une
juridiction empêche, de fait, l'examen au fond du recours exercé par
l'intéressé »[51].
Plusieurs décisions illustrent ce principe. Ainsi, la Cour EDH juge que le
droit à un procès équitable, dont le droit d'accès à un juge, s'applique
également dans le domaine particulier de la signification et de la notification
des actes judiciaires[52]. Surtout,
la Cour EDH affirme que si un code de procédure civile prévoit la possibilité
de former une demande sous forme électronique, le greffe d'un tribunal ne peut
pas refuser d'enregistrer 70 000 demandes gravées sur un DVD, en
arguant du défaut d'équipement pour les traiter ; il y a atteinte
substantielle au droit à un juge[53]. C'est
reconnaître au formalisme toute sa place dans la garantie d'un procès
équitable, par le biais des obstacles matériels à lever ; mais c’est aussi
indiquer aux gouvernements nationaux qu’à vouloir généraliser la numérisation,
il faut donner aux juges les moyens de traiter ce type de dossiers.
Sur le plan des solutions à apporter pour surmonter ces obstacles, il faut prévoir :
- soit la voie de la généralisation de la représentation obligatoire
par un avocat, ce qui, entre autres problèmes (voir infra sur cette
question), entraînera une explosion du budget de l’AJ et la question de son
financement. Quid du défenseur syndical en matière prud’homale ?
- soit, dans la ligne de la jurisprudence citée de la CJUE, le
maintien de la possibilité d’une saisine papier (facultative), limitée, par
exemple, aux contentieux à faible incidence économique mais souvent à forte
implication sociale (en gros, ceux des actuels TI et cela même si ces derniers
sont appelés à disparaître comme juridiction autonome) ;
- soit que le SAUJ (= service d’accueil unique du justiciable) prenne
en charge la saisine électronique de la juridiction, un véritable « accès
procédural », système qui pose le problème des moyens et de la
responsabilité des personnes affectées à ce service, donc l’éventuelle mise en
œuvre de l’article L. 141-1, COJ et la condamnation de l’État, pour
dysfonctionnement du service public de la justice. C’est ce que nous avions
préconisé dans le rapport sur L’ambition raisonnée d’une Justice apaisée
pour donner au guichet universel de greffe (devenu le SAUJ) la mission, non
seulement d’informer et d’orienter les justiciables, mais aussi celle d’être
pour eux un point qualifié « d’accès procédural » (= saisine de
l’une quelconque des juridictions du ressort d’une cour d’appel, enregistrement
direct de cette demande dans la « chaîne métier » de la juridiction
compétente, délivrance d’une information précise sur le déroulement d’une
procédure le concernant, formation et enregistrement d’un appel).
Même raisonnement pour la question sur la généralisation de la
dématérialisation à toutes les procédures au sein des TGI, qu’elles soient avec
ou sans représentation obligatoire, gracieuses ou contentieuses et à toutes les
procédures des autres juridictions, avec cette précision que cette
généralisation appliquée aux procédures orales postule, à terme, la mort de
celles-ci (v. infra la réponse à la question sur leur devenir).
§ 2 LE RECOURS AUX MARD
REMARQUES PRÉLIMINAIRES SUR LES MARD
1) Des structures de médiation efficaces ont été mise en place, soit en
droit de la consommation par les entreprises, au profit de leurs clients, soit
par des professions juridiques et judiciaires, au profit de tous. Et on ne peut
que s’en réjouir si certaines dérives sont évitées. On assiste à un mouvement
comparable, toutes proportions gardées, à celui de la création des Centres
d’arbitrage. Les Centres de médiation d’aujourd’hui préfigurent une Justice
pré-judiciaire, « hors les murs » (des palais de justice). L’institutionnalisation
des médiateurs, redoutée et repoussée par certains, de même qu’elle l’a été en son
temps pour les experts
est en cours avec : les listes de médiateurs auprès des cours d’appel
(décret n° 2017-1457 du 9 octobre), des formations diplômantes qui se mettent
en place ici ou là, des structures de médiation au sein de structures dédiées à
l’arbitrage, etc. Bref, la médiation est sur un marché.
2) Pour autant, les MARD ne doivent pas être promus pour la mauvaise raison
d’un désengagement financier de l’État ; il faut craindre ce qui s’est
passé en Italie : l’obligation de recourir à une médiation dans de
nombreux champs du droit civil s’est traduite par une diminution de la dotation
de la Justice ! Ce risque n’est pas mince, car, dans le cadre des budgets
« contraints » évoqués en préliminaire de nos réponses, il ne faut
pas perdre de vue que le juge saisi d’un litige a le choix entre 2 voies :
celle de la conciliation qu’il a pour mission de mener (art. 21, CPC) et pour
faculté de déléguer à un tiers qui ne peut être qu’un conciliateur de justice
et la voie de désigner un médiateur (art. 131-1 et s.) ; mais la
différence essentielle entre les deux voies est que la première est gratuite
pour le justiciable (donc à la charge du budget de le justice) et que la
seconde est payante, donc à la charge des parties. Il peut être tentant de
favoriser l’une plutôt que l’autre. En soi, ce n’est pas choquant, mais le coût
d’une médiation pourra être trop lourd pour une partie, voire les deux. V. sur
ce point, la réponse à la question 2 sur les MARD.
3) Il faut aussi craindre une autre dérive, à l’italienne encore, d’un
recours systématique aux MARD : obligatoire dans de nombreux champs du
droit civil, elle fut vite considérée comme une simple formalité, une étape
formelle avant l’examen de l’affaire par un juge, sauf que, les médiateurs
ayant été autorisés à proposer une solution (juridique) aux juges, ces
derniers ont pris la (mauvaise) habitude de l’entériner systématiquement.
4) Il serait déjà utile de connaître l’impact de la loi J21 qui a imposé
pour le TI saisi par déclaration au greffe une tentative obligatoire de
conciliation/médiation (art. 4 de la loi).
QUESTION 1 SUR LES MARD
« Comment faire des modes alternatifs de
règlement des différends (MARD) un préalable efficace à une action en justice
? »
- généralisation de la tentative de résolution
amiable à peine d’irrecevabilité ?
- à tous les contentieux ?
- à certains contentieux
seulement ?
RÉPONSE À LA QUESTION 1
1) Le droit de l’Union
européenne répond en partie à cette question. Dans un arrêt du 18 mars 2010,
déjà cité, la CJUE affirme que : "Les
principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que le principe de protection
juridictionnelle effective ne s’opposent pas non plus à une réglementation
nationale qui impose, pour de tels litiges [= ceux inférieurs à 4000 euros], la
mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire lorsque
cette procédure n’aboutit pas à une décision contraignante pour les parties,
n’entraîne pas de retard substantiel pour l’introduction d’un recours
juridictionnel, suspend la prescription des droits concernés et ne génère pas
de frais, ou des frais peu importants, pour les parties, pour autant toutefois
que la voie électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à ladite
procédure de conciliation [ ce point a déjà été vu] et que des mesures provisoires
sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation
l’impose."
Jurisprudence
confirmée le 14 juin 2017 : « la directive 2013/11/UE du 21 mai
[transposée par l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août] ne s’oppose pas à une
réglementation nationale qui prévoit le recours à une procédure de médiation
[pour ce type de litige] comme condition de recevabilité de la demande en
justice, dans la mesure où une telle exigence n’empêche pas les parties
d’exercer leur droit d’accès à un recours juridictionnel ».
2) Dans la ligne de cette jurisprudence, le Conseil
d’État, dans un avis du 30 juillet 2015 (n° 390291), n’a validé le projet de
l’article qui allait devenir l’article 4 de la loi n° 2016-1547 2016 (dite
J21), qu’à la condition que l’obligation de recourir à une tentative de
conciliation préalable menée par un conciliateur de justice pour toute saisine
d’un tribunal d’instance par déclaration au greffe [donc pour une demande
inférieure ou égale à 4000 euros] soit assortie d’exceptions la rendant
compatible avec le principe conventionnel et constitutionnel de l’accès
effectif à un juge.
3) Dès lors, que les centres de médiation que nous venons d’évoqer, auront
fait leur preuve (traduisez : auront une activité réelle et sérieuse,
notamment en proposant aux parties des médiateurs présentant toutes les
qualités d’un tiers impartial, ce qui est déjà le cas pour certains), on pourra
envisager de généraliser l’irrecevabilité à tous les contentieux, sous les
réserves européennes et constitutionnelles qui viennent d’être indiquées.
Restera
posée la question suivante !
QUESTION 2 SUR LES MARD
« Comment rendre les MARD plus attractifs pour
les parties ? »
-
amélioration de la rétribution à l’AJ de l’auxiliaire de justice dont
l’intervention a permis la conclusion d’un accord dans le cadre d’un MARD ?
-
tarification pour l’avocat ?
RÉPONSE À LA QUESTION 2
Il ne faut pas se cacher que
pour le justiciable potentiel, l’attractivité dépend certes de la compétence du
médiateur/conciliateur, qui doit être un tiers « de confiance », mais
elle dépend surtout de son coût. On a rappelé en remarques préliminaires sur
les MARD que si le juge et le conciliateur de justice sont gratuits pour le
justiciable, les médiateurs sont rémunérés par les parties.
La commission Guinchard avait écarté l’idée, proposée
par certains, que les frais du procès soient mis à la charge de la partie qui
ne se serait pas pliée à l’injonction du juge de rencontrer un médiateur, pour
la raison que le remède serait vite trouvé par les parties : ils
rencontreront le médiateur mais refuseront de se concilier ! L’idée même
d’une justice conciliatrice cadre mal avec des injonctions sanctionnées
financièrement.
D’où la question : à
partir de quel seuil enclenche-t-on une prise en charge financière et qui peut
payer à la place du justiciable qui serait dans l’impossibilité financière de
recourir à un MARD ? En matière familiale, on peut suggérer, avec
prudence, par exemple pour les questions de pensions alimentaires, la piste des
caisses d’allocations familiales, qui ne sont pas totalement étrangères au
bénéfice d’un règlement amiable.
QUESTION 3 SUR LES MARD
« Faut-il prévoir que le juge peut toujours, quel
que soit le niveau d’avancement de la procédure, enjoindre aux parties de
rencontrer un médiateur ou de recourir à un MARD ? »
RÉPONSE À LA QUESTION 3
Pour la conciliation par le juge ou par un conciliateur de justice qu’il
désigne, l’article 128, CPC, prévoit déjà que « les parties peuvent se
concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de
l’instance ».
Pour la médiation, l’article 131-1, CPC n’interdit pas une médiation en
cours d’instance, sans que son alinéa 1 le dise expressément) ; son alinéa
2 prévoit expressément cette solution pour le juge des référés (« en cours
d’instance »).
Attention ! Les deux situations évoquées (rencontrer un médiateur ou recourir à un
MARD) ne sont pas identiques, à ce stade du traitement du litige. Rencontrer un
médiateur peut être plus souple que de lancer un processus de MARD et moins
preneur de temps. Il faudrait veiller, à ce stade de la procédure que le
recours à un MARD ne soit pas contreproductif en termes de célérité de la
justice rendue.
QUESTION 4 SUR LES MARD
« L’acte contresigné par avocat peut-il davantage
favoriser la conclusion d’accords totaux ou partiels permettant de limiter le
débat judiciaire aux désaccords clairement identifiés par les parties ? »
Comment en
renforcer l’attractivité ?
Par un
jugement en circuit court ?
RÉPONSE À LA QUESTION 4
L’outil existe et a été
amélioré par la loi du 18 novembre 2016 depuis que la commission Guinchard a préconisé, en 2008, la
création de la procédure participative assistée par avocat. L’acte contresigné
par avocat s’insère dans ce schéma procédural, avec une passerelle qui existe
déjà vers le juge. Un circuit court certainement. L’idée en 2008 était
d’externaliser la mise en état, en se passant du juge du même nom (en somme de
revenir aux « qualités » du temps des avoués de première instance),
avec passerelle vers la juridiction et circuit court, sans mise en état par un
juge. Les lois n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 (suite au rapport Guinchard) et n° 2016-1547 du 18
novembre 2016 (suite au rapport Delmas-Goyon)
ont concrétisé et développé l’idée, que le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017
intègre dans le code de procédure civile (spécialement aux articles 1546-1 et 1546-2,
1556 et 1544-1 à 1544-4).
On peut sans doute encore
l’améliorer dans le sens du souci abordé dans la question posée de permettre de « limiter le débat judiciaire aux désaccords clairement identifiés
par les parties », encore qu’il sera respectueusement fait observer que
cette possibilité existe déjà dans les articles 2066, C. civ. et 1556, C. proc.
civ.) et que le code prévoit notamment une saisine du juge, soit par la
procédure applicable devant lui, soit par requête conjointe signée par les
avocats.
C’est dans cette perspective
que le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 avait introduit dans les articles
1547 et s., CPC, sans attendre celui du 6 mai 2017, un encadrement très strict
du recours à un technicien par les parties à ce type de convention :
l’anticipation sur une procédure débouchant sur une passerelle l’a emporté sur
le caractère conventionnel de la procédure participative qui, dans cette
logique, n’impliquait nullement cet encadrement. Ce qui veut dire que toute
amélioration de l’utilisation de cette technique pour en favoriser l’usage en
limitant le débat devant un juge aux seuls points de désaccord, passera par une
règlementation minutieuse de ce que les parties peuvent faire ou non sans juge.
§3 LES MODES DE SAISINE DES JURIDICTIONS
QUESTION SUR LES MODES DE SAISINE DES JURIDICTIONS
« Les
5 modes de saisine actuels (requête simple et conjointe, assignation,
déclaration, présentation volontaire des parties) doivent-ils être maintenus
? »
Si seuls
certains doivent être maintenus, lesquels ?
Un mode de
saisine unique est-il envisageable ? Dans ce cas, faudrait-il conserver
l'assignation ou retenir la requête ?
RÉPONSE SUR LES MODES DE SAISINE
Quel intérêt en termes de régulation des flux et même
de simplification ? Même peu utilisés, certains de ces modes de saisine ne
« coûtent » rien à être laissés dans le code.
Peut-être peut-on envisager la suppression de la
comparution volontaire des parties qui, certes, ne doit pas prendre beaucoup de
temps aux juges, mais qui, à l’ère du numérique, n’a plus guère de sens.
La même remarque ne peut pas être faite pour la
déclaration au greffe, car, à supposer acquise la généralisation de la
dématérialisation des écritures, elle conservera son utilité en tant
qu’alternative à la voie électronique si on respecte le droit européen pour les
petits litiges et, au-delà pour les litiges sans représentation obligatoire, si
celle-ci n’est pas généralisée.
Les trois autres modes cités, assignation et
requête simple et requête conjointe, pour éventuellement n’en retenir qu’un,
ont chacun leur champ d’application propre, parfaitement justifié par les
conditions à remplir et la procédure suivie. Ne pas confondre simplification et
appauvrissement.
§ 4 PROCÉDURE ÉCRITE ET PROCÉDURES ORALES
QUESTION
« Faut-il maintenir la distinction entre
procédure écrite et procédure orale ? »
- Si
oui, chacune de ces procédures doit-elle être spécifique à certains contentieux
ou peuvent-elles être toujours possibles, le choix d'y recourir ou le passage
de l'une à l'autre pouvant se faire à la demande des parties ou sur décision du
juge ?
- Ou la
nature de la procédure doit-elle dépendre de la question de savoir si toutes
les parties sont ou non représentées par avocat ?
RÉPONSE
Sociologiquement, le maintien ou non des deux types de procédure dépend de la réponse à
donner à la question de leur place respective dans notre société, sous le
prisme de la capacité des parties à s’exprimer utilement devant une juridiction
sans l’assistance et la représentation par avocat ; du côté du juge,
est-il encore « digne » pour le respect de la fonction de juridiction
qu’il exerce, que l’on puisse s’adresser à lui quasiment sans forme et sans
connaissance du droit ? Une mise en perspective s’avère nécessaire :
Il n’est pas inintéressant
de rappeler l’observation de Cornu en Foyer dans leur manuel de procédure
civile :
« la procédure écrite est une
procédure savante où les écritures occupent une place considérable. Le tribunal
ne statuera que sur des conclusions écrites, déposées et jointes au dossier.
Pour assurer le respect des formes, une instruction convenable des affaires et
la dignité de la lutte judiciaire, la loi impose aux parties la
représentation par avocats ». Petite précision sur la fin de cette
observation : il existe des procédures écrites devant le TGI sans
représentation obligatoire par avocat, mais cela reste exceptionnel (par
exemple, en matière fiscale). Ce sont ces auteurs qui ont, parallèlement,
généralisé les procédures orales devant toutes les juridictions d’exception.
Le mouvement engagé depuis
la commission Guinchard (2008) a été
de sécuriser les procédures orales par la possibilité d’une procédure écrite et
l’organisation d’une mise en état par le juge avec l’accord des parties. Les
réformes ultérieures (mai 2017) ont conforté ce mouvement et l’avenir des
procédures orales est sans doute dans leur disparition, si la dématérialisation
est généralisée et si l’obstacle financier de l’aide juridictionnelle est levé,
dans le cas où la représentation par avocat deviendrait obligatoire.
La question
de leur suppression n’est donc pas juridique, mais politique. Si l’unification était décidée, la généralisation de la procédure écrite
pose la question de savoir comment répondre aux conséquences de la
représentation obligatoire par avocat que cette généralisation implique,
surtout si la dématérialisation est généralisée. Donc on retrouve le problème
de l’accès au juge par l’aide juridictionnelle. Sauf à admettre des procédures
écrites sans représentation obligatoire, ce qui, d’une part, ne nous paraît pas
souhaitable pour la « dignité » de la justice et, d’autre part, parce
que la dématérialisation implique une sécurité juridique que le RPVA apporte,
ce qui ne serait pas le cas avec des parties sans avocats.
§ 5 LA GÉNÉRALISATION DE LA REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE
QUESTION
« Faut-il généraliser la représentation
obligatoire ? »
- à tous
les contentieux, tant en matière gracieuse que contentieuse ?
- seulement
pour certains contentieux ? Lesquels ?
RÉPONSE
Le droit de l’Union
européenne apporte une réponse partielle, puisque, selon le règlement révisé
« Small claims »
(art. 10 et 11), la représentation obligatoire ne
peut être imposée en matière de petits litiges (jusqu'à 4000 euros).
Au-delà,
on peut émettre une inquiétude sur l'effectivité du droit d’accès à un juge si
même les litiges aux faibles enjeux financiers ou relevant du droit de la
famille ou des personnes, relèvent tous d'une procédure avec représentation
obligatoire (sans parler des litiges relevant de l'urgence). Lors des auditions
de la commission qui porte mon nom, en 2008, Paul Bouchet, en sa qualité de
président d’ATD-Quart-Monde avait lancé un cri de détresse pour tous ceux qui
n’ont pas d’accès au droit, ni à la justice ; je doute que les choses
aient changé dans ce monde de la misère totale ; certes ces personnes ont
accès à l’AJ totale, mais ils ne la demandent pas toujours et s’ils la
sollicitent, le budget de l’AJ explosera. D’autant plus qu’au-delà des
défendeurs les plus démunis, d’autres justiciables, aux revenus intermédiaires,
seraient vite concernés par cette obligation. Pour eux et l’honneur de la
France, la justice doit matérialiser le pacte républicain.
§ 6 LA GÉNÉRALISATION DE L’EXÉCUTION PROVISOIRE
QUESTION
« faut-il généraliser l’exécution provisoire de droit à
tous les contentieux ? »
RÉPONSE
Vieux débat et vieux démon
(en 1999 puis 2002) que l’on croyait l’un et l’autre enterrés ! Sans
reprendre ici tous les arguments développés contre, on rappellera que nous
avions jugé ce projet
politiquement inopportun, économiquement injustifié et juridiquement incertain
et dangereux.
Et on ajoutera, 15 ans
après, que c’est faire peu de cas de la conscience du juge qui, aujourd’hui, a
la faculté d’ordonner cette exécution provisoire. Mesure de défiance envers le
juge qui perd ses pouvoirs avec l’automaticité de l’exécution provisoire. Et
défiance ne cadre pas avec ce pacte de confiance dont nous avons parlé. Le droit
à l’exécution ne se confond pas avec une exécution précipitée parce que
prématurée, sans parler de la question des restitutions lorsque le perdant de
première instance ayant gagné en appel demandera son dû au gagnant de la
première instance.
Enfin, ce serait rompre ce pacte de confiance que
nous appelons de nos vœux (v. supra I).
Troisième pièce
jointe : Article publié aux Petites Affiches le 5 juin 2012, « La
suppression de l’effet suspensif de l’appel : un bon exemple de la France
d’en haut contre la France d’en bas ».
B)
LE DROIT À UN « BON » JUGE
a) Le respect du contradictoire
QUESTION 1
« Peut-on envisager d’unifier le régime de
procédures non contradictoires ou dont le contradictoire est différé » (Injonctions
de faire et payer /ordonnances sur requêtes / mesure d’instruction in futurum,
…).
RÉPONSE À LA QUESTION 1
Ce ne serait pas une simplification mais un
appauvrissement. Chacune de ces procédures, avec ses spécificités, a son
intérêt propre. Simplifier ce n’est pas saborder la souplesse des parcours
différenciés mis en place par les rédacteurs du code pour qu’à partir d’un
modèle généraliste, se développent des adaptations procédurales
« collant » au plus près des besoins des justiciables et des
situations factuelles.
QESTION 2
« Êtes-vous favorable à la possibilité pour le
juge de statuer sur certaines demandes dès l’introduction de l’instance et le
cas échéant sans débat contradictoire ? Ou la partie adverse appelée ou
entendue ? » Par exemple pour donner acte d’un désistement, pour
rejeter une demande ne relevant pas de la compétence judiciaire, pour rejeter
une demande manifestement irrecevable ou statuer sur les demandes relevant
d’une série présentant en droit des questions identiques à celles déjà
tranchées) …
RÉPONSE À LA QUESTION 2
Le problème n’est pas de
statuer in limine litis, mais d’envisager de se passer du
contradictoire. Raisonnons par l’absurde : même si le juge était autorisé
à statuer sans débat avec les parties, on voit mal comment il pourrait statuer,
sans risque de censure par la Cour de cassation ou par la Cour EDH, sans les
avoir interrogées par exemple, pour connaître leur point de vue sur la réalité
du désistement, s’il a été accepté ou non, pour discuter de l’incompétence
supposée du juge judiciaire ou de la notion de « demande manifestement
irrecevable », etc. En dehors des actions de groupe (et encore), y a-t-il
des demandes identiques, sans débat pour en juger ?
b) Les obstacles à un règlement simplifié des incidents
de compétence ?
QUESTION SUR LE RÈGLEMENT
DES INCIDENTS DE COMPÉTENCE
« Quels mécanismes seraient susceptibles de mettre fin aux exceptions
d’incompétence internes au TGI ? (cf JAF / JEX/ Juridiction présidentielle ) Entre le TI et le
TGI ? »
RÉPONSE :
Il faut d’abord remarquer
d’emblée que « pour l’essentiel des affaires, la
détermination de la compétence, territoriale comme matérielle, ne soulève
aucune difficulté, même pour un particulier, le cas échant, après information
délivrée par un greffe. C'est ainsi que les erreurs de saisine ne concernent
que 1% des affaires civiles, y compris les décisions d'incompétence au profit
des juridictions administratives, répressives et étrangères.
1) La solution rejetée par la commission Guinchard
Cette question a été
étudiée par la commission Guinchard qui avait rejeté tout règlement de
ces incidents par un « service judiciaire d’orientation des
affaires », qui aurait été chargé
d’attribuer les dossiers remis au guichet universel à la juridiction estimée
compétente pour en connaître, permettant ainsi de dispenser le requérant
d’identifier, dans sa requête, la juridiction compétente. Trois raisons.
- Première raison : « une
telle réforme suppose que l’ensemble des dossiers transite par un service
« central » d’orientation. Ainsi, pour les affaires relevant de la
compétence de droit commun du tribunal de grande instance – qui impose déjà une
telle répartition des affaires entre les différentes chambres civiles du
tribunal – le travail de répartition des dossiers entre les chambres serait
singulièrement compliqué. Pour les affaires ne relevant pas du TGI de droit
commun, une étape supplémentaire serait ajoutée : l’affectation d’une
affaire au service compétent. La commission observe ainsi que la mise en œuvre
d’une telle réforme serait dispendieuse en ressources humaines, en
contradiction avec les objectifs de déjudiciarisation et de rationalisation des
moyens de l’État. En effet, l’affectation du dossier à la juridiction
matériellement et territorialement compétente nécessite une analyse juridique
du contenu de l’acte introductif d’instance, qui ne paraît pouvoir être réalisée
que par un agent ayant une formation juridique ».
-
Deuxième raison : « il convient
de rappeler que dans un objectif de célérité et de simplicité, l’assignation
comporte convocation de son destinataire à une audience déterminée pour la
plupart des procédures (JEX, JAF, référé, instance, etc.) ; la seule exception
concerne la procédure TGI de droit commun, pour laquelle la constitution
d'avocat permet d’en faire l’économie. Le transit par un service d'orientation
dissocierait l'acte introductif d'instance et la convocation du défendeur, ce
qui allongerait la procédure et ajouterait, une fois l’affaire orientée, une
formalité de convocation, au surplus coûteuse (lettre recommandée avec demande
d’avis de réception à la diligence du greffe ou signification par huissier de
justice) ».
- Troisième
raison : « la précision de la
juridiction saisie dans l’acte de saisine éclaire bien souvent le juge sur la
nature exacte des prétentions du demandeur. Par exemple, il n’est pas rare que
l’auteur d’une déclaration au greffe devant le tribunal d’instance indique
« porter plainte » contre son adversaire, mais ne demande en réalité
que des dommages et intérêts à son encontre. Il n’est pas rare non plus que
seule la mention de la juridiction saisie dans l’acte d’assignation permette de
déterminer si le demandeur a entendu saisir le juge du fond ou le juge des
référés. Surtout, dans certaines affaires, le demandeur a une option de
juridiction, qu’un service d’orientation ne saurait exercer en ses lieu et
place ».
2) Un autre système ?
On
observera d’abord que si le groupe de travail sur l’organisation des
juridictions préconise la fusion des TGI et des TI, voire avec les tribunaux
paritaires des baux ruraux, la question ne sera plus d’actualité pour ces
juridictions pour le justiciable ce sera bien le seul apport bénéfique de cette
fusion !).
En
revanche, pour les conflits de compétence entre TGI, tribunaux de commerce et
conseils de prud’hommes, peut-on imaginer qu’un collège de 3 juges désignés
chacun par le président de chaque juridiction, statuerait par une mesure
d’administration judiciaire, donc sans débat contradictoire et sans
recours ?
Compte
tenu de la suppression des avantages du règlement actuel (les incidents de
compétence reposent souvent, pour ces contentieux, sur des règles de droit
substantiel, par exemple, la qualification du contrat de travail ou commercial,
qu’il est utile de faire juger par le juge saisi, ainsi qu’il vient d’être dit,
faut-il passer vers un système en apparence simplifié qui mobiliserait trois juges
et supprimerait le débat contradictoire et le droit à un recours, exigences
substantielles du droit à un « bon » juge ? Ce n’est pas notre
avis.
c) Le rôle du juge de la mise en
état
QUESTION
« Faut-il confier au juge de
la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir ? »
RÉPONSE
Le
caractère exclusif de la compétence du JME a été renforcé par le décret du 28
décembre 2005 2005, mais seulement lorsque les parties soulèvent une exception
de procédure, une demande formée sur l’article 47, CPC (ajouté par le décret n°
2012-66 du 20 janvier 2012) ou un incident mettant fin à l’instance (plus
exactement, susceptibles de mettre fin à l’instance ; mesures visées à
l’article 771-1o, CPC). Le décret n° 2005-1578 du
28 décembre 2005 a ajouté à ce texte la phrase suivante : « les
parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents
ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement
au dessaisissement du juge ».
La sanction étant la forclusion, il est donc tentant, dans une optique de
« régulation » des flux (traduisez : de diminution) d’appliquer
la même sanction aux fins de non-recevoir. L’actuelle rédaction du texte
n’inclut donc pas les fins de non-recevoir et on observera que les rédacteurs
du décret n° 2012-66 du 2 janvier 2012 qui ont ajouté à la compétence du JME
les demandes formées en application de l’article 47, n’ont pas franchi le pas
d’inclure les fins de non-recevoir dans cette saisine ratione temporis et
sa sanction. Il serait donc intéressant de savoir pourquoi. Peut-être est-ce
parce qu’ils ont eu conscience qu’à la lecture de la liste de l’article 122,
CPC (« défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut
d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée »), on
discerne bien qu’on est au cœur de la fonction juridictionnelle du juge et du
droit de chacun à voir sa demande examiner au fond ; dénier à une partie
le droit de voir sa prétention examinée au fond par une juridiction de
jugement, c’est lui dénier l’accès au juge du fond, ne serait-ce que pour lui
dire que sa demande est irrecevable et qu’elle ne sera pas examiner au
fond ; c’est un peu la même idée que celle qui préside en matière
d’arbitrage : avec la règle « compétence-compétence », on donne
au juge arbitral et non pas au juge judiciaire, le pouvoir (juridictionnel) de
statuer sur sa propre compétence, y compris pour dire qu’il n’est pas
compétence. Cela expliquerait pourquoi on a toujours laissé à la partie
qui entend soulever une fin de non-recevoir, la possibilité de la présenter au
juge du fond le soin d’en décider, quitte à la sanctionner par la condamnation
à des dommages-intérêts pour intention dilatoire (art. 123, CPC).
Changer la règle et confier au JME l’exclusivité
d’accueillir les fins de non-recevoir, n’est-ce pas considérer que le JME
devient un juge du fond, puisqu’il aura le pouvoir juridictionnel exclusif de
refuser d’examiner une demande au fond pour l’une des raisons énumérées à
l’article 122 ?
Le risque est alors d’une requalification de la
fonction du JME : simple organe du procès civil au sein d’un TGI, ne
deviendrait-il pas une juridiction autonome au sein du JME, à l’instar des JAF,
juge des tutelles et JEX ? Si cette requalification était admise, il
reviendrait au pourvoir législatif d’en décider, car le Conseil d’État a jugé
en 1976 que si un décret pouvait accorder certains pouvoirs au juge chargé de
contrôler les expertises, c’était à la condition que fût respectée la
compétence du tribunal quant à la régularité de la procédure d’expertise et
quand au fond des affaires ; sinon, il y aurait création d’un nouvel ordre
de juridiction, donc compétence législative.
Enfin,
on ajouterait un nouveau cas de conflit interne de compétences, à l’instar de
ceux cités dans la question sur le règlement des incidents de compétence.
C)
LE DROITÀ L’EXÉCUTION DE LA DÉCISION DU JUGE
§ 1 QUESTION SUR LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE
« Faut-il permettre que les décisions soient
mises à exécution avec le concours de la force publique ? »
RÉPONSE
La formulation de la question laisse songeur.
En droit positif, et depuis l'arrêt Couitéas du 30 novembre 1923[65]
« le justiciable nanti d'une sentence judiciaire dûment revêtue de la
formule exécutoire est en droit de compter sur la force publique pour
l'exécution du titre qui lui a été ainsi délivré ». Cela implique, pour
l'administration, l'obligation de prêter le concours de la force publique
puisqu'elle est « tenue d'agir »[66], sauf,
en matière d'expulsion d'un logement pendant la période hivernale. Mais dans le
cas où l'exécution d'une décision de justice mettrait en péril l'ordre public, les autorités peuvent
refuser de mettre la force publique au service d'un particulier[67].
Jurisprudence identique en droit de l'Union européenne, la menace de troubles
graves à l'ordre public pouvant, le cas échéant, justifier une absence
d'intervention des forces de l'ordre[68]. Le problème est alors
celui de la responsabilité de l'État. Sur ce terrain, le droit positif est
équilibré :
-
Si le refus n'est justifié par aucun motif d'ordre public, il est illégal et la
responsabilité de l'État sera engagée pour faute lourde[69].
-
Si le refus est motivé par des considérations de sécurité et d'ordre public, la
jurisprudence traditionnelle du Conseil d'État se résume en deux
propositions : pas de responsabilité de l'État pour faute lourde[70], mais
responsabilité pour rupture d'égalité entre les citoyens devant les charges
publiques, si le préjudice né de l'inexécution présente les caractères de
spécialité et d'anormalité exigée pour ce type de responsabilité[71]. Même
solution lorsque l'État ne peut faire exécuter la décision parce que la
personne condamnée bénéficie d'une immunité d'exécution[72].
La
loi du 9 juillet 1991 (no 91-630) a consacré cette
jurisprudence dans son article 16 (devenu C. pr. exéc.,
art. L. 153-1).
Dès lors, s’il s’agit de supprimer
le concours de la force publique et comme on n’imagine mal le recours à des
polices privées, on rompt définitivement le pacte de confiance entre les
citoyens et leur justice (et non plus avec leur juge) et on les poussera à se
faire justice par eux-mêmes, comme dans certains pays. Les « bras
musclés » auront remplacé les forces de l’ordre. Belle avancée
démocratique !
§ 2 QUESTION SUR LA MÉDIATION AU STADE DE L’EXÉCUTION
« Faut-il prévoir un mécanisme de médiation au
stade de l’exécution ? »
RÉPONSE
Pas d’intérêt si l’on rend
obligatoire la tentative de conciliation/médiation avant la saisine du juge et
si l’on autorise le juge à imposer un tel processus tout au long de l’instance.
Arrivé à l’exécution, on voit mal imposer un tel mécanisme au gagnant qui
trouve déjà que son procès a été d’une longueur excessive. D’autant plus que si
l’exécution provisoire de droit était imposée, il n’aurait aucun intérêt à
entrer en tentative de conciliation et à la faire échouer ! Voir aussi les
remarques préliminaires émises sur les MARD au stade de l’instance.
En revanche, pour souligner
les difficultés à introduire un recours à un MARD au stade de l’exécution, il
convient de signaler une jurisprudence de la Cour de cassation.
La deuxième chambre civile a considéré (en
2012), à l’instar de la chambre commerciale en 2013, qu’une clause de
conciliation/médiation obligatoire n'interdit pas de saisir le juge des référés
ou le juge de l'exécution pour obtenir de lui une mesure conservatoire, la fin
de non-recevoir étant alors neutralisée[73].
La
première chambre civile a ensuite jugé que la saisine du JEX par l'assignation
à comparaître à l'audience d'orientation d'une procédure de saisie immobilière
(fondée sur un prêt immobilier notarié exécutoire contenant une clause de
conciliation obligatoire et préalable « à toute instance
judiciaire »), après la délivrance d'un commandement de payer valant
saisie, signifié et publié, entraîne le jeu de la fin de non-recevoir, même s'il
s'agit d'une instance tendant uniquement à l'exécution forcée de cet acte ;
la clause ne fait obstacle, temporaire, qu'à l'assignation et laisse perdurer
les effets du commandement, mais – et l'inconvénient est fort – en cas d'échec
de la conciliation, l'assignation devra être réitérée dans les deux mois de la
publication du commandement, puisque ce dernier est caduc dans ce délai
(C. proc. civ. exécution, art. R. 321-6 et R. 311-11), ce
qui, en pratique, sera impossible à tenir ; le remède est de rédiger une
clause de conciliation prévoyant que c'est le commandement de payer qui doit
être précédé d'un préalable de conciliation.
La
deuxième chambre n’est pas allée à l’encontre de cette décision de la première
chambre mais a considéré que si une clause de conciliation/médiation
obligatoire s'impose au juge « quelle que soit la nature de l'instance
judiciaire engagée »[75] (= juge
de droit commun ou juge d'exception), en revanche, si la clause ne concerne que
la présentation de la demande en justice « relative aux droits et
obligations contractuels des parties », elle ne peut faire obstacle à
l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée, « en l’absence de
stipulation expresse en ce sens ».
Clin d’œil à
l’invitation adressée à ses ministres par le nouveau Président de la
République, « Vite et bien ». J’ai entendu la même injonction, avec
les mêmes trois mots, un soir d’avril 1989, dans la salle du conseil municipal
de Lyon, lors de l’élection du nouveau maire de Lyon, Michel Noir,
in fine de son discours d’intronisation.
Les
processualistes de profession et/ou de conviction, y verront un autre clin
d’œil (malicieux) à Henry Motulsky : «
Prolégomènes pour un futur
Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès
civil par le décret du 9 septembre 1971 », D. 1972, Chronique XVII, p.
91-102.
Plus
précisément :
Le juge du XXIème
siècle – Un citoyen acteur, une équipe de justice.
S. Guinchard,
«
Le réveil doctrinal d’une Belle au
bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit
processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation
du procès »,
Mélanges Raymond Martin,
Bruylant/LGDJ, 2004.
Cela, ce n’est pas à l’Université que je l’ai
appris, en tout cas pas dans mes fonctions d’enseignement ou de
recherche ; c’est en tant qu’élu et administrateur/gestionnaire :
pendant 12 ans, de deux grandes collectivités locales (Lyon et sa communauté
urbaine, alors composée de 52 communes), en charge, notamment, de leur budget,
de leur contrôle de gestion et de leurs grands travaux (dont la construction de
l’opéra par Jean Nouvel) ; pendant 6 ans : d’une société d’économie
mixte de construction et d’exploitation de parkings, des hospices civils de
Lyon, du syndicat des transports en commun de l’agglomération, etc. À
l’Université aussi mais avec des budgets infinitésimaux par rapport à ceux que
je viens d’évoquer, c’est en tant que doyen (élu) pendant plus de 6 ans de la
Faculté de droit de Lyon, puis directeur (élu), pendant 10 ans, de l’Institut
d’études judiciaires de Paris II, que j’ai pu porter des projets de réforme et
gérer leur budget. Enfin, l’expérience d’avoir été, pendant 3 ans, recteur
d’académie (nommé), m’a permis de mettre en place la L.O.L.F. Si je livre ces éléments
de ma vie publique, c’est pour montrer qu’on peut tout à la fois être un
gestionnaire et ne pas se limiter au seul critère des économies pour décider de
réformes. Les aspects culturels et sociaux entrent aussi en ligne de compte.
Selon Jean Foyer,
« ce code a été, ou presque, intégralement rédigé par la plume du doyen
Gérard Cornu, si bien qu’on pourrait l’appeler, en toute justice, le Code
Cornu »,
in Le NCPC, vingt ans après, colloque organisé par la Cour de
cassation, déc. 1997, Doc. fr., 1998, p. 323.
Sur son
écriture et sa philosophie générale, v. essentiellement les trois articles de
G. Cornu : « La codification de la procédure civile en
France »,
Rev. jur. et pol.
1986. 689, repris
in :
L’art du droit en quête de sagesse, PUF,
1998, p. 385 ; « L’élaboration du Code de procédure
civile »,
Rev. d’Hist. des Facultés
de Droit 1995, vol. 16, p. 241, repris
in :
La codification,
Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 1996, p. 71 ;
« L’avènement du NCPC »,
Le
NCPC, vingt ans après, colloque Cour de cassation déc. 1997, Doc. fr.,
1998. 19.
Avocat à Nice,
il avait été qualifié aux fonctions de maître de conférences, mais s’il
enseigna, il n’intégra pas la fonction publique.
R. Martin, « A nouveau siècle, nouveau procès civil », Edilex,
2000 et
RTD civ. 1994. 557 ;
Rev. huiss. 1997. 345.
Avènement
avancé, pour la première fois, dans un article publié à la revue Justices 1999,
nouvelle série, p. 91, Dalloz éd, « Vers une démocratie
procédurale », puis dans l’ouvrage collectif Les métamorphoses de la
procédure à l’aube du IIIème millénaire, in Clefs pour le siècle, Paris 2,
Dalloz éd., mai 2000, p. 1135-1211 et repris depuis au Précis Dalloz de
Droit processuel, 9ème éd. 2017, n° 6 et
s.
P.
Rosanvallon, La légitimité démocratique –
Impartialité, réflexivité, proximité, Le Seuil, 2008, collection Les Livres
du nouveau monde. Sur ce rapprochement entre les deux concepts, v. S.
Guinchard, « Le fondamentalisme religieux à l’aune de la distinction
doctrinale droit processuel européen-droit procédural national – Entre
démocratie procédurale et légitimité démocratique », contribution aux
Mélanges offerts à Jean-François Flauss, Pédone éd., 2014, p. 365. Précis de
Droit processuel,
op. cit., n° 541,
in fine.
Selon
l’heureuse formule de J.-C. Magendie, in
Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 :
« Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or
aux frontons des palais de justice ».
Pour bien des
raisons et, entre autres, pour le précis de
Procédure
pénale, LexisNexis, 10
ème éd., 2014, co-rédigé avec Jacques
Buisson.
P.
Rosanvallon, La légitimité démocratique –
Impartialité, réflexivité, proximité, op.
cit. p. 269 et s.
Faut-il
rappeler que les parties « soulèvent » un moyen et que le juge le
« relève » ?
Cass. belge 5
avril 2005, et encore 29 sept. 2011, références complètes dans le Précis de
procédure civile Dalloz, 33
ème édition, 2016, n° 584 réécrit par
Cécile Chainais.
Cass.
Luxembourg, 10 mars 2011 et 24 oct. 2013, même remarque pour les références que
dans la noté précédente.
CJCE, 14 déc.
1995, arrêt Peterbroeck, attendu 12.
CHCE, 14 déc.
1995, arrêt Van Schnijndel, attendu 17.
CJCE, 21 nov.
2002, Soc. Cofidis c/ Fredout et 17 déc. 2009, aff. C-227/08, Eva Martin.
CJUE, 4 juin
2009, Pannon GSM, aff C-243-08.
CJUE, 21 fév.
2013, aff. C-4723/11, Banif Plus Bank Zrt.
S. Guinchard,
« L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée »,
Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2008.
Mélanges S. Guinchard, Dalloz,
2010, 329
S. Guinchard
et alii, Droit processuel, Dalloz, 9
ème
éd. 2017, n° 541 à 577, pour l’ensemble des contentieux.
S. Guinchard
«
Variations sur le mensonge et la
déloyauté : de la vie académique à la vie politique en passant par la vie
judiciaire, Mélanges Yves Mayaud, Dalloz, 2017, 593.
J. Jehl, JCP 2015. Actu. 1403.
CA Québec,
1er nov. 2016, QCCA 1755, Lavigne c/ 6040993 Canada in., JCP
2016, no 1293, obs. J. Jehl et [http://citoyens.soquij.qv.cq].
[31] V. J. Fr. Van
Drooghenbroeck, in Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl,
[dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission Université-Palais, Université de
Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. p. 234, « nul ne contestera
l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès
civil ». Et, in Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, les écrits de J. Van
Compernolle p. 413 (« Quelques réflexions sur un principe émergent :
la loyauté procédurale ») et J. Van Drooghenbroeck, p. 425 (« La
loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public – Irrecevabilité du moyen renégat
devant la Cour de cassation de Belgique »).
[32] Cass. belge, 27 nov. 2014,
n° C. 13.04666. F/2, E.M. c/ Ville d’Eupen.
[33]. Civ. 2
e,
11 mars 1999,
JCP 1999, II,
10095, note H. Croze.
[34] Cass., ass. plén., 7 janv.
2011, D. 2011, 562, chron. Fourment (« Du principe de loyauté de la preuve
et de son application aux matières civile et pénale ») et 618, note V.
Vigneau ; JCP 2011, 43, obs. M. Malaurie-Vignal ; Gaz. Pal.
22 mars 2011, note S. Amrani-Mekki.
Civ. 1ère, 25
janv. 2017, n° 15-25210, Gaz. Pal. 2017, n° 17, p. 57, obs. L. Mayer ;
RTDCiv. 2017, 489, obs. Cayrol et 719, obs. (crit.) Théry ; RTDCom. 2017,
92, obs. Pollaud-Dulian
(l’huissier
s’était fait accompagner d’un « assistant » pour un constat en
contrefaçon, lequel était un stagiaire du cabinet d’avocats conseillant la
société qui se prétendait victime de la contrefaçon). Rappr. Civ. 1ère, 1er
juin 2016, n° 15-11417, Gaz. Pal. 30 août 2016, n° 272, p. 81, note Lauvergnat
et idem 29 nov. 2016, n° 280, p. 68, note L. Mayer (constat d’huissier pour le
compte de la Chambre nationale des huissiers de justice, par le trésorier de
celle-ci).
[36] Civ. 2
e,
30 janv. 2003,
Bull. I, n° 23. G.
Bolard, « Le moyen contraire aux précédentes écritures »,
Mélanges Buffet, Montchrestien/EJA/Petites
affiches éd., 2004, 51 ; N. Dupont, « L’interdiction de se contredire
au détriment d’autrui en procédure civile »,
RTD civ. 2010, 459 et note ss. Civ. 2
e, 9 sept. 2010,
D. 2011. 145.
V. le précis
de
Droit processuel, op. cit. n° 543-1,
a.
[38]. Civ. 2
e,
7 nov. 2002,
D. 2002. 3188, qui
sanctionne l’ingéniosité d’un plaideur dans le cas où la seconde ordonnance
avait refusé de rétracter la première ayant fait droit à la demande. V.
toutefois, Toulouse, 14 févr. 2002,
D. 2003.
160, note Y. Sctrikler, qui couvre une « déloyauté » ayant consisté à
présenter une seconde requête (devant un vice-président) aux mêmes fins qu’une
première (devant le président) qui avait été rejetée et dont le recours en
référé-rétractation n’avait pu être examiné par le président du tribunal,
l’appel n’ayant pas été réalisé.
V. le précis
de
Droit processuel, op. cit. n°
543-1,
b-1.
[40]. Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull. I, no 202.
[41]. Sur laquelle, .
S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve
des nouveaux principes directeurs du procès civil »,
Mélanges Wiederkehr, Dalloz, 2009.
[42]. H. Muir Watt, note ss. Civ. 1
re,
21 nov. 2006
., Rev. crit. DIP 2007/3, spéc. p. 580, note 1.
[43]. Cass., ass.
plén., 29 mai 2009,
BICC 15
sept. 2009, rapport Gérard et avis de Mellottée ;
JCP 2009. 129, note O. Salati ;
Gaz. Pal. 4 août 2009, note N. Fricero.
[44]. Civ. 2e, 23 oct. 2003, D. 2003. 2726. Cass., ch. mixte, 3 févr. 2006, Soc. Exacod, Gaz. Pal. 18
févr. 2006, avis M.A. Lafortune,
JCP 2006,
II, 10088, note O. Salati qui aborde la notion de loyauté en procédure civile
dans la seconde partie de sa note.
[45]. Civ. 3
e,
6 juin 2007,
D. 2007. 2428,
obs.
N. Fricero. Rappr. Civ. 3e,
27 sept. 2006, Procédures, 2007, no 16,
obs. Junillon.
La
légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit.
S. Guinchard,
in Institutions juridictionnelles,
Dalloz, 14
ème éd., 2017, n° 248 et s., spéc. n° 259 et 260
« Pour une meilleure articulation de tous les régimes de
responsabilité ». Et notre rubrique au répertoire Dalloz de procédure
civile, V° « Responsabilités encourues pour fonctionnement défectueux du
service public de le justice ».
[49] Civ. 1re, 1er juin
2016, no 15-11417, Dr. et
proc. 2016/7, 164, obs. Th. Guinot ; Gaz. Pal. 29 nov. 2016, no 42,
p. 68, note L. Mayer.
CJUE, 18 mars
2010, aff. n° C 317/08 et autres, R. Alassini C./ Telecom Italia SPA
[51] CEDH 13 oct. 2009,
Ferré Gisbert c/ Espagne, req., Dr. et proc. 2010-3, Cah. dr. et proc. intern.,
no 14, p. 12, obs. Fricero.
[52] CEDH 31 mai 2007,
Milhopa c/ Lettonie, § 19, D. 2007. Somm. 2429, obs.
N. Fricero ; Dr. et proc. 2007-5, Cah. dr. et proc. intern.,
p. 26, obs. Fricero. – 14 janv. 2010, no 53451/07,
Popovitsi c/ Grèce, Procédures 2010, no 70, obs. Fricero. 8 janv.
2013, no 37576/05, Procédures 2013, no 70, obs. Fricero.
[53] CEDH 16 juin 2009,
Lawyer Partner SA c/ Slovaquie, JCP 2009. 224, obs. Jehl ; Procédures
2009, no 358, obs. Fricero ; Dr. et proc. 2010-3, Cah. dr. et proc.
intern., no 7, p. 10, obs. Fricero.
Marcel Caratini qui a terminé sa carrière comme
président du TGI de Paris au début des années 80 et fut premier Président de la
cour d’appel de Lyon, refusait toute création d’une profession d’expert
règlementée, au profit d’une simple association d’un professionnel reconnu dans
sa spécialité, au service public de la justice.
CJUE, 18 mars
2010, aff. n° C 317/08 et autres, R. Alassini C./ Telecom Italia SPA, RTD eur.
2010. 599, chron. L. Coutron ; D. 2011. 268, obs. Fricero.
CJUE, 14 juin
2017, aff. C-75/16,
JCP E 2017, 1438,
obs. Moracchini-Zeidenberg ;
Dr. et
proc. 2017/9,
Cahier des MARD, n°
2, p. 5 , obs. B. Gorchs-Gelzer.
Cornu et
Foyer,
Procédure civile, PUF, collec.
Thémis, 3
ème éd. 1996, p. 677.
Procédure
euroépenne de règlement des petits litiges, Règlement n+ 861/2007 du Parlement
et du Conseil, 11 juillet 2007,
JOCE, n°
L199, 31 juill.. Tévisé par le Règlement n° 2015/2421 du 16 décembre 2015,
JOUE n° L341, 24 déc.
S. Guinchard,
« Un bon exemple de la France d'en haut contre la France d'en bas : le
projet de suppression de l'effet suspensif de l'appel » Les petites
affiches, 5 juin 2002, n° 112, p. 4.
Rapport de la
commission
Guinchard, Doc. fr., 2008,
p. 255.
CE, 16 janvier
1976, sur le décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973
[65] CE 30 nov. 1923, DP
1923. 3. 59 ; 29 déc. 1944, S. 1947. 3. 5, note Huet.
[66] CE 3 juin 1938,
Soc. La Cartonnerie,
Lebon 521.
[68] CJCE 9 déc.
1997,
Commission c/ France,
Rec. I-6959, § 56-57.
[69] CE 21 nov.
1947, Barthélémy,
Lebon 434.
7 nov. 1984,
Horel,
RD publ. 1985. 1377.
[70] CE 17 févr.
1988,
Laporte,
Lebon 70.
[71] CE 30 nov.
1923 (
Couitéas) et 3 juin 1938 (
La Cartonnerie),
préc. 29 oct. 1976,
JCP
1977. II. 18606, note Julien-Laferrière.
[72] CE 14 oct.
2011, n
o 329788,
AJDA 2011.
1980, obs. S. Blondel.
[73] Civ. 2e, 2 fév. 2012,
no 11-12159 et Com. 9 avr. 2013, no 12-14659.
Civ. 1re,
1er oct. 2014, no 13-17920, Gaz. Pal. 10 janv. 2015, p. 21,
note L. Lauvergnat ; Defrénois 2015/1, p. 28, note
A. Albarian et C. Poli ; D. 2015. 291, obs. Fricero ;
Dr. et proc. 2015/1, p. 10, obs. B. Gorchs-Gelzer ; RTD civ.
2015/1, 131, obs. H. Barbier
[75] Formule de style dans les
arrêts précités.
Civ. 2
ème,
22 juin 2017, n° 16-11975,
Procédures 2017,
n° 186, obs. Laporte ;
Dr. et
Procédures, 2017/9, Cahier des MARD, n° 3, p. 6, obs. B. Gorchs-Gelzer, qui
atténue donc la portée de l’arrêt précité du 2 février 2012 au sujet de la
délivrance d’un commandement de payer en matière de saisie immobilière, suivi
d’une audience d’orientation devant le JEX.